Mitteleuropa Balkans (183) Grèce (27)

L’armée grecque et la guerre gréco-turque

Soldats grecs servant une mitrailleuse St Etienne modèle 1907

De mai 1919 à octobre 1922 les grecs affrontent les turcs de Mustapha Kemal dans une nouvelle guerre gréco-turque. Cette guerre que j’ai déjà présenté dans la partie historique se termine par la Grande Catastrophe, la Grèce subissant une humiliation militaire et politique qui allait être fatale pour la monarchie.

Je vais y me concentrer sur le volet militaire et notamment les différentes unités de l’armée héllène engagées dans ce conflit. Pour éviter les répétitions je vais présenter les différentes batailles dès que l’occurence apparaît dans l’historique d’une grande unité et ensuite simplement la mentionner quand elle revient plus tard.

La 1ère division d’infanterie rassemblée à Kavala débarque à Smyrne le 15 mai après avoir été transportée par 14 navires escortés par trois destroyers britanniques et quatre destroyers grecs.

Cette division comprend alors trois régiments d’infanterie (1er régiment d’evzones, 4ème et 5ème régiment de ligne), une demi-compagnie de cavalerie, les 1er et 2ème escadrons du 1er régiment d’artillerie et deux compagnies du génie.

Elle participe du 27 juin au 4 juillet 1919 à la Bataille d’Aydin. Cette bataille est plutôt une série d’affrontements confus où les civils sont les plus touchés. On assiste à des massacres des deux côtés, les turcs survivants se réfugiant en zone italienne, les grecs qui n’ont pas été massacrés par les turcs ont été déportés en Anatolie.

La division participe ensuite à l’Offensive d’été déclenchée le 22 juin 1920, offensive qui voit l’engagement de 101625 soldats grecs, de 30000 britanniques et de 2000 ottomans qui s’opposant aux 10200 hommes mal armés et mal équipés du gouvernement républicain de la Grande Assemblée Nationale d’Ankara. Elle est ensuite engagée dans la Bataille de Dumlupinar.

La 2ème Division d’infanterie participe également au conflit avec ses 1er, 3ème et 7ème régiments d’infanterie. Elle participe à la Bataille de Sakarya puis à la dernière bataille du conflit, la Bataille de Dumlupinar (26-30 août 1922).

La Grèce est alors épuisée par le conflit, à bout de forces matériellement et moralement. Depuis l’échec de la Bataille de Sakarya (14 août-13 septembre 1921) (NdA voir la 3ème division d’infanterie), Athènes sait qu’elle ne peut plus gagner ce conflit.

Les forces grecques forment l’Armée d’Asie Mineure (QG à Smyrne). Elle couvre un front de 713km entre Cius sur la mer de Marmara s’incline vers le sud-est pour former une poche autour d’Eskisehir s’incline vers le sud direction Afyonkarahisar avant de tourner vers l’ouest et vers le sud au delà de la montagne Akar Dag avant de suivre la rive droite de la rivière Büyük Menderes et de rejoindre la mer Egée. Ce front n’à pas bougé depuis la retraite de l’automne 1921 qui suit la bataille de Sakarya.

Elle comprend environ 220000 hommes dont 140000 hommes étaient situés sur le front mais seulement 80000 hommes étaient des combattants de première ligne. Sur le plan matériel on trouvait 264 pièces d’artillerie, 980 mitrailleuses, 2592 pistolets mitrailleurs et 55 avions.

L’Armée d’Asie Mineure est organisé en trois corps d’armée, le 3ème corps allant de la mer de Marmara à Eskisehir, la poche autour d’Afyonkarahisar est couvert par le 1er corps avec le 2ème corps en réserve immédiate, le reste du front étant faiblement protégé par le Commandement Militaire Général Supérieur de Smyrne. Cela nous donne le dispositif général suivant :

-3ème Corps d’Armée : 11ème DI, 3ème DI, 10ème DI et Division indépendante

-1er Corps d’Armée : 5ème DI, 12ème DI, 4ème DI, 1ère DI et le détachement Plastiras (5ème régiment d’evzones et 13ème escadron d’artillerie de montagne)

-2ème Corps d’Armée : 9ème DI, 13ème DI, 7ème DI, 2ème DI et Division de Cavalerie

Face aux grecs, les turcs alignent environ 195000 hommes dans une meilleure position car ils sentent l’odeur de la victoire.

Cette bataille se déroule du 26 au 30 août 1922. Mustapha Kemal à préparé soigneusement son offensive tant sur le plan purement militaire que sur le plan politique en s’attirant le soutien des français et des italiens, les britanniques restant fidèles à leur tropisme grec.

Sur le plan moral les grecs sont au bord de l’effondrement alors que leur matériel est meilleur que celui des turcs. Ces dernières possèdent de l’artillerie lourde et surtout une excellente cavalerie qui va jouer un rôle majeur dans cette bataille.

Les turcs percent le 27 août. Les grecs doivent se replier mais ce repli se transforme rapidement en déroute. La bataille s’achève le 30 août 1922 et le 9 septembre dans un épouvantable chaos la cavalerie turque rentre dans Smyrne bientôt ravagé par un incendie aux origines discutées.

La 3ème Division d’Infanterie est transférée en Asie mineure en août 1920. Affectée au 3ème Corps d’Armée, la division comprend comme force vive trois régiments d’infanterie en l’occurence le 2ème régiment d’evzones, les 6ème et 11ème régiments de ligne.

Elle va notamment participer à la Bataille de Sakarya (14 août-13 septembre 1921) qui voit l’engagement de 75000 grecs contre 77000 turcs.

L’armée grecque comprend le 1er Corps d’Armée (1ère DI, 2ème DI et 12ème DI et un régiment d’artillerie), le 2ème Corps d’Armée (5ème DI, 9ème DI, 13ème DI, un régiment d’artillerie et un régiment d’artillerie lourde d’armée), le 3ème Corps d’Armée (3ème DI, 7ème DI, 10ème DI, régiment d’artillerie, 16ème RI détaché de la 11ème DI et la brigade de cavalerie avec les 1er et 3ème régiments de cavalerie) et le Groupement Sud de Division (4ème DI, 11ème DI, 9ème RI, 49ème RI, 18ème RI et 47ème RI)

Ce sont les grecs qui attaquent les premiers. Ils approchent d’Ankara mais n’iront pas plus loin car leurs lignes de communication très étirées sont harcelées par la cavalerie kémaliste. Les grecs doivent se replier sur leurs positions de départ à savoir la ligne Eskisehir-Afyonkarahisa.

La retraite à lieu en bon ordre mais c’est une retraite quand même. La Grèce est épuisée au bord de la rupture. C’était clairement l’offensive de la dernière chance et son échec doit pousser les grecs à tirer les conclusions suivantes : ils ne peuvent plus gagner la guerre. La suite leur donnera raison.

La 3ème division d’infanterie va également participer à la bataille de Dumlupinar en août 1922.

La 4ème Division d’Infanterie participe à la campagne d’Asie Mineure, elle est d’ailleurs quasiment détruite lors de la Bataille de Dumlupinar.

La 5ème Division d’Infanterie est l’ancienne Division Crétoise qui est rebaptisée en novembre 1920 après la défaite électorale de Venizelos. La division combat notamment à Sakarya et à Dumlupinar, retraitant sur Chios. Elle est recrée à Serres sous le nom de division crétoise par amalgamation des 5ème et 9ème DI.

Pas d’informations sur l’engagement de la 6ème division d’infanterie dans ce conflit alors que la 7ème DI à eu l’honneur ou pas de combattre durant ce conflit.

La 8ème Division d’Infanterie n’est que partiellement consacrée à ce conflit puisque seul son 3ème régiment d’evzones (40ème RI) est concerné, les autres unités dépendant de la division (10ème RI, 24ème RI) n’étant pas engagés en Asie Mineure.

La 9ème Division d’Infanterie participe aux batailles de Sakarya et de Dumlupinar à chaque fois au sein du 2ème Corps d’Armée.

La 10ème Division d’Infanterie est l’ancienne Division de Smyrne qui change de désignation en novembre 1920 suite à la défaite électorale d’Eleftherios Venizelos. Cette division participe du 10 au 24 juillet 1921 à la Bataille de Kütahya-Eskisehir.

Cette bataille qui fait suite à la 1ère bataille d’Inonü voit les grecs l’emporter et leur permettre de s’emparer des villes de Kütahya et de Eskisehir. Après un débat animé, les grecs décident de poursuivre l’avancée vers Ankara. La suite est connue avec la défaite de Sakarya puis la retraite et enfin l’offensive finale des troupes du futur Ataturk.

La division réussit à évacuer en bon ordre en 1922, ralliant la Thrace orientale à travers la mer de Marmara.

La 11ème Division d’Infanterie créée en décembre 1913 avec les 13ème, 27ème et 28ème RI est restée fidèle au roi. S’opposant militairement aux vénizélistes en août 1916, elle est désarmée par les troupes françaises.

Le 8 juillet 1920 la Division de Magnésie est créée avec le 9ème régiment crétois, le 16ème RI et le 17ème RI. Elle dépend du Corps d’Armée de Smyrne et va naturellement participer à l’offensive grecque de l’été 1920.

En novembre 1920 suite à la défaite électorale du «Clemenceau grec» la division devient la 11ème division qui dépend du 3ème Corps d’Armée qui n’est autre que l’ancien corps d’armée de Smyrne.

La division participe aux batailles de Sakarya et de Dunlupinar au cours de laquelle est détruite, cessant d’exister. Elle est réformée au sein de l’Armée d’Evros (qui existe de décembre 1922 à août 1923, armée qui succède à l’Armée d’Asie Mineure) qui occupe la Thrace occidentale avec les 2ème, 3ème et 4ème Corps d’Armée. L’Armée sera dissoute suite au traité de Lausanne (1923) mais la division est redéployée à Thessalonique et est donc préservée suite à la fin de la guerre.

La 12ème Division d’Infanterie à pour origine la création de la Division Xanthi à Thessalonique en février 1920 avec les 13ème, 14ème et 15ème RI, ces régiments étant composés de recrues venant de Thrace. Ces trois régiments d’infanterie étant appuyés par le 12ème Régiment d’Artillerie de Montagne.

En mai 1920 elle occupe la Thrace occidentale avant de rallier l’Anatolie. Elle retourne en juillet 1920 en Thrace mais en thrace orientale cette fois. En novembre 1920 la Division Xanthi devient la 12ème DI.

En 1921 placée sous le commandement du prince André, la division est formée du 14ème, du 41ème et 46ème RI, débarquant à Smyrne du 29 mai au 6 juin 1921. Elle participe à la bataille de Kütahya-Eskisehir et de Sakarya à chaque fois sous l’autorité du 1er CA.

Détruite à la bataille de Dumlupinar, elle ne disposait plus à l’époque que de 155 officiers, 2240 hommes, 1010 animaux, 18 canons et 15 mitrailleuses autant dire rien. Elle rallie Chios le 31 août 1922, fusionnant avec la Division Indépendante pour former une nouvelle 12ème DI à Feris au sein de l’Armée d’Evros (octobre 1922). Elle reste en Thrace occidentale après le traité de Lausanne.

La 13ème Division d’Infanterie est créée en décembre 1913 avec trois régiments d’infanterie (2ème RI, 3ème RI et 5ème régiment d’evzones), la division dépendant du 1er Corps d’Armée. Elle dissoute en 1916. Reconstituée à la fin du conflit, elle combat sur la rivière Strymon au sein d’un 1er CA.

En 1919 elle est envoyée en Russie pour combattre les bolcheviques et soutenir les Blancs. Dès juin 1919, elle rallie la région de Smyrne pour des tâches d’occupation et non de combat du moins dans l’immédiat puisqu’elle participe à la bataille de Sakarya, à la Bataille de Gediz (24 octobre au 12 novembre 1921).

Durant ce conflit les grecs sont opposés aux 11ème et 61ème DI turques avec des unités irrégulières.

Les résultats sont tactiquement incertains mais stratégiquement les grecs doivent évacuer Gédiz pour gagner leurs quartiers d’hiver et les turcs rentrent peu après dans Gédiz) et la Bataille de Dumlupinar (26-30 août 1922). La division est dissoute à la fin du conflit.

D’une guerre à l’autre

Dire que l’armée grecque sort sonnée de la guerre gréco-turque est un doux euphémisme. C’est le pays entier qui est ébranlé, ébranlement qui sera fatal à la monarchie mais comme nous le savons la république ne fera guère mieux que la monarchie.

Naturellement le retour au temps de paix entraine une réduction des effectifs. C’est ainsi qu’en 1930 l’armée de terre grecque ne comprend que dix divisions réparties pour huit d’entre-elles au sein de quatre corps d’armées, les deux dernières étant indépendantes. On compte également une brigade déployée sur les îles de la mer Egée.

Comme après une autre humiliation militaire (la guerre gréco-ottomane de 1897), la Grèce cherche à l’extérieur l’aide nécessaire pour réorganiser son armée. Elle se tourne à nouveau vers la France qui de 1925 à 1932 va maintenir une mission militaire.

Rappelons qu’après le premier conflit mondial de nombreux pays vont soliciter la France pour bénéficier de son savoir. Comme de mieux que la meilleure armée du monde pour augmenter ses capacités militaires !

C’est en octobre 1924 que la France est officiellement sollicitée par le gouvernement grec. Le général Guillaumat qui connaissait parfaitement le pays pour avoir commandé les troupes alliées sur le front de Macédoine durant le premier conflit mondial est envoyé comme éclaireur. Il approuve la demande grecque.

En mars 1925 le général Nicolas Georges Girard arrive sur place. La principale action de cette mission est la création d »une Ecole Supérieure de Guerre. Rappelons que l’une des causes du désastre en Asie mineure fût le remplacement d’officiers expérimentés par des officiers royalistes moins expérimentés et peut être moins compétents. Girard estt remplacé en avril 1928 par le général Brallion lui même remplacé en 1931 par le général Julien Goubard qui va rester jusqu’en 1932.

L’instabilité du pays ne permet pas une véritable modernisation de l’armée qui en septembre 1939 est mal équipée, mal entrainée mais reste assez motivée. Les tensions avec l’Italie n’ont heureusement pas dégénérés en conflit ouvert car si cela avait été le cas nul doute que l’armée héllène aurait du mal à résister à une attaque italienne décidée.

Durant la guerre de Pologne la Grèce reste neutre mais comme nombre de pays cela sert d’électrochoc et l’armée grecque va bénéficier d’un certain nombre d’investissements pour aboutir à une armée mieux équipée, mieux entrainée et capable de tenir le temps que par exemple les franco-britanniques interviennent en force tout comme durant le premier conflit mondial.

Durant la Pax Armada, l’armée de terre grecque bénéficie comme nous le savons des bons soins de la MMFG, la Mission Militaire Française en Grèce (MMFG) dirigée par le général Georges.

Le général Georges en compagnie du général Gort durant la guerre de Pologne

Cette mission composée de 97 officiers et sous-officiers va servir d’officine de renseignement (ce qui provoquera quelques incidents avec des officiers grecs moins proches des alliés) et de passeurs de savoir, la MMFG promouvant les dernières créations de ce qu’on peut appeler par anachronisme le Complexe Militaro-Industriel français et transmettant les derniers progrès d’une armée française qui effectue sous l’impulsion du Général Villeneuve une véritable révolution culturelle.

Des textes sont ainsi traduits en grecs, des relations sont noués avec les généraux appelés à commander sur le front mais à la différence de la Yougoslavie, la Grèce ne suit pas les conseils français pour améliorer le processus de mobilisation ce qui sera à l’origine d’un certain nombre de problèmes en 1948.

Le char léger modèle 1935 M.39 dit Hotchkis H-39 symbolise la modernisation de l’armée grecque

Sur le plan matériel, on assiste à une relative modernisation mais les lacunes sont en septembre 1948 encore importantes. Comme le dira un officier grec «Trop de lacunes, trop de demandes et pas assez d’argent».

Mitteleuropa Balkans (169) Grèce (13)

La république ! quelle république ? (1924-1935)

Georges II

Suite à la Grande Catastrophe, l’armée royale humiliée se révolte contre la monarchie le 11 septembre 1922. Constantin 1er abdique définitivement le 27 septembre 1922 au profit de son fils ainé qui devient Georges II.

C’est le début d’une période très troublée avec les conséquences de la guerre gréco-turque qui ne sont soldées que par le traité de Lausanne le 24 juillet 1923.

Le 27 octobre 1923 des officiers royalistes soutenus indirectement par Ioannis Métaxas tentent un contre-coup d’état. Cet échec va précipiter l’abolition de la monarchie et la proclamation de la république le 25 mars 1924.

Le 13 avril 1924 un plébiscite est organisé. C’est un triomphe pour les partisans de la république avec 69.78% des voix pour les républicains et 30.02% pour les monarchistes avec 0.02% de voix invalidées.

Très vite la Deuxième République héllène (la première à lieu de 1827 à 1832) sombre dans l’anarchie et l’instabilité avec un coup d’état du général Pangalos le 24 juin 1925 qui est renversé le 24 août 1926 par celui du général Georgios Kondylis qui rétablit la démocratie.

Cette instabilité est traduisible par les dates des mandats des présidents de la République. C’est ainsi que l’amiral Pavlos Kontouriotis est en fonction d 25 mars 1924 au 15 mars 1926 et du 24 août 1926 au 9 décembre 1929, le lieutenant général Thedoros Pangalos est en fonction du 15 mars1926 au 22 août 1926 alors qu’Alexandros Zaimis est en fonction du 9 décembre 1929 au 10 octobre 1935 soit trois présidents en l’espace de onze ans.

Entre 1928 et 1932 le retour de Venizelos permet une certaine stabilité mais la défaite électorale de l’homme politique crétois ainsi que la Grande Dépression provoquent une nouvelle période d’instabilité.

Le 1er mars 1935 les vénizélistes lancent un coup d’état craignant une restauration de Georges II exilé depuis 1924. En effet ils soupçonnent le gouvernement de Panagis Tsaldaris de sympathies monarchiques.

Ce coup d’état mené par Nikolas Plastiras est un échec, la révolte étant écrasé par Kondylis. Eleftherios Vénizélos est obligé de s’exiler. Deux généraux, un major sont condamnés à mort et exécutés, Venizelos et Plastiras sont condamnés à mort par contumace.

La République déjà moribonde ne s’en relèvera pas c’était juste une question de temps. Le 10 octobre 1935 le général Kondylis pourtant ancien vénizéliste prend le pouvoir et se proclame régent, annonçant la future restauration de Georges II.

Un plébiscite est organisé dans des conditions douteuses le 3 novembre 1935 aboutissant à un vote sans appel : 97.87% en faveur du retour du roi contre seulement 2.13% pour le maintien de la république.

Le 5 novembre 1935 le roi en exil accepte les résultats du plébiscite et arrive à Athènes le 25 novembre. Il démet Kondylis de ses fonctions et proclame une amnistie politique.

Sur le plan de la politique intérieure, le gouvernement républicain doit gérer l’accueil et l’intégration des réfugiés de la Grande Catastrophe. Cela passe notamment par une politique volontariste de mise en valeur des terres agricoles mais les résultats sont décevants. En 1925 une université est créée à Thessalonique.

Des élections législatives sont organisées en 1926, en 1928, en 1929, en 1932, en 1933 et en 1935. Deux partis dominent avec le parti libéral (vénizélistes) et le parti populaire mais sans jamais obtenir une majorité claire. Seule exception celles de 1935 où le parti populaire à obtenu 65% des voix et 254 sièges mais uniquement parce que le parti libéral à boycotté le scrutin. Le Sénat est tout aussi instable.

La République grecque est divisée en dix régions : Grèce centrale et Eubée, Macédoine, Péloponnèse, Thessalie, Crète, Epire, Iles de l’Egée, Thrace occidentale, Iles Ioniennes et les Cyclades.

Sur le plan de la politique étrangère c’est nettement plus tendu avec outre la liquidation de la guerre gréco-ottomane plusieurs incidents qui menacent de dégénérer en guerres régionales.

Le premier est l’Incident de Corfou. Suite à un différent frontalier entre l’Albanie et la Grèce, les deux pays portent leur différent devant la conférence des ambassadeurs. Une mission italienne dirigée par le général Enrico Tellini est envoyée sur place mais cette mission est jugée comme pro-albanaise par le gouvernement grec.

Le 27 août 1923, le général Tellini, le major Luigi Corte, le lieutenant Luigi Bonani et un interprète albanais sont assassinés à Kakaira. Comme il n’y à eu aucun vol le motif politique peut s’expliquer ces assassinats.

Les italiens adressent un ultimatum le 29 août 1923 réclamant cinquante millions de lire et l’éxécution des tueurs. Les grecs ne pouvant ou ne voulant les identifier, l’Italie bombarde et occupe Corfou le 31 août 1923.

La Grèce fait appel à la SDN. Cette dernière avait condamné l’occupation italienne était génée par la menace d’un retrait italien alors que l’Italie était soutenue par la France. L’Italie accepte les excuses grecques et des indemnités, les italiens se retirent le 27 septembre 1923.

Du 19 au 29 octobre 1925, la Bulgarie et la Grèce sont à deux doigts d’entrer en guerre. C’est l’incident de Petrich.

L’incident est assez obscur avec deux versions de l’incident survenu le 18 octobre 1925. Selon une première version, un soldat héllene cherchant son chien pénètre en territoire bulgare et est abattu par des sentinelles bulgares.

Selon une deuxième version des soldats bulgares auraient franchit la frontière grecque, attaqué un poste à Belasitsa tuant un capitaine grec et une sentinelle.

Tout de suite la Bulgarie explique l’incident par un tragique quiproquo. Sofia propose une commission d’enquête mixte mais les grecs déclinent et exigent le départ des troupes bulgares présentes sur le territoire grec.

Athènes émet un ultimatum de 48h aux bulgares, exigeant la punition du responsable, des excuses officielles et deux millions de francs français pour les familles des victimes.

Le 22 octobre 1925 des troupes grecques occupent la ville bulgare de Petrich. La guerre bulgaro-grecque n’aura finalement pas lieu car la Société des Nations (SDN) décide d’intervenir et impose sa médiation.

Elle exige un cessez-le-feu, l’évacuation des troupes grecques du territoire bulgare et le paiement par la Grèce de 45000 livres à la Bulgarie.

Les deux pays acceptent et pour vérifier son application, des observateurs français, italiens et britanniques sont envoyés sur place, ces derniers interdisant aux bulgares de réoccuper immédiatement les territoires pour éviter un nouvel incident frontalier. L’incident à fait cinquante morts, essentiellement des civils bulgares.

Le 30 octobre 1930 une convention gréco-turque est signée pour applanir la majeure partie des différents entre Athènes et Ankara.

Le 9 février 1934 la Grèce, la Turquie, la Roumanie et la Yougoslavie signent le Pacte Balkanique.

Ce pacte appelé également Entente balkanique était destiné à maintenir le statu-quo et donc géler les acquis des traités de paix. Sans que cela soit clairement dit du moins au début, c’est un front contre une Bulgarie revancharde qui est mis sur pied.

Signe qui ne trompe pas d’autres pays ont été conviés à la conférence aboutissant à ce pacte mais ont refusé de signer.

Il s’agit de l’Italie, de l’Albanie, de la Bulgarie, de la Hongrie et de l’URSS soit des pays qui n’étaient pas satisfaits du nouveau découpage de l’Europe après la première conflagration mondiale. Ce pacte est reconnu par la SDN le 1er octobre 1934.

Cela ne cessa pourtant pas les intrigues régionales mais le 31 juillet 1938 les pays signataires du pacte signent avec la Bulgarie l’Accord de Salonique confirmant les clauses du traité de Neuilly-sur-Seine et de Lausanne mais en échange de zones démilitarisées sur ses frontières avec la Grèce et la Turquie, Sofia était autorisée à se réarmer.

Selon certains historiens ce pacte et cet accord à évité une troisième guerre balkanique dans la foulée ou au moment de la guerre de Pologne.

Restauration monarchique et metaxisme

Un certain Ioannis Metaxas

Ioannis Metaxas

Avant de parler de la période qui nous intéresse présentons brièvement l’homme fort de cette époque.

Ioannis Metaxas est né à Ithaque le 12 avril 1871 et mort à Athènes le 29 janvier 1941. Militaire et homme politique grec, il est issu d’une grande famille de Céphalonie, son père étant préfet mais après que ce dernier eut perdu son emploi la situation financière de la famille devint délicate.

En 1885 il entre à l’Ecole des Evelpides, une académie militaire, l’armée ayant toujours été un débouché naturel pour les fils de familles désargentées. Il en sort en 1890 avec le grade de sous-lieutenant du génie. En 1897 il entre au minstère de la Guerre grâce à un de ses parents Nicolas Metaxas qui est ministre.

La même année il participe à la guerre greco-ottomane et semble avoir fait bonne impression puisqu’il est envoyé par la suite à l’Académie militaire prussienne de Berlin. Revenu en Grèce il participe à la modernisation d’une armée qui se montrera bien plus efficace durant les deux guerres balkaniques. Comme beaucoup de membres de l’élite grecque il était franc-maçon.

Monarchiste fervent, il soutient Constantin 1er dans sa volonté de maintenir la Grèce hors de la première guerre mondiale. Pour protester contre la politique d’Eleftherios Venizelos il démissione de l’état-major et accompagne Constantin 1er dans son exil.

Il ne rentre en Grèce qu’en 1920, démissionant de l’armée puis entrant en politique au moment de l’abolition de la monarchie. En 1923 il créé un mouvement politique classé à l’extrême-droite, le Parti de la Libre Opinion.

En mars 1936, Georges II le nomme ministre de la Guerre d’un gouvernement de transition alors que la vie politique grecque est paralysée depuis des élections de 1936 incertaines. Le 13 avril 1936 il devient premier ministre suite à la mort du titulaire du poste.

Devant l’agitation sociale et le désordre, il proclame l’état d’urgence, suspend le parlement et différents articles de la constitution, interdit les partis politiques, arrête des opposants politiques (15000 grecs arrêtés durant la dictature de Metaxas), la presse est censurée, la Grèce déclarée illégale.

Le régime de Métaxas se révèle peu populaire. Il à triomphé essentiellement par discrédit de ses opposants et par lassitude de l’opinion prête à confier son avenir à n’importe qui pourvu que le calme et la stabilité reviennent au pays.

Metaxas et Georges II maintiennent la Grèce en dehors de la guerre de Pologne et veillent à préserver le pays en dépit de relations exécrables avec une Italie fasciste que pourtant Metaxas admire. A sa mort des généraux sans envergure lui succèdent sans parvenir à le remplacer vraiment.

Aujourd’hui Metaxas est une figure controversée qui suscite des jugements passionnés et des débats interminables.

Une monarchie instable, une dictature introuvable ?

Si les grecs lassés des atermoiements de la République avaient espéré un retour au calme et à la stabilité avec la restauration de Georges II ils sont rapidement déçus.

Incorrigible la classe politique grecque ne semble pas vouloir ou pouvoir tirer les leçons de ses échecs. Ce sont toujours veines querelles, corruption et incompétence qui sont à l’ordre du jour.

Pas étonnant que dans ce contexte les partis autoritaires et/ou protestataires aient le vent en oupe comme le parti communiste grec qui par ses gains électoraux empêchait le dégagement de toute majorité claire.

En janvier 1936 des élections législatives ont lieu. Elles débouchent sur une impasse puisque les monarchistes ont récupérés 143 sièges, les libéraux agrariens et républicains 142 et les communistes 15.

Après plusieurs mois de troubles, le premier ministre Ioannis Metaxas organise un coup d’état mettant en place ce que l’histoire à retenu sous le nom de Régime du 4 août en référence à la date du coup d’état à savoir le 4 août 1936.

Si il peut paraître commode de qualifier le régime de Métaxas de fasciste c’est plus compliqué que cela en raison de l’absence d’une idéologie claire (le «métaxisme» comme nous le verrons est un rassemblement de vagues slogans et de vagues idées), de l’absence d’un parti de masse et de nombre de marqueurs qui fondent le fascisme.

D’ailleurs si Métaxas admire le fascisme mussolinien, il entretien des relations épouvantables avec l’Italie, Athènes revendiquant le Dodécanèse et voyant d’un très mauvais œil l’annexion de l’Albanie en mars 1939. Plusieurs incidents de frontière en 1939 et 1940 menacent de dégénérer en guerre. Ouverte entre les deux pays. En réalité en matière de politique étrangère il serait plutôt pro-britannique.

En réalité le régime du 4 août 1936 se rapproche bien plus de l’Estado Novo du dictateur portugais Antonio de Oliveira Salazar.

C’est un régime autoritaire, nationaliste mais pas fasciste avec une relative non-violence, aucune politique antisémite, aucune politque expansionniste, pas de mouvement politique de masse.

Les racines du Nouvel Etat sont à rechercher dans l’histoire grecque, patriote et nationaliste ardent, Ioannis Metaxas cherche à concilier le paganisme de la Grèce antique avec les valeurs chrétiennes de feu l’Empire Byzantin au sein d’une «Troisième civilisation hellénique».

L’Archigos (chef) résume son «idéologie» par quatre mots : Pays, Loyauté, Famille et Religion. On peut aussi classer les grands axes du metaxisme avec la Monarchie, l’Anticommunisme, l’Antiparlementarisme, le Nationalisme, le Corporatisme et le Protectionisme.

Le régime adopte comme smybole le Labrys, une épée à double tranchant de l’époque minoenne.Une police politique est mis en place pour protéger le régime (Asfaleia).

Les vieux partis encaissent de rudes coups mais survivent. Un metaxiste anonyme dira «Les vieux partis étaient comme autant de mauvaises herbes, on les arrachaient mais ils repoussaient à chaque fois. C’était désespérant». Les opposants politiques sont arrêtés mais aux éxécutions de masse on préfère l’exil.

Comme nous l’avons vu plus haut, Metaxas ne créé par de parti unique mais tout de même met sur pied une organisation de jeunesse, l’Ethniki Organosi Neolaias (ENO) que l’on traduit simplement en français l’Organisation Nationale de la Jeunesse.

Il s’agit pour l’Archigos de perpétuer son œuvre au travers des jeunes grecs et des jeunes grecques. Les jeunes garçons doivent devenir des jeunes hommes robustes et disciplinés, les jeunes filles de bonnes mères et de bonnes épouses pour donner naissance à une nouvelle génération plus forte et plus saine.

Cette organisation va être le seul leg durable du dictature grecque puisqu’elle était toujours présente en 1949 au moment de l’attaque italienne.

L’organisation sera d’ailleurs dissoute par les italiens et les allemands puisque certains de ces membres trop jeunes pour combattre dans l’armée n’ont pas hésité à prendre les armes. Reconstituée dans la clandestinité elle fournira nombre de cadres à la résistance royaliste.

Si le régime est clairement nationaliste, Metaxas à toujours fait preuve de prudence et de réserve vis à vis de la Grande Idée et à critiqué la guerre en Asie mineure contre les turcs. Les minorités religieuses et ethniques (notamment les bulgares et les albanais) sont persécutées mais la communauté juive de Salonique n’est pas inquiété peut être parce qu’elle était très opposée au vénizélisme.

Sur le plan économique, le régime de Métaxas tourne le dos le libéralisme et au laisser-faire en adoptant le protectionnisme et le corporatisme. Une politique sociale volontariste doit lui permettre d’acquérir la sympathie des masses avec un certain succès.

Une ambitieuse politique de grands travaux est lancée à partir de 1938 (et sera poursuivie par les successeurs de Metaxas) ce qui permet d’améliorer les infrastructures de transport et de télécommunications du pays.

Dents de dragon (un obstacle antichar) de la Ligne Metaxas

L’agriculture n’est pas oubliée tout comme le réarmement du pays avec notamment la construction d’une ligne fortifiée qui prend logiquement le nom de Ligne Metaxas.

Dans un premier temps les revenus augmentent, le chômage baisse mais ces progrès ne vont être temporaires. Très vite l’inflation reprend, l’endettement croissant du pays provoque une chute de la drachme qui redevient une monnaie faible.

Le 28 juillet 1938 une révolte éclate en Crète contre le régime de Métaxas. La révolte est durement réprimée.

La Grèce dans la Pax Armada

La Grèce va rester neutre durant la Guerre de Pologne, ce conflit ne la concernant pas directement et comme en plus l’Italie est restée également en dehors du conflit….. .

A la mort de Metaxas, le roi Georges II tente un retour à la démocratie mais lassés des querelles picrocholines d’une classe politique incorrigible il préfère conserver les militaires au pouvoir jusqu’à sa mort en 1947. On assiste à une timide libéralisation du régime mais jusqu’à la guerre la Grèce est davantage une dictature qu’une démocratie.

Sur le plan constitutionnel la situation reste compliquée. En 1935 la restauration de la monarchie avait permis le retour de la constitution de 1911 mais pour peu de temps car le régime de Métaxas suspend nombre d’articles de la dite constitution.

De 1941 à 1943, il n’y à aucune évolution constitutionnelle, c’est un joyeux foutoir. Il faudra attendre 1944 pour que le premier ministre, le général Vastotris _également protecteur du Royaume_ passe une série de décrets avalisés par une chambre consultative pour donner un semblant de démocratie.

Ces Décrets Constitutionnels au nombre de quatre vont rester en vigueur jusqu’à l’invasion de la Grèce par l’Axe.

L’agitation reprend au milieu de la décennie imposant une sévère répression bien plus sanglante paradoxalement que sous la dictature métaxiste. Des projets de coup d’état sont déjoués, des projets venant aussi bien de militaires «démocrates» que de militaires jugeant le régime «trop mou».

Paul 1er

Le 1er avril 1947 le roi Georges II meurt. Sans enfant, c’est son frère Paul 1er qui lui succède. Il rappelle des civils au pouvoir même si les militaires conservent un poids très important.

Sur le plan extérieur les relations restent très tendues avec l’Italie. De nouveaux incidents frontaliers terrestres, aériens et navals ont lieu menaçant de dégénérer en guerre ouverte.

La Grèce s’est entre-temps rapprochée des alliés signant un accord militaire de coopération avec la France le 8 octobre 1946. Dès 1945 une Mission Militaire Française en Grèce (MMFG) arrive avec 128 officiers et sous-officiers dirigés par le général Georges.

Le général Georges en compagnie du général Gort durant la guerre de Pologne.

La MMFG sert d’officine de renseignement (comme n’importe quel attaché militaire dans une ambassade), d’organe d’influence diplomatique, de formation et d’enseignement. Elle promeut le matériel militaire français ce qui permet à l’industrie tricolore de remporter quelques beaux contrats.

Cette MMFG va rester sur place jusqu’en juin 1948 quand les officiers et les sous-officiers rentrent en France pour intégrer des postes plus importants.

Cette MMFG va naturellement participer à la modernisation de l’armée grecque qui est certes plus solide qu’en 1939/40 mais affiche un certain nombre de lacunes.

23-Armée de terre Ligne Maginot (3)

La ligne Mareth et les autres fortifications tunisiennes

Bunker de la ligne Mareth de nos jours

Bunker de la ligne Mareth de nos jours

En 1881, le traité du Bardo établit le protectorat français sur la Tunisie que convoitait également l’Italie. Si la France à obtenu gain de cause, c’est en partie avec le soutien britannique, Londres ne voulant surtout pas qu’un même pays ne puisse contrôler les deux rives du détroit de Sicile qui sépare les deux bassins de la Méditerranée.

La priorité est donnée à la protection de Bizerte, une protection essentiellement orientée vers la mer et un raid d’une flotte ennemi contre cette position stratégique, les défenses terrestres étant pour ainsi dire inexistantes.

L’arrivée au pouvoir de Mussolini comme ailleurs en Europe rend la position de la Tunisie difficile à la merci à la fois d’un débarquement amphibie depuis la Sicile et le sud de la péninsule et une attaque depuis la Tripolitaine.

C’est à partir de 1928 que l’état-major se préoccupe d’organiser les défenses de la Tunisie avec quatre points : l’organisation défensive de Bizerte, l’organisation antiaérienne de Tunis, l’organisation défensive du Sud-tunisien et l’organisation de barrages défensifs, l’essentiel des ressources devant aller à la protection de Bizerte.

Les travaux commencent dès 1930 en ce qui concerne la défense du golfe de Tunis mais il faudra attendre 1935 pour que soient timidement commencés les premiers travaux dans le Sud-tunisien, alors même que le réchauffement des relations entre Rome et Paris ajourne un temps la question de la protection de la frontière tuniso-libyenne.

Cette embellie ne dure pas longtemps car en octobre 1935, l’Italie envahit l’Ethiopie mettant fin à cette lune de miel entre la France et l’Italie. Dès le mois de décembre, les travaux reprennent, aiguillonnés par le ministre de la Marine préoccupé par la nécessité de défendre Bizerte.

Le 30 décembre 1935, le ministre de la Guerre prescrit d’achever les travaux en Tunisie mais pour cela n’affecte que 400000 francs pour la main d’oeuvre militaire et un million pour le matériel. Les travaux se limitent donc à achever la position de Bizerte, à réaliser un centre de résistance pour barrage de route à la hauteur de l’oued Zigzaou et à organiser un môl de résistance dans le massif de Matmatas.

La défense antichar est améliorée à partir de juin 1936 avec l’envoi pour les défenses tunisiennes de 40 canons de 25mm avec 6000 coups et de plate-formes Arbel pour le tir de 75mm tous azimuts mais cet envoi ne résout pas la question de la défense du sud Tunisien délaissée en raison de budgets faméliques.

Le 6 juillet 1936, un nouveau programme de travaux est décidé et immédiatement entrepris mais le 12 août 1936, les travaux concernant le Sud-Tunisien sont suspendus. Il faut attendre le 4 septembre pour qu’à la suite d’une réunion rassemblant le général Hanotte _commandant supérieur des troupes de Tunisie_, le général Georges et le général Huré _inspecteur du génie_ que décision est prise de reprendre les travaux pour achever au plus tôt les fortifications de la ligne Mareth et de Bizerte.

La priorité est donc encore et toujours donnée à la protection de Bizerte et de Tunis avec la réalisation de barrages défensifs.

Le projet approuvé en janvier 1931 et se limite au stockage du matériel destiné à la réalisation de défenses pour barrer la route de Bizerte à des forces ennemies ayant débarqué dans le Golfe de Tunis et pour barrer la route de Tunis à des forces ayant débarqué dans le golfe d’Hammamet.

La défense terrestre de Bizerte avait été longtemps négligée, seuls existaient deux forts installés au Kébir et à Remel. Dès 1930, les études sont menées et la solution adoptée est de construire une ligne de blockaus barrant l’isthme de Remel pour interdire l’accès à Bizerte à des troupes ayant débarqué à l’est. Ces blockaus sont uniquement armés de mitrailleuses, négligeant la défense antichar, la menace des blindés italiens étant réduite.

Dès 1931-32 cette position est étendue à l’oued Gareck (au sud du lac de Bizerte) pour protéger l’Arsenal de Sidi-Abdallah en interdisant l’accès entre les montagnes du Djebel Mansour, le lac et le réduit fortifié de Metline-Zebib qui lui protège les batteries de la marine notamment les deux tourelles doubles de 340mm.

En janvier 1933, l’armée et la marine forme une commission mixte d’études pour étudier la défense du Secteur Fortifié de Bizerte.

Le 31 août 1933, l’armée de terre donne son accord sur les projets présentés qui prévoient de couronner tous les sommets de petits ouvrages dominant le lac de Bizerte, le tout organisés en cinq môles de résistance répartis en trois sous-secteurs (est, sud et ouest).

L’ensemble représente environ soixante-dix blocs (mitrailleuses ou FM), observatoires, postes optiques ou PC destinés à être occupés par des troupes disposant d’un armement de campagne, le tout réalisé par la MOM. A noter qu’aucune défense anticher n’est prévue.

La défense du Golfe de Tunis et de Sousse est assurée dans le sous-secteur de Tunis par une ligne de neuf points d’appui équipés de canons antichars de 47mm et de mitrailleuses qui sont destinés à interdire les débarquements sur les plages entre La Marsa et Hamman Lif, de part et d’autre de Tunis.

Dans le sous-secteur d’Hammamet, on ne trouve que six groupes de mitrailleuses plus des installations pour l’artillerie de position (quatre canons de 75mm fournis par la 2ème batterie du 162ème RAA) alors que dans le sous-secteur de Sousse, on trouve des groupes de mitrailleuses et des installations pour l’artillerie de position (deux canons de 75mm fournis par la 2ème batterie du 162ème RAA).

La défense du secteur de Sfax est assurée par des groupes de mitrailleuses et par des installations pour l’artillerie de position.

Alors que les travaux concernant les défenses du Nord de la Tunisie battent leur plein, ceux concernant le Sud-Tunisien n’ont pas commencé. Alors que la menace est évidente, les autorités françaises tergiversent alors que dès juillet 1931, le général Naullin inspecteur en AFN attire l’attention sur la vulnérabilité de la frontière entre la Tunisie et la Tripolitaine.

Il envisage une défense de Gabès, une fortification de campagne et non une position fortifiée permanente. Il envisage également de combattre dans les monts Matmatas pour user un ennemi opérant dans la plaine de Gabès.

En 1933, le général Georges succède au général Naullin. Il reprend l’idée de tenir la ligne Toujane-Mareth pour arrêter un adversaire progressant vers Gabès. Le Commandement Supérieur des Troupes de Tunisie entreprend une étude plus détaillée, le commandant Rime-Bruneau, étant chargé à partir du 7 décembre 1933 de coordonner les travaux.

La position est longue de 25km entre la mer et une petite colline, suivant le cours du Zigzaou, le seul obstacle naturel utilisable comme défense. Aucun réalisation n’est menée en 1934 en raison du manque de crédits et en 1935, le rechauffement des relations franco-italiennes empêche toute construction de fortifications.

Il faut attendre la fin 1935 pour que les travaux commencent, des travaux modestes. La ville de Gabès est ceinturée par une série de dix blockhaus d’infanterie et d’un observatoire, trois autres blockaus assurant la défense des plages.
Cette ligne de défense protège la ville mais laisse la possibilité pour un adversaire manoeuvrier de la contourner par l’ouest.

Le lieutenant-colonel Rime-Bruneau est convaincu que pour que la ligne soit efficace, il faut l’accrocher aux monts Matmatas ce qui double sa longueur (55km), le flanc oriental étant couvert par la mer, le flanc occidental par un relief tourmenté où la manœuvre est difficile, le Zigzaou moyennant quelques aménagements pouvant servir d’obstacle naturel.

Cette position bientôt connue sous le nom de Ligne Mareth se compose de points d’appui composés de petits blocs, de postes de commandement, d’épaulements d’armes automatiques ou antichars et de boyaux de liaison répartis entre une ligne principale de résistance (LPR) formée d’ouvrages se flanquant mutuellement et à 1550/2000m en arrière de celle-ci, une ligne d’arrêt avec des ouvrages battant les intervalles de la LPR.

On compte vingt-huit points d’appui sur la LPR (P1 à P28) et vingt et un sur la ligne d’arrêt (A1 à A20 + un A12bis) soit un total de 45 blockaus d’infanterie, 28 PC et huit casemates à canon.

Tout le long de la position, un obstacle antichar est réalisé avec près de l’embouchure du Zigzaou une inondation défensive, l’utilisation du Zigzaou en obstacle antichar avec l’aménagement des berges et dans la plaine, on trouve des rails antichars comme dans le Nord-Est.

Cette position comparable à des défenses de campagne est solide surtout face aux moyens déployés à l’époque par l’Italie mais elle à l’inconvénient de laisser 150km à la merci d’une offensive italienne venue de Tripolitaine.

A la fin des années trente, les forces d’Afrique du Nord commandés par le général Nogues envisagent de livrer bataille en Tripolitaine. Le lieutenant colonel Rime-Bruneau _le père de la ligne Mareth_ propose de verrouiller les deux axes menant à la Tripolitaine en transformant en point d’appui, les oasis de Ben Gardane er de Tataouine. Les travaux lancés durant la guerre de Pologne ne seront achevés qu’en 1942.

Comme en métropole, la tentation est grande de réaliser un front continu. Rime-Bruneau propose donc de prolonger la ligne Mareth au-delà des Matmatas pour se reprendre sur le grand Erg orientale afin d’éviter que la position soit tournée par l’ouest. Rime-Bruneau craint qu’un ennemi résolu s’empare du défilé de Ksar el Hallouf pour franchir le Dahar pour déboucher dans le dos de la ligne principale. Ces travaux vont être menés dans le cadre des travaux CEZF avec des ouvrages indépendants entourés de champs de mines et de barbelés.

22-Armée de terre : armement et matériel (104) ordre de bataille (38)

R-Stratégie générale et plans d’action

Préambule

Mise à part le plan Dyle-Breda imaginé par le général Gamelin, il n’y à pas de véritable stratégie militaire qu’elle soit offensive et défensive. On semble guidé par les événements, réagissant plutôt qu’agissant.

Il y à là à la fois un manque de volonté de prendre l’ennemi à la gorge mais également certaines limites propres aux démocraties. Si l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste peuvent se permettre de violer la neutralité d’un pays pour satisfaire leurs intérêts vitaux, la France et la Grande Bretagne ne peuvent se permettre un tel impair au droit international, impair qui donnerait alors le beau rôle à Rome et surtout à Berlin.

Le général Villeneuve appuyé par le gouvernement conservateur veut rémédier à cela. Ils veulent pouvoir anticiper les actions potentielles de l’ennemi et pour cela décide de tracer des plans militaires d’action tout en améliorant la diplomatie et la propagande.

La renaissance de la Petite Entente

A l’origine la Petite Entente est une alliance militaire passée entre la Tchécoslovaquie, la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes _Yougoslavie à partir de 1929_ signée le 14 août 1920 pour se prémunir de la menace hongroise.

Cette alliance est renforcée par des accords bilatéraux entre la Roumanie et la Tchécoslovaquie (23 avril 1921), entre la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (7 juin 1921) et entre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Tchécoslovaquie (31 août 1921). La Petite Entente entend garantir, par la force si besoin, les traités de paix et notamment celui de Trianon (4 juin 1920).

Cette alliance est cependant imparfaite et incomplète puisque ne prenant pas en compte les autres menaces que ce soit l’URSS (vis à vis de la Roumanie), l’Italie (vis à vis de la Yougoslavie) ou encore l’Allemagne et la Pologne (vis à vis de la Tchécoslovaquie).

Suite aux accords de Locarno, la France signe des alliances militaires avec Prague (16 octobre 1925), avec Bucarest (10 juin 1926) et Belgrade (novembre 1926).

Cependant cette alliance ne va être d’aucun secours alors que la guerre menace chaque jour un peu plus à la fois en raison des hésitations et de la prudence française mais également en raison des divergences entre signataires et de l’évolution intérieure de ces pays.

Effondrée, ridiculisée, la Petite Entente renait sous une nouvelle forme avec la Yougoslavie et la Grèce avec qui Paris signe des traités d’amitié et de coopération, respectivement le 14 septembre 1945 et le 8 octobre 1946. Des tentatives vis à vis de la Hongrie, de la Roumanie et de la Bulgarie se heurtent à une telle inertie qu’elle équivaut à une fin de non recevoir.

Cette relance est donc limitée mais s’accompagne d’une coopération politique et militaire avec notamment la livraison de matériel militaire moderne ainsi que l’envoi comme dans les années vingt de missions militaires, le général Gamelin dirigeant celle en Yougoslavie et le général Georges celle envoyée en Grèce.

A l’ouest rien de nouveau

Une reprise du plan Dyle-Breda

A l’ouest rien de nouveau en effet car le général Villeneuve privilégie les plaines belges comme théâtre d’opérations principal, une attaque sur le Rhin et un passage en force de la ligne Siegfried lui semblant bien trop hasardeux pour en faire le Schwerpunkt d’une offensive alliée.

La Ligne Maginot sert donc de bouclier et l’aile marchante se trouve entre la mer du Nord et les Ardennes.

En cas d’offensive allemande, les troupes du Groupe d’Armée n°1 à l’exception de la 2ème armée doit pénétrer en Belgique pendant que les Corps d’Armée de réserve et/ou l’Armée Polonaise en France sont mis en alerte prêt à gagner la frontière pour renforcer l’aile marchante ou repousser une percée allemande.

Si les alliés prennent l’offensive, le scénario est le même sauf que les Corps de Réserve gagnent le sud de la Belgique laissant 100 à 150km avec la ligne de front pour soit soutenir les unités engagées ou empêcher d’être débordés par les allemands.

L’objectif est d’atteindre le Rhin, de contrôler ces ponts et ensuite plusieurs options s’ouvrent aux alliés :

-Une option Nord menant à Hambourg, Brême et les ports de la Baltique et pour tendre la main aux danois. Cette option est défendue par les anglais qui voit là un moyen d’isoler la Kriegsmarine en Baltique et tordre définitivement le cou à une menace amphibie sur les côtes anglaises.

Cette hypothèse ne rencontre chez les français que le scepticisme. Les plus virulents y voit qu’une volonté des britanniques que de défendre leurs intérêts et leur sécurité et les plus polis comme le généralissime Villeneuve y voit un intérêt militaire limité à la possibilité d’envoyer renforts et hommes par ces ports (si ils n’ont pas été sabotés et minés par les allemands) et l’armée danoise aurait bien «du mal à s’insérer dans la manoeuvre générale en raison de sa faiblesse numérique et de sa non participation à un conflit depuis 1866».

-L’option Centre est nettement plus intéressante. En effet, il vise à neutraliser la Rhur, l’un des poumons économiques allemands avec la Silésie. Si sa prise ne mettra pas fin à la guerre, elle aurait le mérite de priver l’Allemagne d’une part non négligeable de sa production de charbon et d’acier.

Le Rhin franchit, les forces alliées devraient exercer un mouvement tournant pour encercler cette zone en coopération avec le Groupe d’Armée n°2 qui pourrait lancer une offensive frontale contre le Westwall ou ligne Siegfried ou contourner cette «muraille de l’ouest» par le Sud, ces deux pinces pouvant faire de sacrés dégâts.

-L’Option Sud est fortement liée à la précédente sauf que cette fois l’attaque serait dirigé en direction de la Bavière et de l’Autriche puis de la défunte Tchécoslovaquie, éventuellement en liaison avec l’URSS.

Tout ceci reste bien entendu de grandes théories et comme tous les plans militaires soumis à de nombreux aléas dont le moindre étant la réaction de l’ennemi qui réagit rarement comme on le voudrait dans les simulations. La sagesse militaire disant d’ailleurs que la première victime de la guerre c’est le plan.
Scandinavie et Balkans : deux fronts périphériques

Comme nous l’avons vu, la France avait songé à intervenir en soutien de la Finlande agressée par l’armée Rouge. Cela ne s’est pas fait, la seule assistance étant l’envoi d’armes et de conseillers militaires.

Cela n’empêche pas la France et la Grande Bretagne de surveiller cette région et d’échaffauder des plans d’intervention avec toutes les difficultés que cela comporte : neutralité des pays concernés, absence de frontière terrestre commune obligeant à tout transporter par mer dont le contrôle est disputée par une marine puissante……. .

Si une intervention préventive est impensable pour les raisons expliquées plus haut (une violation de neutralité faisant les affaires de l’Allemagne), une intervention après agression allemande est possible voir même souhaitable.

Débarquer en Finlande ? Peu utile et délicat en raison d’un climat hostile et surtout que ce geste pourrait être mal interprété par Moscou sans parler du fait qu’il faudrait l’accord des finlandais.

Débarquer en Suède ne serait possible qu’en Scanie et nécessiterait une maitrise de la Baltique et une maitrise de l’espace aérien ce qui serait difficile et générait de lourdes pertes.

Il reste donc le Danemark ou la Norvège. Leur contrôle par les allemands serait une catastrophe pour les alliés, permettant aux allemands d’y stationner avions, sous-marins et navires de surface, donnant à l’Allemagne une marge de manoeuvre appréciable.

Entre 1940 et 1948, Paris et Londres essayeront de convaincre Oslo de sortir de sa stricte neutralité et de rejoindre une alliance formelle. Le gouvernement norvégien refusera avec énergie, estimant qu’une telle position provoquerait le courroux allemand.

Il ne reste plus qu’une intervention a posteriori des troupes alliées sous la forme d’un Corps Expéditionnaire composé de troupes anglaises, françaises et polonaises (une brigade de montagne levée en Ecosse) soutenu par les flottes alliées et des forces aériennes basées en Grande Bretagne, essentiellement des unités de la Royal Air Force et quelques unités composées de pilotes polonais et tchèques.

Ce corps expéditionnaire doit soutenir la petite armée norvégienne (8 à 20000 hommes selon les sources) et stabiliser la situation le temps que d’autres unités alliées ne débarquent pour chasser les allemands de Norvège.

Quand au Danemark, le général Villeneuve ne se fait pas d’illusions sur sa capacité de résistance face à une attaque allemande décidée «Au pire, ils laisseront passer les troupes allemandes et au mieux meneront quelques combats pour l’honneur. J’aurais aimé que l’esprit des redoutables vikings animent les soldats danois» (Général Villeneuve Mémoires d’un simple soldat Grasset 1957).

Une intervention en direction du Danemark est écartée, tout juste pourrait-on imaginer un raid aéronaval contre les forces allemandes pour géner leur progression vers la Norvège ou l’action décidée des sous-marins contre les convois venant des ports allemands de la mer du Nord, des piqures d’épingle à l’efficacité limitée.

Dans le cas où l’intervention alliée serait un succès, les troupes déployées en Norvège progresseraient vers le Danemark pour fixer l’ennemi et divertir des forces faisant face aux forces alliées sur le Rhin, dans les plaines belges et aux Pays Bas.

Pour cette intervention en Norvège, la France prévoit d’engager la 1ère Division Légère d’Infanterie, la Brigade de Haute Montagne, des unités de la Légion Etrangère, deux compagnies de chars autonomes, de l’artillerie et des unités de soutien cette force devant servir à «mettre le pied dans la porte», à contrôler les principaux ports pour permettre l’arrivée de renforts plus lourds.

En ce qui concerne les Balkans, la situation est différente et ce pour plusieurs raisons :

-L’Italie est une puissance militaire nettement moins impressionante que l’Allemagne

-Les alliés bénéficient de bases plus proches qu’il s’agisse de l’Egypte et de la Palestine mandataire pour la Grande Bretagne, de la Syrie et du Liban pour la France.

-Des accords militaires ont été signé avec la Grèce et la Yougoslavie, des plans communs signés dans un but défensif ou offensif.

Néanmoins, il est admis que l’intervention alliée est plus probable suite à une attaque allemande ou suite à une demande grecque ou yougoslave d’un soutien militaire pour contrer la Bulgarie à la neutralité bienveillante vis à vis de l’Allemagne et à la Roumanie largement inféodée à Berlin sans oublier la Hongrie du régent Horty.

Néanmoins une option stratégique Balkans est étudiée par l’état-major allié dans le cadre d’une action concertée contre l’Italie.

Une stratégie prévoyant une attaque par l’Albanie suivit d’une remontée par le Monténégro et la Dalmatie en liaison avec l’armée yougoslave direction l’Istrie ce qui permettrait de pénétrer en Italie par le Nord.

Parallèlement, d’autres troupes alliées pourraient débarquer dans la région de Bari et de Tarente pour remontrer la péninsule jusqu’à Rome et hâter la chute d »un régime qui serait durablement affaibli par la perte de la Sardaigne, de la Sicile et de l’Afrique Septentrionnale Italienne, l’actuelle Libye.

Contre l’Italie,une stratégie indirecte

Alliés durant le premier conflit mondial, la France et l’Italie ont oscillé durant l’entre-deux-guerre entre une franche amitié et une hostilité à peine voilée liée à une rivalité maritime (l’Italie ayant obtenu la parité avec la France au traité de Washington en 1922) et aux revendications mussoliniennes sur Nice, la Savoie, la Corse, la Tunisie et Djibouti considérées comme «terres irrédentes».

C’est le refus des français et des anglais de soutenir les prétentions italiennes sur l’Abyssinie qui poussa Rome à mettre bas les masques et se rapprocher clairement de Berlin (axe Rome-Berlin, pacte anti-Kommintern…….).

Durant la guerre de Pologne, l’Italie se déclare en état de non-belligérance, refusant de s’engager clairement aux côtés des troupes allemandes, proposant même sa médiation durant la crise qui mène à l’ouverture du conflit.

Entre 1940 et 1948, une véritable guerre froide règne entre l’Italie et la France, plusieurs incidents de frontière sur les Alpes et dans les colonies sont à deux doigts de déclencher un véritable conflit armé.

Les plan français sont régulièrement revus en fonction de la montée en puissance (relative) des forces italiennes qui sont en septembre 1948 nettement mieux préparées que neuf ans plus tôt.

-Sur les Alpes, la défensive prévaut. Les fortifications de la Ligne Maginot alpine protègent la France d’une attaque italienne surprise et un raid amphibie sur les côtes de Provence serait aisement contré par la 2ème Escadre stationnée à Toulon (cinq cuirassés, un porte-avions, des croiseurs lourds et légers), l’aviation basée dans le Sud-Est et en Corse……. .

L’action semble devoir se déplacer plus au sud en direction de la Sardaigne, de la Sicile et de l’ASI, véritables ventres mous de la défense italienne.

En cas d’attaque italienne sur les Alpes, il est prévu une riposte immédiate de l’aviation avec des raids sur l’industrie dans la région de Turin, sur le port de Gênes pour désorganiser gravement la logistique italienne.

Il est prévu également de mener le même type de raids sur la Sardaigne et la Sicile, des raids d’ampleur pour faire croire à un prochain débarquement allié alors que l’action principale est prévue contre l’ASI pour débarasser l’Afrique du Nord de la présence italienne et sécuriser le flanc sud des alliés pour rendre par exemple plus sure la traversée de convois entre le détroit de Gibraltar et le canal de Suez.

L’action principale sera menée par la France depuis la Tunisie voir l’Algérie, les anglais se contentant de fixer les forces italiennes à Benghazi.

Espagne, Portugal et Turquie : à surveiller

La péninsule ibérique est partagée entre neutralité et engagement aaux côtés des forces de l’Axe notament l’Espagne, Franco devant son arrivée en pouvoir au soutien massif de l’Italie et de l’Espagne et dans une moindre mesure le Portugal de Salazar.

L’hypothèse d’une attaque espagnole qui apparaît probable en 1939 devient de plus en plus improbable au fur et à mesure où les années passent, Franco devant assurer son pouvoir face à des maquis communistes et anarchistes remuants, relancer l’industrie et réparer les dégâts de la guerre civile.

De plus, une politique d’influence est menée vis à vis de la faction pro-alliée du gouvernement espagnol pour faire pencher du côté d’une neutralité bienveillante, la politique extérieure espagnole au grand dam de Ramon Serano Suner, le cunadissimo «le beaufrerissime», beau frère de Franco et accessoirement ministre des Affaires Etrangères, notoirement connu pour ses sympathies pro-allemandes.

Cette politique d’influence est mené en liaison avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du moins jusqu’en 1944 quand le président Linbergh tourne le dos à l’Europe.

Outre l’action des diplomates français à Madrid et à Lisbonne, on trouve une aide économique en argent et en nature (huile, blé, charbon) sans parler d’une livraison très discrète de matériel militaire.

Résultat si en 1948, des troupes françaises sont déployées dans les Pyrénées c’est plus pour donner le change vis à vis des allemands ce que Franco dans son palais d’Orient à Madrid comprend très bien.

Vis à vis du Portugal, les relations sont polies sans chaleur ni hostilité. L’influence britannique et la faiblesse de l’armée portugaise rend illusoire une action hostile vis à vis de la France, de l’Angleterre et des colonies.

Des plans sont cependant dressés au cas où pour occuper le Maroc espagnol et les colonies portugaises ainsi que les Açores et Madère. Il est néanmoins acquis que ces plans ne seront déclenchés que si Lisbonne nous devient réellement hostile.

En ce qui concerne la Turquie, la cession à Ankara du Sandjak d’Alexandrette en 1939 à amadoué la Turquie peut pressée de répondre aux solicitations allemandes et surtout inquiète du renforcement de la flotte russe reste dans une neutralité prudente.

Orient lointain

En Extrême Orient, la menace japonaise est prégnante. La guerre sino-japonaise lancée en 1937 menace clairement l’Indochine.

De plus, les richesses du Sud-Est asiatique (pétrole des Indes Néerlandaises, caoutchouc de Malaisie, charbon et riz d’Indochine) sont clairement convoitées par le Japon qui sous couvert de «L’Asie aux asiatiques» et de «Sphère de coprospérité» rêve d’agrandir son empire colonial.

Cette menace devient prégnante à partir de 1943 quand une nouvelle offensive réduit encore un peu plus le territoire contrôlé par le Guomintang de Tchang-Kaï-Chek au point que l’on craint un accord entre la Chine et le Japon.

La France renforce clairement ses positions en Indochine avec des unités plus modernes, mieux entrainées et mieux équipées.

La stratégie est clairement défensive mais une défensive agressive s’appuyant sur un relief favorable à la défense. Les priorités sont de couvrir la conurbation Hanoï-Haïphong en s’appuyant sur la ligne Doumer, la frontière ne devant faire l’objet que de combats retardateurs.

Plus au sud, les villes de Hué et de Tourane doivent devenir des forts sur lesquels la machine de guerre nippone doit se briser, le commandement espérant pouvoir tenir une à deux semaines avant de devoir se replier plus au sud.

La base navale de Cam-Ranh avec ses puissantes fortifications doit servir d’abcès de fixation, un point d’ancrage sur lequel la défense doit s’organiser, un assaut japonais direct sur la base semblant peu probable.

Si ou plutôt quand la base est tombée, les forces encore en état de combattre doit lutter en retraitant jusqu’à Saïgon, la capitale de la Cochinchine disposant de fortifications de campagne permettant à la ville de tenir le plus longtemps possible.

Ensuite, quand cessera toute résistance organisée, le commandement français espère en liaison avec des sectes nationalistes voir le parti communiste indochinois organiser un guérilla dans le Delta du Mékong pour rendre la vie impossible aux japonais et les empêcher d’exploiter leur conquête.

Et pour finir…….Le Pacifique

Dans cette région, la France est présente sur le Caillou _La Nouvelle Calédonie_ et en Polynésie, deux territoires aux destins différents.

En effet, si l’archipel polynésien est hors de portée des japonais (qui ne s’y intéressèrent guère), tel n’est pas le cas de la Nouvelle Calédonie qui permettrait en cas de capture par les japonais de menacer les communications entre les Etats Unis et le bloc Australie-Nouvelle Zélande.

D’où le renforcer des installations portuaires et d’entretien, la construction d’une base aérienne/hydrobase/base aéronavale à Nouméa-Tantouta et le déploiement de forces plus modernes qu’elles soient terrestres, aériennes et navales.

Il est prévu que els américains y déploient une division, de l’artillerie et de l’aviation et que Nouméa devienne une base de ravitaillement et une base d’entretien avancé, les navires endommagés par les combat devant y être sommairement réparés avant de rallier Pearl Harbor ou la côte ouest pour une remise en état complète doublée d’une modernisation.

La stratégie est comme ailleurs défensive et dépendra de la capacité ou non des britanniques de tenir la Malaisie et Singapour, aux néerlandais de s’accrocher à leurs Indes et aux américains de rendre très indigeste la conquête des Philippines. Un renforcement des défenses des Salomon par l’Australie est fortement envisagée, une base aérienne devant être construite sur l’île de Guadalcanal.

21-Armée de terre (4)

B-Régiments, divisions, corps d’armée, armées et groupe d’armée : le squelette de l’armée de terre

Cinq millions d’hommes sous les drapeaux !

Dès la fin du mois d’août 1939, les premiers réservistes sont rappelés pour compléter les unités pendant que les structures de mobilisation sont mises en place notamment les état-majors de groupe d’armée, d’armées et de corps d’armée.

La guerre déclarée, la mobilisation bat son plein, orchestrée par les régions militaires qui complètent d’abord les effectifs des divisions de première échelon qui montent aussitôt à la frontière avant de mettre sur pied des unités de réserve à partir des réservistes les plus âgés, unités assez mal équipées ce qui n’aura aucune conséquence puisque mis à part quelques escarmouches entre patrouilles, il n’y eut aucun combat sur le front occidental.

Sous l’autorité du général Gamelin, on trouve la majorité des effectifs en métropole et notamment sur le front nord-est. Le Théâtre des Opérations du Nord-Est (TONE) placé sous l’autorité du général Georges concentre l’essentiel des unités de combat.

Ces unités de combat sont regroupées en trois groupes d’armées. Le n°1 couvre la zone allant de la mer du Nord à Longuyon avec la 1ère, la 7ème armée, le BEF, la 2ème et la 9ème armée, les trois premières devant pénétrer en Belgique pour appliquer la manoeuvre Dyle-Breda, les deux autres armées composées essentiellement d’unités de réservistes doivent servir de pivot à la manoeuvre et tenir fermement le massif des Ardennes.

Le groupe d’armée n°2 couvre la frontière allemande, en arrière de la ligne Maginot de Longuyon à Selestat avec les 3ème, 4ème, 5ème soit quarante divisions, un nombre important alors que la ligne Maginot est censée économiser des hommes en les remplaçant par du béton. Au lieu de cela, la muraille de France devient une véritable éponge, absorbant toujours plus de troupes.

Le groupe d’armées n°3 occupe le Haut Rhin avec les 8ème et 6ème armées pour prevenir une éventuelle manoeuvre allemande par la Suisse.

Le Théâtre d’Opérations du Sud-Est (TOSE) couvre les Alpes pour prevenir une éventuelle attaque italienne. Il ne dispose que de l’armée des Alpes mais s’appuie également sur des fortifications qui ajoutées au relief et au climat rende sa conquête extrêmement difficile si on ne dispose pas de moyens colossaux ou que l’on est prêt à sacrifier un grand nombre d’hommes.

Un Détachement d’Armées des Pyrénées est mis sur pied à la mobilisation pour surveiller les agissements de Franco. Ce dernier qui doit consolider son pouvoir et relever une Espagne ravagée par la guerre civile n’est guère interessé par une aventure militaire outre-pyrenées et se tient tranquille ce qui entraine la dissolution du détachement le 24 octobre 1939.

En dépit des progrès de la motorisation et de la mécanisation, l’armée de terre mobilisée en septembre 1939 ne diffère guère de celle de 1914 avec une prédominance écrasante des divisions d’infanterie.

On trouve ainsi sur le seul front Nord-Est, soixante-trois divisions d’infanterie et sept divisions d’infanterie motorisées soit soixante divisions d’infanterie sur la centaine de grandes unités disponibles à l’issue de la mobilisation.

A l’issue de la démobilisation, le nombre d’unités d’infanterie retombe à son niveau du temps de paix comme nous l’avons vu plus haut mais le nombre d’unités de «cavalerie» va croitre de manière très importante avec la création de nouvelles D.L.M et des DCr.

La réforme de mars 1942

En mars 1942, le général Villeneuve réorganise totalement la chaine de commandement. Son QG installé au château de Vincennes est un véritable état-major combiné ayant pleine autorité sur l’armée de terre (dirigée par un partisan de ses thèses, le général de Ganelon) et uniquement en temps de guerre sur la marine et l’armée de l’air.

Il divise l’armée de terre en quatre groupements. Outre le Corps d’Armée Cuirassé commandé par le général Billote puis par le général Delestraint placé sous l’autorité du chef d’état major de l’armée de terre, il conserve trois groupes d’armées dont la zone de responsabilité est modifiée par rapport à 1939.

Le GA1 à pour zone de responsabilite le territoire allant de la mer du Nord aux Ardennes inclues, le GA2 chargé de la défense de la zone arrière de la ligne Maginot mais également du Jura, la limite entre le GA2 et le GA3 étant fixé au lac Leman. Le GA3 lui couvre les Alpes face à la menace italienne.

Ces groupes d’armées disposeront peu ou prou des mêmes unités qu’en septembre 1939. Un texte de septembre 1946 prévoit le schéma suivant.

-Groupe d’Armées n°1 : 1ère et 7ème armée, Corps Expéditionnaire Britannique, 2ème et 9ème armée auxquelles s’ajoutent, deux corps de cavalerie, le 1er C.C disposant des 1ère et 5ème DLM et le 2ème CC disposant des 3ème et 7ème DLM.

La 1ère armée doit disposer de trois corps d’armée à deux divisions chacun, la 7ème armée doit disposer de deux corps d’armée à trois divisions, la British Expeditionnary Force doit aligner  douze divisions (douze divisions d’infanterie puis dix d’infanterie et deux blindées), la 2ème armée doit disposer de trois corps d’armée à deux DI et la 9ème armée de  trois corps d’armée à deux divisions soit un total de  24 divisions d’infanterie (+12 divisions britanniques) et 4 divisions de cavalerie.

-Groupe d’Armées n°2 : 3ème, 4ème, 6ème et 8ème armées auxquelles s’ajoute le 3ème Corps de Cavalerie disposant des 2ème, 4ème et 8ème DLM.

Les 3ème et 4ème armée doivent disposer de trois corps d’armée à deux divisions plus un corps d’armée britannique à deux divisions soit seize divisions, la 6ème armée devant disposer de trois corps d’armée à deux divisions soit six divisions (dont une alpine), la 8ème armée disposant elle de deux corps d’armée à deux divisions plus un corps d’armée disposant d’une division d’infanterie et d’une division alpine destinée à intervenir en Suisse sur demande du gouvernement de la confédération helvétique soit grandes unités ce qui nous donne un total de 28 divisions.

-Groupe d’Armées n°3 : 5ème armée dite Armée des Alpes composée de trois corps d’armée à trois divisions d’infanterie. Ce GA n°3 disposant également de la 6ème DLM, le GA n°3 dispose de dix divisions. Ce groupe d’armée prend également sous son aile, les troupes stationnées en Corse.

Les deux CAC sont théoriquement placés sous le commandement du CEMAT mais en cas de besoin,  ils peuvent être placés sous le commandement des groupes d’armées, l’idée étant d’engager en bloc les DC pour former une masse de manoeuvre critique.

Selon  donc ce document, la force de manoeuvre de l’armée de terre doit se composer de 84 divisions dont 14 divisions «blindées-mécanisées» mais ce chiffre n’inclus ni les troupes néerlandaises (six à huit divisions), belges (vingt-deux divisions) et côté français, les divisions de réserve générale, seize divisions d’infanterie regroupés en huit corps d’armée censés n’intervenir qu’en cas d’attaque massive ou en cas de menace d’invasion du territoire national.

Pour ce qui est des troupes dans l’Empire, elles sont modernisées voir augmentées (des brigades devenant des divisions par exemple) mais les structures de commandement ne changent pas.