Mitteleuropa Balkans (211) Slovaquie (5)

Le protectorat de Bohême-Moravie

C’est le 16 mars qu’Hitler proclame le Protectorat de Bohème-Moravie. Le président Hacha et le gouvernement restent en place mais c’est uniquement pour la galerie, la réalité du pouvoir appartenant au Reichsprotektor in Böhmen und Mähren, Konstantin von Neurath très vite supplanté par son second Reinhard Heydrich «l’homme au cœur de fer» disait Hitler.

Konstantin von Neurath

Il devient chancelier du Reich le 24 avril 1943 mais garde un œil sur le protectorat où il n’hésite pas à se rendre en visite, échappant à plusieurs attentats dont certains ne venait pas forcément de la Résistance Tchécoslovaque si vous voyez ce que je veux dire.

Le protectorat c’est 56600 km² et 7.3 millions d’habitants.

Suite à la fin de la guerre de Pologne, le gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres espère reconstituer le pays quitte à devoir consentir à de sérieux sacrifices territoriaux vis à vis de l’Allemagne mais très vite doit déchanter. Les tchécoslovaques comprennent qu’il faudra attendre un nouveau conflit et espérer une victoire des franco-britanniques.

Dans un premier temps les allemands cherchent à gagner «les cœurs et les esprits» en ménageant le peuple tchèque et en s’attaquant aux exilés politiques allemands anti-nazis ou encore aux élites intellectuelles mais très vite la répression se durcit notamment après les manifestations du 28 octobre 1939 célébrant le 21ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance de la Tchécoslovaquie.

Les universités sont fermées, les intellectuels emprisonnés ou condamnés à l’exil. Face aux premiers mouvements de résistance armée, des opérations de ratissage sont menées par les allemands et leurs collaborateurs tchèques.

Le protectorat possède une petite armée qui sera graduellement renforcée mais juste ce qu’il faut pour lutter contre la résistance et surtout pas pour devenir le bras armée d’une éventuelle révolte armée contre l’Allemagne.

La répression ne cesse de se durcir jusqu’à la guerre civile où la Bohème-Moravie est le théâtre d’une féroce lutte d’influence entre les trois triumvirs (Goering, Borman et Himmler) mais solidement tenue en main par Heydrich la région reste fidèle au duo Himmler/Heydrich.

Cette répression est assouplie après 1945 mais reste ferme mais plus discrète ce qui la rend plus efficace. La résistance tchécoslovaque est décapitée et ne représentera plus qu’une menace résiduelle jusqu’à la fin du second conflit mondial.

Durant le second conflit mondial la région sera sérieusement bombardée par les aviations alliées qui visaient les industries d’armement qui tournaient à plein régime pour l’Allemagne.

La région est occupée au printemps 1954 par les soviétiques qui ne vont pas tarder à faire basculer la Tchécoslovaquie dans leur escarcelle par un savant mélange de pressions politiques et de pressions militaires. Les occidentaux laisseront faire ne voulant pas risquer un nouveau conflit pour la Tchécoslovaquie. Qui à dit que l’histoire ne repassait jamais les plats ?

La Slovaquie indépendante (indépendante vraiment ?)

Un certain Jozef Tiso

La figure centrale de l’Etat slovaque est Jozef Tiso (Bytca 13 octobre 1887 Bratislava 18 avril 1956), un prêtre catholique et professeur de théologie qui se lança en politique devenant député du parlement tchécoslovaque (1925-1939), ministre de la Santé et des Sports de 1927 à 1929 avant de devenir président du gouvernement autonome slovaque du 7 octobre 1938 au 9 mars 1939.

Parlant tchèque, slovaque et allemand, il est couramment appelé Monseigneur alors qu’il n’à jamais été archevêque et encore moins cardinal. Durant le premier conflit mondial il était aumonier militaire dans l’armée austro-hongroise.

En 1938 le père Andrej Hlinka fondateur du parti du peuple slovaque meurt. Joezf Tiso le remplace et va faire de ce parti le parti unique du nouvel état slovaque. Il devient le Parti populaire slovaque de Hlinka-Parti de l’unité nationale slovaque (Hlinkova slovenská ľudová strana – Strana slovenskej národnej jednoty, HSĽS-SSNJ) qui doit pour des raisons politico-diplomatique tolérer le Deutsche Partei et le Magyar Part qui représentent respectivement les minorités allemandes et hongroises.

Le régime de Tiso est un régiment «clérico-fasciste», autoritaire, nationaliste et antisémite mais pas spécifiquement nazi. Le président slovaque doit cependant tenir compte des plus extrémistes représentés par le chancelier Vojteck Tuka.

A la fin du conflit il s’enfuit en Autriche où il se cache. Découvert et arrêté, il est livré au gouvernement tchécoslovaque qui le juge en compagnie des leaders collaborationistes. Il est exécuté le 18 avril 1956 à Bratislava.

Le Parti du Peuple Slovaque

Andrej Hlinka

L’Etat slovaque étant un régime autoritaire il s’appuie sur un parti unique, le arti populaire slovaque de Hlinka-Parti de l’unité nationale slovaque (Hlinkova slovenská ľudová strana – Strana slovenskej národnej jednoty, HSĽS-SSNJ).

Ce parti à une longue histoire puisqu’il à vu le jour en 1913 alors que la Slovaquie n’était qu’un élément de l’empire austro-hongrois. Il est créé par un prêtre, le père Andrej Hlinka le 29 juillet 1913 dans un contexte de réveil des nationalités de la Double-Monarchie qui n’en peuvent plus de la dualité austro-hongroise et souhaiterait l’émergence d’un véritable empire confédéral et multinational.

Durant la première guerre mondiale le parti reste fidèle aux Habsbourgs pour éviter tout prétexte à Vienne pour agir contre les slovaques. A la fin du conflit le parti d’Hlinka se rallie à l’idée d’un état tchéco-slovaque qui allait devenir tchécoslovaque. Le parti intègre le deuxième conseil national slovaque qui entre octobre 1918 et janvier 1919va beaucoup aider dans la consolidation du nouvel état.

Le 17 octobre 1925 le parti du peuple slovaque devient le Parti du Peuple Slovaque Hlinka pour le distinguer du parti populaire tchécoslovaque.

C’est le premier parti de Slovaquie et jusqu’en 1938 c’est un parti respectueux des usages démocratiques. Son programme est certes fondamentalement chrétien et opposé au libéralisme mais le parti reste loyal à Prague et ne montre aucune volonté indépendantiste.

De 1927 à 1929 il est présent au gouvernement tchécoslovaque avec deux ministres dont Jozef Tiso mais quitte le gouvernement après le procès pour haute-trahison d’un de ses membres, Vojtech Tuka.

A partir du milieu des années trente le parti se radicalise. En août 1938 Andrej Hlinka meurt à l’âge de 74 ans, son poste restant vacant même si officieusement Jozef Tiso, vice-président dirigeant le parti. Cette situation baroque cesse en octobre 1939 quand celui qu’on appelle Monseigneur devient président du parti.

Durant la période de crise que connait la Tchécoslovaquie le parti participe aux manifestations anti-allemandes et refuse de suivre le parti des Sudètes dans la voie de la radicalité. Cela change clairement après les accords de Munich.

Jozef Tiso devient premier ministre de la Slovaquie autonome dans un contexte où le parti se déchire enttre la majorité conservatrice et l’aile radicale qui lorgne davantage vers le fascisme.

Les radicaux peuvent s’appuyer sur la Garde Hlinka (Hlinkova Garda)et sur les comités nationaux slovaques (Slovenské Národné Výbory).

Le 8 novembre 1938 après le premier arbitrage de Vienne tous les partis politiques slovaques sauf les sociaux-démocrates et les communistes sont absorbés par le parti Hlinka du peuple slovaque. Le parti national slovaque rejoint le parti le 15 décembre 1938.

Le nouveau parti devient clairement autoritaire et antisémite, obtenant 97.3% des votes et sur lesquels on trouve 72% issus du parti Hlinka du peuple slovaque.

Le 31 janvier 1939 tous les autres partis sont interdits à l’exception comme on l’à vu des partis allemands et hongrois.

Tiso est déposé par les tchécoslovaques suite à une volonté indépendantiste mais ce ne sera que pour peu de temps puisque poussé par les allemands il va déclarer l’indépendance de la Slovaquie dont il va devenir le dirigeant jusqu’à la fin du second conflit mondial. Le duel entre radicaux et conservateurs va se poursuivre jusqu’en 1954. Le parti disparaît dans les soubressauts du second conflit mondial.

Nombre de membres du parti seront poursuivis après guerre, les plus compromis étant condamnés à mort ou à de lourdes pertes de prison. De nombreux membres choisissent la voie d’un exil plus ou moins dorée en Amérique du Sud.

Comme tous les partis, le parti Hlinka du peuple slovaque possède un service d’ordre qui allez par la suite devenir une véritable force paramilitaire. Cela remonte aux origines mêmes du parti puisqu’en 1923 Andrej Hlinka et Vojtech Tuka mettent sur pied une milice appelée Rodobranna mais suite à plusieurs incidents elle est interdite par le gouvernement tchécoslovaque dès le 30 août 1923.

Elle est recrée en 1929 et de nouveau interdite. Elle renait en 1938 à l’époque des Sudètes. Le 8 octobre elle prend le nom de Garde Hlinka en l’honneur du charismatique fondateur du parti dont elle défend les intérêts avant de défendre ceux de l’Etat slovaque.

Suite à un décret du 29 octobre 1938 elle est la seule force paramilitaire autorisée sur le territoire slovaque. Composée des éléments les plus radicaux du parti Hlinka du Peuple Slovaque, elle traque sans répit les juifs, les communistes, les opposants politiques de gauche comme de droite.

Si le 1er Régiment «Andrej Hlinka» (en réalité de la taille d’un bataillon) est davantage destiné à la parade et à la propagande l’autre unité à un rôle plus opérationnel. Il s’agit du Groupe d’intervention d’urgence de la Garde Hlinka soit en version originale : Pohotovostné Oddiely Hlinkovey (POHG), un groupe de choc formé et entrainé par la Waffen S.S.

Le POHG considérée comme l’élément le plus extrémiste du parti dispose lui aussi de ses radicaux regroupés au sein du Nas Boj (Notre lutte).

Ce groupuscule à la différence du POHG restera fidèle à ses idées jusqu’à la fin du conflit et même après guerre ceux ayant échappé aux prisons tchécoslovaques finissant en Amérique du Sud comme mercenaires, hommes de main et autres tortionnaires pour les régimens militaires et autoritaires présents dans le sous-continent sud-américain.

A noter qu’au printemps 1953 le régime Tiso envisagea de transformer la Garde Hlinka en une véritable unité militaire rattachée à la Waffen S.S mais ce projet n’à connu qu’un début d’exécution et l’unité n’à jamais été engagée au combat. Le parti et ses organisations satellites ont été interdites dès la fin du conflit par le gouvernement tchécoslovaque en exil à Londres.

Une indépendance corsetée

Comme nous l’avons vu plus haut la Slovaquie à déclaré son indépendance dans un contexte particulier fait de volonté propre mais aussi de pression allemand.

Jusqu’au 21 juillet 1939 la Slovaquie porte le nom d’Etat Slovaque puis après cette date qui correspond à l’adoption de la constitution de Première République Slovaque. Les deux termes sont cependant utilisés sans distinction.

Au printemps 1939 les allemands décident de régler définitivement le problème tchécoslovaque et se pose donc la question de l’avenir de la Slovaquie.

En dépit des demandes hongroises d’annexion (Bratislava était l’ancienne Presbourg, capitale du royaume de Hongrie quand Buda était occupée par les ottomans), Berlin décide d’en faire un état satellite du Reich et une base de départ pour de futures opérations militaires.

Le 13 mars 1939 Tiso est convoqué à Berlin. Si la Slovaquie ne proclame pas son indépendance, il se moquera du sort des slovaques. En clair il laissera les polonais et les hongrois occuper les territoires qu’ils revendiquent. Tiso demande au moins pour la forme et la galerie un vote du parlement slovaque ce qu’Hitler accepte. Le parlement dans les conditions que l’on sait accepte et l’indépendance est proclamée.

Cela n’est pas du goût des hongrois qui le 23 mars 1939 passent à l’attaque. C’est le début de la guerre hungaro-slovaque qui allait durer jusqu’au 4 avril.

Le 22 mars 1939, une commission slovaquo-hongroise fixe la frontière commune entre les deux états pendant que les derniers soldats tchécoslovaques se retirent en Bohème-Moravie.

La Hongrie estimant qu’il n’y à plus aucune force militaire en Slovaquie envahit son petit voisin le 23. Il faut dire que dès le 15 une partie de la Slovaquie avait été occupée par les hongrois qui n’ayant vu aucune réaction décidèrent de pousser leur avantage plus loin.

Les forces slovaques sont d’abord surprises mais elles contre-attaquent le 24 mars soutenues par les troupes tchèques encore présentes en Slovaquie. Les combats sont cependant essentiellement aériens. Les bombardements hongrois causant des pertes civiles, ils n’améliorent pas la popularité de Budapest dans la région. Une trêve est négociée le 24 mais les combats vont continuer jusqu’au 31.

Comme un traité de protection à été signé entre l’Allemagne et la Slovaquie, le chef du nouvel état slovaque, Jozef Tiso demande une assistance en armes et matériel de la part de son protecteur qui refuse mais propose une intervention militaire allemande directe. Cette fois c’est le chef slovaque qui refuse de crainte que les alliés occidentaux ne prennent le parti de la Hongrie et ne décident d’entrer vraiment en guerre.

Au début du mois d’avril les deux pays entament des négociations qui s’achèvent par la signature d’un traité à Budapest le 4 avril.

La Hongrie reçoit un territoire dans l’est de la Slovaquie, un territoire de 1697km² peuplés de 69930 habitants, territoire où il n’y avait aucune population hongroise.

A l’automne la Slovaquie va être le seul état de l’Axe à participer à la Guerre de Pologne. Elle engage un premier groupe composé de six bataillons d’infanterie, deux bataillons d’artillerie et une compagnie du génie mais aussi un deuxième groupe qui comprend deux bataillons comprenant de la cavalerie et des unités motocyclistes ainsi que neuf batteries d’artillerie motorisée. Les unités slovaques se comportent honorablement.

Parmi les symboles de cette souveraineté limitée figure la Zone de Protection Allemande en Slovaquie, une partie de l’ouest de la Slovaquie dont la création survient le 23 mars 1939.

Ce jour là l’Allemagne et la Slovaquie signe un traité. Un traité d’amitié, d’assistance et de coopération ? Non que neni un traité de protection qui confirme à ceux qui n’y croyait pas que la Slovaquie de Joezf Tiso est un état satellite de l’Allemagne rien de plus.

Cette Schutzzone est officiellement créée le 28 août 1939 par un traité additionnel signé à Presburg pardon Bratislava. Dans cette zone les allemands décident de tout et peuvent utiliser cette zone comme base de départ pour l’invasion de la Pologne. La création de cette zone s’explique par la présence d’usines d’armements et d’importants dépôts d’armes de feu l’armée tchécoslovaque.

Autre limite à la souveraineté slovaque : en février 1940 les allemands obtiennent un remaniement ministeriel en menaçant de retirer leur garantie.

Entre-temps suite à sa participation à la guerre de Pologne, la 1ère République Slovaque à pu récupérer des territoires anciennement polonais.

Le 6 décembre 1940 la Slovaquie signe un traité de commerce et de navigation avec l’URSS.

La Slovaquie de Jozef Tiso est un état autoritaire, nationaliste et antisémite. Celui qui se fait appeler Monseigneur est le chef de l’Etat. Il s’appuie sur une assemblée ou Diète élue pour cinq ans et sur un conseil d’Etat qui fait office de Sénat. J’ai bien entendu pas besoin de préciser que ces deux assemblées n’ont que des pouvoirs très limités.

Les députés sont élus pour cinq ans (des élections ont eu lieu en 1940, 1945 et 1950, les prochaines prévues en 1955 n’ont naturellement jamais eu lieu), les membres du Conseil d’Etat étant nommés par le président. Le gouvernement se compose de huit ministres.

Sur le plan administratif le pays est divisé en six comtés ou zuppy (Bratislava, Nitra, Trencin, Tatra, Saris-Zemplin et Hron), 58 districts et 2659 municipalités. La capitale Bratislava est aussi la plus grande ville du pays avec 140000 habitants.

La Slovaquie est en 1939 peuplée de 2.6 millions d’habitants, 85% se déclarant slovaques 4.8% allemands, 2.9% tchèques, 2.6% ruthènes, 2.1% hongrois, 1.1% juifs et 0.9% roms. Les catholiques représentent trois quarts des habitants, le reste se répartissant entre luthériens et orthodoxes.

A la différence de la Bohème-Moravie, la Slovaquie reste encore très rurale avec 50% de la population vivant à la campagne.

Durant la Pax Armada le régime slovaque hésite entre brusques pousées autoritaires et relative libéralisation.

Ce n’est pas complètement certain faute d’archives indiscutables mais il semble que des contacts ont été liés avec le gouvernement tchécoslovaque à Londres en vue pourquoi pas de reconstituer la Tchécoslovaquie à condition que les allemands acceptent d’abandonner leur protectorat sur la Bohême-Moravie.

Edouard Benes qui selon un historien contemporain tchèque «n’à rien appris et n’à rien oublié» refuse tout autre projet qu’une Tchécoslovaquie unitaire avec quelques concession cosmétiques (comme l’intitulé «République de Tchéco-Slovaquie» ou symboliquement une partie du parlement se réunissant à Bratislava) fit capoter tout rapprochement.

Le régime slovaque contraint et forcé soutien l’Allemagne dans le second conflit mondial, proposant même l’envoi de troupes sur le front de l’ouest mais Berlin décline préférant réserver les unités slovaques à des combats en Europe centrale et orientale. Elle aurait pu participer à l’opération MARITSA mais va finalement participer à la «croisade antibolchévique», l’opération BARBAROSSA.

La petite armée slovaque va être engagée au combat sur le front russe aux côtés des allemands dans le cadre de l’opération BARBAROSSA.

Dans un premier temps elle se comporte honorablement mais très vite comme tous les contingents alliés les désertions se multiplient au fur et à mesure que la démotivation gagne les rangs. Les allemands retirent l’unité du front au printemps 1953 alors que le cours de la guerre ne fait plus guère de doute.

Une rébellion éclate en octobre 1953, les nationalistes et les communistes slovaques (très) provisoirement unis espèrent s’imposer aux alliés pour maintenir une Slovaquie indépendante mais l’Armée Rouge occupe le pays puis la Bohême-Moravie, les alliés occidentaux très afférés en Allemagne laissant Moscou faire ce qu’elle souhaite à l’est de l’Oder, de la Neisse, des Monts Métallifères même si officiellement rien n’est décidé.

La Tchécoslovaquie renait bien sous la forme d’une République (la Troisième République Tchécoslovaque) mais très vite les communistes vont prendre le pas sur les démocrates aboutissant au basculement de la Tchécoslovaquie dans le camp communiste et ce pour une trentaine d’années mais ceci est une autre histoire.

Mitteleuropa Balkans (210) Slovaquie (4)

La Crise des Sudètes et la Deuxième République Tchécoslovaque

La Crise des Sudètes et la capitulation de Munich

Carte linguistique de la Tchécoslovaquie en 1930.

Comme nous l’avons vu plus haut les allemands n’ont jamais accepté l’intégration à la Tchécoslovaquie estimant qu’ils devaient soit rejoindre l’Allemagne ou alors la République d’Autriche (ex-République Allemande d’Autriche).

La région s’agite donc ce qui pose de sérieux problèmes au gouvernement de Prague car cette région frontalière avec l’Allemagne doit accueillir un système fortifié comparable à la Ligne Maginot.

Ouvrage fortifié tchécoslovaque

Voilà pourquoi le gouvernement tchécoslovaque va d’abord tenter de calmer le jeu pour éviter que la région n’explose.

En face certains font preuve de bonne volonté, les partis dominant jusqu’en 1935 étant les chrétiens-sociaux, les sociaux-démocrates et les agrariens. On trouve même de nombreux communistes. Certains de ces partis appuient même le gouvernement de Prague, plusieurs allemands des Sudètes sont ministres. Nous sommes donc loin des allemands opprimés et martyrisés que décrivait la propagande nazie pour justifier ses actions.

L’arrivée au pouvoir des nazis change clairement la donne. En 1933 le gouvernement tchécoslovaque interdit deux partis allemands. En riposte Konrad Henlein met sur pied le Front Patriotique des Allemands des Sudètes qui devient en 1935 le Parti des Allemands des Sudètes (Sudetendeutche Partei SdP) pour pouvoir participer aux élections. Pour une première c’est une réussite puisqu’il remporte 44 sièges faisant de ce parti le deuxième derrière le parti Agrarien mais le premier en nombre de voix.

En 1937 le gouvernement tchécoslovaque cherche toujours à calmer le jeu alors que Henlein aiguillonné et soutenu par Berlin ne cesse de jeter de l’huile sur le feu.

L’Anschluss réalisé le 12 mars 1938 aggrave la situation puisque la frontière germano-tchécoslovaque s’accroit encore rendant encore plus sensible le maintien du «quadrilatère bohémien» dans l’Etat tchécoslovaque.

Le 24 avril 1938 le SdP publie un programme en huit points pour la mise en place d’un territoire allemand autonome. Ce programme est clairement rédigé pour être inacceptable pour le gouvernement tchécoslovaque, pousser ce dernier à la faute et justifier une intervention militaire allemande.

A la mi-mai 1938 des mouvements de troupes ont lieu côté allemand ce qui pousse Prague à ordonner une mobilisation partielle de son armée. Détail intéressant la mobilisation se passe dans le calme y compris dans la région des Sudètes.

En juin 1938 sous la pression de Londres, Prague accepte les revendications de Henlein mais ce dernier cherche à tout prix le conflit.

Le 12 septembre 1938 lors d’un discours tenu au Congrès du NSDAP à Nuremberg Hitler appelle les Sudètes à se révolter contre le gouvernement tchécoslovaque. Des émeutes éclatent ce qui pousse Prague à décréter la loi martiale. Henlein et ses proches doivent fuir en Allemagne. Le parti allemand des sudètes est interdit le 16 septembre 1938.

Pour éviter la guerre mais pas le déshonneur, les alliés occidentaux proposent la réunion d’une conférence qui se tient à Munich en présente de l’Allemagne, de l’Italie, de la France et de la Grande-Bretagne mais ni de la Tchécoslovaquie ni de l’URSS.

Moscou propose une assistance militaire à la Tchécoslovaquie (NdA dont on peut douter de l’efficacité en raison des purges qui frappent la RKKA) mais à condition que la France en fasse autant.

Il faudrait cependant obtenir l’accord de la Pologne et/ou de la Roumanie pour faire transiter des troupes soviétiques. Si Bucarest est ouverte à la discussion (en dépit de solides contentieux frontaliers avec l’URSS), Varsovie refuse catégoriquement.

Détail qui n’en est pas un, la France ne fait aucunement pression sur son allié polonais pour le pousser à accepter un transit de troupes soviétiques moins de vingt ans après la guerre entre les deux pays.

Suite à deux jours de conférence (29 et 30 septembre 1938), un accord est signé. Il fait consensus en France et en Grande-Bretagne où les munichois sont majoritaires. En France les communistes votent contre la ratification de l’Accord ce qui provoque la fin officielle du Front Populaire.

Chamberlain acclamé à sa descente d’avion déclare «ramener la paix pour notre temps» alors que Daladier persuadé d’être hué à sa descente d’avion au Bourget pour avoir tant concédé et si peu obtenu est stupéfait d’être acclamé.

Dans sa voiture il aurait déclaré selon la légende «Les cons si ils savaient…..» ce qui à moins de prestance que la célèbre phrase de Churchill «Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre», phrase qui visiblement et comme beaucoup de bons mots historique n’à jamais été dite sous cette forme.

Benes démissionne le 5 octobre 1938, les tchèques sont expulsés des territoires occupés par les allemands. Les tchèques se sentent légitimement trahis et plus grave les franco-britanniques sortent gravement discrédités ce qui à sans nul doute contribué au rapprochement germano-soviétique.

En Allemagne cet accord fait capoter un coup d’état militaire anti-nazi qui aurait du être déclenché dès le début du conflit que tout le monde pensait imminent.

Selon le texte des Accords de Munich, l’évacuation des territoires débute dès le 1er octobre et doit s’achever le 10. Aucune destruction ne sera admise, les conditions de l’évacuation devant être in fine déterminés par une commission composée de membres des pays signataires.

Cette commission déterminera également les régions soumises à plébiscite qui seront entre-temps occupées par des troupes internationales (NdA A ma connaissance cela n’à pas eu lieu).

Une commission internationale fixera les frontières définitives du nouvel état et dans un délai de six mois les territoires pourront être exclus ou transférés.

Dans un délai de quatre semaine tout allemand des Sudètes qui le souhaitera pourra être libéré des unités militaires et policières d’un Etat dont il n’est plus citoyen. Les prisonniers politiques doivent être libérés dans ce delai.

Les nouvelles frontières sont garanties (sic) par Paris et Londres, Berlin et Rome feront pareil quand la question des minorités polonaises et hongroise sera réglée (re-sic). Si le problème n’est pas réglé dans un délai de trois mois, une nouvelle conférence internationale se réunira.

Le 21 octobre 1938 les allemands des Sudètes deviennent officiellement citoyens du Reich.

Les Allemands des Sudètes avaient également leurs cousins orientaux, les Allemands des Carpathes présents en Slovaquie depuis le XIIIème siècle à une époque où les rois de Hongrie cherchaient des spécialistes pour développer leur royaume et notamment dans le domaine de l’extraction minière.

Très vite les populations germanophones forment des groupes puissants au sein des villes de la région, élites qui ne sont pas aussi homogène que cela puisqu’on trouve des catholiques, des juifs et des protestants.

Durant la période de la 1ère République Tchécoslovaque plusieurs partis ethniques représentent les intérêts des allemands. La rivalité naturelle entre partis n’empêche pas la mise sur pied de listes communes pour profiter à plein du système proportionnel. Force est néanmoins de constater que l’électorat germanophone est extrêmement volatile.

Lors des élections législatives de 1935, le Karpathendeutschen Partei (Parti des allemands des Carpathes) fait liste commune avec le SdP ce qui permet à ce parti d’obtenir un siège à la Chambre et un autre au Sénat.

En 1938/39 lors de la mise en place de l’Etat slovaque autonome, le parti centriste (Zentrum Deutsche Partei) et le KdP sont remplacés par le Deutsche Partei. Le 26 octobre 1938 un secrétariat d’Etat pour les intérêts du groupe national allemand en Slovaquie est mis sur pied. Les allemands des Carpathes ont deux puis trois sièges au parlement slovaque.

Durant la Pax Armada les relations entre le gouvernement slovaque et sa minorité allemande sont empreintes d’une profonde méfiance puisque cette population est considérée comme une cinquième colonne allemande et rappelle la sujetion de l’Etat slovaque à Berlin.

A plusieurs reprises des affrontements opposent la police slovaque à des manifestants slovaques germanophones. Cela ne va jamais très loin, Berlin rappelant très vite que la Slovaquie n’existe comme Etat indépendant que parce qu’ils le veulent bien.

Durant le second conflit mondial les allemands de Slovaquie s’engagent massivement dans l’armée slovaque, combattant notamment sur le front de l’est. Contrairement à la propagande du régime nazi, ils ne sont pas montrés forcément meilleurs que les autres populations de la Slovaquie.

Avec l’avancée de l’Armée Rouge, les allemands de Slovaque vont fuir vers l’ouest ou pour certains vers le sud, préférant être capturés par les alliés occidentaux que par les soviétiques.

Expulsés de Slovaquie sauf rares exceptions (personnes ayant résisté, conjoint de «slovaque de souche» ou travailleur qualifié) ils se sont réinstallés en Bavière où ils forment un groupe d’influence très bien organisé pour défendre une mémoire que la Slovaquie indépendante hésite à reprendre à son compte tant elle paraît positive pour certains côtés mais problématiques pour beaucoup d’autres.

La Deuxième République Tchècoslovaque

Ce nom de Deuxième République Tchécoslovaque est un nom d’usage car officiellement le pays continue d’être gouverné selon la constitution de 1920 mais comme le pays à perdu une bonne partie de son territoire et devient indéfendable face à une offensive allemande on considère que du 1er octobre 1938 au 15 mars 1939 la Tchécoslovaquie à connu sa deuxième république.

Emil Hacha

Le président Edouard Benès démissionne le 5 octobre 1938. Il est remplacé par un président par interim le général Jan Syrovy qui passe le relais à Emil Hacha élu le 30 novembre 1938.

La Bohème et la Moravie ont perdu 38% de leur superficie, la Hongrie à annexé 11882km² à la frontière slovaque et en Ruthénie (1er accord de Vienne).

Le gouvernement tchécoslovaque fait face à un afflux de réfugiés et à l’agitation des slovaques ce qui impose l’envoi de renforts militaires à l’est.

Le 6 octobre 1938 un accord est trouvé pour transformer la Tchécoslovaquie en république fédérale avec un gouvernement slovaque autonome avec à sa tête Josef Tiso.

Aux élections du 18 janvier 1939 le Parti du Peuple Slovaque reçoit 98% des voix et en février Hitler accorde son soutien à un Etat slovaque indépendant probablement moins par sympathie pour les slovaques que pour faire pression sur Prague mais aussi sur Budapest.

Le 22 février 1939 Josef Tiso propose de déclarer l’indépendance. Emil Hacha décrète la loi martiale, l’armée tchécoslovaque intervient le 9 mars, Tiso étant destitué.

Le 14 mars 1939 Tiso soutenu mais aussi pressé par les allemands déclare la Slovaquie indépendante. Légaliste il à demandé un vote du parlement, un vote fait dans un contexte difficile avec rumeurs (des fake news dirions nous aujourd’hui) et des pressions.

Parallèlement Emil Hacha est convoqué à Berlin. Hitler menace le pays d’une intervention militaire, d’un bombardement sur Prague. Le président tchécoslovaque qui sait ne pouvoir résister, qui sait que les alliés occidentaux ne bougeront pas cède mais contrairement à la légende il n’aurait fait ni malaise ni crise cardiaque.

Le 15 mars 1939 les allemands entrent en Tchécoslovaquie sans résistance ou presque.

A notre connaissance nous ne trouvrons qu’un exemple de résistance armée, un affrontement qui à lieu à Ostrava la Bataille des Casernes de Cajanek mais ce combat n’à été provoqué que parce que les allemands ont coupé les communications avant que l’ordre de ne pas résister soit envoyé au 8ème régiment d’infanterie.

Le commandant des soldats tchécoslovaques, le capitaine Karel Pavlik parviendra à gagner la France à rejoindre l’armée tchécoslovaque en exil et combattra durant la Campagne de France, recevant la Légion d’Honneur et la Médaille Militaire à titre posthume.

La Tchécoslovaquie après à peine vingt ans d’existence disparaît avec une Slovaquie indépendante et un protectorat de Bohème-Moravie.

En octobre 1939 Edouard Benès forme à Londres un gouvernement en exil qui est reconnu par les alliés comme le seul gouvernement tchécoslovaque légitime. Il reviendra à la libération du pays en 1954 mais la Troisième République Tchécoslovaque sera très éphémère mais ceci est une autre histoire.

Le 15 mars l’Ukraine Subcarpathique proclame son indépendance mais aussitôt les hongrois occupent la région.

Les allemands mettent la main sur une puissante industrie militaire qu’ils vont faire tourner à leur profit. Ils récupèrent aussi les précieux stocks de l’armée tchécoslovaque ce qui compensera nombre de carences d’une armée qui n’à commencé sa remontée en puissance officiellement qu’à partir de 1935.

L’armée de terre récupère 2175 canons, 469 chars, 500 pièces de DCA, 43000 mitrailleuses, 1.09 million de fusils, 114000 pistolets, des millions d’obus et de projectiles divers. De quoi équiper ou rééquiper plusieurs divisions d’infanterie voir des Panzerdivision, plusieurs de ces unités recevant des chars tchécoslovaques.

Mitteleuropa Balkans (209) Slovaquie (3)

La première république tchécoslovaque (1918-1939)

A la fin du 19ème siècle des contacts sont noués entre tchèques et slovaques sur la possibilité de créer un état Tchéco-Slovaque. Tomas Masaryk premier président de la république tchécoslovaque était slovaque et partisan d’une union avec les tchèques.

Tomas Masaryk

Une union tchécoslovaque voit le jour en 1898 pour effectuer un travail de lobbying au sein de l’Autriche-Hongrie mais les tentatives pour créer un troisième pôle slave au sein de l’Autriche-Hongrie est torpillée aussi bien par les allemands que par les hongrois.

Quand le premier conflit mondial éclate les tchèques comme les slovaques présents en Autriche-Hongrie accepte sans trop broncher la mobilisation. Cette attitude qui peut étonner s’explique probablement par l’espoir qu’un tel comportement sera récompensé après guerre surtout en cas de victoire de la part des empires centraux.

Ce n’est qu’avec la dégradation causée par le conflit que les différentes nationalités de la Double-Monarchie vont aggraver les fissures d’un colosse aux pieds d’argile avant de provoquer son effondrement. De nombreux tchèques et slovaques vont déserter et vont former différentes Légions tchécoslovaques qui vont combattre aussi bien à l’ouest que sur le front russe. 1.4 million de soldats tchèques, slovaques et ruthènes furent mobilisés dans l’armée austro-hongroise avec au final 150000 morts.

En 1916 à Paris est créé le Conseil National Tchécoslovaque, un conseil animé par Tomas Masaryk, Edouard Benes et Milan Stefanik.

Le 31 mai 1918 les tchèques et les slovaques ont signé l’Accord de Pittsburgh. Il prévoit la constitution d’un Etat Tchéco-Slovaque avec une Slovaquie disposant de sa propre Assemblée ce qui aurait donné naissance à un état confédéral.

De juin à décembre 1918 le conseil est reconnu par la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Japon comme le représentant officiel du prochain Etat tchécoslovaque. Le 14 octobre 1918 le conseil devient un gouvernement provisoire avec Masaryk comme président Benes comme ministre des affaires étrangères et Stefanik ministre de la guerre.

Le 18 octobre 1918 alors qu’il est aux Etats-Unis, Tomas Masaryk proclame l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Il réclame l’intégration de tout le Royaume de Bohème ce que refuse les députés allemands de Bohème accompagnés par d’autres députés germanophones qui tentent d’imposer un état germano-autrichien indépendant.

L’indépendance de la Tchécoslovaquie est officiellement proclamée dans le hall Smetana de la mairie de Prague qui après avoir été la capitale du royaume de Bohème devient celle du nouvel état Tchéco-Slovaque qui ne va pas tarder à devenir Tchécoslovaque au grand dam des slovaques. Ces derniers rejoignent officiellement le nouvel état le 30 octobre 1918 lors d’une réunion dans la ville de Martin.

Béla Kun

Ultérieurement des troupes tchécoslovaques vont participer à la guerre civile russe puis interviennent contre la Hongrie des conseils de Béla Kun.

Deux traités de paix vont concerner la Tchécoslovaquie, le Traité de Saint Germain en Laye signé le 10 septembre 1919 et le Traité de Trianon signé le 4 juin 1920.

Le premier voir la Cisleithanie partie autrichienne de l’Autriche-Hongrie est disloquée et remplacée par sept états successeurs. Il est entré officiellement en vigueur le 16 juillet 1920. Les autrichiens étant considérés comme un peuple vaincu n’obtiennent pas le droit de disposer d’eux-mêmes et le texte est écrit en français, anglais, italien et russe mais pas en allemand ce qui est un signe ! Les autrichiens en colère mettent le feu à l’ambassade de France à Vienne le 23 mai 1919.

Ce texte reconnaît l’existence d’un Etat commun aux tchèques et aux slovaques. Les allemands des Sudètes et ceux d’Autriche se voient refuser l’intégration à la République de Weimar et la République allemande d’Autriche devient la République d’Autriche et se voit refuser la possibilité de réaliser l’Anschluss (article 88).

Le second voit la Hongrie être réduite à la portion congrue. Pour Budapest c’est le jour et la nuit puisqu’on passe en 1914 à une situation où 21% des sujets de la Transleithanie être non-magyars à une situation où 3.3 millions de hongrois sont sous souveraineté étrangère.

Le traité est un traumatisme majeur pour la Hongrie, représentant une histoire qui ne passe toujours pas. Même Aristide Briand et Lloyd George reconnaissent un traité injuste appuyé sur des documents mensongers.

La Slovaquie et la Ruthénie Subcarpathique rejoignent la Bohème et la Moravie pour former la Tchécoslovaquie qui comprend des tchèques, des slovaques, des ruthènes, des allemands et des hongrois.

La première république tchécoslovaque va très vite se heurter à sa composition multiethnique sans oublier des litiges frontaliers avec la Pologne mais ces derniers vont être vite réglés entre deux nouveaux états qui n’ont pas intérêt à s’affronter du moins pas dans l’immédiat.

Alors que toute l’Europe centrale et orientale succombe aux sirènes autoritaires, la Tchécoslovaquie reste une démocratie parlementaire.

Le 18 novembre 1918 Tomas Masaryk devient le premier président de la Tchécoslovaquie. La constitution tchécoslovaque est adoptée le 29 février 1920, texte qui s’inspire des lois constitutionnelles de la Troisième République.

Ce texte comprend en préambule une Loi Préliminaire de dix articles (Article I à X) qui s’occupe de la période transitoire. Le texte proprement dit appelé officiellement Charte Constitutionnelle de la République Tchécoslovaque comprend les principaux éléments suivants :

-Le Titre premier concerne les dispositions générales avec cinq articles qui traitent des dispositions générales et des principaux symboles de l’Etat.

-Le Titre 2 (articles 6 à 54) s’occupe du pouvoir législatif. Ce dernier est assuré par l’Assemblée Nationale qui comporte une Chambre des Députés et un Sénat.

La chambre des députés comprend 300 députés élus au suffrage universel à la proportionnelle pour six ans alors que le Sénat est composé de 150 membres élus de la même façon mais pour huit ans.

-Le Titre 3 (Article 55 à 93) concerne le pouvoir exécutif. Le président de la république est élu par l’Assemblée Nationale. Il doit être citoyen tchécoslovaque, éligible à la Chambre des députés et âgé d’au moins 35 ans.

Pour que l’élection soit valide les députés et les sénateurs présents doivent représenter la majorité absolue (soit 226) et l’élection se fait à la majorité des 3/5. Après deux tours si il n’y à pas de vainqueurs, les candidats en tête sont départagés au plus grand nombre de suffrage lors d’un nouveau scrutin. Si l’égalité persiste, on laisse le sort décider.

Le président est élu pour sept ans avec deux mandats consécutifs. Il doit ensuite attendre un délai de sept ans avant un éventuel nouveau mandat.

Il nommé et révoque le président du gouvernement et les ministres. Ces pouvoirs sont plus étendus que ceux de son homologue français.

-Le Titre IV concerne le pouvoir judiciaire (Article 94 à 105)

-Le Titre V (article 106 à 127) concerne les droits, les libertés et les devoirs des citoyens avec l’égalité (art.106), la liberté de la personne et de la propriété (art. 107 à 111), la liberté de domicile (Art. 112), la liberté de la presse, le droit de réunion et d’association (art.113 et 114), le droit de pétition (Art.115), le secret de la correspondance (Art.116), la liberté d’enseignement, de conscience et d’opinion (Art.117 à 125), le mariage et la famille (Art.126) et les devoirs militaires (Art.127).

-Le Titre VI concerne la protection des minorités nationales, religieuses et raciales (Articles 128 à 134).

La République Tchécoslovaque refuse d’accéder à la volonté des hongrois et des allemands de retrouver respectivement la Hongrie et l’Allemagne.

Les débuts du nouvel état sont difficiles avec une République slovaque des conseils soutenus par leurs homologues hongrois mais cette république est éphémère (16 juin au 7 juillet 1919), la république ne résistant à la défaite de la Hongrie de Béla Kun face aux troupes roumaines.

Les premières élections législatives ont lieu le 18 avril 1920. Le choix de la proportionnelle si elle est louable pour permettre à tous les courants politiques d’être représentés fragilise le pouvoir exécutif qui doit faire face à une forte instabilité gouvernementale.

Certaines années pas moins de neuf partis étaient nécessaires pour soutenir le gouvernement. Il faut dire qu’à la division politique et idéologique s’ajoute la division ethnique, chaque nationale ayant pour ainsi dire son parti social-démocrate, son parti agrarien, son parti libéral……. .

En 1921 la République Tchécoslovaque comprend 13 613 172 habitants répartis entre 51% de tchèques, 23.4% d’allemands (Allemands des Sudètes et des Carpathes), 14% de slovaques, 5.5% de hongrois, 3.4% de ruthènes, 1.3% de juifs germanophones et 1.4% de divers (essentiellement des polonais, des roumains et des roms).

Dans un premier temps ce sont les sociaux-démocrates qui dominent avant d’être progressivement évincés par les agrariens.

La présidence de la République est plus stable. Non concerné par la règle des deux mandats consécutifs, Tomas Masaryk élu en 1920 est réelu en 1927 puis en 1934. Il se retire en 1935 à l’âge de 87 ans, remplacé par Edouard Benes.

Sur le plan de la politique extérieure c’est la période de la Petite Entente, une série de traités d’alliance avec la Yougoslavie et la Roumanie pour s’opposer à une Hongrie qui n’à pas digéré le traité de Trianon, probablement le plus dur de tous les traités de paix.

Malgré sa dénomination française Les français n’en sont pas les initiateurs puisque son origine remonte au 14 août 1920 quand la Tchécoslovaquie, la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes _Yougoslavie à partir de 1929_ signent un accord d’assistance pour se prémunir de la menace hongroise, Budapest n’ayant jamais accepté le traité du Trianon.

Cette alliance est renforcée par des accords bilatéraux entre la Roumanie et la Tchécoslovaquie (23 avril 1921), entre la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (7 juin 1921) et entre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Tchécoslovaquie (31 août 1921).

La Petite Entente entend garantir, par la force si besoin, les traités de paix. Cette alliance est cependant imparfaite et incomplète puisque ne prenant pas en compte les autres menaces que ce soit l’URSS (vis à vis de la Roumanie), l’Italie (vis à vis de la Yougoslavie) ou encore l’Allemagne et la Pologne (vis à vis de la Tchécoslovaquie).

Suite aux accords de Locarno, la France signe des alliances militaires avec Prague (16 octobre 1925), avec Bucarest (10 juin 1926) et Belgrade (novembre 1926).

On verra que les traités d’assistance c’est comme les promesses cela n’engage que ceux qui y croient.

Mitteleuropa Balkans (208) Slovaquie (2)

HISTOIRE

Tchèques et Slovaques avant la Tchéco-Slovaquie

Avant de former un état ce sont des régions et des territoires plus ou moins autonomes et plus ou moins indépendants.

Bohème

Le Royaume de Bohème (en rouge vif) en 1618

-Le nom Bohème (en tchèque Cechy et en allemand Böhmen) vient d’un peuple vivant jadis dans la région les Celtes Boeins nom auquel fût accolé le terme germanique de Heim (hameau). C’est une région de plateaux fertiles que ces celtes auraient occupé au début du 6ème siècle avant notre ère mais naturellement les sources historiques manquent pour avoir une date précise.

-Les Boeins auraient été chassés à l’époque d’Auguste par les marcomans avant de se fondre chez un autre peuple germanique, les Bavaari (qui à donné le nom de Bavière).

-Les Slaves arrivent dans la région au 6ème siècle et au siècle suivant un royaume slave de Bohème aurait existé. Je dis bien aurait car là encore les sources historiques manquent.

-En 1086 le duc Vratislav II de Bohème de la dynastie des Premysildes devient roi quand la Bohème passe du rang ducal au rang royal suite à un décret prit par l’empereur germanique Henri IV. Ce royaume rentre immédiatement dans l’orbite du Saint Empire Romain Germanique né en 962 quand Othon 1er roi de Germanie relève une couronne impériale sans titulaire et sans existence depuis 888 et la mort de Charles le Gros.

-C’est également à cette époque que commence la colonisation germanique de la Bohème, une colonisation qui concerne d’abord les territoires forestiers de l’ouest peu peuplés puis les villes où allemands, juifs et Roms (qui héritent à cette époque du surnom de Bohémiens) cohabitent avec les tchèques.

Au 15ème et au 16ème siècle la Bohème connait un véritable age d’or avec un développement économique et culturel remarquable.

En 1526 le roi Louis II de Hongrie de la dynastie des Jagellon est tué par les ottomans à la bataille de Mohacs. C’est la fin de l’indépendance hongroise et le début de son morcellement.

Son beau-frère Ferdinand d’Autriche qui était aussi frère de Charles Quint devient roi de Bohème marquant l’intégration de la Bohème dans les territoires patrimoniaux de la maison d’Autriche même si officiellement et jusqu’en 1547 la couronne de Bohème est élective. A partir de cette date jusqu’en 1918 la couronne de Bohème devient héridtaire au sein de la Maison de Habsbourg (Habsbourg-Lorraine en 1780) à l’exception de quelques mois en 1619 et 1629.

A partir du 17ème siècle la situation se dégrade avec les guerres de religion et surtout la terrible guerre de Trente Ans qui ravage les pays allemands et leurs dépendances immédiates, les armées vivant sur le pays les conséquences pour les populations civiles sont absolument terrifiantes.

En 1918 la Bohème va intégrer la Tchécoslovaquie, sa ville principale Prague devenant la capitale du nouvel état. Amputé de plusieurs territoires au moment des Accords de Munich, affaiblie par l’autonomie slovaque, la Tchécoslovaquie cesse d’exister le 14 mars 1939 quand les allemands envahissent le pays sans que les alliés occidentaux ne réagissent. Le lendemain 15 mars la Slovaquie sous la pression des allemands et pour éviter une annexion par la Hongrie proclame son «indépendance» pendant que la Bohême-Moravie devient un protectorat, situation qui allait durer près de quinze ans.

Moravie

Cette région appelée Morava en tchèque et Mähren en allemand est indissolublement associée à la Bohème voisine, l’union définitive datant du premier tiers du 11ème siècle. Ses villes principales sont Brno et Olomouc.

Dans l’antiquité la région est peuplée par les celtes qui sont ensuite remplacés par différentes peuplades germaniques. Au 3ème siècle de notre ère on trouve des traces de peuplement lombard, un peuple venu de Scandinavie et qui allait donner son nom à une région d’Italie.

Au 6ème siècle comme en Bohème les slaves occupent la région mais sont tiraillés entre l’influence franque à l’ouest et l’influence des avars à l’est.

Au 9ème siècle (833) une Grande Moravie voit le jour, regroupant le nord de l’Autriche et de la Hongrie actuelle, l’ouest de l’Ukraine Subcarpathique et un peu plus tard d’une partie de la Bohéme et de l’est de la Silésie.

A partir de 863 deux missionaires, Cyrille et Methode entame l’évangélisation et la christianisation de la région.

Cette Grande Moravie à une existence éphémère et la région se lie à la Bohème à une date inconnue (1019 ou 1029 selon les sources). La Moravie intègre de facto le Saint Empire Romain Germanique et la Maison d’Autriche. En 1182 la Moravie devient un magraviat.

En 1806 la Moravie tout comme la Bohème intègre l’Empire d’Autriche qui succède au St Empire Romain Germanique puis à partir de 1867 à l’Empire d’Autriche-Hongrie, la Moravie dépendant de la partie autrichienne de la Double-Monarchie à savoir la Cisleithanie.

En 1918 elle intègre la Tchécoslovaquie puis au printemps 1939 le Protectorat (Reichsprotektorate) de Bohême-Moravie, situation qui dure jusqu’à la reconstitution d’une Tchécoslovaquie indépendante à la fin du second conflit mondial en Europe.

Slovaquie

La Slovaquie en 1943

Tout comme la Bohème et la Moravie la Slovaquie est peuplée durant la période antique de celtes venus des Alpes du centre de l’Allemagne. Ils s’y installent vers la fin du 2ème siècle avant notre ère.

Ils introduisent la civilisation de la Tène dans la région du Danube, construisant des enceintes fortifiées appelées oppidum et sont les premiers à battre monnaie. Il existe une forme de proto-état avec un oppidum «panceltique» près de l’actuelle Bratislava.

A la fin du 1er siècle les celtes de la région sont chassés à la fois par la poussée romaine et par la poussée de différents peuples germains notamment les marcomans et les quades.

Les Slaves arrivent dans la région vers l’an 500 et cohabitent un temps avec les gépides, les lombards et les turbulents avars avec lesquels les rapports sont immédiatement conflictuels. Les slaves profitent de l’affaiblissement des avars qui doivent affronter les byzantins.

A la fin du 7ème siècle deux principautés voient le jout sur l’actuel territoire slovaque, la Morava centrée sur l’ouest de la Slovaquie et la Moravie et la Nitra centrée sur l’ouest et le centre de la Slovaquie, les Carpathes blanches font office de séparateur.

Au cours de la 1ère moitié du 8ème siècle est amorcé un processus de christianisation et d’évangélisation, processus poursuivie par le Royaume de Francie orientale de Louis le Germanique qui après le traité de Verdun (843) _plus connu pour être le premier texte rédigé dans ce qui s’approche le plus du français et de l’allemand que pour ses clauses politiques_ se concentre sur ses marches orientales, véritables front pionniers et terres de mission à évangéliser et à coloniser.

C’est peu avant cet événement qu’avait vu le jour une Grande Moravie qui reste un état vassal de la Francie orientale, la faute à une instabilité chronique habilement exploitée par les voisins pour éviter de voir naitre un géant en Europe centrale. Une guerre aux résultats incertains opposent les francs alliés aux bulgares et les moraves.

En 862 les frères Cyrille et Methode arrivent en Moravie pour procéder à l’évangélisation de la région. Ce choix de se tourner vers Byzance répond à une volonté des moraves d’équilibrer les influences occidentales et orientales.

A cela s’ajoute vraisemblablement une plus grande souplesse des missionnaires qu’on appelle pas encore orthodoxes que de leurs homologues occidentaux ainsi qu’une volonté de la papauté de ne pas trop renforcer les évêques de Bavière qui lorgnent sur la région.

En dépit de cette évangélisation byzantine la Moravie reste politiquement parlant sous l’influence des francs.

Au 11ème siècle l’actuelle Slovaquie intègre le Royaume de Hongrie. En 1541 la ville de Buda tombe aux mains des ottomans. Par la force des choses la ville de Presbourg future Bratislava devient la capitale et la ville de couronnement des rois de Hongrie.

Au XVIIIème siècle on assiste à un éveil identitaire des slovaques. En 1787 dans le contexte des Lumières une première codification de la langue slovaque est réalisée. Ce réveil culturel se fait également dans le contexte de l’émergence de l’idéologie panslaviste.

En 1847 les catholiques et les luthériens s’entendent sur une langue slovaque commune.

L’année suivante au cours du Printemps des Peuples les slovaques se rangent du côté des autrichiens contre les hongrois ce qui n’empêche pas le nationalisme slovaque de continuer sa croissance et son développement.

En 1867 le compromis qui fait suite à la défaite de Sadowa exclue les slaves. Au projet d’une monarchie confédérale on préfère une monarchie duale avec les autrichiens et les hongrois. La Slovaquie dépend alors de la Transleithanie, la partie magyare de la Double-Monarchie. Le nationalisme slovaque connait un véritable coup de frein.

En 1918 l’Autriche-Hongrie véritable colosse aux pieds d’argile s’effondre. Les slovaques intègre un nouvel état la Tchéco-Slovaquie qui devient très vite la Tchécoslovaquie. Plus riches, plus puissants, les tchèques ne tardent pas à prendre les commandes du pays, cachant mal le mépris que leur inspire des slovaques plus ruraux et plus catholiques alors que les tchèques sont davantage athées voir a minima déchristianisés.

En 1938 la Slovaquie devient autonome suite aux accords de Munich, autonomie qui devient «indépendance» le 15 mars 1939 sous la pression des allemands prêts à rendre la Slovaquie à une Hongrie revancharde qui n’avait pas oublié le traité de Trianon qui avait réduit son territoire historique à la portion congrue.

La Slovaquie devient un état autoritaire, nationaliste, antisémite dirigé par un prêtre, Josef Tiso, l’Etat devenant un satellite de l’Allemagne et le restera jusqu’à la fin du second conflit mondial qui voit la fin de l’indépendance slovaque qui réintègre une Tchécoslovaquie qui ne tarde pas elle à aussi à replonger dans l’autoritarisme, un autoritarisme communiste mais un autoritarisme quand même.

Mitteleuropa Balkans (207) Slovaquie (1)

UNE AUTRE SECONDE GUERRE MONDIALE

T.11 MITTELEUROPA ET BALKANS

VOLUME 6 : SLOVAQUIE

AVANT-PROPOS

Le 22 mai 2020 j’ai commencé le tome 11 de ma gigantesque que dis-je de ma monumentale, de ma vertigineuse uchronie qui après dix tomes (T1 France T2 Allemagne T3 Grande-Bretagne T4 Etats-Unis T5 Japon T6 Italie T7 URSS T8 Dominions T9 Benelux T10 Scandinavie) comprend 8395 pages !

Le 12 avril 2021 j’ai terminé la Grèce (Tome 11 vol.5) portant le total de pages écrites à 9707 pages (NdA quand je vous dis que je vais dépasser les 10000 pages…..)

Ce Tome 11 est le dernier des tomes concernant des nations belligérantes puisque le Tome 12 sera consacré aux nations neutres sous la forme de fiches synthétiques (NdA enfin des fiches synthétiques à la mode Clausewitz).

Ce Tome 11 disposera de six volumes, le premier consacré à la Hongrie, le deuxième consacré à la Bulgarie, le troisième consacré à la Roumanie, le quatrième à la Yougoslavie, le cinquième à la Grèce et enfin le sixième à l’Etat indépendant de Slovaquie apparu au printemps 1939 suite au démantèlement de ce qui restait de la Tchécoslovaquie. Comme pour le tome 10 il y aura des nations alliées et des nations ayant appartenu à l’Axe.

L’organisation sera différente selon les volumes. Si le volume 1 ne possédait pas de partie marine, si le volume 6 consacré à la Slovaquie n’en possèdera pas non plus (et pour cause !), les volumes 2 à 5 consacré respectivement à la Bulgarie, à la Roumanie, à la Yougoslavie et à la Grèce posséderont une partie consacrée à la marine qui fera suite à la partie traditionnelle consacrée à l’histoire générale.

La troisième partie sera consacrée à l’armée de terre avec d’abord une partie sur l’histoire militaire du pays, une partie sur l’organisation générales et des plus ou moins grandes unités et enfin une partie sur l’armement et les véhicules. Je terminerai par une partie consacrée à l’armée de l’air, son histoire, son organisation et son équipement.

Après cette partie consacrée au plan général revenons un peu sur l’histoire avec un grand H. J’ai eu du mal à définir l’étendue géographique qui est nettement moins évidente que celles des deux derniers tomes (Scandinavie, Benelux). J’ai finalement choisit «Mitteleuropa et Balkans» soit en français «Europe du milieu et Balkans».

Tout comme le terme Scandinavie il est peut être inapproprié pour les puristes mais je pense que c’est pas mal (j’avais un temps pensé à «Europe danubienne et balkanique» mais cela ne me satisfaisait pas totalement).

Mis à part peut être la Grèce (et encore !) ces pays ont un point commun celle d’avoir été gravement impactés par la première guerre mondiale et les traités qui y ont mis fin.

Nous avons d’abord les pays vaincus comme la Hongrie et la Bulgarie qui ont souffert de traités particulièrement musclés notamment le pays des magyars qui passa du statut de puissance majeure au sein d’une double-monarchie austro-hongroise au statut d’une puissance de second ordre enclavée en Europe centrale. La Bulgarie avait du également rendre des comptes aux alliés occidentaux pour s’être alliée aux empires centraux.

La Yougoslavie était elle un des états issus de l’éclatement de l’empire austro-hongrois en compagnie de la Tchécoslovaquie et partiellement de la Pologne. De cet état tchécoslovaque naquit au printemps 1939 un état slovaque souverain, une souveraineté biaisée par le fait que Bratislava devait tout à l’Allemagne.

La Roumanie et la Grèce en revanche avaient appartenu au camp des vainqueurs même si leur participation à la première guerre mondiale à été plutôt limitée, Bucarest livrant une prestation catastrophique et ne devant son salut qu’à une preste assistance alliée (et surtout française) alors qu’Athènes fût engagée contrainte et forcée dans le conflit, sa participation étant parasitée par un conflit entre un premier ministre pro-allié (Venizelos) et un roi pro-allemand (Constantin 1er).

Dans l’immédiat après guerre cette région est traversée par de vigoureuses secousses entre Blancs et Rouges, entre pro-allemands et pro-alliés.

C’est aussi le théâtre d’une lutte d’influence où la France tente de nouer un réseau d’alliance pour contre une réémergence de la menace allemande et pour tendre un cordon sanitaire contre la Russie bolchevique. Pas étonnant que ces différents pays aient connu pour la plupart des régimes autoritaires souvent réactionnaires parfois fascisants.

C’est l’acte de naissance de la Petite Entente. Les français n’en sont pourtant pas à l’origine puisque son origine remonte au 14 août 1920 quand la Tchécoslovaquie, la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes _Yougoslavie à partir de 1929_ signent un accord d’assitance pour se prémunir de la menace hongroise, Budapest n’ayant jamais accepté le traité du Trianon le 4 mai 1920.

Cette alliance est renforcée par des accords bilatéraux entre la Roumanie et la Tchécoslovaquie (23 avril 1921), entre la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (7 juin 1921) et entre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Tchécoslovaquie (31 août 1921). La Petite Entente entend garantir, par la force si besoin, les traités de paix.

Cette alliance est cependant imparfaite et incomplète puisque ne prenant pas en compte les autres menaces que ce soit l’URSS (vis à vis de la Roumanie), l’Italie (vis à vis de la Yougoslavie) ou encore l’Allemagne et la Pologne (vis à vis de la Tchécoslovaquie).

Suite aux accords de Locarno, la France signe des alliances militaires avec Prague (16 octobre 1925), avec Bucarest (10 juin 1926) et Belgrade (novembre 1926).

Suite aux renoncements français de la fin des années trente, ces pays vont davantage se tourner vers l’Allemagne.

Nul doute que si la guerre de Pologne était devenu un conflit mondial nul doute que cette région aurait durablement échappé aux alliés. Son arrêt brutal en décembre 1939 permet à Paris et à Londres de remettre l’ouvrage sur le métier.

Plus facile à dire qu’à faire puisque si la réputation dégringole par l’ascenseur, elle remonte par l’escalier. Il faudra du temps, de la patience, du doigté et un soupçon de chance pour rendre la région moins hostile aux alliés.

C’est ainsi que des accords formels de coopération et d’assistance militaires sont signés avec la Yougoslavie et la Grèce, le premier étant signé à Belgrade le 14 septembre 1945 et le second à Athènes le 8 octobre 1946. Des tentatives vis à vis de la Hongrie, de la Roumanie et de la Bulgarie se heurtent à une telle inertie qu’elle équivaut à une fin de non recevoir.

Cette relance est donc limitée mais s’accompagne d’une coopération politique et militaire avec notamment la livraison de matériel militaire moderne ainsi que l’envoi comme dans les années vingt de missions militaires, le général Gamelin dirigeant celle en Yougoslavie et le général Georges celle envoyée en Grèce. L’envoi de généraux ayant été aux manettes de l’armée française est très apprécié par les gouvernements concernés qui y voient une profonde marque de respect.

Quand la guerre s’annonce inévitable à très court terme la région concernée par ce tome se partage entre pays pro-alliés mais sans excès (Yougoslavie, Grèce), des pays clairement pro-allemands (Hongrie, Slovaquie, Roumanie) et une Bulgarie qui accepte de se faire courtiser par les deux camps tout en veillant à ne pas se mettre à dos la Russie qui bien que communiste est toujours considérée par nombre de bulgares comma la Troisième Rome, protectrice des slaves.

Quand la seconde guerre mondiale éclate le 5 septembre 1948 ces différents pays mobilisent mais ne s’engagent pas directement dans le conflit. Question de temps dirions nous…… .

***

Ce dernier volume du onzième tome concerne donc la Slovaquie qui proclame son indépendance en mars 1939 suite à l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne. C’est la fin de la République Tchécoslovaque qui est séparée en deux entités : le protectorat de Bohême-Moravie et l’Etat indépendant de Slovaquie, indépendance corsetée par les allemands.

Carte allemande de la Slovaquie

A la tête de ce nouvel état un ecclésiastique, Monseigneur Tiso qui met en place un régime nationaliste, autoritaire et antisémite dans la droite ligne de régimes incarnés par Dolfuss en Autriche (jusqu’à son assassinat en 1934) ou par Salazar au Portugal.

Josef Tiso

L’Etat Slovaque devenu la République Slovaque en mars 1941 après la proclamation de la constitution va participer à la guerre de Pologne mais aussi à une guerre hungaro-slovaque où on ne peut pas dire que les slovaques aient fait des étincelles.

La fin rapide du conflit débuté en septembre 1939 rend la situation précaire pour les slovaques qui craignent que les allemands ne les sacrifient par exemple pour aboutir à un accord avec les alliés.

En réalité les franco-britanniques n’ont pas grand chose à faire des slovaques et des tchèques. Comme le dira un diplomate français «Nous nous sentions mal vis à vis des tchèques alors dans la région nous marchions sur des œufs».

L’assassinat d’Hitler en novembre 1939 et la fin de la guerre de Pologne marque le début de la Pax Armada. . Le gouvernement tchèque en exil à Londres espère la reconstitution de la Tchécoslovaquie mais très vite doit renoncer.

La Bohême-Moravie reste un protectorat allemand et la Slovaquie reste un état indépendant ce qui explique pourquoi il à fallu deux ans pour mettre sur pied une constitution tant la situation politique était incertaine.

Le régime de Tiso est le seul régime du type «clérico-fasciste» avec une conception «national-catholique» de l’Etat, un parti unique, un régime autoritaire, nationaliste et antisémite qui va participer à la déportation des Juifs en direction de la Pologne occupée.

En septembre 1948 la Slovaquie propose son aide à l’Allemagne pour l’opération WESERÜBUNG mais Berlin se contente de prendre acte cette demande. On peut se demander si la Slovaquie à sérieusement envisagé d’envoyer des troupes en Scandinavie où si il s’agissait d’une attitude courtisane. On ne le sera probablement jamais.

Le régime de Tiso se sait lié ad vitam aeternam avec l’Allemagne. L’indépendance est depuis longtemps une fiction si tant est qu’elle à vraiment existé un jour. Il faut rappeler que les allemands ont fait pression sur les slovaques pour aboutir à «l’indépendance» de la Slovaquie, Hitler menaçant de céder tous les territoires peuplés de slovaques à la Hongrie.

Durant la Pax Armada le régime slovaque hésite entre brusques poussées autoritaires et relative libéralisation. Ce n’est pas complètement certain mais il semble que des contacts ont été liés avec le gouvernement tchèque à Londres mais la volonté d’Edouard Bénès de reconstituer la Tchécoslovaquie sous sa forme unitaire avec quelques concessions cosmétiques fit capoter toute volonté de rapprochement.

Soldats slovaques (allemands ethniques) lors d’une cérémonie de décoration au moment de la guerre de Pologne

La petite armée slovaque va être engagée au combat sur le front russe aux côtés des allemands dans le cadre de l’opération BARBAROSSA. Dans un premier temps elle se comporte honorablement mais très vite comme tous les contingents alliés les désertions se multiplient au fur et à mesure que la démotivation gagne les rangs. Les allemands retirent l’unité du front au printemps 1953 alors que le cours de la guerre ne fait plus guère de doute.

Une rébellion éclate en octobre 1953, les nationalistes et les communistes slovaques (très) provisoirement unis espèrent s’imposer aux alliés pour maintenir une Slovaquie indépendante mais l’Armée Rouge occupe le pays puis la Bohême-Moravie, les alliés occidentaux très afferés en Allemagne laissant Moscou faire ce qu’elle souhaite à l’est de l’Oder, de la Neisse, des Monts Métallifères même si officiellement rien n’est décidé.

La Tchécoslovaquie renait bien sous la forme d’une République (la Troisième République Tchécoslovaque) mais très vite les communistes vont prendre le pas sur les démocrates aboutissant au basculement de la Tchécoslovaquie dans le camp communiste et ce pour une trentaine d’années mais ceci est une autre histoire.

Dans ce dernier volume qui devrait normalement être plus petit que les autres, je vais commencer as usual par une partie historique concernant le «peuple slovaque» puis la place des tchèques et des slovaques dans l’Empire (Saint-Empire Romain Germanique, Empire d’Autriche puis Autriche-Hongrie) avant une histoire de la Tchécoslovaquie de 1918 à 1939, date du démantèlement, une conséquence tardive des Accords de Munich.

Après avoir terminé la partie historique je vais parler de la partie militaire avec une histoire centrée surtout sur l’armée de la Slovaquie indépendante avec probablement une partie synthétique sur les unités militaires slovaques avant l’indépendance de la Slovaquie.

Après on trouvera une partie concernant l’organisation des unités militaires slovaques puis l’armement des dites unités.

On terminera par une partie concernant les unités aériennes slovaques avec une introduction concernant l’armée de l’air tchécoslovaque, une histoire de l’armée de l’air slovaque, son organisation et les avions l’équipant.

Comme d’habitude bonne lecture………….. .

Mitteleuropa Balkans (170) Grèce (14)

La Grèce dans le second conflit mondial

Mobilisation et préparation

Le 5 septembre 1948 les allemands envahissent la Norvège et le Danemark dans le cadre de l’opération Weserübung. C’est le début du second conflit mondial, un conflit que l’on redoutait mais que l’on pressentait depuis longtemps tant les tensions ne cessaient de croitre en Europe.

La seule chose qui surpris les plus lucides fut que les allemands attaquèrent des pays neutres et non un pays avec lequel ils avaient de vrais différents politiques et diplomatiques. Cela était la preuve que ce conflit n’allait pas être un conflit de gentlemen.

A l’annonce des bombardements allemands sur la Scandinavie, la Grèce se déclare en état de non-belligérance, un statut différent de la neutralité. D’ailleurs pour bien montrer sa détermination Athènes ordonne le rappel de réservistes mais se garde pour le moment de décréter la mobilisation générale probablement pour ne pas provoquer Rome.

La Ligne Metaxas à été renforcée à la mobilisation mais est loin d’être une assurance tout risque

Des précautions sont prises aux frontières notamment à la frontière avec l’Albanie, des champs de mines sont posés en mer, la Ligne Metaxas renforcée.

Le 30 octobre 1948 après de nouveaux incidents en Epire, Athènes ordonne la mobilisation générale, un processus qui va se dérouler dans une relative confusion, le gouvernement grec n’ayant pas mis à jour le processus de mobilisation depuis 1917 et ce en dépit des propositions de la MMFG. Si en Yougoslavie la MMFY est parvenu à imposer son processus de mobilisation, en Grèce ce ne fût pas possible probablement pour des raisons de fierté nationale.

Comme le reconnaitra un général grec «Si les italiens avaient attaqué à ce moment là je ne sais pas si nous aurions été capables de réagir».

Les divisions les plus modernes vont être concentrées contre l’Albanie italienne, le reste du territoire étant couvert par des unités moins bien équipées et moins bien entrainées. L’économie du pays est entièrement mobilisée pour la guerre, on réquisitionne tout ce qui est réquisitionnable, on mobilise les femmes et même les enfants.

On voit les villes se couvrir de sacs de sable, des abris antiaériens sont créés, les villes aux frontières deviennent des mini-forteresses. «Les italiens auront peut être le dessus mais il leur faudra payer le prix du sang» diras un lieutenant grec devenu après guerre une célébrité de la littérature, le lieutenant Elftherios Onassis.

Dans les airs une aviation grecque équipée d’avions obsolètes et d’avions plus modernes (même si tout est relatif) tente de protéger le ciel héllène des bombardiers ou des avions de reconnaissance italiens.

Plusieurs appareils sont abattus, d’autres s’écrasent accidentellement. En mer la marine grecque tente de sécuriser l’important trafic côtier contre la menace italienne. Elle tente également de bloquer les îles du Dodécanèse mais sans une totale réussite.

L’hiver et le printemps se passe sans que les combats annoncés comme imminents se produisent probablement parce que les italiens ont fort à faire face à des alliés qui contrairement à 1939 quand la guerre de Pologne paraissait être la guerre avec un grand G se montrent très agressif pour forcer l’Italie au combat.

Rome va-t-elle laisser Athènes tranquille ? La logique et le bon sens militaire l’aurait commandé mais ce n’est pas le choix que va faire Mussolini.

C’est la guerre !

Le gouvernement grec n’était pas naïf et savait que cette non-bélligérance ne pouvait durer éternellement d’autant que l’Italie était rapidement entrée en guerre suite au harcèlement franco-britannique.

Comme nous l’avons vu la mobilisation générale avait été décrétée le 30 octobre 1948 mais n’avait été effective que deux mois plus tard !

Les renseignements auguraient d’une attaque italienne iminente mais rien ne se produit et on commence à démobiliser certains soldats. C’est alors que l’attaque italienne tant attendue se produisit.

Le 5 mai 1949 à l’aube, les italiens lancent l’opération CAESAR, l’invasion de la Grèce depuis l’Albanie.

Pour cette opération qui est censée redorer le blason italien et montrer aux allemands que Rome peut mener une guerre parallèle, le Regio Esercito mobilise les moyens du Groupe d’Armées d’Albanie.

Ce groupement comprend les 3ème et 8ème Armées avec quatre corps d’armées, les 6ème (15ème DI «Bergamo» et 18ème DI «Messina»), 8ème (20ème DI «Friuli» 1ère DI Alpine «Taurinense»), 9ème ( 23ème DI «Ferrara» et 28ème DI «Aosta») et 11ème Corps d’Armée (29ème DI «Piemonte» et 30ème DI «Sabauda»).

A ces huit divisions vont s’ajouter la 49ème DI «Parma» censée assurer la défense de l’ancien royaume de Zog 1er mais aussi la division blindée Littorio. Cette force est jugée suffisante pour si ce n’est vaincre la Grèce mais au moins lui donner une bonne leçon.

Le plan italien est simple : attaque principale en Epire pour fixer le maximum de troupes grecques avec une diversion en Macédoine, une poussée vers Thessalonique. Ensuite en fonction des premiers résultats («Au combat, la première victime est le plan» dixit Clausewitz) les italiens aviseront.

Aux troupes au sol s’ajoutent des avions en nombre (250 à 400 selon les sources) et un rôle important pour la marine chargée de couper les lignes de communication et de couvrir les convois ravitaillant les troupes italiennes depuis la péninsule italique.

Tout cela aurait marché si tout cela avait bien planifié et bien coordonné. Or non seulement les plans avaient été improvisés mais les différentes armées s’entendaient très mal.

Par exemple une information recueillie par un avion de la Regia Aeronautica devait remonter toute la chaine hiérarchique avant d’être transmise à une autre armée qu’il s’agisse de l’armée de terre ou de la marine. Autant dire qu’elle était souvent périmée et de peu d’utilité.

Les carences en armes et en munitions sont importantes et encore un effort important à été fait depuis septembre 1948, la décision d’attaquer la Grèce ayant été prise visiblement dès le mois de décembre même si en l’absence d’archives on ne peut que se limiter à des hypothèses.

En face les forces armées grecques étaient composées de troupes motivées, bien entrainées et bien équipées (à l’échelle grecque cela va sans dire).

Soldats grecques au début de la Pax Armada

Une Armée d’Epire est mise sur pied à la mobilisation générale avec trois corps d’armée à deux divisions d’infanterie (1er Corps d’Armée, 2ème Corps d’Armée dit Corps d’Armée d’Epire et 3ème Corps d’Armée) plus une division de cavalerie et un bataillon de chars équipés de Hotchkiss H-39.

Le Hotchkiss H-39

En Macédoine on trouve une Armée de Macédoine qui disposait de deux corps d’armée à deux divisions d’infanterie (4ème et 5ème Corps d’Armée), une division de cavalerie et deux bataillons de Hotchkiss H-39.

Les italiens font donc face à dix divisons d’infanterie, deux divisions de cavalerie et les trois bataillons de chars légers.

Les combats sont rudes, d’autant plus difficiles que dans les montagnes épirotes le temps même au printemps peut être très froid et très humide. Dès le 12 mai l’offensive menée en Epire est stoppée par les italiens qui le 17 mai relancent l’offensive en Macédoine avec plus de succès mais cela n’est pas mirobolant non plus.

Dans les airs la Regia Aeronautica à acquis une fragile maitrise de l’air moins en raison de ses propres performances que parce que les grecs préfèrent ménager leur outil aérien pour protéger Athènes et Thessalonique.

En mer la Regia Marina se bat moins contre la marine grecque que contre les alliés qui à l’annonce du déclenchement de l’opération CAESAR ont décide l’envoi de troupes venus d’Afrique du Nord et du Levant. Ces unités ne vont cependant débarquer qu’à la fin du mois de juin après que les marines alliées ont du forcer le passage face aux cuirassés et croiseurs italiens.

Les grecs contre-attaquent le 21 mai et bousculent les italiens en Epire mais se heurtent en Macédoine à une rude résistance. Les troupes de la 8ème Armée doivent cependant se replier pour ne pas être coupé par une potentielle offensive grecque en direction du nord-est.

L’attaque grecque s’arrêtent à la mi-juin quand les troupes italiennes ont été ramenées à la frontière albanaise.

Il est alors prévu une nouvelle attaque à l’automne pour occuper l’Epire du Nord et le rattacher à la «mère-patrie» grecque.

Cette attaque doit être menée par les grecs soutenus par des troupes françaises, britanniques et polonaises même si Paris et Londres sont réticents à soutenir l’expansionisme grec.

L’attaque germano-italo-hongroise lancée le 7 juillet 1949 (opération MARITSA) ne leur en laissera pas la possibilité.

Les trois semaines entre la fin de l’attaque grecque et l’offensive allemande ont permis aux grecs de reposer leurs troupes, de réorganiser leur dispositif alors qu’en face les 3ème et 8ème armées italiennes ont reçu l’ordre de rester sur la défensive le temps que des renforts viennent d’Italie et que surtout la 2ème armée italienne venue de Vénétie n’écrase l’armée yougoslave.

Rien ne se passera comme prévu, les yougoslaves résistant farouchement (mais regretteront le refus grec et le refus alliés de déployer des troupes dans le Vardar macédonien) obligeant l’Axe à s’employer même si à terme personne ne se fait d’illusions.

Le général Villeneuve dans ses mémoires reconnaitra l’apport des yougoslaves dans la stratégie alliée «Sans la résistance acharnée des soldats de Pierre II dignes descendants de leurs ainés du premier conflit mondial nous aurions eu bien du mal à tenir le Péloponnèse.»

Les yougoslaves vont résister jusqu’au début de l’automne 1949. Est-ce à dire que les grecs se sont tournés les pousses durant deux mois ? Non bien sur, ils ont maintenus les forces italiennes en Albanie sous pression par une série d’attaques locales, des bombardements aériens et d’artillerie brefs mais intenses avec des attaques qui ressemblaient à des coups de main prolongés.

Ils sont soutenus par les alliés qui réalisent des opérations commandos en Albanie pour géner l’arrière et semer la discorde chez l’ennemi.

Enfin à partir du 25 septembre 1949 les combats sont clairement engagés en Grèce avec les italiens depuis l’Albanie et la Macédoine, l’Allemagne depuis la Macédoine et la Bulgarie. A noter que les bulgares affairés à occuper le Vardar macédonien ne participent pas aux premières opérations de la Campagne de Grèce.

Côté italien les divisions qui ont survécu à la guerre italo-grecque ou opération CAESAR sont remplumés par de jeunes recrues mais aussi par l’envoi de nouvelles unités. On trouve deux divisions d’infanterie, les 42ème DI «Bari» et 48ème DI «Taro» mais surtout trois divisions de cavalerie, la 1ère division de cavalerie «Eugenio di Savoia», 2ème division de cavalerie «Emanuele Filiberto Teste di Fero» et 3ème Division de cavalerie «Principe Amedeo Duca d’Aosta».

Soldats italiens en Yougoslavie

Si les deux divisions d’infanterie vont rallier directement l’Albanie à travers l’Adriatique (non sans que l’aviation et les sous-marins alliés ne prélèvent leur part), les divisions de cavalerie vont opérer en Yougoslavie en soutien de la 2ème armée.

Ces divisions montées vont se montrer efficaces en terrain bouleversé pouvant tourner le dispositif grec et frapper l’arrière et la logistique.

Les combats sont tous aussi violents qu’en Yougoslavie et les soldats grecs vont preuve d’un courage extraordinaire. Néanmoins l’épuisement guète les forces alliées qui prennent rapidement la décision de se replier vers le sud.

Signe qui ne trompe pas l’envoi de renforts est stoppé et quelques unités en cours de transfert vont rallier la Crète plutôt que la Grèce continentale. De son côté le gouvernement grec prépare en toute discrétion l’évacuation du personnel d’unités ne pouvant plus opérer en unités constituées.

Thessalonique tombe le 30 novembre 1949 suivit de Larissa le 5 décembre 1949. Les grecs et les alliés utilisent à merveille les possibilités du terrain, une défense élastique alternant défense ferme et contre-attaques brutales. Malgré ces efforts, Athènes tombe le 17 janvier 1950.

De violents combats ont lieu en ville, les quartiers modernes tout comme l’Acropole sont sérieusement endommagés.

Le 24 janvier 1950 les germano-italiens tentent une offensive surprise pour s’emparer du Péloponnèse mais c’est un échec. Les greco-britannico-français les attendent de pied ferme, repoussant un coup de main mené par les Brandebourgeois. Le pont franchissant le Canal de Corinthe saute.

Les deux adversaires sont fatigués. Les alliés n’ont pas des moyens illimités et l’Axe notamment les allemands ont davantage l’oeil rivé vers les steppes russes. Le front corinthien est bloqué mais les deux camps s’emparent d’îles et d’archipels.

Situation globale du front grec au printemps 1950

C’est ainsi que l’Axe s’empare de l’île d’Eubée et de l’île de Céphalonie sans réels combats, les alliés préférant se replier sur le continent. Les alliés en revanche échouent à conserver les Cyclades qui sont prises par les allemands dans la foulée de leur échec devant Corinthe.

Le 17 mars 1950 la bataille navale du Golfe de Zanthe marque la fin officielle de la Campagne de Grèce. Malgré plusieurs projets jamais l’Axe ne parviendra à chasser les alliés de la Grèce continentale. Le Péloponnèse va servir de tête de pont pour opérer en Adriatique et dans les Balkans avec des attaques aériennes, sous-marines et navales.

Résistance et collaboration

Le gouvernement grec à évacué la capitale grecque le 9 janvier 1950 direction la Crète et Héraklion la principale ville de la grande île.

D’autres auraient préféré la Palestine ou l’Egypte pour des raisons de sécurité mais le roi Paul 1er à été inflexible sur ce point : il ne quittera jamais le sol grec. C’est le début de la légende du «Roi-Soldat» objet encore aujourd’hui en Crète d’un véritable culte de la part des anciens combattants et de nombreux grecs patriotes qu’ils soient monarchistes ou républicains.

« Le roi-soldat »

L’île devient une forteresse flottante avec des bases navales, des bases aériennes, des casernements. De nombreux grecs voulant continuer le combat s’y réfugient ce qui posera des problèmes en terme de sécurité, d’insalubrité et de ravitaillement.

En Grèce continentale, un gouvernement collaborateur s’installe à Athènes mais ce gouvernement dirigé par un obscur colonel, le colonel Soriotis n’aura jamais la moindre once de légitimité. Cela s’explique à la fois par la présence en Crète du roi et du gouvernement mais aussi par les exactions menées par les allemands dès la conquête.

Une Force de Sécurité (δύναμη ασφαλείας dýnami asfaleías) est rapidement mise sur pied, une force auxiliaire qui se distinguera rapidement par sa férocité et son inefficacité.

Côté militaire, la défense de la Grèce est assuré par les italiens, les allemands et les bulgares. Les italiens déploiement une Esercito italiano in Grecia avec six divisions d’infanterie d’abord dispersées sur tout le territoire grec.

On trouve ainsi initialement la 23ème DI «Ferraro» à Thessalonique, la 28ème DI «Aoste» à Athènes, le 9ème Corps d’Armée dans l’isthme de Corinthe avec les 42ème DI «Bari» et 48ème «Taro», l’Eubée est occupée par la 29ème DI «Piemonte» alors que la côte occidentale de la Grèce est défendue par la 30ème DI «Sabaudo».

Les allemands déploient des troupes au sein de l’Heeresgruppe E (Groupe d’Armées E) qui dirige les unités allemandes déployées dans les Balkans et la Grèce au travers de la 11ème armée déployée en Serbie (quatre divisions d’infanterie, une division blindée) et de la 15ème armée déployée dans le nord de la Grèce et la région d’Athènes (quatre divisions d’infanterie, une division de montagne, une division parachutiste et deux divisions blindées).

De leur côté les bulgares vont déployer les 4ème et 5ème Armées avec pour la première quatre divisions d’infanterie (2ème DI, 4ème DI, 6ème et 11ème DI), la 1ère division de cavalerie et la 1ère brigade de chasseurs plus destinée aux opérations anti-guerilla.

De son côté la 5ème Armée dispose de quatre divisions d’infanterie (1ère, 3ème, 5ème et 8ème DI), la 2ème division de cavalerie, la 11ème brigade blindée et la 2ème brigade de chasseurs.

Après des mois de frictions et de mésentente cordiale, le dispositif est réorganisé. Désormais le Heeresgruppe E à sous son autorité toutes les troupes de l’Axe mais cet effort louable de coordination se heurtera à une profonde défiance entre italiens, allemands et bulgares, simplement unis par la défiance que leur inspire le gouvernement de Soriotis et leur refus de créer une armée grecque pour combattre les alliés.

Géographiquement le dispositif est simplifié avec les bulgares au nord et au nord-est, les italiens au nord et au nord-ouest et les allemands au centre occupant notamment la région d’Athènes et l’Eubée. Des divisions sont transférées par voie aérienne et maritime ce qui permet aux avions et aux sous-marins alliés de remporter de beaux succès mais également de subir de lourdes pertes.

En Grèce occupée une résistance se développe rapidement. Comme souvent les premiers groupes sont soit composés de troupes isolées ne pouvant ou ne voulant évacuer, d’hommes trop jeunes pour combattre ou de simples civils ulcérés de voir leur patrie occupée par des étrangers.

Très vite la résistance va se structurer avec des groupes royalistes, des groupes républicains et des groupes communistes. Comme en Yougoslavie, les groupes s’allient parfois et se combattent souvent. Face à cette résistance les italiens, les allemands et les bulgares vont multiplier les tristement célèbres opérations de nettoyage avec leur cortège d’exactions.

Comme chez le voisin yougoslave, les alliés et le gouvernement grec vont tenter de coordonner leur action avec des groupes mais ce ne fût toujours pas avec succès.

Libération et guerre civile

Carte du front grec peu avant le déclenchement de l’opération ANVIL

Très vite le gouvernement en exil grec s’est préoccupé de reconstituer un outil militaire crédible pour peser sur les décisions alliées. Plus facile à dire qu’à faire car si les grecs possèdent les hommes et un peu d’argent, ils sont dépendant pour l’équipement militaire. Du matériel à bien été évacué sur la Crète mais c’est très insuffisant pour récréer une armée capable de faire autre chose que de la figuration.

Faute de place en Crète, c’est en Egypte et secondairement en Libye que l’Armée Grecque de Libération (Ελληνικός Απελευθερωτικός Στρατός Ellinikós Apeleftherotikós Stratós) va être créée, une armée équipée par les alliés qu’ils soient français, britanniques ou américains.

Cette montée en puissance va être plus rapide que son homologue yougoslave. Il y à bien entendu des tiraillements entre royalistes et crypto-républicains, entre libéraux et métaxistes mais dans l’ensemble tout le monde tire dans le même sens dans le seul objectif de libérer le territoire. Autre différence par rapport à la Yougoslavie, la Grèce n’est pas un état multinational où les nationalités coexistent tant bien que mal. Forcément cela aide pour reconstruire une armée digne de ce nom.

Les principaux problèmes concerneront l’argent et l’équipement car les hommes sont présents, des hommes expérimentés, aguerris par les combats qui vont encadrer des jeunes grecs qui brûlent d’en découdre.

L’AGL est opérationnelle à l’automne 1951. Elle se compose de trois corps d’armées à deux divisions. Si le 1er Corps d’Armée «Thessalie» et le 2ème Corps d’Armée «Macedoine» sont composés de deux divisions d’infanterie chacune (1ère et 4ème pour le premier, 2ème et 5ème pour le deuxième), le 3ème Corps d’Armée «Epire» comprend la 3ème division d’infanterie et surtout la 1ère division blindée.

A ces six divisions de première ligne vont s’ajouter trois divisions légères d’infanterie (initialement de sécurité mais leur nom à été changé pour éviter la confusion avec la force de sécurité du gouvernement collaborationniste), les 6ème et 7ème DLI et la 14ème DI, la première défendant avec les alliés le Dodécannèse, la seconde protégeait la Crète et notamment les institutions alors que la troisième défendait l’île de Zakynthos en relève de la 1ère DLI et de la brigade de montagne polonaise

Des bataillons d’evzones sont également recréés en vue de mener des raids dans la profondeur du dispositif ennemi mais aussi pour encadrer la résistance. Douze bataillons sont prévus mais faute de moyens et de temps seulement huit d’entre-eux seront mis sur pied.

A leur mission de combat s’ajoutera la lutte contre les communistes dans la guerre civile aux côtés des divisions légères d’infanterie et d’unités alliées en attendant le retour des divisions de combat citées plus haut.

On trouve également une unité commando, le célèbre Bataillon Sacré, unité qui reprend le nom de la célèbre unité thébaine.

Cette unité est créé avec l’aide des britanniques. Opérationnelle à la fin de l’année 1950, elle va opérer dans les îles grecques mais aussi en Italie pour des missions de renseignement, de recherche et de destruction.

Les Thébains vont jouer un rôle clé dans la libération du pays, opérant en pointe du dispositif allié pour des missions de destruction de cibles stratégiques.

Ils participent par exemple aux côtés de commandos français, britanniques et yougoslaves au Raid sur Thessalonique qui va alimenter la certitude de l’Axe dans l’idée que l’offensive venue du Péloponnèse n’était qu’une attaque de diversion. Quand le haut-commandement s’en rendra compte il sera trop tard pour faire avorter la première offensive majeure sur le front des Balkans.

Celle-ci n’est lancée que le 21 septembre 1952 soit deux ans et demi après la fin officielle de la Campagne de Grèce. Pourquoi un tel délai qui désespérait les gouvernements grecs et yougoslaves ?

Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte notamment le fait que ce front était secondaire par rapport au front occidental et que la géographie rendait peu probable une offensive, une percée décisive.

A ceux qui rétorquaient que l’offensive menée dans le Vardar à l’automne 1918 avait été la seule décisive de tout le conflit les détracteurs répondaient qu’elle avait été menée face à un adversaire bulgare épuisé et mal soutenu par ses alliés ce qui n’était pas le cas ici.

Cela ne veut pas dire que les bélligérants ce sont tournés les pouces non. Il y eut des attaques locales, des opérations commandos pour maintenir la pression sur l’ennemi. Rien cependant qui ressemblait à une offensive à but stratégique.

Le 21 septembre 1952 enfin les alliés lancent l’opération ANVIL (enclume). Il s’agit de donner de l’air à la péninsule du Péloponnèse et s’offrir de nouvelles perspectives stratégiques. Le plan est simple : on fixe l’ennemi sur l’isthme de Corinthe, on traverse le golfe de Patras _plus facile à dire qu’à faire_ et on file soit vers le nord ou vers le nord-est.

Les combats sont violents entre les troupes alliées et les troupes germano-italiennes. Peu à peu la supériorité numérique, une meilleure puissance de feu et une meilleure coordination permet aux alliés d’avancer, de reconquérir également l’île de Céphalonie.

Après de violents de combats, Athènes est libérée le 17 décembre 1952. Les alliés laissent les grecs entrer les premiers dans la ville et c’est un détachement du bataillon sacré qui hisse le drapeau grec sur les ruines de l’Acropole. Ce drapeau n’est pas une simple étoffe de tissu, c’est le drapeau qui flottait sur la ville lors de sa prise par les allemands en 1950 et qu’un evzone avait dérobé au nez et à la barbe des troupes ennemies.

De son côté les troupes de l’Axe vont évacuer à la même époque les Cyclades harcelés par les unités aériennes et navales alliées. Ils décident de résister en Eubée mais sont vite débordés.

L’Axe tente de tenir le plus longtemps possible mais les allemands doivent tenir compte de la démoralisation puis du basculement des troupes italiennes.

Cela explique pourquoi la majorité du territoire grec est libéré à la fin du mois de février 1953. Quelques unités parviennent à pénétrer en Macédoine et en Albanie mais sont trop faibles pour s’y maintenir.

En dépit des réticences yougoslaves, les unités grecques poursuivent leurs missions de combat en Yougoslavie. Il faut une rencontre personnelle entre Paul 1er et Pierre II pour que la Yougoslavie soit rassurée : la Grèce ne cherche qu’à récupérer son territoire de septembre 1948 et n’à aucune réclamation territoriale vis à vis de la Yougoslavie.

Une fois engagée en Yougoslavie, l’Armée Grecque de Libération va être rebaptisée 1ère Armée Grecque. Les mêmes unités restent en ligne mais les pertes sont compensées par du personnel issu de la résistance royaliste voir républicaine. En revanche la résistance communiste refuse avec énergie d’intégrer l’armée grecque, estimant qu’elle ne vaut pas mieux que les forces de sécurité de Soriotis.

Les divisions grecques vont combattre essentiellement en Albanie, au Monténégro puis en Croatie, terminant la guerre en Slovénie. La 1ère Armée Grecque laissant le reste du front aux britanniques et aux sud-africains là encore pour rassurer des yougoslaves aussi inquiets que suspicieux.

Une fois le second conflit mondial terminé, l’armée grecque rentre au pays où elle ne va pas tarder à opérer contre la résistance communiste bien décidée à imiter ses frères yougoslaves qui tenteront de les aider quand ils le pourront.

Les grecs vont engager dans cette guerre civile principalement leurs deux DLI et leurs bataillons d’evzones. Après avoir tâtonné, les grecs parviendront à trouver une bonne stratégie en tenant le terrain avec la gendarmerie et des unités paramilitaires et en confiant aux deux DLI et aux evzones des missions d’intervention.

La Grèce est dans un état cataclysmique avec une famine biblique et une guerre civile. Les pertes ont été lourdes chez les civils comme les militaires. En 1958 les royalistes bien soutenus par les alliés occidentaux vont l’emporter permettant à la monarchie de survivre contrairement à la royauté yougoslave.

Mitteleuropa Balkans (169) Grèce (13)

La république ! quelle république ? (1924-1935)

Georges II

Suite à la Grande Catastrophe, l’armée royale humiliée se révolte contre la monarchie le 11 septembre 1922. Constantin 1er abdique définitivement le 27 septembre 1922 au profit de son fils ainé qui devient Georges II.

C’est le début d’une période très troublée avec les conséquences de la guerre gréco-turque qui ne sont soldées que par le traité de Lausanne le 24 juillet 1923.

Le 27 octobre 1923 des officiers royalistes soutenus indirectement par Ioannis Métaxas tentent un contre-coup d’état. Cet échec va précipiter l’abolition de la monarchie et la proclamation de la république le 25 mars 1924.

Le 13 avril 1924 un plébiscite est organisé. C’est un triomphe pour les partisans de la république avec 69.78% des voix pour les républicains et 30.02% pour les monarchistes avec 0.02% de voix invalidées.

Très vite la Deuxième République héllène (la première à lieu de 1827 à 1832) sombre dans l’anarchie et l’instabilité avec un coup d’état du général Pangalos le 24 juin 1925 qui est renversé le 24 août 1926 par celui du général Georgios Kondylis qui rétablit la démocratie.

Cette instabilité est traduisible par les dates des mandats des présidents de la République. C’est ainsi que l’amiral Pavlos Kontouriotis est en fonction d 25 mars 1924 au 15 mars 1926 et du 24 août 1926 au 9 décembre 1929, le lieutenant général Thedoros Pangalos est en fonction du 15 mars1926 au 22 août 1926 alors qu’Alexandros Zaimis est en fonction du 9 décembre 1929 au 10 octobre 1935 soit trois présidents en l’espace de onze ans.

Entre 1928 et 1932 le retour de Venizelos permet une certaine stabilité mais la défaite électorale de l’homme politique crétois ainsi que la Grande Dépression provoquent une nouvelle période d’instabilité.

Le 1er mars 1935 les vénizélistes lancent un coup d’état craignant une restauration de Georges II exilé depuis 1924. En effet ils soupçonnent le gouvernement de Panagis Tsaldaris de sympathies monarchiques.

Ce coup d’état mené par Nikolas Plastiras est un échec, la révolte étant écrasé par Kondylis. Eleftherios Vénizélos est obligé de s’exiler. Deux généraux, un major sont condamnés à mort et exécutés, Venizelos et Plastiras sont condamnés à mort par contumace.

La République déjà moribonde ne s’en relèvera pas c’était juste une question de temps. Le 10 octobre 1935 le général Kondylis pourtant ancien vénizéliste prend le pouvoir et se proclame régent, annonçant la future restauration de Georges II.

Un plébiscite est organisé dans des conditions douteuses le 3 novembre 1935 aboutissant à un vote sans appel : 97.87% en faveur du retour du roi contre seulement 2.13% pour le maintien de la république.

Le 5 novembre 1935 le roi en exil accepte les résultats du plébiscite et arrive à Athènes le 25 novembre. Il démet Kondylis de ses fonctions et proclame une amnistie politique.

Sur le plan de la politique intérieure, le gouvernement républicain doit gérer l’accueil et l’intégration des réfugiés de la Grande Catastrophe. Cela passe notamment par une politique volontariste de mise en valeur des terres agricoles mais les résultats sont décevants. En 1925 une université est créée à Thessalonique.

Des élections législatives sont organisées en 1926, en 1928, en 1929, en 1932, en 1933 et en 1935. Deux partis dominent avec le parti libéral (vénizélistes) et le parti populaire mais sans jamais obtenir une majorité claire. Seule exception celles de 1935 où le parti populaire à obtenu 65% des voix et 254 sièges mais uniquement parce que le parti libéral à boycotté le scrutin. Le Sénat est tout aussi instable.

La République grecque est divisée en dix régions : Grèce centrale et Eubée, Macédoine, Péloponnèse, Thessalie, Crète, Epire, Iles de l’Egée, Thrace occidentale, Iles Ioniennes et les Cyclades.

Sur le plan de la politique étrangère c’est nettement plus tendu avec outre la liquidation de la guerre gréco-ottomane plusieurs incidents qui menacent de dégénérer en guerres régionales.

Le premier est l’Incident de Corfou. Suite à un différent frontalier entre l’Albanie et la Grèce, les deux pays portent leur différent devant la conférence des ambassadeurs. Une mission italienne dirigée par le général Enrico Tellini est envoyée sur place mais cette mission est jugée comme pro-albanaise par le gouvernement grec.

Le 27 août 1923, le général Tellini, le major Luigi Corte, le lieutenant Luigi Bonani et un interprète albanais sont assassinés à Kakaira. Comme il n’y à eu aucun vol le motif politique peut s’expliquer ces assassinats.

Les italiens adressent un ultimatum le 29 août 1923 réclamant cinquante millions de lire et l’éxécution des tueurs. Les grecs ne pouvant ou ne voulant les identifier, l’Italie bombarde et occupe Corfou le 31 août 1923.

La Grèce fait appel à la SDN. Cette dernière avait condamné l’occupation italienne était génée par la menace d’un retrait italien alors que l’Italie était soutenue par la France. L’Italie accepte les excuses grecques et des indemnités, les italiens se retirent le 27 septembre 1923.

Du 19 au 29 octobre 1925, la Bulgarie et la Grèce sont à deux doigts d’entrer en guerre. C’est l’incident de Petrich.

L’incident est assez obscur avec deux versions de l’incident survenu le 18 octobre 1925. Selon une première version, un soldat héllene cherchant son chien pénètre en territoire bulgare et est abattu par des sentinelles bulgares.

Selon une deuxième version des soldats bulgares auraient franchit la frontière grecque, attaqué un poste à Belasitsa tuant un capitaine grec et une sentinelle.

Tout de suite la Bulgarie explique l’incident par un tragique quiproquo. Sofia propose une commission d’enquête mixte mais les grecs déclinent et exigent le départ des troupes bulgares présentes sur le territoire grec.

Athènes émet un ultimatum de 48h aux bulgares, exigeant la punition du responsable, des excuses officielles et deux millions de francs français pour les familles des victimes.

Le 22 octobre 1925 des troupes grecques occupent la ville bulgare de Petrich. La guerre bulgaro-grecque n’aura finalement pas lieu car la Société des Nations (SDN) décide d’intervenir et impose sa médiation.

Elle exige un cessez-le-feu, l’évacuation des troupes grecques du territoire bulgare et le paiement par la Grèce de 45000 livres à la Bulgarie.

Les deux pays acceptent et pour vérifier son application, des observateurs français, italiens et britanniques sont envoyés sur place, ces derniers interdisant aux bulgares de réoccuper immédiatement les territoires pour éviter un nouvel incident frontalier. L’incident à fait cinquante morts, essentiellement des civils bulgares.

Le 30 octobre 1930 une convention gréco-turque est signée pour applanir la majeure partie des différents entre Athènes et Ankara.

Le 9 février 1934 la Grèce, la Turquie, la Roumanie et la Yougoslavie signent le Pacte Balkanique.

Ce pacte appelé également Entente balkanique était destiné à maintenir le statu-quo et donc géler les acquis des traités de paix. Sans que cela soit clairement dit du moins au début, c’est un front contre une Bulgarie revancharde qui est mis sur pied.

Signe qui ne trompe pas d’autres pays ont été conviés à la conférence aboutissant à ce pacte mais ont refusé de signer.

Il s’agit de l’Italie, de l’Albanie, de la Bulgarie, de la Hongrie et de l’URSS soit des pays qui n’étaient pas satisfaits du nouveau découpage de l’Europe après la première conflagration mondiale. Ce pacte est reconnu par la SDN le 1er octobre 1934.

Cela ne cessa pourtant pas les intrigues régionales mais le 31 juillet 1938 les pays signataires du pacte signent avec la Bulgarie l’Accord de Salonique confirmant les clauses du traité de Neuilly-sur-Seine et de Lausanne mais en échange de zones démilitarisées sur ses frontières avec la Grèce et la Turquie, Sofia était autorisée à se réarmer.

Selon certains historiens ce pacte et cet accord à évité une troisième guerre balkanique dans la foulée ou au moment de la guerre de Pologne.

Restauration monarchique et metaxisme

Un certain Ioannis Metaxas

Ioannis Metaxas

Avant de parler de la période qui nous intéresse présentons brièvement l’homme fort de cette époque.

Ioannis Metaxas est né à Ithaque le 12 avril 1871 et mort à Athènes le 29 janvier 1941. Militaire et homme politique grec, il est issu d’une grande famille de Céphalonie, son père étant préfet mais après que ce dernier eut perdu son emploi la situation financière de la famille devint délicate.

En 1885 il entre à l’Ecole des Evelpides, une académie militaire, l’armée ayant toujours été un débouché naturel pour les fils de familles désargentées. Il en sort en 1890 avec le grade de sous-lieutenant du génie. En 1897 il entre au minstère de la Guerre grâce à un de ses parents Nicolas Metaxas qui est ministre.

La même année il participe à la guerre greco-ottomane et semble avoir fait bonne impression puisqu’il est envoyé par la suite à l’Académie militaire prussienne de Berlin. Revenu en Grèce il participe à la modernisation d’une armée qui se montrera bien plus efficace durant les deux guerres balkaniques. Comme beaucoup de membres de l’élite grecque il était franc-maçon.

Monarchiste fervent, il soutient Constantin 1er dans sa volonté de maintenir la Grèce hors de la première guerre mondiale. Pour protester contre la politique d’Eleftherios Venizelos il démissione de l’état-major et accompagne Constantin 1er dans son exil.

Il ne rentre en Grèce qu’en 1920, démissionant de l’armée puis entrant en politique au moment de l’abolition de la monarchie. En 1923 il créé un mouvement politique classé à l’extrême-droite, le Parti de la Libre Opinion.

En mars 1936, Georges II le nomme ministre de la Guerre d’un gouvernement de transition alors que la vie politique grecque est paralysée depuis des élections de 1936 incertaines. Le 13 avril 1936 il devient premier ministre suite à la mort du titulaire du poste.

Devant l’agitation sociale et le désordre, il proclame l’état d’urgence, suspend le parlement et différents articles de la constitution, interdit les partis politiques, arrête des opposants politiques (15000 grecs arrêtés durant la dictature de Metaxas), la presse est censurée, la Grèce déclarée illégale.

Le régime de Métaxas se révèle peu populaire. Il à triomphé essentiellement par discrédit de ses opposants et par lassitude de l’opinion prête à confier son avenir à n’importe qui pourvu que le calme et la stabilité reviennent au pays.

Metaxas et Georges II maintiennent la Grèce en dehors de la guerre de Pologne et veillent à préserver le pays en dépit de relations exécrables avec une Italie fasciste que pourtant Metaxas admire. A sa mort des généraux sans envergure lui succèdent sans parvenir à le remplacer vraiment.

Aujourd’hui Metaxas est une figure controversée qui suscite des jugements passionnés et des débats interminables.

Une monarchie instable, une dictature introuvable ?

Si les grecs lassés des atermoiements de la République avaient espéré un retour au calme et à la stabilité avec la restauration de Georges II ils sont rapidement déçus.

Incorrigible la classe politique grecque ne semble pas vouloir ou pouvoir tirer les leçons de ses échecs. Ce sont toujours veines querelles, corruption et incompétence qui sont à l’ordre du jour.

Pas étonnant que dans ce contexte les partis autoritaires et/ou protestataires aient le vent en oupe comme le parti communiste grec qui par ses gains électoraux empêchait le dégagement de toute majorité claire.

En janvier 1936 des élections législatives ont lieu. Elles débouchent sur une impasse puisque les monarchistes ont récupérés 143 sièges, les libéraux agrariens et républicains 142 et les communistes 15.

Après plusieurs mois de troubles, le premier ministre Ioannis Metaxas organise un coup d’état mettant en place ce que l’histoire à retenu sous le nom de Régime du 4 août en référence à la date du coup d’état à savoir le 4 août 1936.

Si il peut paraître commode de qualifier le régime de Métaxas de fasciste c’est plus compliqué que cela en raison de l’absence d’une idéologie claire (le «métaxisme» comme nous le verrons est un rassemblement de vagues slogans et de vagues idées), de l’absence d’un parti de masse et de nombre de marqueurs qui fondent le fascisme.

D’ailleurs si Métaxas admire le fascisme mussolinien, il entretien des relations épouvantables avec l’Italie, Athènes revendiquant le Dodécanèse et voyant d’un très mauvais œil l’annexion de l’Albanie en mars 1939. Plusieurs incidents de frontière en 1939 et 1940 menacent de dégénérer en guerre. Ouverte entre les deux pays. En réalité en matière de politique étrangère il serait plutôt pro-britannique.

En réalité le régime du 4 août 1936 se rapproche bien plus de l’Estado Novo du dictateur portugais Antonio de Oliveira Salazar.

C’est un régime autoritaire, nationaliste mais pas fasciste avec une relative non-violence, aucune politique antisémite, aucune politque expansionniste, pas de mouvement politique de masse.

Les racines du Nouvel Etat sont à rechercher dans l’histoire grecque, patriote et nationaliste ardent, Ioannis Metaxas cherche à concilier le paganisme de la Grèce antique avec les valeurs chrétiennes de feu l’Empire Byzantin au sein d’une «Troisième civilisation hellénique».

L’Archigos (chef) résume son «idéologie» par quatre mots : Pays, Loyauté, Famille et Religion. On peut aussi classer les grands axes du metaxisme avec la Monarchie, l’Anticommunisme, l’Antiparlementarisme, le Nationalisme, le Corporatisme et le Protectionisme.

Le régime adopte comme smybole le Labrys, une épée à double tranchant de l’époque minoenne.Une police politique est mis en place pour protéger le régime (Asfaleia).

Les vieux partis encaissent de rudes coups mais survivent. Un metaxiste anonyme dira «Les vieux partis étaient comme autant de mauvaises herbes, on les arrachaient mais ils repoussaient à chaque fois. C’était désespérant». Les opposants politiques sont arrêtés mais aux éxécutions de masse on préfère l’exil.

Comme nous l’avons vu plus haut, Metaxas ne créé par de parti unique mais tout de même met sur pied une organisation de jeunesse, l’Ethniki Organosi Neolaias (ENO) que l’on traduit simplement en français l’Organisation Nationale de la Jeunesse.

Il s’agit pour l’Archigos de perpétuer son œuvre au travers des jeunes grecs et des jeunes grecques. Les jeunes garçons doivent devenir des jeunes hommes robustes et disciplinés, les jeunes filles de bonnes mères et de bonnes épouses pour donner naissance à une nouvelle génération plus forte et plus saine.

Cette organisation va être le seul leg durable du dictature grecque puisqu’elle était toujours présente en 1949 au moment de l’attaque italienne.

L’organisation sera d’ailleurs dissoute par les italiens et les allemands puisque certains de ces membres trop jeunes pour combattre dans l’armée n’ont pas hésité à prendre les armes. Reconstituée dans la clandestinité elle fournira nombre de cadres à la résistance royaliste.

Si le régime est clairement nationaliste, Metaxas à toujours fait preuve de prudence et de réserve vis à vis de la Grande Idée et à critiqué la guerre en Asie mineure contre les turcs. Les minorités religieuses et ethniques (notamment les bulgares et les albanais) sont persécutées mais la communauté juive de Salonique n’est pas inquiété peut être parce qu’elle était très opposée au vénizélisme.

Sur le plan économique, le régime de Métaxas tourne le dos le libéralisme et au laisser-faire en adoptant le protectionnisme et le corporatisme. Une politique sociale volontariste doit lui permettre d’acquérir la sympathie des masses avec un certain succès.

Une ambitieuse politique de grands travaux est lancée à partir de 1938 (et sera poursuivie par les successeurs de Metaxas) ce qui permet d’améliorer les infrastructures de transport et de télécommunications du pays.

Dents de dragon (un obstacle antichar) de la Ligne Metaxas

L’agriculture n’est pas oubliée tout comme le réarmement du pays avec notamment la construction d’une ligne fortifiée qui prend logiquement le nom de Ligne Metaxas.

Dans un premier temps les revenus augmentent, le chômage baisse mais ces progrès ne vont être temporaires. Très vite l’inflation reprend, l’endettement croissant du pays provoque une chute de la drachme qui redevient une monnaie faible.

Le 28 juillet 1938 une révolte éclate en Crète contre le régime de Métaxas. La révolte est durement réprimée.

La Grèce dans la Pax Armada

La Grèce va rester neutre durant la Guerre de Pologne, ce conflit ne la concernant pas directement et comme en plus l’Italie est restée également en dehors du conflit….. .

A la mort de Metaxas, le roi Georges II tente un retour à la démocratie mais lassés des querelles picrocholines d’une classe politique incorrigible il préfère conserver les militaires au pouvoir jusqu’à sa mort en 1947. On assiste à une timide libéralisation du régime mais jusqu’à la guerre la Grèce est davantage une dictature qu’une démocratie.

Sur le plan constitutionnel la situation reste compliquée. En 1935 la restauration de la monarchie avait permis le retour de la constitution de 1911 mais pour peu de temps car le régime de Métaxas suspend nombre d’articles de la dite constitution.

De 1941 à 1943, il n’y à aucune évolution constitutionnelle, c’est un joyeux foutoir. Il faudra attendre 1944 pour que le premier ministre, le général Vastotris _également protecteur du Royaume_ passe une série de décrets avalisés par une chambre consultative pour donner un semblant de démocratie.

Ces Décrets Constitutionnels au nombre de quatre vont rester en vigueur jusqu’à l’invasion de la Grèce par l’Axe.

L’agitation reprend au milieu de la décennie imposant une sévère répression bien plus sanglante paradoxalement que sous la dictature métaxiste. Des projets de coup d’état sont déjoués, des projets venant aussi bien de militaires «démocrates» que de militaires jugeant le régime «trop mou».

Paul 1er

Le 1er avril 1947 le roi Georges II meurt. Sans enfant, c’est son frère Paul 1er qui lui succède. Il rappelle des civils au pouvoir même si les militaires conservent un poids très important.

Sur le plan extérieur les relations restent très tendues avec l’Italie. De nouveaux incidents frontaliers terrestres, aériens et navals ont lieu menaçant de dégénérer en guerre ouverte.

La Grèce s’est entre-temps rapprochée des alliés signant un accord militaire de coopération avec la France le 8 octobre 1946. Dès 1945 une Mission Militaire Française en Grèce (MMFG) arrive avec 128 officiers et sous-officiers dirigés par le général Georges.

Le général Georges en compagnie du général Gort durant la guerre de Pologne.

La MMFG sert d’officine de renseignement (comme n’importe quel attaché militaire dans une ambassade), d’organe d’influence diplomatique, de formation et d’enseignement. Elle promeut le matériel militaire français ce qui permet à l’industrie tricolore de remporter quelques beaux contrats.

Cette MMFG va rester sur place jusqu’en juin 1948 quand les officiers et les sous-officiers rentrent en France pour intégrer des postes plus importants.

Cette MMFG va naturellement participer à la modernisation de l’armée grecque qui est certes plus solide qu’en 1939/40 mais affiche un certain nombre de lacunes.

Mitteleuropa Balkans (168) Grèce (12)

Grande idée et Grande catastrophe

Megali Idea

En jaune les territoires revendiqués par la Grèce et notamment Eleftherios Venizelos

La Grande Idée est une théorie politique du 19ème siècle qui visait à regrouper dans un même état ayant pour capitale Constantinople tous les grecs dispersés dans tout le bassin oriental de la Méditerranée et jusqu’aux rives de la mer Noire. Le terme à été pour la première fois utilisé par Ioannis Koléttris, premier ministre du très impopulaire Othon 1er en 1844.

Cette idée à irrigué à infusé la politique intérieure et extérieure grecque jusqu’aux années soixante-dix. De temps à autre on assiste à quelques résurgences de cette idée mais elle est désormais ultra-minoritaire et n’est défendue que par quelques partis extrémistes.

Très vite cette idée se heurte à un certain nombre d’écueils. En effet si toutes les populations de culture grecque sont de confession orthodoxe, elles ne parlent pas tous le grec. Cela est une faiblesse majeure de la théorie de la Grande Idée car si on s’appuie sur l’orthodoxie, cela torpille l’argument principal de regrouper tous les grecs dans un état. De plus comme on l’à vu plus haut l’intégration des habitants des territoires acquis après les guerres balkaniques s’est fait de manière houleuse.

Cette idée à aussi des implications culturelles. On assiste à une volonté de purifier, de moderniser la langue grecque. Cela est vu comme un moyen de renforcer, de consolider un Etat qui reste encore très fragile car très récent.

Pour Athènes puissance secondaire le meilleur moyen de réaliser la grande idée est de profiter de la moindre occasion. Comme la région est empoisonnée par la Question d’Orient, le gouvernement grec va tenter de pousser ses pions dès que la région s’embrase.

La Guerre de Crimée constitue la première occasion pour s’emparer de nouveaux territoires mais c’est un échec cuisant puisque les français et les britanniques occupent le port du Pirée de mars 1854 à février 1857.

A noter qu’une légion grecque combat aux côtés des russes à Sébastopol ce qui explique peut être l’occupation du port d’Athènes par les franco-britanniques.

En mai 1864 la Grèce intègre les îles ioniennes quand les britanniques renoncent à leur protectorat sur la République des Sept Iles. C’est un cadeau fait à Georges 1er, le nouveau roi des héllènes.

En 1878 le Traité de San Stefano créé une Grande Bulgarie sous influence russe. La Grèce n’est pas conviée aux discussions contrairement à celles aboutissant à un traité de Berlin nettement moins favorable à Sofia. Trois ans plus tard le Traité de Constantinople permet à Athènes d’intégrer la Thessalie et l’Epire.

Il faudra ensuite attendre les deux guerres balkaniques pour que la Grèce connaisse un nouvel agrandissement territorial. C’est notamment le cas en Macédoine où dès les années 1890 la Grèce avait tenté d’agiter la région pour provoquer son détachement de l’empire ottoman et son intégration au royaume.

C’est une politique risquée non seulement parce que cela risquait de provoquer une guerre avec l’empire ottoman mais en plus parce que cela pouvait mécontenter la Serbie et la Bulgarie qui regardaient avec gourmandise la région en question.

Une révolte pilotée par la Bulgarie échoue en 1903 tout comme les révoltes pilotées par les grecs en 1904 et 1907 avec à chaque fois une crise diplomatique avec la Sublime Porte.

En juillet 1908 à lieu la Révolution Jeune-Turque par de jeunes officiers voulant mettre fin au déclin de l’empire ottoman.

La Crète en profite pour proclamer son enosis avec le Royaume de Grèce mais Athènes est trop faible pour obtenir la reconnaissance internationale de cet état de fait. Voilà pourquoi l’annexion de la Crète par la Grèce ne sera reconnue par Constantinople qu’à l’issue des deux guerres balkaniques.

En 1910 Eleftherios Venizelos arrive au pouvoir. Crétois il avait participé à la révolte de Therissos en 1905 qui avait aboutit au départ du Prince Georges, haut-commissaire en Crète.

Partisan convaincu de la Grande Idée, il arrive au pouvoir suite à des élections mais dans le contexte troublé par le coup de Goudi. Pour réaliser la Megali Idea il se lança dans une politique volontariste de modernisation et dans une politique étrangère centrée sur une alliance avec les autres états de la région.

Suite à la première guerre balkanique, la Grèce s’empare de Chios, de Lesbos, de Samos, de l’Epire avec sa capitale Ioannina. Ces annexions sont reconnues par le traité de Londres de mai 1913.

Comme nous le savons le partage des dépouilles ottomanes va générer un deuxième conflit entre la Bulgarie, ses anciens alliés et l’empire ottoman bien décidé à prendre sa revanche.

Parmi les sources de discorde figurent encore et toujours la question de la Macédoine que revendiquent la Serbie, la Macédoine et la Bulgarie. Cette dernière va ainsi lancer une attaque préventive pour s’emparer de cette région en partie peuplée de bulgarophones mais isolée, elle sera écrasée.

Le traité de Bucarest signé en août donne à la Grèce Thessalonique et la Macédoine du Sud mais Athènes n’à pu empêcher ni la Bulgarie d’obtenir une fenêtre sur la mer Egée ni la création de l’Albanie ce qui la prive de l’Epire du Nord.

Tous ces territoires conquis ne sont pas exclusivement peuplés de grecs. De plus la Grande Idée à fracturé la société et la classe politique grecque, cette théorie étant utilisé par la classe politique grecque comme un dérivatif pour faire oublier les problèmes économiques et sociaux.

La défaite de l’empire ottoman dans le premier conflit mondial semblait être l’occasion rêvée, imanquable pour réaliser la Grande Idée mais cela va au contraire conduire à l’une des pires catastrophes de l’histoire grecque.

Le traité de Sèvres

Le Traité de Sèvres signé le 10 août 1920 est la conséquence directe de l’Armistice de Moudros signé le 30 octobre 1918.

Cet armistice est négocié uniquement par les britanniques qui refuse la présence des français craignant soit des conditions trop durs ou pour priver Paris de toute zone d’influence dans la région.

C’est à bord du HMS Agamennon que l’armistice de Moudros à été négocié

Les négociations sont menées à bord du cuirassé HMS Agamennon à partir du 27 octobre et aboutissent trois jours plus tard. Il est signé à Moudros sur l’île grecque de Lemnos.

Les hostilités sont naturellement suspendues, l’empire ottoman renonce à toute présence militaire au Héjaz, au Yémen, en Syrie, en Mésopotamie, en Tripolitaine et en Cyrenaïque. Les alliés peuvent occuper les détroits des Dardanelles et du Bosphore, Batoumi et les tunnels des Monts Taurus.

Les vainqueurs peuvent occuper à titre de gage et pour prévenir tout désordre six provinces arméniennes dans le nord-est de l’Anatolie. L’armée ottomane est démobilisée après avoir évacué Batoumi, Kars, Ardahan et l’Azerbaïdjan.

Le traité de Sévres à été signé mais non ratifié. Il prévoyait que l’empire ottoman renonce à ses provinces arabes et africaines. Les pertes territoriales sont très lourdes. Par exemple en Europe le territoire de ce nouvel empire ottoman se limite à Constantinople et son voisinage immédiat.

Une Grande Arménie voit le jour tout comme une province kurde autonome, les détroits turcs sont démilitarisés.

Les villayets de Van, Bitlis et Trebizonde intègrent la république indépendante d’Arménie, la France occupe la Syrie avec une frontière bien plus au nord que l’actuelle et obtient une zone d’influence comprenant la Cilicie avec Adana, zone s’étendant jusqu’au nord de Sivas.

L’Italie occupe Antalya et sa région plus une zone d’influence allant de Bursa à Kayserie en passant par Afyankarahisar. La Grèce obtient Smyrne et sa région (un plébiscite est prévu en 1925), la Thrace orientale avec Andrinople et Gallipoli plus les îles d’Imbros et de Tenedos.

Les provinces arabes sont transformées en mandat de la SDN. La nouvelle Turquie peut être considéré comme un état croupion puisque elle passe de 1.78M de km² à 490000 km². De plus les territoires laissés sont pauvres et de sérieuses contraintes financières limitent toute possibilité de développement.

De plus le nouvel état ne peut posséder d’armée même réduite mais une gendarmerie. La police, le système fiscal, les douanes, les eaux et les forêts, les écoles sont sous contrôle allié !

Dès mai 1919 débute la guerre d’indépendance turque avec Mustapha Kemal qui se termine par une victoire en octobre 1922. Cela permet à la Turquie de signé le Traité de Lausanne le 24 juillet 1923 et deux ans plutôt le Traité de Kars en octobre 1921 avec l’URSS.

La guerre greco-ottomane et la grande catastrophe

Avant même la signature du traité de Sèvres une partie des turcs refuse un tel dépeçage de l’empire ottoman.

De mai 1919 à octobre 1922 les grecs vont affronter les révolutionnaires turcs dirigés par Mustafa Kemal le futur Atatürk.

Le Traité de Lausanne va faire perdre à la Grèce tous ses gains du traité de Sèvres sauf les îles de la mer Egée. Un dramatique échange de population à lieu avec 1.3 millions de grecs de Turquie partent vers l’ouest et 385000 turcs prennent le chemin inverse.

Au cours de la Conférence de Paris l’Italie outrée que ses intérêts au Proche-Orient ne soient pas respectés quitte la conférence. Cela fait les affaires de la Grèce qui peut débarquer des troupes à Smyrne le 15 mai 1919. Ce débarquement discrédite définitivement le sultan ottoman et renforce le mouvement révolutionnaire turc.

Ce débarquement grec est la réponse selon Athènes aux massacres des grecs du Pont et de l’Anatolie. Cet argument est contesté par les alliés et contesté par les turcs.

De mai 1919 à octobre 1920 les grecs se contentent de consolider leur emprise sur leur zone d’influence en Anatolie et sur la côte ionienne.

D’octobre 1920 à août 1921 les grecs attaquent les turcs de Mustafa Kemal, ces derniers résistent, bénéficient du soutien de la France, de l’Italie et de l’URSS et peuvent contre-attaquer. Cela aboutit à une défaire grecque en octobre 1922, prélude à la Grande Catastrophe.

Le 15 mai 1919, 20000 soldats héllènes de la 1ère division débarquent à Smyrne. Ils sont débarqués et soutenus par des navires grecs, français et britanniques. Pour Athènes Smyrne et sa régions sont des terres grecques qui doivent intégrer le royaume mais cet état de fait est contesté par les turcs et même par les alliés. Il semble en réalité que seule la ville soit grecque (et encore) et que son hinterland soit surtout peuplé de turcs.

Dès le premier jour des combats sporadiques ont lieu provoquant 300 à 400 morts côté turc et une centaine chez les grecs.

Si certains à Athènes ont pu pensé à une promenade militaire ils ont du être vite dégrisés. Comme souvent dans ce genre de conflit un terrible cycle d’attentats, de répresailles et de nouveaux attentats qui se met en place.

A J+7 (22 mai), les grecs commencent à occuper l’hinterland de la ville de Smyrne et se heurtent à des soldats turcs qui ne savent plus sur quel pied danser. Si le gouvernement ottoman _le seul reconnu par la communauté internationale_ leur à ordonné de ne pas résister, nul doute que leur patriotisme et leur éthique professionnelle leur dicte de combattre des troupes qui ne peuvent être considérées que comme des envahisseurs sans compter leur passif entre grecs et ottomans.

Au printemps et à l’été 1920, les grecs lancent de vigoureuses offensives. A l’époque l’armée héllène est encore soutenue par les alliés et surtout le personnel notamment de commandement est expérimenté. En face l’armée ottomane est en pleine déliquescence et le mouvement révolutionnaire turc est motivé mais peu entrainé et peu armé.

Les grecs occupent l’ouest et le nord-ouest de l’Asie Mineure. Parallèlement des combats ont lieu en Thrace. Peu à peu les grecs relèvent des unités françaises, Paris estimant avoir autre chose à faire que d’occuper cette région à moins que le gouvernement français ne pressent le traquenard qui monte peu à peu.

Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 est une amère déception pour la Grèce qui voit la région de Smyrne placée simplement sous son administration avec l’organisation en 1925 d’un plébiscite pour connaître le choix final des habitants. Détail intéressant ni les grecs ni les ottomans veulent ratifier ce traité qui ne satisfait personne.

En octobre 1920 les grecs s’avancent en Anatolie avec le soutien britannique. Lloyd George n’est pas un partisan de la Grande Idée mais veut surtout faire pression sur les ottomans pour que ces derniers ratifient le traité de Sèvres.

C’est alors que la machine militaire grecque se grippe. Suite à sa défaite électorale Venizélos doit quitter le pouvoir. De plus la mort prématurée du pauvre roi Alexandre 1er laisse augurer d’une possible, que dis-je d’une probable restauration de Constantin 1er dont on connait clairement le passif l’opposant à l’homme politique crétois.

Avant même le retour du beau-frère de Guillaume II sur le trone des hellènes, le personnel militaire vénizéliste est remplacé par un personnel monarchiste moins expérimenté et/ou moins compétent.

Les turcs se sachant militairement inférieurs refusent d’abord le combat, échangeant de l’espace contre du temps. Leur retraite ordonnée aurait du mettre la puce à l’oreille des grecs mais ces derniers ivres de leurs succès continuent de s’enfoncer sur les plateaux anatoliens prolongeant une guerre qu’ils avaient pourtant promis de terminer.

Les signaux d’alarme se multiplient notamment le plus inquiétant à savoir le fait que les alliés promettent de retirer leur soutien politique et militaire si Constantin 1er était restauré. En dépit de cette menace, les grecs plébiscitent le retour au pouvoir du troisième roi de Grèce (après Othon 1er et George 1er). Conséquence logique, les vénizélistes ou ceux ayant à craindre du nouveau régime préfèrent prendre le chemin de l’exil.

A cette époque l’armée grecque avait atteint la ville d’Eskisehir à environ 200km à l’ouest d’Ankara, la nouvelle capitale turque. Une résistance ferme et décidée de la nouvelle armée turque oblige les grecs à se replier.

Une nouvelle campagne est lancée au début de l’année 1921. Si la première bataille d’Inonü est une victoire grecque (9 au au 11 janvier), la seconde du 26 au 31 mars est une victoire turque non sans lourdes pertes des deux côtés.

Dès la première bataille d’Inonü, les alliés sentent que le vent tourne et propose une révision du traité de Sèvres.

Une conférence réunie à Londres en février et mars 1921 est un échec mais détail qui n’en est pas un, le gouvernement ottoman et les révolutionnaires turcs de Mustafa Kemal sont représentés.

L’échec de la conférence de Londres s’explique en grande partie par le fait que les grecs sont encore persuadés de pouvoir l’emporter avec le soutien de la Grande-Bretagne même si se soutien est plus tacite qu’autre chose.

En mars 1921 nouveau signal d’alerte pour Athènes, les français et les italiens signent un traité de paix avec les turcs et vont même jusqu’à fournir armes et renseignement au futur Atatürk. Il s’agit de contrer une Grèce qui est désormais vue comme un client de la Grande-Bretagne.

En juillet 1921 un accord franco-turc voit la France évacuer la Cilicie et autorise des livraisons substansielles d’armes.

Du 10 au 24 juillet à lieu la bataille d’Afyonkarahisar. C’est une victoire grecque mais une victoire à la pyrrhus avec des turcs se repliant en bon ordre. Lors de la bataille de Sakarya du 14 août au 13 septembre, les grec attaquent mais les turcs leur opposent une résistance farouche.

Les deux adversaires sont clairement épuisés. Les grecs sont certes parvenus à moins de 50km d’Ankara mais ils sont épuisés et affamés. De plus leurs longues lignes de communication les rendent très vulnérables au point qu’ils préfèrent se replier. Athènes demande l’aide de Paris et de Rome mais sans surprise les deux sœurs latines refusent.

Les turcs ont clairement pris l’ascendant alors que les grecs sont épuisés et démoralisés. La logique, le bon sens militaire auraient du conduire les grecs à se replier autour de Smyrne mais au lieu de cela les militaires grecs sombrent dans le plus complet irréalisme en planifiant une offensive sur Constantinople !

Le 26 août 1922 les turcs lancent leur grande offensive. Ils remportent une bataille décisive à Dumlipinar quatre jours plus tard, bataille qui fait suite à celle de Sokaya (début le 14 août fin des derniers combats le 13 septembre).

La moitié de l’armée grecque est capturée ou tuée, l’équipement entièrement perdu. Deux généraux grecs sont mêmes capturés. L’avancée turque est ensuite rapide et Smyrne tombe le 9 septembre 1922.

Les britanniques veulent résister aux côtés des grecs mais les français et les italiens refusent et évacuant la région de Constantinople et des détroits turcs.

Le 13 septembre 1922 la ville de Smyrne/Izmir est ravagée par un incendie dont les causes sont aujourd’hui encore disputées. Des arméniens et des grecs sont massacrés tandis que d’autre tentent de fuir en prennant d’assaut les navires étrangers présents dans le port.

Le 11 octobre 1922 l’Armistice de Moudanya est signé. Les franco-britannico-italiens gardent le contôle de la Thrace orientale et du Bosphore, les grecs évacuent ces régions. L’accord est appliqué à partir du 15 soit au lendemain de l’accord grec.

De cet armistice va découler le Traité de paix de Lausanne signé le 24 juillet 1923 et entré en vigueur le 6 août 1924.

Les alliés reconnaissent le régime d’Ankara comme le régime turc légitime. Mustafa Kémal et son gouvernement reconnaissent la perte de Chypre, du Dodécanèse, de la Syrie, de la Palestine, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Arabie. Les alliés abandonnent les projets de Grande Arménie et d’autonomie d’un état kurde. La Turquie du traité de Lausanne est la Turquie actuelle moins le sandjak d’Alexandrette qui sera rétrocédé par la France en 1939 pour éviter une entrée en guerre turque aux côtés des allemands au moment de la guerre de Pologne.

Le traité prévoit également des échanges de population et tous les mécanismes de contrôle de la souveraineté turque sont abolis moins le contrôle des détroits qui sont internationalisés. Le régime des Capitulations est également abolit. Des échanges de population vont avoir lieu (ils ont en réalité déjà commencé dans des circonstances dramatiques).

Entre-temps le 11 novembre 1922 la péninsule de Gallipoli à été évacuée par les grecs. La Grande Catastrophe provoque une terrible secousse en Grèce et notamment en ce qui concerne la vie politique déjà agitée du pays. Huit responsables politiques et militaires sont traduits devant la justice et six d’entre-eux (d’où le nom de Procès des Six) sont condamnés à mort et exécutés (27 novembre 1922).

Deux mois plus tôt le 27 septembre 1922 Constantin 1er avait définitivement abdiqué en faveur de son fils ainé Georges II mais comme nous le verrons dans la partie suivante pour peu de temps.

Mitteleuropa Balkans (167) Grèce (11)

La Grèce dans la première guerre mondiale

En bref

Chers lecteurs je confesse que j’ai du mal à aller vers l’essentiel et que je veux toujours en faire trop.

Voilà pourquoi je vais commencer par une partie qui synthétise les événements concernant la Grèce dans le première conflit mondial. Comme ça qui veulent aller à l’essentiel pourront lire cette partie et sauter les suivantes.

Quand la première guerre mondiale éclate, la Grèce choisit la voie de la neutralité. Elle est pourtant impliquée à son corps défendant les différents belligérants prenant leurs aises sur le territoire grec, l’Armée Navale qui attend la sortie de la marine austro-hongroise n’hésitant pas à mouiller sur des rades foraines grecques sans forcément que le gouvernement grec ait accepté.

Cela fragilise un peu plus une société grecque que l’on peut diviser entre Vieux et Nouveaux Grecs, les premiers issus des territoires acquis à l’indépendance ne considérant pas les seconds ayant intégré le royaume au 19ème et après les deux guerres balkaniques comme de vrais grecs ce qui comme je l’ai déjà dit met une claque au concept de la Grande Idée qui semble davantage destinée à satisfaire la soif de conquêtes, la soif de pouvoir et la soif de gloire d’une classe dirigeante dont la corruption n’est plus à prouver.

Constantin 1er

Ces fêlures deviennent des fractures au cours du conflit. Il faut dire que quand vous avez un roi (Constantin 1er), beau-frère de Guillaume II germanophile convaincu de la supériorité des Empires Centraux et un premier ministre Elefthérios Venizelos partisan de l’Entente forcément pour la gestion du pays dans une guerre mondiale.

Eleftherios Venizelos

A cela s’ajoute une querelle personnelle entre les deux hommes, le roi alors qu’il n’était que prince héritier considérant l’homme politique crétois comme le «mauvais génie» de son père et qui l’avait obligé à mettre cap sur Thessalonique plutôt que sur la Macédoine. Néanmoins je temporiserai en disant qu’en 1914 la rupture n’est pas encore consommée entre les deux hommes.

Le 3 octobre 1915 le premier ministre grec franchit le Rubicon en autorisant le débarquement à Thessalonique des troupes alliées évacuées des Dardanelles après l’échec de l’expédition du même nom. Constantin 1er le démet de ses fonctions marquant le début du Schisme National.

Le 16 septembre 1916 avec l’appui du général français Maurice Sarrail, Elefthérios Venizelos créé le Gouvernement de Défense Nationale marquant le début d’une guerre civile, le pays se trouvant divisé en trois avec au sud la partie contrôlée par le gouvernement, la Macédoine et l’Epire aux mains des venizelistes et au centre une partie neutre faisant tampon entre les deux régions car si les alliés ont intérêt à voir la Grèce les rejoindre ils n’ont aucun intérêt à favoriser une guerre civile.

Les alliés mettent la Grèce sous blocus pour faire pression sur le gouvernement royaliste (le 1er décembre 1916 un débarquement à Athènes s’était mal terminé pour les alliés) qui le 11 juin 1917 reçoit un ultimatum. Constantin 1er abdique, laissant à son fils cadet Alexandre le trône mais le jeune roi n’à aucun pouvoir.

Un nouveau gouvernement dirigé par Venizelos déclare la guerre aux Empires Centraux le 2 juillet 1917. Une nouvelle armée grecque est créée permettant à Athènes de bénéficier des traités de paix en récupérant nombre de territoires.

Elefthérios Venizelos

Avant de rentrer dans les détails (NdA promis je serais pas trop long), il me semble important de présenter rapidement le premier ministre de Constantin 1er.

Elefthérios Venizelos est né le 23 août (NdA calendrier grégorien) 1864 à Mounies sur l’île de Crète. Il devint avocat en 1887 et comme souvent à l’époque il est aussi journaliste et homme politique.

Il joue un rôle clé dans l’insurrection crétoise de 1886/87, devenant en 1889 député de l’Assemblée Générale crétoise qui vote l’enosis (rattachement) de la Crète à la Grèce. Faute de soutien des grandes puissances et aussi en raison de la défaite de 1897 contre les ottomans, la Grèce ne peut obtenir qu’une Crète autonome dirigée par un haut commissaire, le prince Georges.

Venizelos est ministre de la Justice de la Crète de 1898 à 1901 mais s’oppose au prince Georges au point de prendre la tête d’insurrection en 1905, insurrection qui aboutit au départ du Prince Georges.

En 1909 à lieu le coup de Goudi. Solicité par les putschistes pour prendre leur tête, il accepte mais uniquement après la convocation d’élections qui aboutissent à une victoire triomphale de son parti en octobre 1910.

Si les relations avec Georges 1er sont normales, celles avec son fils et successeur Constantin 1er vont vite se tendre en raison de rancœurs personnelles. Si d’abord le roi et son premier ministre parviennent à les mettre de côté, peu à peu les relations vont se tendre jusqu’à aboutir à la rupture.

Il devient ainsi premier ministre, poste qu’il va occuper du 18 octobre 1910 au 10 mars 1915 puis du 23 août au 7 octobre 1915 date à laquelle il est congédié par le roi Constantin 1er suite à un acte qui fleure la rébellion : l’accès à la ville de Thessalonique pour les troupes alliées évacuées des Dardanelles.

Il prend la tête d’un gouvernement rebelle et obtient le soutien des alliés qui par un blocus maritime, des menaces de bombardement sur Athènes et différentes pressions obtiennent l’abdication du roi et de son fils ainé, laissant le prince Alexandre devenir Alexandre 1er. Ai-je besoin de dire que ce roi était comme les derniers mérovingiens un roi sans pouvoir ?

Alexandre 1er

Après avoir mis sur pied son Gouvernement de Défense Nationale, Venizelos redevient premier ministre de la Grèce le 27 juin 1917, poste qu’il va occuper jusqu’au 18 novembre 1920, date de sa défaite aux élections, Elefthérios Venizelos subissant le même sort que Clemenceau en étant congédié par une classe politique ou des électeurs souhaitant passer à autre chose.

Es-ce la fin de la carrière politique du «Clemenceau grec» (NdA j’ignore si les deux hommes se sont rencontrés mais c’est probable notamment à la conférence de paix de Paris) ? Oui et non avec des exils et des retours ce qui traduisit parfaitement le chaos de la Grèce post-premier conflit mondial.

Il est ainsi rappelé après la Grande Catastrophe, la déroute de l’armée grecque face aux troupes de celui qui n’est pas encore Attatürk mais ne peut enrayer le chaos d’une république introuvable. Il est ainsi premier ministre du 24 janvier au 19 février 1924, du 4 juillet 1928 au 26 mai 1932, du 3 juin au 3 novembre 1932 et enfin du 16 novembre 1932 au 6 mars 1933.

Accusé de tendances dictatoriales, soupçonné fortement d’avoir piloté deux coups d’état ayant avorté, il choisit l’exil en France, la restauration de la monarchie rendant caduque tout espoir de se maintenir au pouvoir. Il ne souffre guère de l’exil puisqu’arrivé à Paris en mars 1935 il y meurt un mois plus tard. Le corps est ramené directement en Crète pour éviter tout problème d’ordre public à Athènes.

Sa trace est immense puisqu’il à participé à la structuration de la vie politique grecque en deux partis, un parti libéral et un parti conservateur, ce bipartisme explosant durant la seconde guerre mondiale avec l’émergence d’un parti centriste, d’un parti socialiste et d’un parti communiste.

Neutralité et engagement, Schisme National et Gouvernement de Défense Nationale

En 1914 la Grèce est un pays ruiné ou du moins très appauvri par les guerres balkaniques. De plus le pays est divisé politiquement avec une classe politique décrédibilisée et divisée.

L’année précédente en 1913, le roi Constantin 1er s’était rendu en Allemagne et en France dans l’espoir d’obtenir des crédits pour des travaux d’infrastructure mais sans succès, Berlin refusant de se mettre à dos son allié et partenaire ottoman alors que Paris à mal digéré les compliments vis à vis de l’armée allemande exprimés en public par le beau-frère du Kaiser.

Dès cette époque les objectifs de Constantin 1er et d’Eleftherios Venizelos commencent à diverger mais à l’époque nous sommes loin de toute rupture, les deux hommes travaillant pour asseoir la position de la Grèce dans une scène balkanique récemment bouleversée.

En dépit des pressions de son beau-frère (Constantin 1er à épousé la sœur de Guillaume II), en dépit de ses propres inclinaisons, le roi des héllènes décide de maintenir le pays neutre.

De son côté Venizelos est plus favorable à l’entente mais ne veut rentrer en guerre que si cela est profitable à la Grèce c’est-à-dire la réalisation de la Megali Idea (Grande Idée). De plus il soupçonne la famille royale d’être de connivence avec Guillaume II ce qui n’est pas le cas puisque l’empereur allemand avait menacé la Grèce d’être traitée comme une nation ennemie si jamais le pays choisissait la neutralité.

Les alliés tentent de convaincre les grecs de renoncer à des territoires récemment acquis pour attirer la Bulgarie de leur côté. Les négociations sont d’autant plus complexes que les alliés cherchent à attirer également l’Italie de leur côté. Impossible de satisfaire tout le monde.

Venizelos craint que déclarer la guerre à l’Empire ottoman n’entraine de terribles représailles aux populations hellénophones en Asie Mineure, l’exemple arménien en 1915 prouve que le crétois avait raison d’être prudent.

En Epire du Nord la situation est tendue, la majorité hellénophone qui y vit craignant de perdre un statut d’autonomie acquis en mai 1914 au sein d’un nouvel Etat albanais créé après les deux guerres balkaniques.

Athènes y envoie son armée le 27 octobre 1914 ce qui marque la fin de la République autonome de l’Epire mise en place le 17 mai 1914 dans le cadrre du protocole de Corfou.

Les alliés décident d’attendre la fin de la guerre pour régler la situation mais la Grèce fait comme si l’Epire du Nord avait fait son enosis avec la Grèce.

En mars 1916 l’union est proclamée officiellement. Si les alliés pouvaient fermer les yeux sur une union de facto en revanche de jure c’est impossible. Comme en plus les relations de l’Entente avec Athènes se sont dégradées, en septembre 1916 la France et l’Italie occupent la région.

En 1914 la Grèce soutien du bout des lèvres son alliée serbe pour ne surtout pas provoquer la Triplice.

Au moment du déclenchement de l’Expédition des Dardanelles en février 1915, Venizelos veut profiter de la situation pour attaquer l’empire ottoman. Constantin 1er et le chef d’état-major un certain Ioannis Metaxas veulent que la Grèce attaque seule pour s’emparer Constantinople.

Probablement parce qu’ils savaient parfaitement que jamais les alliés accepteraient une Grèce occupant Constantinople notamment les russes pour qui les détroits turcs constituent le dernier verrou pour accéder aux mers chaudes, obsession russe depuis Pierre le Grand.

L’échec allié (notamment l’attaque navale du 18 mars 1915) porte un coup très rude à Venizelos qui avait été remplacé huit jours plus tôt (10 mars 1915).

Le 13 juin 1915 les venizélistes remportent les élections législatives. Constantin 1er rappelle Venizelos qui redevient premier ministre le 23 août 1915. Constantin 1er refise de décreter la mobilisation générale après l’attaque de la Serbie par la Bulgarie.

Suite à la menace d’une démission de Venizelos et la risque d’une crise politique majeure, il ordonne une mobilisation générale mais à but défensif.

Le 3 octobre 1915, Venizelos ouvre la ville et le port de Thessalonique aux troupes alliées évacuées des Dardanelles officiellement pour aider la Serbie.

Constantin 1er qui déteste comme tout le monde être pris pour un imbécile le congédit. Cette fois la rupture est définitive entre le roi et le premier ministre.

L’Entente considère désormais le roi Constantin 1er comme un roi pro-allemand. Il est accusé d’avoir provoqué la chute de la Serbie en refusant d’entrer en guerre en 1914 ou 1915.

Les alliés ordonnent à Athènes de démobiliser son armée pendant que la loi martiale est proclamée à Thessalonique et qu’un blocus maritime partiel est mis en place pour faire plier le roi qui organise de nouvelles élections mais le scrutin est boycotté par les vénizélistes.

Le 1er janvier 1916 les alliés installent les serbes évacués à Corfou. Des troupes françaises arrivent le 12 janvier 1916. Les relations se tendent avec les alliés mais ces derniers ne veulent pas forcément rompre avec Constantin 1er.

Les alliés multiplient les pressions alors que le gouvernement grec cherche à mécontenter ni les alliés ni la Triplice mais es-ce encore possible alors que la guerre qui fait rage depuis bientôt deux ans ce qui à radicalisé les positions.

Les forces germano-bulgares occupent une partie de la Grèce. Constantin 1er refuse que ses troupes résistent ce qui ulcère nombre d’officiers qui se demandent à quoi cela à servit de lutter et de mourir trois ans plus tôt pour ne pas combattre.

A Athènes on assiste à des affrontements de rue entre monarchistes et venizélistes. Les alliés évacuent Venizélos sur la Crète pour le mettre à l’abri.

La marine marchande grecque subit un embargo le 29 mai, la famine menace sans compter une grave pénurie de charbon. On parle de projets d’enlèvements ou d’assassinats de Constantin 1er, projets imaginés par les services de renseignements français. Un incendie dans la forêt entourant le Palais de Tatoï est attribué aux français.

Le 29 mai 1916 Venizelos propose de créer un gouvernement provisoire. Il ménage encore le roi et la dynastie pour des raisons politiques et diplomatiques. Le président du conseil Aristide Briand refuse craignant de mécontement de Londres.

Le 2 août 1916 à lieu un coup d’Etat militaire à Thessalonique, coup d’état organisé avec l’aide du général Sarrail. La mise en place d’un comité de défense nationale très vite piloté par Venizélos marque le début du Schisme National.

Elefthérios Vénizélos débarque à Thessalonique en compagnie de l’amiral Pavlos Koundoririotis et du général Panagiotis Danglis. Le soutien des alliés reste tacite et officieux. Le blocus allié se renforce et une partie de la marine grecque est saisie.

Constantin 1er hésite entre opposition franche aux alliés et tentative timide de coopération. L’attitude des vénizélistes et de leur chef est aussi critiquée par les alliés.

Le 16 novembre 1916 les alliés exigent que les grecs livrent des armes mais le gouvernement royaliste refuse.

Le 23 novembre 1916, le vice-amiral Louis Dartige du Fournet, commandant des forces navales alliées en Méditerranée expulse les représentations diplomatiques des Empires Centraux. Un nouvel ultimatum est adressé le lendemain.

Les grecs refusent le 26 novembre et mettent Athènes en état de se défendre avec 20000 hommes, des soldats de l’armée régulière et des miliciens (epistratoi). En face les alliés pensent à un bluff.

Le 1er décembre 1916 1200 marins français, italiens et britanniques des compagnies de débarquement sont mis à terre mais les positions qui leur ont été assignées sont déjà occupées par les grecs. Après deux heures d’observation, les combats éclatent provoquant la mort de 194 marins du côté de l’Entente contre 82 pour les grecs.

Ce sont les Vêpres grecques. Après d’houleuses négociations, les alliés évacuent le lendemain. Les vénizélistes sont pourchassés, leurs habitations et leurs magazins sont saccagés, trente-cinq personnes étant tuées. L’amiral français est relevé de ses fonctions.

Le 2 décembre 1916 les alliés reconnaissent partiellement le gouvernement de Vénizelos qui déclare la guerre à l’Allemagne et la Bulgarie le 7 décembre. Déclaration symbolique car l’armée vénizéliste se limite à un bataillon de volontaires. De son côté le gouvernement grec émet un mandat d’arrêt contre Vénizélos qui subit l’anathème de l’archevêque-primat.

En 1917 le retrait russe oblige les alliés à chercher de nouvelles troupes et à part les grecs on ne trouve personne de disponible rapidement.

Le 10 juin 1917 le haut-commissaire Charles Jomart réclame l’abdication du roi et du diadoque trop germanophile au goût des alliés. Constantin 1er abdique au profit d’Alexandre 1er qui est un roi fainéant au sens qu’il n’à aucun pouvoir réel.

Le 21 juin 1917 Venizelos débarque au Pirée, le gouvernement loyaliste démissionne. Le 26 juin 1917, le gouvernement de Thessalonique s’installe à Athènes et devient le gouvernement grec légitime.

Vénizelos devient un quasi-dictacteur en mettant en place une politique autoritaire pour préparer le pays à entrer en guerre. Les alliés se retirent des bases occupées (comme le Pirée et Salamine), rendent les navires saisis et évacuent l’Epire qui est réoccupée par les grecs.

En août 1917 le gouvernement grec reçoit un prêt de 30 millions de francs-or pour lever une armée de douze divisions. L’équipement tarde à arriver ce qui provoque des tensions entre grecs et alliés.

Un nouveau prêt de 750 millions de francs-or est accordé en échange de la mise à disposition de 300000 hommes au profit du général Guillaumat qui à remplacé le général Sarrail. La mobilisation générale est ordonnée le 22 janvier 1918.

Les troupes héllènes sont vus d’abord avec suspicion et il faudra du temps pour que la confiance règne entre alliés et grecs. Les grecs remportent la bataille de Skra-di-Legen du 29 au 31 mai 1918 suivit d’une victoire greco-britannique lors de la troisième bataille de Dorian les 18 et 19 septembre 1918.

Le 29 septembre 1918 la Bulgarie signe l’armistice de Thessalonique avant d’être suivis par les autres pays que ce soit l’empire ottoman le 30 octobre, l’Autriche-Hongrie le 3 novembre et l’Allemagne le 11 novembre 1918.

Le conflit terminé la Grèce espère obtenir de fructueuses récompenses. Venizelos publie un mémoire où il montre qu’il est prêt à abandonner beaucoup pour obtenir l’Asie mineure. Une commission des affaires grecques dirigée par Jules Cambon est créée au sein de la Conférence de paix de Paris.

La Grèce obtient la Thrace orientale et l’Ionie au traité de Sèvres mais ces territoires seront perdus au cours de la Grande Catastrophe.

En 1923 la Grèce allait néanmoins récupérer la Thrace occidentale auprès de la Bulgarie qui perd ainsi un accès direct à la mer Ionienne. A noter que la Grande Catastrophe permet à l’Italie de ne pas appliquer un accord de 1919 qui prévoyait la rétrocession du Dodécanèse sauf Rhodes à la Grèce. L’Epire du Nord est rétrocédée à l’Albanie en 1923.

Mitteleuropa Balkans (166) Grèce (10)

La Grèce dans les guerres balkaniques

En bref….

Au début du 20ème siècle la poudrière des Balkans n’à jamais aussi bien porté son nom avec de nombreuses tensions entre états chrétiens et l’empire ottoman mais aussi entre états chrétiens qui se querellent entre eux.

Avant le conflit on assiste à une préparation diplomatico-militaire entre les nations européennes mais cette alliance est biaisée par des intérêts clairement divergents entre les participants de la Ligue Balkanique.

C’est ainsi que si les bulgares, les serbes et les monténégrins mettent en place en commun leurs plans de guerre, ils n’invitent pas les grecs. Normalement les serbes et les monténégrins doivent attaquer dans le Sandjak, les bulgares et les serbes en Macédoine et en Thrace.

Face à ce déploiement de force important l’empire ottoman sera handicapé par l’incapacité de sa marine à couvrir le passage en Europe de troupes stationnées en Asie Mineure et dans la partie arabe de l’empire.

Trois états-majors sont ainsi mis sur pied pour gérer les fronts multiples à venir : le QG de Thrace installé à Constantinople pour faire face aux bulgares, le QG de l’Ouest à Salonique pour faire face aux grecs et enfin celui du Vardar à Skopje pour faire face à l’armée serbe.

La première guerre balkanique à lieu du 8 octobre 1912 au 30 mai 1913. Elle oppose les signataires de la Ligue Balkanique (Bulgarie, Serbie, Grèce et Monténégro) à l’Empire ottoman et se termine par une victoire éclatante des pays européens contre une Sublime Porte qui mérite plus que jamais son statut d’homme malade de l’Europe. Il faut dire que 350000 ottomans affrontent 600000 bulgares, 220000 serbes, 115000 grecs et 35000 monténégrins.

La deuxième guerre balkanique qui à lieu du 29 juin au 10 août 1913 oppose la Bulgarie à ses anciens alliés (mais aussi à l’empire ottoman) suite à des désaccords sur le partage des dépouilles ottomanes. Environ 500000 bulgares affrontent 348000 serbes, 330000 roumains, 255000 turcs, 148000 grecs et 12800 monténégrins.

Les bulgares prennent l’initiative des opérations mais les serbes et les grecs repoussent cette attaque.

Les serbes et les grecs attaquent à l’ouest et au sud, la Roumanie attaque au nord et l’empire ottoman en Thrace pour reconquérir Andrinople. Ce conflit allait se terminer par un armistice suivit du traité de Bucarest qui allait voir la Bulgarie s’en sortir à très bon compte.

La Grèce et les guerres balkaniques

Dans cette partie je ne vais pas détailler le recit de ces deux conflits qui annoncent le premier conflit mondial mais je vais essayer de me focaliser sur les événements qui concernent la Grèce et pas les autres pays.

Durant le premier conflit, la Grèce combat essentiellement sur deux fronts : le front de Thessalie et de Macédoine à l’est, le front de l’Epire à l’ouest. Si les troupes terrestres grecques font mieux que se défendre c’est surtout la marine héllène qui va jouer un rôle capital en prenant et en conservant le contrôle de la mer Egée empêchant les ottomans de se transférer entre l’Asie mineure et l’Europe des troupes.

Qui dit conflit dit armée. Les armées des Etats balkaniques sont équipées et organisées à l’européenne, à l’occidentale avec des armes fournies essentiellement par la firme allemande Krupp et par la firme française Schneider. L’artillerie des différentes armées est plutôt moderne mais l’infanterie puisée essentiellement dans la paysannerie en dehors de sa solidité et sa rusticité semble inférieure à des infanteries de pays plus développés.

De son côté l’armée ottomane avait été reformée et réentrainée fin 19ème par les allemands ce qui porta ses fruits durant la guerre greco-ottomane de 1897. Elle connait alors une période de déclin et les réformes menées par les «Jeunes Turcs» à partir de 1908 n’ont pas encore porté leurs fruits.

De plus l’armée régulière ou nizam est certes bien équipée bien entrainée mais hélas peu nombreuse à la différence de la réserve ou redif mal équipée mal entrainée et même peu sure car recrutée dans des ethnies et des nationalités qui n’ont rien à gagner à mourir pour la Sublime Porte.

L’armée grecque aligne 25000 hommes en temps de paix et peut compter sur 110000 hommes après mobilisation.

Elle comprend initialement quatre divisions d’infanterie (avec un régiment d’artillerie à trois groupes de trois batteries de quatre canons soit 36 canons de 75mm Schneider-Danglis modèle 1906/09), six bataillons d’infanterie légère les fameux evzones, trois régiments de cavalerie, deux régiments d’artillerie de montagne et un bataillon d’artillerie lourde.

L’Armée de Thessalie sous le commandement du diadoque (prince héritier) Constantin concentrée autour de Larissa comprend les 1ère, 2ème, 3ème 4ème division, 5ème, 6ème et 7ème divisions, une brigade de cavalerie, quatre bataillons d’evzones, deux compagnies du génie, deux compagnies télégraphiques, un bataillon d’artillerie de garnison, trois compagnies de brancardiers, huit hôpitaux de campagne, deux bataillons de la garde nationale et les services de QG.

Cela représente 100000 hommes, 23000 chevaux et animaux de bât, 3500 véhicules et 70 mitrailleuses.

L’Armée d’Epire placée sous le commandement du général Konstaninos Sapountzakis déployée à l’est d’Arta est nettement plus faible avec quatre bataillons d’evzones, un régiment d’infanterie à trois bataillons, un bataillon de garde nationale, une compagnie de cavalerie, un bataillon d’artillerie de campagne, un bataillon d’artillerie de bât et les services de QG soit 10500 hommes, 4200 chevaux et animaux de bat et 400 véhicules.

On note également la présence d’une Armée de l’intérieur avec 17000 hommes, 2900 chevaux et animaux de bat et 1800 véhicules qui sert de réserve.

La Grèce possède une poignée d’avions utilisée pour la reconnaissance et l’observation et surtout d’une puissante marine avec un cuirassé (Averoff), seize destroyers et 19 torpilleurs qui va couper en deux le dispositif ottoman et empêcher Constantinople de faire passer des troupes d’Asie en Europe.

Le 29 septembre 1912 Athènes décrète la mobilisation générale. Les classes 1910 et 1911 récemment libérées sont rappelées, les réservistes des classes 1893 à 1909 sont mobilisées. La Crète qui n’appartient pas officiellement à la Grèce mobilise des troupes tout comme des volontaires étrangers notamment une brigade commandée par Riccioti Garibaldi le fils de. On trouve également 77 unités crétoises, 44 unités épirotes et 9 unités macédoniennes.

La Grèce rentre en guerre le 17 octobre 1912. L’Armée de Thessalie à pour objectif la conquête de Thessalonique ville également visée par les bulgares et dans une moindre mesure les serbes. Les militaires préféraient s’emparer de Bitola pour s’emparer de toute la Macédoine. De son côté l’Armée d’Epire à pour objectif majeure la ville d’Ioannina.

L’Armée de Thessalie pénètre dans la région éponyme divisée en deux colonnes. Des irréguliers débarquent en Chalcidique dans le Golfe de Ierissos.

Le 18 octobre, la colonne ouest franchit le col de Meluna, s’emparant des villes d’Elassona et de Deskati. La colonne est marche elle sur Petra. Les ottomans qui s’attendaient à une attaque sur Elassona ont laissé les cols sans défense.

La première véritable bataille à lieu les 21 et 22 octobre. C’est la Bataille du col de Sarantaporo, cinq divisions grecque affrontant deux divisions ottomanes. Les grecs semblent mettre en place un siège le 21 mais en réalité attaquent le lendemain, attaque victorieuse avec 187 morts et 1027 blessés côté grec, 700 tués et 700 prisonniers côté ottoman.

Cela ouvre aux grecs la route de la Macédoine. Les ottomans battent en retraite mais les grecs épuisés ne peuvent se lancer à leur poursuite et ainsi transformer la retraite en déroute. De plus le manque d’éclaireurs rendait les grecs plus prudents, l’armée héllène manquant de renseignements sur l’état réel des forces ottomanes.

L’effort de guerre grec est alors parasité par les querelles entre les militaires et les politiques. Le diadoque Constantin voulu marcher sur Bitola mais son père le roi Georges 1er lui fait comprendre que le plus important c’était de s’emparer de Thessalonique. Constantin s’incline et transfera sa rancoeur sur Venizelos selon le cliché classique du «bon roi entouré de mauvais conseillers».

La ville de Servia tombe le 22 octobre, celle de Kozani le 23 et le 26 l’armée grecque force les cols du Vernion sur la route entre Kozani et Béroia. Le 28 c’est la ville de Katerini qui tombe, deux divisions atteignant la ville de Béroia, une autre le village de Perdikas.

Le 29 octobre 1912 la ville de Naoussa est prise sans combat, la population s’étant révoltée et avait chassé la garnison ottomane.

Le 30 octobre 1912 les villes d’Edessa et de Gidas (aujourd’hui Alexandreia) sont prises. Après les combats autour de Servia, la 5ème division est envoyée vers le nord et la ville de Florina pour préparer une éventuelle avancée vers Bitola.

Le 27 octobre, la ville de Ptolemaida est prise suivit trois jours plus tard de la ville d’Amyntaio. Suite à une contre-attaque ottomane, la division doit se replier en désordre vers le sud-est.

Les 1er et 2 novembre 1912 à lieu la Bataille de Grannitsa. Les grecs mobilisent 80000 hommes face aux 25000 soldats ottomans. Les grecs ont 1200 tués contre 1960 pour les ottomans. Cette sanglante bataille permet aux grecs d’avancer vers l’est direction Thessalonique. Les ottomans avaient détruit le pont routier sur le Vardar mais étonnamment pas le pont ferroviaire.

Le 4 novembre la ville de Nigrita est prise. Le 6 novembre 1912 la ville de Siatista est prise sans combats par le 4ème bataillon d’evzones. Une contre-attaque ottomane est repoussée.

Le 8 novembre 1912 les grecs rentrent à Thessalonique après la rédition négociée de la garnison ottomane. Après de laborieuses négociations, les grecs acceptent que des troupes bulgares s’installent à Thessalonique pour se reposer. Cette course greco-bulgare pour Thessalonique à permis aux ottomans de se replier en bon ordre et préserver l’avenir.

Constantin décide de s’emparer de Bitola. Le 12 novembre, la 6ème division s’empare d’Edessa, la ville de Kelle est prise par le 1er régiment de cavalerie et un bataillon d’evzone le 20 novembre. Le 23 novembre c’est la ville de Kastoria qui tombe alors que le 20 décembre 1912 c’est la ville de Korista qui est prise.

Sur le front d’Epire il est initialement question de rester sur la défensif mais dès le 18 octobre on décide de passer à l’attaque. La ville de Filippiada est prise le 24. Les (maigres) moyens sont divisés en deux colonnes, une avançant vers le nord et Ioannina l’autre devant longer le Golfe Ambracique et descendre vers le sud-ouest et Preveza. Cette dernière colonne connait une forte résistance.

Le 2 novembre 1912 la ville et le fort de Nicopolis sont prises par la 2ème colonne (une compagnie d’infanterie et un peloton de cavalerie). Preveza est prise le lendemain mais la capture de Ioaninna fût plus longue.

Il faut dire que la noix est très dure à casser avec deux divisions d’infanterie et 90 canons de gros calibre. Le 5 novembre le port de Chemarra situé au nord-ouest de Ioaninna est prise pour tenter de perturber le ravitaillement de la garnison ottomane. Le 13 novembre c’est la ville de Metsovo qui est prise suivie le 7 décembre par les villes d’Aghioi et de Saranta mais cette dernière doit être évacuée dès le 10 décembre.

Les grecs assiègent Ioannina mais sont bloqués tout comme les bulgares à Andrinople et les monténégrins à Scutari.

La Grèce ne signe pas l’armistice de Chataldzha et les combats se poursuivent durant tout l’hiver 1912/13. Le siège est compliquée car le blocus n’est pas totalement étanche, les soldats ottomans étant toujours ravitaillés.

En janvier 1913 trois divisions d’infanterie supplémentaires arrivent portant les effectifs à 28000 hommes avec 80 canons et 6 avions. La situation logistique grecque est précaire (mauvais temps, ravitaillement difficile). Les ottomans sont dans une situation délicate avec des habitants hostiles. Le siège est marqué par des duels d’artillerie et par la prise et la perte de fortins.

Le 23 janvier 1913 le diadoque Constantin remplace le général Sapountzakis. Le futur roi concentre ses moyens, ménage ses forces et peut lancer une offensive le 5 mars, offensive décisive car la ville se rend le lendemain.

Leskavik est prise le 7 mars (elle sera rétrocédée à l’Albanie) et Klisoura dès le 3 mars. Konitsa est prise le 5 mars, Neochori et Philiates le 9 mars, Argyrokastro et Delvino le 15 mars, Tepelen le 17 mars. L’avancée est stoppée le 2 avril, l’Italie et l’Autriche-Hongrie refusant que la Grèce ne contrôle l’accès à l’Adriatique.

La marine grecque appuie les attaques terrestres grecques, serbes et bulgares. Le 16 novembre 1912 l’île d’Ikaria est conquise. L’île de Tenedos est prise le 20 octobre 1912 et Lemnos avec son précieux port de Moudros le 28 octobre. Le 31, les grecs débarquent à Thasos, Agios Efostratios et Imbros et le 1er novembre c’est l’île de Samothrace qui est prise. Le port de Smyrne est bloqué. Le 22 c’est Psara qui est prise.

Le 14 novembre 1912 le mont Athos est conquis par les grecs. Le 21 décembre 1912 c’est l’île de Lesbos qui est prise. Le 3 janvier 1913 l’île de Chios est occupée. Le 14 mars 1913 l’île de Samos est prise et annexée à la Grèce.

Il y à deux batailles navales majeures, la Bataille d’Eli le 16 décembre 1912 et la Bataille de Lemnos le 18 janvier 1913.

A cette époque commencent les négociations entre alliés pour se partager les territoires européens de l’empire ottoman. Les premières tensions apparaissent. Les négociations ont lieu également avec l’empire ottoman et les Grandes Puissances.

En avril et mai 1913, la Grèce et la Serbie négocient un traité d’alliance. La Serbie obtenait Monastir, la Bulgarie Andrinople et la Grèce Thessalonique.

Le 18 mars 1913 Georges 1er est assassiné par un anarchiste à Thessalonique. Son fils Constantin immensément populaire devient Constantin 1er et non Constantin XII comme l’aurait souhaité certains grecs pour faire le lien avec Constantin XI Paléologue, le dernier empereur byzantin.

A l’époque on craint une guerre entre la Grèce et l’Italie car le Dodécanèse récemment conquis par les italiens réclamait son incorporation à la Grèce (ce qui sera chose faite en 1950 après l’opération CATAPULT).

La France soutient la Grèce car l’Italie est membre de la Triplice. La Russie refuse de voir la Bulgarie s’approcher trop de Constantinople.

Le Traité de Londres est signé le 30 mai 1913. Tous les territoires ottomans à l’est de la ligne Aimos/Medée passent aux vainqueurs qui doivent se partager les dépouilles.

L’empire ottoman renonçait également à la Crète et aux îles de la Mer Egée. La création de l’Albanie frustrait les objectifs serbes (fénètre sur l’Adriatique) et grecs (conquête de l’Epire du Nord, région à peuplement héllenophone).

La Deuxième guerre balkanique ne va pas tarder à éclater. La pomme de discorde majeure est la ville de Thessalonique. La Serbie et la Grèce ont signé un accord militaire le 12 mai 1913 prévoyant pour la partage des territoires une attitude commune face à la Bulgarie. On note des incidents militaires dès l’hiver 1912/1913.

Très vite des troupes serbes et grecques sont redéployées. Les grecs et les serbes ont moins souffert que les bulgares et doivent surtout défendre des territoires conquis à la différence des bulgares.

121000 soldats grecs sous le commandement direct de Constantin 1er doivent affronter les 36000 hommes de la 2ème Armée bulgare.

Les bulgares attaquent dans la nuit du 29 au 30 juin 1913. Le 30, les grecs chassent les troupes bulgares encore présentes à Thessalonique, des unités pauvrement équipées qui n’avaient aucune chance de tenir face à une attaque grecque décidée.

Du 30 juin au 4 juillet à lieu la Bataille de Kilkis-Lachanas. C’est une victoire grecque décisive avec de lourdes pertes côté bulgare. Le moral est très atteint du côté des troupes de Ferdinand 1er. Les bulgares abandonnent Serves et Drama. La victoire est célébrée par une médaille représentant d’un côté Constantin 1er et de l’autre l’empereur byzantin Basile II dit le Bulgaroctone (le «tueur de bulgares» NdA mon empereur byzantin préféré).

Le 6 juillet 1913 à lieu la Bataille de Dojran, une nouvelle victoire grecque qui entraine une retraite générale des forces bulgares le lendemain. Le 10 juillet la ville de Stromnitsa est prise et le même jour le fleuve Strymon est franchit, la ville de Sidivokastro est prise. Serves est prise le 11 juillet 1913.

La ville de Kato Neurokopi est prise le 19 juillet suivie de Xanthi le 25 juillet. Entre-temps le 23 juillet les grecs pénètrent en territoire bulgare par les gorges de Kresna. Épuisées les troupes grecques s’arrêterent le lendemain. Komotoene est prise le 27 juillet 1913.

Le 29 juillet 1913 les grecs attaquent dans les gorges de Kresna mais cela manque de tourner à la catastrophe. Ce qui sauve les grecs (qui manquent de subir le même sort que les romains à Cannes face à Hannibal) c’est l’attaque roumaine qui menaçait Sofia.

Les Balkans après le traité de Bucarest (1913)

Le Traité de Bucarest signé le 10 août 1913 voit la Bulgarie conserver une fenêtre sur la mer Egée avec le petit port de Dedeagac, le port majeur de Kavala allant à la grèce. La souveraineté grecque sur la Crète est enfin reconnue. Un traité greco-ottoman est signé à Athènes le 14 novembre 1913.

Durant ces conflits la Grèce à perdu 5169 morts (première guerre balkanique) et 2563 morts (deuxième guerre balkanique), 23502 et 19307 blessés.

La superficie augmente de 70% (64786 à 108606km²) et la population passe de 2.6 à 4.3 millions d’habitants.

La Grèce récupère la Macédoine avec les villes de Thessalonique, Beroia, Edessa et Kavala mais ne peut récupérer l’Epire du Nord confiée au nouvel état albanais. Des échanges de population ont lieu.

Des problèmes politiques ne tardent pas à éclater, les «Vieux grecs» ne considérant pas les nouveaux grecs comme des frères véritables ce qui limite la portée de la Grande Idée. Pas étonnant que Thessalonique ait servit de base de reconquête à Elefthérios Venizelos après qu’il eut été chassé du pouvoir en 1915.