Heureusement pour les pilotes, les navigateurs et les mitrailleurs des groupes de bombardement, l’armée de l’air disposait en septembre 1939 de bombardiers dont les capacités n’avaient rien à envier à celles de leurs ennemis allemands, italiens voir japonais.
Comme je l’ai déjà noté, la fin des années trente voit le lancement d’un ambitieux plan de réarmement aéronautique baptisé Plan V (plan cinq) qui est régulièrement renforcé mais invoquer les avions ne les fait pas apparaitre et devant le risque d’une guerre prolongée en infériorité qualitative et quantitative, décision est prise de se tourner vers l’étranger pour pallier aux carences de l’industrie nationale. C’est ainsi que deux modèles de bombardiers légers vont être commandés aux Etats-Unis auquel s’ajoutera un bombardier lourd.

Douglas DB-7
Le premier est le Douglas DB-7. Ce petit bimoteur à ailes hautes effectua son premier vol le 26 octobre 1938 sous le nom de Modal 7B. Cet appareil est sélectionné par l’USAAC qui le baptise Douglas A-20 Havoc, un total de 1962 appareils équipant l’USAAC.
La France essaie l’appareil et en dépit d’un crash durant les essais le 23 juin 1939, l’armée de l’air est suffisamment impressionnée pour commander 100 appareils, devenant le premier client de l’appareil avant même l’USAAC.
Une deuxième commande fût passée en octobre 1939 pour 170 appareils avec une motorisation différente est passée même si ce n’est qu’à partir du 131ème appareil que cette motorisation fût disponible.
Une fois construits les appareils étaient montés, embarqués sur bateau et rejoignaient Casablanca où une chaine de montage avait été installée. Si le premier DB-7 est officiellement pris en compte par l’armée de l’air le 31 octobre 1939, le rééquipement et l’équipement des groupes n’a lieu qu’à partir de janvier 1940.
En mai 1940, deux groupes sont entièrement équipés de cet appareil et trois autres étaient en cours de transformation, quittant le Bloch MB-210 pour recevoir le nouvel appareil. Cette transformation fût achevée en septembre 1940.
Ces cinq groupes étaient équipés chacun de 16 appareils soit un total de 80 appareils en ligne en métropole comme en Afrique du Nord.
A partir de septembre 1941, les groupes de bombardement passent à 27 appareils repartis en trois escadrilles de neuf appareils ce qui porte le nombre d’appareils en ligne à 135 appareils en ligne pour un total de 270 appareils commandés et livrés soit un taux de remplacement de 50%.
Trois groupes de bombardement légers supplémentaires sont mis sur pied au printemps 1941 avec pour équipement le Douglas DB-7 soit 81 appareils en ligne, des DB-7A de la troisième commande passée à l’hiver 1939 (100 appareils) et honorée entre septembre 1940 et juillet 1941.
Une quatrième et dernière commande de 250 exemplaires est passée en octobre 1940 pour un nouveau modèle le DB-7C, les appareils étant livrés entre août 1941 et septembre 1943 .
Quatre groupes de bombardement légers supplémentaires sont mis sur pied en septembre 1941 avec un total de 108 appareils en ligne, les autres étant stockés notamment en Afrique du Nord pour remplacer les appareils perdus en exercices.
En septembre 1948, les douze groupes de bombardement légers sont équipés de 324 Douglas DB-7 tous portés au standard DB-7D et jugés encore tout à fait capable de mener des opérations de guerre moderne. La France ayant reçu un total de 620 appareils et 48 appareils ayant été perdus jusqu’en août 1948, il reste en stock en métropole et dans l’Empire un total de 248 appareils.

Glenn-Martin 167F
-Le deuxième bombardier made in USA de l’Armée de l’Air est le Glenn-Martin 167F. En 1937, l’United States Army Air Corps (USAAC) lança un programme de bombardier, réclamant un bimoteur triplace volant au minimum à 322 km/h et pouvant emporter 544kg de bombes sur 1930 km.
Cinq constructeurs répondirent à ce concours. Si le Bell 9 et le Boeing Stearman X-100 restèrent à l’état de projet, trois constructeurs présentèrent des projets qui aboutirent à une production en série : le North American NA-40 plus connu sous le nom de B-25 Mitchell, le Douglas model 7 et le Glenn-Martin 167W, les deux derniers équipant l’armée de l’air sous les noms respectifs de Douglas DB-7 et Martin 167A3.
Cet appareil bimoteur à ailes basses qui effectua son premier vol le 14 mars 1939 répondait au même programme que le Douglas DB-7 mais contrairement au futur Havoc, le Glenn-Martin 167F n’est pas retenu par l’USAAC.
Une première commande de 115 Glenn-Martin 167F est passée à l’hiver 1938-39 suivie par de nouvelles commandes portant sur 130 appareils passées durant la guerre de Pologne auxquels s’ajoutèrent 200 Glenn-Martin 187, une version améliorée du 167 soit un total de 445 appareils.
Comme le DB-7, le Glenn-Martin 167F et son cousin le 187F sont construits aux Etats-Unis mais franchissent l’Atlantique en caisse et sont assemblés à Casablanca où ils sont pris en charge par l’armée de l’air.
Les premiers appareils sont livrés à l’armée de l’air en mars 1940, les six premiers mois les livraisons sont assez chaotiques et en juin 1940, l’armée de l’air n’a pris en compte que 57 appareils.
Peu à peu, la situation s’améliore et la cadence de livraison s’accélère. 129 Glenn-Martin 167F sont ainsi disponibles en décembre 1940, 189 en juin 1941 et enfin 245 en décembre 1941.
Les 200 Glenn-Martin 187F sont livrés à partir d’octobre 1940 à raison de quinze appareils par mois, les cadences très régulières permettant au constructeur américain d’honorer la commande en décembre 1941.
Ce sont donc au total 445 Glenn-Martin 167/187F qui sont livrés à la France, 405 pour l’armée de l’air et 40 pour l’aéronavale.
Neuf groupes de 16 puis 27 appareils repartis entre trois escadres sont mis en œuvre par l’armée de l’air soit un total de 253 appareils, la proximité technique du 167F et 187F permettant de mélanger les deux appareils. 152 appareils sont donc stockés comme volant de fonctionnement.
Au 1er septembre 1948, 32 appareils ont été perdus par accident, au cours d’exercices ou réformés suite à l’usure. Les appareils en réserve ne sont donc plus que 120, stock jugé suffisant, cet appareil en voie de déclassement devant être remplacés par des appareils plus modernes.

Consolidated model 32 sous les couleurs anglaises
-Le troisième appareil américain commandé par la France est le Consolidated modèle 32F plus connu sous son nom américain : le Consolidated B-24 Giant (Géant).
Cet appareil qui effectua son premier vol le 29 décembre 1939 fût commandé par la France dès le mois de février 1940 à raison de 120 exemplaires pour équiper la 1ère Escadre de Bombardiers Lourds basée à Évreux (1er groupe) Beauvais (2ème groupe) et Cambrai (3ème groupe), capable à la fois de frapper l’Allemagne mais également d’être à l’abri de représailles allemandes qu’il s’agisse d’un raid aérien ou d’un coup main audacieux mené par les hommes du Branburger Regiment.
La 1ère EBL est organisée en trois groupes de vingt-sept appareils eux même subdivisés en trois escadrilles de neufs appareils. La 1ère EBL dispose donc en ligne de 81 appareils, les 39 autres étant stockés et servant de volant de fonctionnement. Tous ces appareils sont livrés entre janvier 1941 et juin 1943.
-Après avoir donné la priorité à la chasse, l’armée de l’air se préoccupe de renouveler sa flotte d’avions d’assaut et de bombardement en passant commande de nombreux appareils modernes.

Bréguet Br693 au sol
-Commençons par l’aviation d’assaut avec la famille des Bréguet 691 à 695. A l’origine figure un programme de………chasseur triplace (C3) lancé en octobre 1934.
La construction du prototype commence en octobre 1935 même si la commande officielle du Bréguet Br690 n’est passée que le 26 mars 1937. En dépit de performances supérieures au Potez 630, le Bréguet Br690 ne sera pas construit en série car entre temps les priorités avaient changé avec la commande le 14 juin 1938 d’un avion d’assaut, le Bréguet Br691AB2.
Le premier appareil d’une série de 200 appareils vole le 15 mai 1939, à peine deux mois après le vol du prototype survenu le 22 mars 1939 ce qui constitue une performance alors que l’industrie aéronautique française est loin d’avoir atteint l’efficacité qui sera la sienne à partir de 1941/42 quand les nationalisations pleinement digerées et la planification permettront à l’industrie aéronautique nationale de produite vite et bien les nombreux appareils rendus nécessaires par le réarmement.
Les premiers Bréguet Br691 sont livrés au mois d’octobre 1939 mais en raison de moteurs au comportement décevant, la production du Br691 est arrêté après 78 exemplaires, le Br691 n°79 devenant le Bréguet Br693 n°1 qui effectua son premier vol le 2 mars 1940.
En mai 1940, cinq groupes de bombardement d’assaut sont équipés de Bréguet Br691 et 693, trois ayant un équipement mixte 691/693 alors que deux autres étaient équipés uniquement de Br693.
Un sixième groupe équipé de Bloch MB-210 reçoit ses Br693 à l’été 1940 alors que les 691 sont remplacés par les derniers 693 produits, portant le nombre de Br693 en ligne à 162 appareils sur 245 produits, le reliquat de 83 appareils servant donc de volant de fonctionnement.
Devant le risque de pénurie de moteurs français, Bréguet travailla sur une version propulsée par des moteurs américains, version baptisée Bréguet Br695. Quinze appareils de pré-série de cette version sont commandés le 27 juillet 1939.
Les performances sont un peu plus faibles qu’avec des moteurs français ce qui n’empêche pas le lancement de la production en série en janvier 1940, l’armée de l’air décidant d’équiper six nouveaux groupes de bombardement d’assaut avec cette nouvelle version soit un total de 162 appareils en ligne et de 81 en réserve soit un total de 243 appareils produits entre janvier 1940 et mars 1942.
Après la production d’une version de reconnaissance baptisée Bréguet 694, une nouvelle variante d’assaut est mise au point. Baptisée Bréguet 696, elle va équiper trois nouveaux groupes de bombardement d’assaut créés au printemps 1943.
120 appareils sont commandés en janvier 1943 et livrés entre avril 1943 et mai 1944, ces trois groupes formant une escadre destinée à renforcer les capacités française dans le Sud-Ouest, l’Espagne se révélant un peu trop remuante pour négliger la frontière pyrénéenne.
Le Bréguet 697 qui effectua son premier vol le 19 octobre 1939 ne vit la production en série que sous la forme du Bréguet Br700C2 de chasse lourde mais cette désignation est reprise pour les nouveaux triplaces de reconnaissance, version améliorée du Bréguet Br694.
Le Bréguet 698Bp2 était un bombardier en piqué bimoteur dont le prototype effectua son premier vol seulement en septembre 1944. Bien que partisane du bombardement horizontal, les exploits des Stuka allemands en Espagne et en Pologne plus le retour d’expérience de la marine réussir à convaincre l’armée de l’air de commander des bombardiers en piqué.
Deux escadres de bombardement en piqué sont mises sur pied au printemps 1945. L’équipement doit être composé de Bréguet 698 _la mention Bp2 à été au final abandonnée_ et d’un bombardier en piqué monomoteur, le Loire Nieuport LN-430, une version terrestre du LN-420 de la marine avec un ration égal : 108 appareils de chaque type, chaque escadre disposant de quatre groupes de trois escadrilles.
108 appareils sont commandés en mai 1945 et livrés entre juin 1945 et septembre 1946 soit environ huit appareils par mois.
Des commandes régulières sont passées pour constituer un volant de réserve de 75%, l’armée de l’air craignant de subir des pertes très lourdes, la Flak allemand ayant une réputation terrifiante liée à la guerre de Pologne et souvent enjolivée par une propagande habile.
16 appareils sont commandés en mars 1947 et livrés en mai. 16 appareils sont commandés en juin 1947 et livrés en août 1947. 16 appareils commandés en janvier 1948 sont livrés en mars 1948, 16 appareils commandés en avril sont livrés en mai 1948 et enfin 16 appareils commandés en juin sont livrés en août 1948 soit 81 appareils.
-Le Bréguet 699B2 un bombardier biplace et le Bréguet Br810 d’assaut embarqué n’ont pas dépassé le stade de la planche à dessin.
Au total, l’armée de l’air à reçu 1480 appareils type Bréguet Br691/693/694/695/696/698/700.
-Le Loire-Nieuport LN-430, version terrestre du LN-420 entre en service dans l’armée de l’air au printemps 1946. Le prototype effectue son premier vol le 5 octobre 1945 et l’armée de l’air passe commande de 164 appareils _108 appareils en ligne et 56 appareils de réserve_.
Les premiers appareils sont livrés en mai 1946 et à raison de huit appareils par mois, la commande est honorée en janvier 1948.
Le 9 novembre 1942 lors d’un défilé militaire à Berlin apparu un bimoteur lourdement armé dont l’identité ne fût connue qu’ultérieurement : le Henschel Hs129. Cet appareil était spécialement conçu pour l’appui rapproché avec un fort blindage pour encaisser les coups.
Germa rapidement l’idée d’un appareil semblable pour appuyer les DLM et les DC(R). Cela n’alla pas sans mal car les plus sceptiques l’estimait superflu puisque l’armée de l’air disposait d’avions de coopération et d’avions d’assaut.
Néanmoins un programme est lancé en septembre 1943. Ce programme demandait un bimoteur, robuste et fiable avec une bonne protection du pilote. Il devait opérer de terrains frustres et pouvoir être facilement entretenu, notamment le changement des moteurs qui devait être le plus rapide possible.
Trois constructeurs remettent leurs projets : la SNCAN avec le Potez 640, la SNCAC avec le Hanriot NC-625 et la SNCASO avec le Bloch MB-179, chaque constructeur devant construire un prototype.
Le Potez 640 effectue son premier vol le 4 mars 1944, le Hanriot NC-625 effectue son premier vol le 17 mars et le Bloch MB-179 le 7 avril 1944. Ces trois appareils évalués par l’armée de l’air au cours des six premiers mois jusqu’au 12 octobre 1944 quand l’armée de l’air sélectionne le Potez 640.
Ce bimoteur racé est issu du projet Potez 221 qui avait été proposé par la firme de Meaulte dans le cadre du projet qui avait donné naissance au Bloch MB-174 et ses dérivés.
Lourdement blindé, capable d’encaisser du plomb et des coups, il pouvait rendre des coups avec un armement imposant composé de huit mitrailleuses de 7.5mm (quatre dans le nez et quatre dans les ailes avec 3600 cartouches), un canon de 25mm en nacelle ventrale devant la soute à bombe qui peut emporter 400kg de bombes.
Ce dernier, l’arme secrète du Potez 640 était un dérivé du canon de 25mm Hotchkiss modèle 1939/40 utilisé notamment par l’armée de l’air pour la protection de ses terrains et la marine pour la protection de ces navires. Canon à très haute vitesse initiale, il compensait ainsi la modestie de son calibre.
Essayé à terre, il se montra prometteur mais une fois embarqué, il montra d’importantes défectuosités comme une propension aux incidents de tir ce qui poussa l’armée de l’air à le débarquer pour le remplacer par un canon de 20mm Hispano-Suiza aux performances bien moindres jusqu’à ce que les maladies de jeunesse de ce canon soit réglées soit seulement début 1947.
L’armée de l’air prévoyant la mise sur pied de quatre groupes indépendants d’appui rapprochés subdivisés en trois escadrilles de neuf appareils soit un total de 108 appareils en ligne, chaque groupe devant théoriquement appuyé un CAC ou un Corps de Cavalerie.
Les premiers appareils sortent en mars 1945. Lent à produire, la commande n’est honorée qu’en juin 1947 soit quatre appareils par mois. Une deuxième commande est passée pour un volant de réserve, 54 appareils sont commandés en octobre 1947 et livrés entre janvier et septembre 1948.