Pologne et Pays Neutres (118) Turquie (8)

Histoire de l’armée de terre turque

Soldats turcs dans une tranchée durant la guerre gréco-turque

Parfois l’histoire donne des coups de pouce pour l’amateur d’uchronie que je suis. Si pour le tome précédent sur la Pologne j’ai été obligé de faire des choix arbitraires là c’est plus simple et après avoir parlé de l’histoire de l’armée (de terre) ottomane je vais enchainer par l’histoire de l’armée turque.

Issue de l’armée de Mustapha Kemal, l’armée de terre turque va devenir un pilier du régime au point d’intervenir dans la vie politique en réalisant plusieurs coups d’état quand la Harika Sessiz estimait l’oeuvre d’Atatürk en péril.

En 1934 l’armée turque comprend neuf corps d’armées avec dix-huit divisions d’infanterie et cinq divisions de cavalerie (trois d’active et deux de réserve). Chaque corps d’armée comprend de la cavalerie, un régiment d’artillerie de corps d’armée, un bataillon du génie, un bataillon de transmissions et un bataillon de transport motorisé.

Chaque division d’infanterie comprend trois régiments d’infanterie et un régiment d’artillerie à deux bataillons comme éléments majeurs.

Chaque division de cavalerie comprend trois ou quatre régiments montés et un escadron d’artillerie à cheval avec deux ou trois batteries.

Les 54 régiments d’infanterie comprennent trois bataillons à quatre compagnies, trois compagnies de combat et une compagnie de fusils mitrailleurs/mitrailleuses. Les 24 régiments de cavalerie comprennent trois escadrons et un bataillon de mitrailleuses. L’artillerie c’est vingt-sept régiments.

Les effectifs globaux représentent 198000 hommes en été et 133000 hommes en hiver. En pratique les effectifs ne dépassent pas 120 à 150000 hommes. 175000 conscrits sont normalement appelés chaque année. 5000 officiers encadrent ces appelés.

En 1939 l’armée turque est une armée de conscription comme la majorité des armées du monde, une armée de conscription reposant sur un service militaire sélectif de trois ans ce qui signifie que tous le contingent annuel n’était pas forcément appelé sous les drapeaux.

Quand la guerre de Pologne commence l’armée de terre turque comprend 195000 hommes dont 20000 officiers, des effectifs comparables à ceux des Etats-Unis sauf que la Turquie à une population dix fois moins nombreuse (la population turque en 1940 est de 17.8 millions d’habitants).

L’armée de terre dépend du ministère de la Guerre et de l’Etat-Major général implantés tous les deux à Ankara. On trouve sous cette double autorité trois inspections qui en temps de guerre doivent former des état-majors d’armée (Ordu).

La 1ère Armée dont l’état-major est implanté à Istanbul à pour mission de défense la Thrace orientale contre une attaque grecque ou bulgare ou combinant les deux voisins. A noter que la défense d’Istanbul est placée sous l’autorité d’un gouvernorat particulier.

La 2ème Armée dont l’état-major est implanté à Balikesir (535km à l’ouest d’Ankara et 280km au sud-ouest d’Istanbul) est chargée de couvrir l’ouest de l’Anatolie, les côtes de la mer Egée et le détroit des Dardanelles.

La 3ème Armée dont l’état-major est implanté à Erzincan (679km à l’est d’Ankara sur le fleuve Euphrate) doit couvrir l’est de l’Anatolie, le Kurdistan et l’Arménie.

Cela regroupe au total neuf corps d’armée qui elles mêmes regroupent vingt divisions d’infanterie, trois divisions de cavalerie plus des brigades autonomes dont trois de montagne.

Cela représente 124 régiments de combat (21 de cavalerie, 60 d’infanterie, 6 de montagne, 20 d’artillerie de campagne, 10 d’artillerie lourde et 7 d’artillerie de forteresse).

Au moment de la mobilisation de 1939, deux divisions de cavalerie sont levées avec huit régiments de cavalerie supplémentaires portant le total à 132 régiments de combat.

En ce qui concerne le matériel c’est l’hétérogénéité la plus complète avec des armes essentiellement héritées du premier conflit mondial.

L’armée turque possédait des MG-08

On trouve par exemple des fusils Mauser et des mitrailleuses MG-08, des fusils austro-hongrois Mannlicher, italiens Martini, russes Mosin-Nagant, des Lebel français, des Lee-Enfield britanniques.

Les lacunes sont très importantes notamment en terme de DCA et de défense antichar mais aussi en terme de motorisation et de mécanisation.

Certes pendant la Pax Armada il y aura des améliorations avec la rationalisation du parc en matière d’armes et de véhicules mais les lacunes seront encore importantes en septembre 1948 ce qui explique également pourquoi la Turquie s’est bien gardé de s’engager dans le second conflit mondial.

Un premier bataillon de chars est créé en 1934 suivit d’une brigade en 1937 et un 1er régiment blindé (Zirhli Alayi) est créé en 1940.

En septembre 1948 la mobilisation générale voit une nette augmentation des effectifs avec un 1.3 millions d’hommes sous les drapeaux.

Quatre corps d’armée supplémentaires sont mis sur pied les 12ème, 17ème, 18ème et 20ème portant le total à quatorze corps d’armée (dix-sept étaient visiblement prévus), quarante-sept divisions (43 d’infanterie, deux de cavalerie et deux divisions partiellement mécanisées).

Le Renault R-35 était l’un des chars de l’armée turque

Durant le second conflit mondial l’armée turque multiplie les manœuvres pour montrer les dents et dissuader les belligérants d’utiliser le territoire turc pour prendre l’avantage sur leur ennemi. Ces manœuvres montrent les nombreuses lacunes de l’armée turque ce qui limite l’impact d’une telle démonstration de forces.

De 1948 à 1950 l’Axe fournit des armes modernes à la Turquie aux côtés des alliés, Ankara faisant monter les enchères au risque d’indisposer l’un et l’autre le camp. Cela aggrave les contraintes logistiques en multipliant les modèles d’armes, de véhicules et de canons, nécessitant des dépôts et des ateliers.

Après 1950 les alliés ont clairement pris l’ascendant sur l’Axe et la Turquie se fournit uniquement auprès de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Elle simplifie sa logistique en réduisant les modèles d’armes, de canons et de véhicules en service.

Le second conflit mondial terminé l’armée turque rejoint clairement le camp occidental, réorganise et rééquipe son armée avec du matériel neuf et du matériel de surplus mais ceci est une autre histoire

Pologne et Pays Neutres (117) Turquie (7)

FORCES ARMEES TURQUES (1) : ARMEE DE TERRE

Une histoire militaire de l’Empire ottoman

L’acmé de la puissance militaire ottomane c’est le Siège de Vienne (1683), l’avancée maximale de la Sublime Porte en Europe, une armée de 100000 hommes composés de contingents musulmans (turcs, balkaniques, criméens et caucasiens) mais aussi de chrétiens (moldaves, valaques, transylvains et hongrois).

Le siège dure sept semaines, Vienne résiste mais l’arrivée d’une armée de secours la sauve de la chute, une armée dirigée par Charles de Lorraine et le roi de Pologne Jean III Sobieski.

Hussard ailé

Une première attaque de la coalition chrétienne (Sainte Ligue) est repoussée par les janissaires mais la charge de 20000 hussards polonais (les fameux hussards ailés) bouscule la cavalerie ottomane, le coup de grâce étant donné par une sortie de la garnison de Vienne. 15000 ottomans restent sur le terrain ainsi que toute leur artillerie. Début du recul des ottomans, l’empire entrant dans une phase de déclin, déclin qui se révélera impossible à contrer.

Bien entendu l’armée ottomane n’est pas née du jour au lendemain, elle est née, à évolué avant de disparaître dans les convulsions du premier conflit mondial. On peut diviser l’histoire de l’armée ottomane en cinq grandes périodes, un découpage totalement arbitraire bien entendu.

-Les bases (1299-1451)

-La période classique (1451-1606)

-La période des réformes militaires (1606-1826)

-La période moderne (1826-1861)

-Le déclin et la décadence (1861-1918)

Issu du monde de la steppe, l’armée ottomane à d’abord été essentiellement une armée composée de cavaliers et d’archers aussi redoutables que les mongols.

Longtemps les ottomans mènent des raids et des coups de main mais très vite doivent intégrer le concept de la bataille rangée. Ils utilisent des barricades et des retranchements.

Plus tard le réduit central sera renforcé par de l’artillerie et des chariots enchainés le Wagenburg (mur de chariot), l’infanterie devant et au centre, la cavalerie sur les ailes. Ils apprennent également la polieurcetique (guerre de siège). On assiste également à une utilisation croissante de mercenaires.

La puissance ottomane permet de tenir à l’ouest face aux habsbourgs et à Venise et à l’est contre la Perse des safavides. La guerre n’est pas le seul outil utilisé par les ottomans, la diplomatie étant également utilisée quand la guerre ne suffisait pas, ne suffisait plus.

Janissaires

L’empire ottoman met très tôt sur pied une armée de métier, une armée permanente soldée avec de la cavalerie et de l’infanterie, les noyaux durs étant composés des janissaires et des timariotes.

Les cavaliers ou timariotes sont titulaires d’une dotation en revenus fiscaux tirée de terres agricoles ou timar. Cela lui permet de financer son entrainement et ses campagnes. Ils sont équipés de casques et de côtes de maille mais aussi de lances et de masses d’armes.

Affectés dans les provinces, ils peuvent embarrquer sur les navires de la marine ottomane. Les fils peuvent hériter du timar. Le corps des timariotes décline à la fin du 16ème et au début du 17ème siècle.

Ils sont vites assoviés à de l’infanterie ou yaya mais ces derniers sont vite remplacés par les célèbres janissaires.

Aux côtés des timariotes on trouvait des unités de cavalerie retribuées par le sultan, les müsellems, des unités essentiellement composées de mercenaires étrangers.

Les sujets libres du Sultan forment des corps auxiliaires ou azab avec fantassins et cavaliers qui servent souvent comme éclaireurs. La cavalerie légère ou akinji déployée aux frontières mènent régulièrement des razzias en territoire autonome.

Cette cavalerie légère irrégulière non payée vivait donc sur le pays notamment sur le pays ennemi en menant des raids. En bataille rangée, ils harcelaient l’ennemi avec leur arc. Ils pouvaient également couvrir la retraite des unités amies. Les akinji disparaissent à la fin du 16ème siècle remplacés par d’autres irrégulières, les Deli et les Bashi-Bozouk.

Le corps le plus célèbre de l’armée ottomane est celui des janissaires (du turc yaniceri «nouvelle troupe») créé vers 1370. Il remplace les yaya qui n’ont pas donné satisfaction. Ils sont issus du devsirme, des chretiens enlevés enfants convertis de force à l’islam.

Coupés de la société ils forment un état dans l’état ce qui va poser de plus en plus de problèmes, la dernière levée étant datée de 1751.

Initialement c’est une avant-garde, une unité d’élite utilisant la fronde, l’arc, le sabre, la masse d’armes, la hache et la lance avant de passer également aux armes à feu ce qui entraine la création d’unités spécialisées : canonniers, train d’artillerie, armuriers, bombardiers et sapeurs-mineurs.

Les effectifs des janissaires passent entre la fin du 13ème et la fin du 15ème siècle de 3000 à 13000 hommes répartis en 196 sections très autonomes. Les janissaires sont 35000 en 1598, 70000 en 1683 et 100000 au 18ème siècle, le trésor ottoman peinant à suivre ce qui explique qu’une partie des janissaires sont davantage commerçants que militaires.

Ce corps d’élite (ou prétendu tel, l’augmentation constante des effectifs pas forcément compatible avec l’élitisme militaire), corporatiste voit sa discipline se relâcher. Les mutineries sont fréquentes, plusieurs sultans sont déposés et assasinés.

Après un premier échec en 1807, le corps qui se révolte à nouveau en 1826 est dissous, ses survivants massacrés, la dernière trace des janissaires étant enregistré à Alger en 1830 lors du débarquement du corps expéditionnaire du général Marmont.

En 1622 Osman II veut lever de nouvelles unités baptisées seklan. Non seulement il est renversé et assassiné par les janissaires mais en plus les nouveaux venus se taillent rapidement une sinistre réputation sur le modèle des écorcheurs de notre guerre de Cent Ans.

Les selkhan disparaissent dès 1718 soir un siècle avant les janissaires. L’arc est l’arme traditionnelle des janissaires, arcs complétés par des arbalètes utilisées depuis les forteresses. A cela s’ajoute des épées, des lances, des boucliers. Ils ont le monopole de l’arme à feu d’abord l’arquebuse puis le mousquet.

Les premiers fantassins ottomans disposant d’armes à feu sont les Peyade Topçu (littéralement «artillerie à pied» avec un pendant monté les Süvari Topçu Neferi («soldat artilleur monté») et d’autres unités comme les bombardiers (Humbaraci) lançant des projectiles explosifs appelés khimbara.

Ces derniers sont les premiers soldats de ce type en Europe voir dans le monde. Ils voient le jour au 16ème siècle, disparaissant en 1826 en même que toute l’ancienne armée ottomane.

Le corps des Humbaraci est officiellement créé en 1729 par Claude Alexandre de Bonneval qui créé également une école de humbara. En 1731 on compte un peu plus de 600 soldats répartis en équipes de 25 détachés aux différentes armées. Les humbara se repartissent en ceux lançant des projectiles à la main (Humbara-i dist) et ceux lançant des projectiles via une machine (Humbara-i Kebir).

Jusqu’au 18ème siècle, l’artillerie ottomane se maintient au niveau des européens. L’empire ottoman rate le virage du canon léger à tir rapide (où est donc le Gribeauval turc ?) et même de manière plus anecdotique la baïonnette.

Qu’es-ce qui à fait la puissance de l’armée ottomane ? Son nombre, la qualité de ses troupes d’élite et une bonne organisation notamment une bonne logistique, des dépôts ayant été mis en place sur la route en direction de la frontière.

Ce qui l’à fait décliner ? Un empire trop vaste à défendre, un poids financier trop important et un refus obstiné de toute réforme de la part des janissaires notamment.

A la période classique, on trouve les troupes régulières ou kapikulu («esclaves de la Porte») avec six «Divisions de Cavalerie» ou Kapikulu süvarileri (sipahis de la porte, Silahkdars, Sag Ulufeciler, Sol Ulfeciler, Sug Garipler et Sol Garipler).

Au côté des unités montées on trouve des «Divisions d’infanterie» avec les janissaires, les Solaklar (fantassins de droite), les Sakalar (fantassins de gauche), les Asceni (novices), les Topçu (tirailleurs), les Top Arabracilari (canonniers), les Cebeci (armuriers), les Humbaraci et les Legimci (mineurs).

On trouve également les divisions de garde à savoir les Botanci («jardiniers» gardes du serail de Topkapi) et les Baltadji («hommes à la hache» = gardes royaux).

Qui dit troupes régulières dit (ou pas) troupes irrégulières ou Yerlikulu (Azabs, Bachi-Bouzouks, Seklans, Tüfenkci, Icareli _artillerie_ ,Müsellem _génie_ , Serhat Kulu, Deliler _une cavalerie légère d’origine balkanique_ , Gönullü, Besli, Timarli Siphari ou timariotes, Akinci)

A la fin du 15ème siècle, l’armée ottomane regroupe environ 50000 cavaliers, 12000 fantassins et plusieurs milliers de janissaires.

A la fin du 18ème siècle alors que la Sublime Porte s’est enfoncé dans un déclin duquel elle ne sortira pas, Selim III tente de moderniser l’armée et pour cela fait appel à des conseillers militaires étrangers notamment français. Un certain capitaine Bonaparte fût pressenti mais retenu à Paris par le soulèvement royaliste de Vendémiaire il ne vit jamais les murailles de Constantinople.

En 1826 le corps des janissaires est supprimé à l’issue d’un nouveau soulèvement écrasé dans le sang, les sipahis disparaissent également. C’est la mise en place d’une nouvelle organisation militaire ou nizâm-i djedid.

C’est l’occasion pour Mahmoud II de créer enfin une armée moderne c’est-à-dire une armée organisée et équipée à l’européenne. Se méfiant de la France alliée du pacha d’Egypte Mehmet Ali, il confie cette tâche aux britanniques, aux prussiens et aux russes.

Le seraskir commande une armée dont l’uniforme allie l’Europe et l’Asie, le bleu de prusse pour l’uniforme et le fez comme couvre-chef. Les sujets ottomans doivent effecctuer cinq ans de service dans l’active et sept ans dans la réserve.

En 1834 une Ecole de guerre est créée (avec un enseignement inspiré de celui délivré à Saint-Cyr) suivie en 1838 d’une Ecole de Santé militaire. La même année un Conseil Militaire est créé pour coordonner la politique de défense ottomane. Un an plus tôt une Ecole d’Artillerie avait été créée.

En 1839 un corps de gendarmerie est créé sous le nom de Asâkir-i Muntazâma-i Hâssa. Le nom de Jandarma est adopté en 1879. En 1930 ce corps intègre l’armée même si depuis 1909 il dépendait du ministère de la Guerre.

En 1843 le sultan Abdulaziz réforme l’armée qui se rapproche du modèle occidental avec une armée d’active ou nizam et une armée de réserve ou redif, les sujets de la Sublime Porte passant comme nous le savons cinq ans dans la première et sept ans dans la seconde.

Ce firman met sur pied cinq armées permanentes : une armée pour la défense de Constantinople, une armée pour la défense de la Thrace orientale (Pachalik de Silistra), une armée pour la défense de la Roumélie, une armée pour la défense de l’Anatolie et une armée pour la défense des provinces arabes. Une 6ème armée est créée en 1848 pour assurer la défense de la Mésopotamie (eyalet de Bagdad).

Au moment de la guerre de Crimée l’armée ottomane est organisée en six corps d’armées (Ordous) commandé par un Muchir. Chaque corps d’armée comprend deux divisions à trois régiments d’infanterie, quatre régiments de cavalerie et un régiment d’artillerie.

Chaque régiment d’infanterie comprend quatre bataillons ce qui représente au moins sur le papier 3256 hommes.

Chaque régiment de cavalerie comprend six escadrons, les 1er et 6ème escadrons sont des escadrons de chasseurs ou de hussards alors que les quatre autres sont des escadrons de lanciers, les premiers servant pour l’éclairage, le flanquement le harcèlement, les seconds pour la charge et pour le choc.

A ces six escadrons s’ajoutent un état-major et une compagnie hors rang soit un total de 934 hommes (sachant que les six escadrons représentent 720 hommes).

Les régiments d’artillerie regroupent pas moins de onze batteries (3 à cheval et 8 à pied) avec un total de soixante-quatre pièces de campagne et quatre obusiers de montagne, le tout servit par 1765 hommes.

Au final chaque ordou comprend 21445 hommes et 68 canons. A cela il faut ajouter des garnisons et des unités du génie.

Au total on trouve trente-six régiments d’infanterie (100 800 hommes), vingt-quatre régiments de cavalerie (17280 hommes), six régiments d’artillerie (7800 hommes) et 40000 hommes pour les garnisons et les corps spéciaux.

En théorie le redif est organisé comme le nizam. A cela peuvent s’ajouter des corps auxiliaires comme la gendarmerie musulmane (zalties), les Tatars de la Dobroudja et les Bachi-Bouzouks.

En 1853 l’armée ottomane comprend 480000 hommes sur le papier. Les meilleures troupes sont 123000 hommes de l’armée d’active et notamment les douze bataillons de chasseurs (Sishaneci) armés du fusil français Minier tirant la balle du même nom.

En 1869 nouvelle réforme avec désormais quatre ans de service actif (nizâniye), six ans en réserve (redif) et huit ans dans la garde territoriale (Mustahfhiz). Les sujets non-musulmans en sont examptés en échange du paiement d’une taxe appelée bedel.

Les réformes successives peinent à produire les fruits espérés, les officiers formés au nouveau standard sont peu nombreux. L’organisation est très approximative, la corruption et la prévarication généralisée.

La guerre de Crimée terminée, la démobilisation sera menée en dépit du bon sens, gaspillant une expérience douloureusement acquise. De plus les milices tribales armées pour le conflit se garderont bien de rendre les armes distribuées ce qui constitue un facteur de désordre.

Vers 1870 l’armée ottomane compte 210000 hommes du nizâmiye, 190000 hommes du redif et 300000 hommes au sein du mustahfhiz.

En temps de paix l’armée ottomane comprend sept corps d’armée (NdA l’armée ottomane change souvent d’organisation non ?).

On trouve la garde impériale à Constantinople, le corps du Danube à Choumen, le corps d’armée de Roumélie à Monastir (Bitola), le corps d’armée d’Anatolie à Erzurum, le corps d’armée de Syrie à Damas, le corps d’armée d’Irak à Bagdad et le corps d’armée d’Arabie au Yémen.

En 1875 les Balkans se soulèvent. L’armée ottomane n’intervient pas directement en raison de graves problèmes financiers (la Sublime Porte connait une nouvelle banqueroute). La répression féroce est menée par les tcherkesses et les bachi-bouzouks.

Dans la foulée une nouvelle guerre russo-ottomane (1876-1878) se termine ô surprise par une nouvelle défaite de la Sublime Porte qui doit reconnaître une large autonomie, une quasi-indépendance de la Bulgarie (il faudra attendre 1908 pour cela). Le sultan Abdülaziz est renversé et retrouvé mort dans des conditions suspectes.

En 1877 l’Armée du Danube comprend cinq corps d’armée (état-major à Vidin, Roussé, Tutrakan, Silistre et Tulcea). Cela représente un total de 120 bataillons d’infanterie dont 30 de chasseurs, 64 escadrons de cavalerie régulière, 68 batteries d’artillerie à six pièces soit un total de 100000 réguliers et 400 plus canons 20000 hommes en réserve. A cela s’ajoute 50000 irréguliers.

Le Corps d’Armée de Bosnie-Herzégovine comprend 20000 hommes et 30 canons, le Corps d’Armée d’Albanie comprend 10000 hommes et 30 canons.

A Varna sont débarqués 9000 égyptiens (20000 sont attendus), 4000 tunisiens et tripolitains. En réalité l’Egypte renoncera à envoyer les renforts prévus, la Régence de Tunis enverra seulement quelques volontaires, la régence de Tripoli envoie un régiment d’infanterie, un régiment de cavalerie et un bataillon de chasseurs. Le Cherif de la Mecque envoie 4000 volontaires.

La Mustahfhiz doit mobiliser pour l’Armée du Danube 90 bataillons de 600 hommes (54000 hommes) et potentiellement 150000 «volontaires».

L’Armée d’Arménie comprend 90 bataillons d’infanterie dont 20 de chasseurs à pied, 18 escadrons de cavalerie, 23 batteries d’artillerie à six pièces (70000 hommes, 5000 chevaux et 138 canons) plus les garnisons des forteresses de Kars, de Trebizonde, de Batoumi, d’Erzurum et de Beyazit.

A l’issue du conflit une nouvelle organisation militaire est mise en place avec un service actif (nizâm) de quatre ans pour l’infanterie et de cinq ans pour la cavalerie et l’artillerie, deux ans en disponibilité (ichtiat), deux bans (convocations) dans le redif d’une durée de trois ans chacun et de huit ans de Mustahfhiz soit une durée totale de vingt ans pour l’infanterie et de vingt et un pour la cavalerie et l’artillerie.

Des conseilleurs prussiens arrivent pour réorganiser à nouveau l’armée ottomane, l’Ecole de Guerre étant réorganisée sur le modèle de la Kriegsakademie.

En 1891 une nouvelle unité de cavalerie est créée sur le modèle des cosaques russes. Les Hamidies recrutés chez les kurdes pour maintenir l’ordre sur les frontières et réprimer l’agitation arménienne.

Peu à peu l’armée se constitue une élite moderniste et nationaliste. C’est l’acte de naissance du mouvement Jeune-turc.

Les effectifs du temps de paix sont d’environ 100000 hommes auxquels il faut ajouter une gendarmerie. Le contingent annuel de conscrits censé être de 37000 hommes tombe à 11000 hommes pour des raisons budgétaires.

En temps de guerre les effectifs doivent passer à 350 à 400000 hommes avec 41 régiments turcs, 2 régiments bosniaques, 41 bataillons de chasseurs, 8 bataillons de garde-frontières, 26 régiments de cavalerie, 8 régiments d’artillerie de campagne, huit régiments d’artillerie de forteresse, deux régiments du génie et deux régiments d’ouvriers d’administration.

Un bataillon doit théoriquement aligner 1000 hommes mais en pratique les effectifs dépassent rarement 800 à 850. L’escadron de cavalerie censé regrouper 750 chevaux en aligne souvent dix fois moins. Seule l’artillerie est à effectifs à peu près complet.

En 1897 les ottomans remportent une guerre contre les grecs récupérant une partie de la Thessalie.

L’armée (re)devient un élément majeur de la vie politique ottomane avec la révolution de 1908 et la répression de la contre-révolution de 1909.

Les problèmes financiers sont constants. Il faut attendre 1884 pour qu’un budget prévisionnel soit mis en place. Le versement des soldes est très irrégulier, la corruption reste constante tout comme le détournement de fonds. Les officiers doivent davantage leur avancement à la faveur du sultan et de la cour qu’à leur compétence. De nombreuses mutineries ont lieu notamment aux périphéries de l’empire.

En 1908 au moment de la Révolution Jeune Turque l’armée ottomane est organisée en une 1ère Armée pour défendre Constantinople, le Bosphore et l’Asie Mineure, une 2ème Armée à Edirne, une 3ème Armée en Roumélie occidentale, une 4ème Armée dans le Caucase.

Les Jeunes-turcs n’ont pas plus de réussite dans leur volonté de réforme et de modernisation. En 1909 les sujets non-musulmans sont appelés pour la première fois et le service militaire en pays chaud (Yemen et Arabie notamment) est réduit de trois à deux ans.

Cette mobilisation des non-musulmans connait son épreuve du feu durant les deux guerres balkaniques. En dépit des vexations passés les kurdes comme les arméniens se montrent loyaux ce qui démonte le principal argument des organisateurs du génocide arménien.

Quand les guerres balkaniques commencent l’armée ottomane est organisée de la façon suivante :

-1ère Armée (Thrace) : 1er Corps d’Armée (1ère, 2ème et 3ème Divisions), 2ème Corps d’Armée (4ème, 5ème et 6ème Divisions), 3ème Corps d’Armée (7ème, 8ème et 9ème DI) et 4ème Corps d’Armée (10ème, 11ème et 12ème Divisions).

-2ème Armée (Balkans) : 5ème Corps d’Armée (13ème, 14ème et 15ème Divisions), 6ème Corps d’Armée (16ème, 17ème et 18ème DI) auxquelles s’ajoutent trois divisions en réseve d’armée les 22ème, 23ème et 24ème divisions.

-3ème Armée (Caucause) : 9ème Corps d’Armée (28ème et 29ème divisions), 10ème Corps d’Armée (30ème, 31ème et 32ème divisions) et 11ème Corps d’Armée (33ème et 34ème DI).

-4ème Armée (Mésopotamie) : 12ème Corps d’Armée (35ème et 36ème Divisions), 13ème Corps d’Armée (37ème et 38ème Divisions), 8ème Corps d’Armée (déployé en Syrie : 25ème, 26ème et 27ème Divisions) et le 14ème Corps d’Armée (Arabie ottomane et Yémen 39ème, 40ème 41ème et 43ème Divisions).

Le 12 mai 1914 la loi de recrutement abolit les divisions de réserve, les réservistes devant effectuer leurs périodes d’entrainement au sein des unités d’active. Cette réforme est à peine ébauchée quand le premier conflit mondial éclate.

Quand la première guerre mondiale éclate l’armée ottomane est loin d’être prête. Elle doit digérer les guerres balkaniques et doit faire face à d’insolubles problèmes financiers. En théorie elle peut aligner 36 divisions répartis en treize corps d’armée plus deux divisions indépendantes.

Les stocks de munitions sont faibles, on manque de cadres compétents en raisons des nombreux soubressauts politiques, on manque d’armes modernes, de chevaux, on manque de tout.

Cela n’empêche les ottomans d’attaquer dans le Caucase mais après quelques succès très vite l’offensive tourne au désastre. Même chose pour l’attaque mener contre le canal de Suez.

Durant la première campagne, les ottomans engagent la 2ème armée, la 3ème armée, l’armée islamique du Caucase et une armée azerbaïjanaise.

Durant la deuxième (campagne de Sinaï et de Palestine) on trouve sous le commandement du Djemal Pacha la 4ème armée ottomane avec notamment le 8ème Corps d’Armée du général Friedrich Kress von Kressenstein (oui un allemand pourquoi) qui comprend les 8ème, 10ème, 23ème, 25ème et 27ème DI mais aussi neuf batteries d’artillerie de campagne et une batterie d’obusiers de 150mm.

A noter que durant tout le conflit les pertes ottomanes seront supérieures en terme de maladie et de désertion qu’au combat comme si même à l’ère de la guerre industrielle, l’armée ottomane était restée bloquée à l’ère de Soliman le Magnifique.

La seule exception c’est la campagne des Dardanelles mais là les ottomans étaient en défensive ce qui facilitait le soutien logistique, le ravitaillement et les évacuations sanitaires. Au plus fort de la bataille les ottomans déploient 17 divisions dont la 19ème division commandée par le colonel Mustapha Kemal qui va refaire parler de lui.

En 1915/16 les troupes ottomanes participent à la déportation des arméniens, profitant de la situation pour voler, violer et piller.

En février 1916 les russes attaquent dans le Caucase. Les ottomans sont sérieusement bousculés et devront attendre les Révolutions Russes pour reprendre les territoires perdues puis conquérir une bonne partie du Caucase, entrant à Bakou en septembre 1918. Ai-je besoin de préciser qu’il s’agit d’une victoire sans lendemain ?

Les combats en Syrie, en Irak et en Palestine sont plus disputés. Les ottomans remportent une bataille à Kut-El-Amaea (décembre 1915-avril 1916).

Des troupes ottomanes sont également déployées en Europe aux côtés des allemands, trois corps d’armée (6ème, 15ème et 20ème CA), des unités qui seront rapatriées au pays en 1917 quand la situation allait devenir vraiment dramatique pour la Sublime Porte.

Au printemps 1917 les britanniques attaquent à Gaza. En dépit de l’usage de chars et de gaz de combat cette offensive est repoussée. Parallèlement une offensive est ménée en Perse par le 13ème Corps d’Armée mais c’est un échec. Là encore c’est moins la résistance perse que les épidémies qui poussent les chefs ottomans à se replier.

Bagdad tombe en mars 1917 et en décembre 1917 après la chute de Jérusalem un ordre de retraite général est lancé. En 1918 la supériorité aérienne totale des alliés aggrave la situation morale des troupes ottomanes. La Syrie est abandonnée à la fin du mois d’octobre pour se concentrer sur la défense du plateau anatolien, défense qui devient bientôt sans objet en raison de l’Armistice de Moudros signé le 30 octobre 1918.

Aux côtés des unités militaires on trouve également des unités de travailleurs (anila tuburu) avec six bataillons en 1914, trente en 1915. en 1916 les 28 bataillons survivants sur les 33 existants sont réorganisés en 17 bataillons à effectifs pleins ce qui donne une idée à effectifs pleins.

Une organisation spéciale est également mise en place pour le renseignement et le sabotage.

Au total sur 2.6 millions d’hommes qui ont été mobilisés, 325000 hommes sont morts, 400000 blessés, 202000 faits prisonniers et 1 million ont déserte. Il ne restait que 323000 sous les drapeaux au moment de l’Armistice.

L’armistice ne signifie pas la fin des combats. Ils se poursuivent sur tout le territoire de l’empire ottoman. Nombre de soldats ottomans vont rallier Mustapha Kemal par nationalisme.

Pologne et Pays Neutres (113) Turquie (3)

Chronologie militaire

1071 (26 août) : Les byzantins sont écrasés par les turcs seljoukides à Mantzikert. L’Asie Mineure est perdue.

1389 (15 juin) : Bataille de Kosovo-Polje. Victoire stratégique des ottomans

1391-92 : premier siège de Constantinople par les ottomans

1394-1402 : deuxième siège de Constantinople par les ottomans

Bayezid 1er

1396 (25 ou 28 septembre) : Bataille de Nicopolis. Le sultan Bayezid 1er écrase en Bulgarie (Nikopol) une croisade menée par Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie

1402 (20 juillet) : Tamerlan écrase les ottomans à Ankara. Cette défaite donne un répit de quelques années aux byzantins

1422 (juin-août) : Troisième siège de Constantinople par les ottomans et nouvel échec

1444 (10 novembre) : Bataille de Varna. Les ottomans de Mourad II écrasent les troupes chrétiennes menées par Ladislas III Jagellon

1448 (17 au 20 octo) : Deuxième bataille de Kosovo-Polje. Victoire des ottomans de Mourad II sur les troupes chrétiennes de Jean Hunyadi et de Vladislav II de Valachie.

1480 (28 juillet) : invasion ottomane d’Otrante et de l’Apulie. La mort de Mehmet II le 3 mai 1481 met fin à la volonté ottomane de marcher sur Rome

1522 : Conquête de Rhodes

Tableau représentant la mort de Louis II de Hongrie à la bataille de Mohacs

1526 (29 août) : Bataille de Mohacs. Victoire ottomane et mort du roi de Hongrie Louis II Jagellon

1529 : premier siège de Vienne par les ottomans

1532 : Les ottomans tentent à nouveau de s’emparer de Vienne mais sont repoussés à Guns (97km au sud de Vienne)

1551 : Conquête de Tripoli

1565 : échec ottoman à Malte

Tapisserie du Vatican représentant la bataille de Lepante

1571 (7 octobre) : la marine ottomane est écrasée à Lepante par une escadre chrétienne

1593-1606 : Longue Guerre avec l’Autriche

1735-1739 : guerre russo-ottomane

1768-1774 : Guerre russo-ottomane qui se termine par une défaite ottomane et le traité de Kücük-Kaynardji

1821-1830 : guerre d’indépendance grecque

1853-1856 : Guerre de Crimée

1877-1878 : guerre russo-ottomane. La victoire russe enterise l’indépendance de la Bulgarie

1897 (18 avril) début de la guerre gréco-turque qui se termine le 20 mai par une déroute des forces grecques mais qui l’emporte sur le plan politique et diplomatique

1912 (8 octobre) : Début de la première guerre balkanique entre l’empire ottoman et la Ligue Balkanique (Bulgarie, Serbie, Grèce et Monténégro)

1912 (3 décembre) : Armistice entre les ottomans et les bulgares. Cet armistice expire le 3 février 1913 et les combats reprennent

1912 (16 décembre) : Victoire grecque à la bataille navale d’Elli

1913 (18 janvier) : Victoire grecque à la bataille navale de Lemnos

1913 (20 février) : Contre-offensive ottomane

1913 (11 mars) : Adrinople tombe aux mains des troupes de la Ligue Balkanique

1913 (30 mai) : Traité de Londres qui met fin à la première guerre balkanique

1913 (29 juin) : La Bulgarie déclenche la deuxième guerre Balkanique. Sofia se retrouve seule face à la Serbie, la Roumanie, la Grèce, le Monténégro et l’empire ottoman

1913 (20 juillet) : les troupes ottomanes envahissent la Bulgarie

1913 (23 juillet) : Edirne/Andrinople est reprise ou plutôt réoccupée par les ottomans

1913 (30 septembre) : Traité de Constantinople entre l’empire ottoman et la Bulgarie

1913 (14 novembre) : Traité d’Athènes entre la Grèce et l’empire ottoman

1914 (14 mars) : Traité signé à Constantinople entre la Serbie et l’empire ottoman

1914 (2 novembre) : La Russie déclare la guerre à l’empire ottoman. La France et la Grande-Bretagne suivent le lendemain

1915 (19 février) : Tentative de forcement des détroits par une escadre franco-britannique. Début de la campagne des Dardanelles.

1915 (25 avril) : le corps expéditionnaire allié débarque à Gallipoli

1916 (9 janvier) : Fin officielle de la Campagne des Dardanelles

1916 (juillet) : Début de la révolte arabe du Hedjaz

1919 (19 mai) : début de la guerre d’indépendance turque (Kurtulus Sascasi/Guerre de Libération)

1922 (9 septembre) : Reconquête de Smyrne par les turcs

1922 (11 octobre) : Armistice de Moudanya entre les turcs, les britanniques, les français et les italiens. Les grecs s’y rallient trois jours plus tard. Fin de la Kurtulus Sascasi.

1922 (11 novembre) : les grecs évacuent la péninsule de Gallipoli

Chronologie économique et culturelle

1453 : Création de l’université d’Istanbul

Palais de Topkapi

1461 : début de la construction du palais de Topkapi

1481 : création du lycée de Galatasaray

1568-1574 Construction à Edirne de la mosquée de Sélim

1609-1616 : construction à Constantinople de la Mosquée Bleue

1773 : création de l’université technique d’Istanbul

1844 : Le drapeau ottoman est adopté. Il à été conservé par la Turquie kémaliste

1847 : Abolition de l’esclavage

1854 (4 août) : l’empire ottoman lance son premier emprunt à l’étranger

1856 : Inauguration de la première ligne de chemin de fer de l’empire entre Le Caire et Alexandrie

Palais de Dolmabahce

1856 : inauguration du palais de Dolmabahce qui remplace Topkapi comme résidence principale des sultants ottomans

1875 : premier match de football dans l’empire ottoman. Il à lieu à Salonique mais avec uniquement des joueurs étrangers, les sujets ottomans ayant longtemps eu l’interdiction de jouer à ce jeu

1889 : inauguration à Constantinople de la gare de Sirkeci située sur la rive européenne de la future Istanbul

1889 (14 juillet) : Naissance du mouvement Jeune Turc

1902 (février) : le premier congrès des Jeunes Turcs est organisé à Paris

1903 : création du club de Besiktas JK, l’un des trois grands clubs d’Istanbul

1904 : création du championnat d’Istanbul. Il faudra attendre 1959 pour qu’un championnat national de Turquie voit le jour.

1905 (1er octobre) : Création du Galatasaray SK, l’un des trois grands clubs de football d’Istanbul

1907 (3 mai) : création du Fenerbache SK, l’un des trois grands clubs de football d’Istanbul

1908 : Après avoir participé aux jeux olympiques intercalaires de 1906, l’empire ottoman participe aux jeux olympiques de 1908 à Londres sous le nom de TURQUIE. Les athlètes ottomans ne remportent aucune médaille tout comme quatre ans plus tard à Stockholm.

1909 : inauguration à Constantinople de la garde de Haydarpasa, gare située sur la rive asiatique de la future Istanbul

1922 (13 septembre) : Grand Incendie de Smyrne dont les origines sont encore aujourd’hui disputées

1923 (21 mai) Création de la Türkiye Futbol Federanyonu (TFF), la fédération turque de football. Elle est affiliée dans la foulée à la FIFA.

1923 (13 octobre) Ankara devient capitale de la Turquie

1923 (13 octobre) Premier match officiel de l’Equipe nationale de football turque (match nul 2-2 contre la Roumanie)

1925 (4 mars) : loi pour le maintien de l’ordre public

1928 : L’alphabet latin remplace l’alphabet ottoman d’origine arabe

1928 (18 avril) : La Turquie devient un état laïc, cessant d’avoir l’islam comme religion d’état

1930 (28 mars) : Constantinople est rebaptisée Istanbul

1934 (5 décembre) : Les femmes turques reçoivent le droit de vote

1937 (5 février) : Une loi confirme la laïcisation de l’état turc

1944 : début de la construction de l’Anitkabir, le mausolée où repose encore aujourd’hui Mustapha Kemal. Le monument est inauguré en 1953.

Mitteleuropa Balkans (183) Grèce (27)

L’armée grecque et la guerre gréco-turque

Soldats grecs servant une mitrailleuse St Etienne modèle 1907

De mai 1919 à octobre 1922 les grecs affrontent les turcs de Mustapha Kemal dans une nouvelle guerre gréco-turque. Cette guerre que j’ai déjà présenté dans la partie historique se termine par la Grande Catastrophe, la Grèce subissant une humiliation militaire et politique qui allait être fatale pour la monarchie.

Je vais y me concentrer sur le volet militaire et notamment les différentes unités de l’armée héllène engagées dans ce conflit. Pour éviter les répétitions je vais présenter les différentes batailles dès que l’occurence apparaît dans l’historique d’une grande unité et ensuite simplement la mentionner quand elle revient plus tard.

La 1ère division d’infanterie rassemblée à Kavala débarque à Smyrne le 15 mai après avoir été transportée par 14 navires escortés par trois destroyers britanniques et quatre destroyers grecs.

Cette division comprend alors trois régiments d’infanterie (1er régiment d’evzones, 4ème et 5ème régiment de ligne), une demi-compagnie de cavalerie, les 1er et 2ème escadrons du 1er régiment d’artillerie et deux compagnies du génie.

Elle participe du 27 juin au 4 juillet 1919 à la Bataille d’Aydin. Cette bataille est plutôt une série d’affrontements confus où les civils sont les plus touchés. On assiste à des massacres des deux côtés, les turcs survivants se réfugiant en zone italienne, les grecs qui n’ont pas été massacrés par les turcs ont été déportés en Anatolie.

La division participe ensuite à l’Offensive d’été déclenchée le 22 juin 1920, offensive qui voit l’engagement de 101625 soldats grecs, de 30000 britanniques et de 2000 ottomans qui s’opposant aux 10200 hommes mal armés et mal équipés du gouvernement républicain de la Grande Assemblée Nationale d’Ankara. Elle est ensuite engagée dans la Bataille de Dumlupinar.

La 2ème Division d’infanterie participe également au conflit avec ses 1er, 3ème et 7ème régiments d’infanterie. Elle participe à la Bataille de Sakarya puis à la dernière bataille du conflit, la Bataille de Dumlupinar (26-30 août 1922).

La Grèce est alors épuisée par le conflit, à bout de forces matériellement et moralement. Depuis l’échec de la Bataille de Sakarya (14 août-13 septembre 1921) (NdA voir la 3ème division d’infanterie), Athènes sait qu’elle ne peut plus gagner ce conflit.

Les forces grecques forment l’Armée d’Asie Mineure (QG à Smyrne). Elle couvre un front de 713km entre Cius sur la mer de Marmara s’incline vers le sud-est pour former une poche autour d’Eskisehir s’incline vers le sud direction Afyonkarahisar avant de tourner vers l’ouest et vers le sud au delà de la montagne Akar Dag avant de suivre la rive droite de la rivière Büyük Menderes et de rejoindre la mer Egée. Ce front n’à pas bougé depuis la retraite de l’automne 1921 qui suit la bataille de Sakarya.

Elle comprend environ 220000 hommes dont 140000 hommes étaient situés sur le front mais seulement 80000 hommes étaient des combattants de première ligne. Sur le plan matériel on trouvait 264 pièces d’artillerie, 980 mitrailleuses, 2592 pistolets mitrailleurs et 55 avions.

L’Armée d’Asie Mineure est organisé en trois corps d’armée, le 3ème corps allant de la mer de Marmara à Eskisehir, la poche autour d’Afyonkarahisar est couvert par le 1er corps avec le 2ème corps en réserve immédiate, le reste du front étant faiblement protégé par le Commandement Militaire Général Supérieur de Smyrne. Cela nous donne le dispositif général suivant :

-3ème Corps d’Armée : 11ème DI, 3ème DI, 10ème DI et Division indépendante

-1er Corps d’Armée : 5ème DI, 12ème DI, 4ème DI, 1ère DI et le détachement Plastiras (5ème régiment d’evzones et 13ème escadron d’artillerie de montagne)

-2ème Corps d’Armée : 9ème DI, 13ème DI, 7ème DI, 2ème DI et Division de Cavalerie

Face aux grecs, les turcs alignent environ 195000 hommes dans une meilleure position car ils sentent l’odeur de la victoire.

Cette bataille se déroule du 26 au 30 août 1922. Mustapha Kemal à préparé soigneusement son offensive tant sur le plan purement militaire que sur le plan politique en s’attirant le soutien des français et des italiens, les britanniques restant fidèles à leur tropisme grec.

Sur le plan moral les grecs sont au bord de l’effondrement alors que leur matériel est meilleur que celui des turcs. Ces dernières possèdent de l’artillerie lourde et surtout une excellente cavalerie qui va jouer un rôle majeur dans cette bataille.

Les turcs percent le 27 août. Les grecs doivent se replier mais ce repli se transforme rapidement en déroute. La bataille s’achève le 30 août 1922 et le 9 septembre dans un épouvantable chaos la cavalerie turque rentre dans Smyrne bientôt ravagé par un incendie aux origines discutées.

La 3ème Division d’Infanterie est transférée en Asie mineure en août 1920. Affectée au 3ème Corps d’Armée, la division comprend comme force vive trois régiments d’infanterie en l’occurence le 2ème régiment d’evzones, les 6ème et 11ème régiments de ligne.

Elle va notamment participer à la Bataille de Sakarya (14 août-13 septembre 1921) qui voit l’engagement de 75000 grecs contre 77000 turcs.

L’armée grecque comprend le 1er Corps d’Armée (1ère DI, 2ème DI et 12ème DI et un régiment d’artillerie), le 2ème Corps d’Armée (5ème DI, 9ème DI, 13ème DI, un régiment d’artillerie et un régiment d’artillerie lourde d’armée), le 3ème Corps d’Armée (3ème DI, 7ème DI, 10ème DI, régiment d’artillerie, 16ème RI détaché de la 11ème DI et la brigade de cavalerie avec les 1er et 3ème régiments de cavalerie) et le Groupement Sud de Division (4ème DI, 11ème DI, 9ème RI, 49ème RI, 18ème RI et 47ème RI)

Ce sont les grecs qui attaquent les premiers. Ils approchent d’Ankara mais n’iront pas plus loin car leurs lignes de communication très étirées sont harcelées par la cavalerie kémaliste. Les grecs doivent se replier sur leurs positions de départ à savoir la ligne Eskisehir-Afyonkarahisa.

La retraite à lieu en bon ordre mais c’est une retraite quand même. La Grèce est épuisée au bord de la rupture. C’était clairement l’offensive de la dernière chance et son échec doit pousser les grecs à tirer les conclusions suivantes : ils ne peuvent plus gagner la guerre. La suite leur donnera raison.

La 3ème division d’infanterie va également participer à la bataille de Dumlupinar en août 1922.

La 4ème Division d’Infanterie participe à la campagne d’Asie Mineure, elle est d’ailleurs quasiment détruite lors de la Bataille de Dumlupinar.

La 5ème Division d’Infanterie est l’ancienne Division Crétoise qui est rebaptisée en novembre 1920 après la défaite électorale de Venizelos. La division combat notamment à Sakarya et à Dumlupinar, retraitant sur Chios. Elle est recrée à Serres sous le nom de division crétoise par amalgamation des 5ème et 9ème DI.

Pas d’informations sur l’engagement de la 6ème division d’infanterie dans ce conflit alors que la 7ème DI à eu l’honneur ou pas de combattre durant ce conflit.

La 8ème Division d’Infanterie n’est que partiellement consacrée à ce conflit puisque seul son 3ème régiment d’evzones (40ème RI) est concerné, les autres unités dépendant de la division (10ème RI, 24ème RI) n’étant pas engagés en Asie Mineure.

La 9ème Division d’Infanterie participe aux batailles de Sakarya et de Dumlupinar à chaque fois au sein du 2ème Corps d’Armée.

La 10ème Division d’Infanterie est l’ancienne Division de Smyrne qui change de désignation en novembre 1920 suite à la défaite électorale d’Eleftherios Venizelos. Cette division participe du 10 au 24 juillet 1921 à la Bataille de Kütahya-Eskisehir.

Cette bataille qui fait suite à la 1ère bataille d’Inonü voit les grecs l’emporter et leur permettre de s’emparer des villes de Kütahya et de Eskisehir. Après un débat animé, les grecs décident de poursuivre l’avancée vers Ankara. La suite est connue avec la défaite de Sakarya puis la retraite et enfin l’offensive finale des troupes du futur Ataturk.

La division réussit à évacuer en bon ordre en 1922, ralliant la Thrace orientale à travers la mer de Marmara.

La 11ème Division d’Infanterie créée en décembre 1913 avec les 13ème, 27ème et 28ème RI est restée fidèle au roi. S’opposant militairement aux vénizélistes en août 1916, elle est désarmée par les troupes françaises.

Le 8 juillet 1920 la Division de Magnésie est créée avec le 9ème régiment crétois, le 16ème RI et le 17ème RI. Elle dépend du Corps d’Armée de Smyrne et va naturellement participer à l’offensive grecque de l’été 1920.

En novembre 1920 suite à la défaite électorale du «Clemenceau grec» la division devient la 11ème division qui dépend du 3ème Corps d’Armée qui n’est autre que l’ancien corps d’armée de Smyrne.

La division participe aux batailles de Sakarya et de Dunlupinar au cours de laquelle est détruite, cessant d’exister. Elle est réformée au sein de l’Armée d’Evros (qui existe de décembre 1922 à août 1923, armée qui succède à l’Armée d’Asie Mineure) qui occupe la Thrace occidentale avec les 2ème, 3ème et 4ème Corps d’Armée. L’Armée sera dissoute suite au traité de Lausanne (1923) mais la division est redéployée à Thessalonique et est donc préservée suite à la fin de la guerre.

La 12ème Division d’Infanterie à pour origine la création de la Division Xanthi à Thessalonique en février 1920 avec les 13ème, 14ème et 15ème RI, ces régiments étant composés de recrues venant de Thrace. Ces trois régiments d’infanterie étant appuyés par le 12ème Régiment d’Artillerie de Montagne.

En mai 1920 elle occupe la Thrace occidentale avant de rallier l’Anatolie. Elle retourne en juillet 1920 en Thrace mais en thrace orientale cette fois. En novembre 1920 la Division Xanthi devient la 12ème DI.

En 1921 placée sous le commandement du prince André, la division est formée du 14ème, du 41ème et 46ème RI, débarquant à Smyrne du 29 mai au 6 juin 1921. Elle participe à la bataille de Kütahya-Eskisehir et de Sakarya à chaque fois sous l’autorité du 1er CA.

Détruite à la bataille de Dumlupinar, elle ne disposait plus à l’époque que de 155 officiers, 2240 hommes, 1010 animaux, 18 canons et 15 mitrailleuses autant dire rien. Elle rallie Chios le 31 août 1922, fusionnant avec la Division Indépendante pour former une nouvelle 12ème DI à Feris au sein de l’Armée d’Evros (octobre 1922). Elle reste en Thrace occidentale après le traité de Lausanne.

La 13ème Division d’Infanterie est créée en décembre 1913 avec trois régiments d’infanterie (2ème RI, 3ème RI et 5ème régiment d’evzones), la division dépendant du 1er Corps d’Armée. Elle dissoute en 1916. Reconstituée à la fin du conflit, elle combat sur la rivière Strymon au sein d’un 1er CA.

En 1919 elle est envoyée en Russie pour combattre les bolcheviques et soutenir les Blancs. Dès juin 1919, elle rallie la région de Smyrne pour des tâches d’occupation et non de combat du moins dans l’immédiat puisqu’elle participe à la bataille de Sakarya, à la Bataille de Gediz (24 octobre au 12 novembre 1921).

Durant ce conflit les grecs sont opposés aux 11ème et 61ème DI turques avec des unités irrégulières.

Les résultats sont tactiquement incertains mais stratégiquement les grecs doivent évacuer Gédiz pour gagner leurs quartiers d’hiver et les turcs rentrent peu après dans Gédiz) et la Bataille de Dumlupinar (26-30 août 1922). La division est dissoute à la fin du conflit.

D’une guerre à l’autre

Dire que l’armée grecque sort sonnée de la guerre gréco-turque est un doux euphémisme. C’est le pays entier qui est ébranlé, ébranlement qui sera fatal à la monarchie mais comme nous le savons la république ne fera guère mieux que la monarchie.

Naturellement le retour au temps de paix entraine une réduction des effectifs. C’est ainsi qu’en 1930 l’armée de terre grecque ne comprend que dix divisions réparties pour huit d’entre-elles au sein de quatre corps d’armées, les deux dernières étant indépendantes. On compte également une brigade déployée sur les îles de la mer Egée.

Comme après une autre humiliation militaire (la guerre gréco-ottomane de 1897), la Grèce cherche à l’extérieur l’aide nécessaire pour réorganiser son armée. Elle se tourne à nouveau vers la France qui de 1925 à 1932 va maintenir une mission militaire.

Rappelons qu’après le premier conflit mondial de nombreux pays vont soliciter la France pour bénéficier de son savoir. Comme de mieux que la meilleure armée du monde pour augmenter ses capacités militaires !

C’est en octobre 1924 que la France est officiellement sollicitée par le gouvernement grec. Le général Guillaumat qui connaissait parfaitement le pays pour avoir commandé les troupes alliées sur le front de Macédoine durant le premier conflit mondial est envoyé comme éclaireur. Il approuve la demande grecque.

En mars 1925 le général Nicolas Georges Girard arrive sur place. La principale action de cette mission est la création d »une Ecole Supérieure de Guerre. Rappelons que l’une des causes du désastre en Asie mineure fût le remplacement d’officiers expérimentés par des officiers royalistes moins expérimentés et peut être moins compétents. Girard estt remplacé en avril 1928 par le général Brallion lui même remplacé en 1931 par le général Julien Goubard qui va rester jusqu’en 1932.

L’instabilité du pays ne permet pas une véritable modernisation de l’armée qui en septembre 1939 est mal équipée, mal entrainée mais reste assez motivée. Les tensions avec l’Italie n’ont heureusement pas dégénérés en conflit ouvert car si cela avait été le cas nul doute que l’armée héllène aurait du mal à résister à une attaque italienne décidée.

Durant la guerre de Pologne la Grèce reste neutre mais comme nombre de pays cela sert d’électrochoc et l’armée grecque va bénéficier d’un certain nombre d’investissements pour aboutir à une armée mieux équipée, mieux entrainée et capable de tenir le temps que par exemple les franco-britanniques interviennent en force tout comme durant le premier conflit mondial.

Durant la Pax Armada, l’armée de terre grecque bénéficie comme nous le savons des bons soins de la MMFG, la Mission Militaire Française en Grèce (MMFG) dirigée par le général Georges.

Le général Georges en compagnie du général Gort durant la guerre de Pologne

Cette mission composée de 97 officiers et sous-officiers va servir d’officine de renseignement (ce qui provoquera quelques incidents avec des officiers grecs moins proches des alliés) et de passeurs de savoir, la MMFG promouvant les dernières créations de ce qu’on peut appeler par anachronisme le Complexe Militaro-Industriel français et transmettant les derniers progrès d’une armée française qui effectue sous l’impulsion du Général Villeneuve une véritable révolution culturelle.

Des textes sont ainsi traduits en grecs, des relations sont noués avec les généraux appelés à commander sur le front mais à la différence de la Yougoslavie, la Grèce ne suit pas les conseils français pour améliorer le processus de mobilisation ce qui sera à l’origine d’un certain nombre de problèmes en 1948.

Le char léger modèle 1935 M.39 dit Hotchkis H-39 symbolise la modernisation de l’armée grecque

Sur le plan matériel, on assiste à une relative modernisation mais les lacunes sont en septembre 1948 encore importantes. Comme le dira un officier grec «Trop de lacunes, trop de demandes et pas assez d’argent».

Mitteleuropa Balkans (168) Grèce (12)

Grande idée et Grande catastrophe

Megali Idea

En jaune les territoires revendiqués par la Grèce et notamment Eleftherios Venizelos

La Grande Idée est une théorie politique du 19ème siècle qui visait à regrouper dans un même état ayant pour capitale Constantinople tous les grecs dispersés dans tout le bassin oriental de la Méditerranée et jusqu’aux rives de la mer Noire. Le terme à été pour la première fois utilisé par Ioannis Koléttris, premier ministre du très impopulaire Othon 1er en 1844.

Cette idée à irrigué à infusé la politique intérieure et extérieure grecque jusqu’aux années soixante-dix. De temps à autre on assiste à quelques résurgences de cette idée mais elle est désormais ultra-minoritaire et n’est défendue que par quelques partis extrémistes.

Très vite cette idée se heurte à un certain nombre d’écueils. En effet si toutes les populations de culture grecque sont de confession orthodoxe, elles ne parlent pas tous le grec. Cela est une faiblesse majeure de la théorie de la Grande Idée car si on s’appuie sur l’orthodoxie, cela torpille l’argument principal de regrouper tous les grecs dans un état. De plus comme on l’à vu plus haut l’intégration des habitants des territoires acquis après les guerres balkaniques s’est fait de manière houleuse.

Cette idée à aussi des implications culturelles. On assiste à une volonté de purifier, de moderniser la langue grecque. Cela est vu comme un moyen de renforcer, de consolider un Etat qui reste encore très fragile car très récent.

Pour Athènes puissance secondaire le meilleur moyen de réaliser la grande idée est de profiter de la moindre occasion. Comme la région est empoisonnée par la Question d’Orient, le gouvernement grec va tenter de pousser ses pions dès que la région s’embrase.

La Guerre de Crimée constitue la première occasion pour s’emparer de nouveaux territoires mais c’est un échec cuisant puisque les français et les britanniques occupent le port du Pirée de mars 1854 à février 1857.

A noter qu’une légion grecque combat aux côtés des russes à Sébastopol ce qui explique peut être l’occupation du port d’Athènes par les franco-britanniques.

En mai 1864 la Grèce intègre les îles ioniennes quand les britanniques renoncent à leur protectorat sur la République des Sept Iles. C’est un cadeau fait à Georges 1er, le nouveau roi des héllènes.

En 1878 le Traité de San Stefano créé une Grande Bulgarie sous influence russe. La Grèce n’est pas conviée aux discussions contrairement à celles aboutissant à un traité de Berlin nettement moins favorable à Sofia. Trois ans plus tard le Traité de Constantinople permet à Athènes d’intégrer la Thessalie et l’Epire.

Il faudra ensuite attendre les deux guerres balkaniques pour que la Grèce connaisse un nouvel agrandissement territorial. C’est notamment le cas en Macédoine où dès les années 1890 la Grèce avait tenté d’agiter la région pour provoquer son détachement de l’empire ottoman et son intégration au royaume.

C’est une politique risquée non seulement parce que cela risquait de provoquer une guerre avec l’empire ottoman mais en plus parce que cela pouvait mécontenter la Serbie et la Bulgarie qui regardaient avec gourmandise la région en question.

Une révolte pilotée par la Bulgarie échoue en 1903 tout comme les révoltes pilotées par les grecs en 1904 et 1907 avec à chaque fois une crise diplomatique avec la Sublime Porte.

En juillet 1908 à lieu la Révolution Jeune-Turque par de jeunes officiers voulant mettre fin au déclin de l’empire ottoman.

La Crète en profite pour proclamer son enosis avec le Royaume de Grèce mais Athènes est trop faible pour obtenir la reconnaissance internationale de cet état de fait. Voilà pourquoi l’annexion de la Crète par la Grèce ne sera reconnue par Constantinople qu’à l’issue des deux guerres balkaniques.

En 1910 Eleftherios Venizelos arrive au pouvoir. Crétois il avait participé à la révolte de Therissos en 1905 qui avait aboutit au départ du Prince Georges, haut-commissaire en Crète.

Partisan convaincu de la Grande Idée, il arrive au pouvoir suite à des élections mais dans le contexte troublé par le coup de Goudi. Pour réaliser la Megali Idea il se lança dans une politique volontariste de modernisation et dans une politique étrangère centrée sur une alliance avec les autres états de la région.

Suite à la première guerre balkanique, la Grèce s’empare de Chios, de Lesbos, de Samos, de l’Epire avec sa capitale Ioannina. Ces annexions sont reconnues par le traité de Londres de mai 1913.

Comme nous le savons le partage des dépouilles ottomanes va générer un deuxième conflit entre la Bulgarie, ses anciens alliés et l’empire ottoman bien décidé à prendre sa revanche.

Parmi les sources de discorde figurent encore et toujours la question de la Macédoine que revendiquent la Serbie, la Macédoine et la Bulgarie. Cette dernière va ainsi lancer une attaque préventive pour s’emparer de cette région en partie peuplée de bulgarophones mais isolée, elle sera écrasée.

Le traité de Bucarest signé en août donne à la Grèce Thessalonique et la Macédoine du Sud mais Athènes n’à pu empêcher ni la Bulgarie d’obtenir une fenêtre sur la mer Egée ni la création de l’Albanie ce qui la prive de l’Epire du Nord.

Tous ces territoires conquis ne sont pas exclusivement peuplés de grecs. De plus la Grande Idée à fracturé la société et la classe politique grecque, cette théorie étant utilisé par la classe politique grecque comme un dérivatif pour faire oublier les problèmes économiques et sociaux.

La défaite de l’empire ottoman dans le premier conflit mondial semblait être l’occasion rêvée, imanquable pour réaliser la Grande Idée mais cela va au contraire conduire à l’une des pires catastrophes de l’histoire grecque.

Le traité de Sèvres

Le Traité de Sèvres signé le 10 août 1920 est la conséquence directe de l’Armistice de Moudros signé le 30 octobre 1918.

Cet armistice est négocié uniquement par les britanniques qui refuse la présence des français craignant soit des conditions trop durs ou pour priver Paris de toute zone d’influence dans la région.

C’est à bord du HMS Agamennon que l’armistice de Moudros à été négocié

Les négociations sont menées à bord du cuirassé HMS Agamennon à partir du 27 octobre et aboutissent trois jours plus tard. Il est signé à Moudros sur l’île grecque de Lemnos.

Les hostilités sont naturellement suspendues, l’empire ottoman renonce à toute présence militaire au Héjaz, au Yémen, en Syrie, en Mésopotamie, en Tripolitaine et en Cyrenaïque. Les alliés peuvent occuper les détroits des Dardanelles et du Bosphore, Batoumi et les tunnels des Monts Taurus.

Les vainqueurs peuvent occuper à titre de gage et pour prévenir tout désordre six provinces arméniennes dans le nord-est de l’Anatolie. L’armée ottomane est démobilisée après avoir évacué Batoumi, Kars, Ardahan et l’Azerbaïdjan.

Le traité de Sévres à été signé mais non ratifié. Il prévoyait que l’empire ottoman renonce à ses provinces arabes et africaines. Les pertes territoriales sont très lourdes. Par exemple en Europe le territoire de ce nouvel empire ottoman se limite à Constantinople et son voisinage immédiat.

Une Grande Arménie voit le jour tout comme une province kurde autonome, les détroits turcs sont démilitarisés.

Les villayets de Van, Bitlis et Trebizonde intègrent la république indépendante d’Arménie, la France occupe la Syrie avec une frontière bien plus au nord que l’actuelle et obtient une zone d’influence comprenant la Cilicie avec Adana, zone s’étendant jusqu’au nord de Sivas.

L’Italie occupe Antalya et sa région plus une zone d’influence allant de Bursa à Kayserie en passant par Afyankarahisar. La Grèce obtient Smyrne et sa région (un plébiscite est prévu en 1925), la Thrace orientale avec Andrinople et Gallipoli plus les îles d’Imbros et de Tenedos.

Les provinces arabes sont transformées en mandat de la SDN. La nouvelle Turquie peut être considéré comme un état croupion puisque elle passe de 1.78M de km² à 490000 km². De plus les territoires laissés sont pauvres et de sérieuses contraintes financières limitent toute possibilité de développement.

De plus le nouvel état ne peut posséder d’armée même réduite mais une gendarmerie. La police, le système fiscal, les douanes, les eaux et les forêts, les écoles sont sous contrôle allié !

Dès mai 1919 débute la guerre d’indépendance turque avec Mustapha Kemal qui se termine par une victoire en octobre 1922. Cela permet à la Turquie de signé le Traité de Lausanne le 24 juillet 1923 et deux ans plutôt le Traité de Kars en octobre 1921 avec l’URSS.

La guerre greco-ottomane et la grande catastrophe

Avant même la signature du traité de Sèvres une partie des turcs refuse un tel dépeçage de l’empire ottoman.

De mai 1919 à octobre 1922 les grecs vont affronter les révolutionnaires turcs dirigés par Mustafa Kemal le futur Atatürk.

Le Traité de Lausanne va faire perdre à la Grèce tous ses gains du traité de Sèvres sauf les îles de la mer Egée. Un dramatique échange de population à lieu avec 1.3 millions de grecs de Turquie partent vers l’ouest et 385000 turcs prennent le chemin inverse.

Au cours de la Conférence de Paris l’Italie outrée que ses intérêts au Proche-Orient ne soient pas respectés quitte la conférence. Cela fait les affaires de la Grèce qui peut débarquer des troupes à Smyrne le 15 mai 1919. Ce débarquement discrédite définitivement le sultan ottoman et renforce le mouvement révolutionnaire turc.

Ce débarquement grec est la réponse selon Athènes aux massacres des grecs du Pont et de l’Anatolie. Cet argument est contesté par les alliés et contesté par les turcs.

De mai 1919 à octobre 1920 les grecs se contentent de consolider leur emprise sur leur zone d’influence en Anatolie et sur la côte ionienne.

D’octobre 1920 à août 1921 les grecs attaquent les turcs de Mustafa Kemal, ces derniers résistent, bénéficient du soutien de la France, de l’Italie et de l’URSS et peuvent contre-attaquer. Cela aboutit à une défaire grecque en octobre 1922, prélude à la Grande Catastrophe.

Le 15 mai 1919, 20000 soldats héllènes de la 1ère division débarquent à Smyrne. Ils sont débarqués et soutenus par des navires grecs, français et britanniques. Pour Athènes Smyrne et sa régions sont des terres grecques qui doivent intégrer le royaume mais cet état de fait est contesté par les turcs et même par les alliés. Il semble en réalité que seule la ville soit grecque (et encore) et que son hinterland soit surtout peuplé de turcs.

Dès le premier jour des combats sporadiques ont lieu provoquant 300 à 400 morts côté turc et une centaine chez les grecs.

Si certains à Athènes ont pu pensé à une promenade militaire ils ont du être vite dégrisés. Comme souvent dans ce genre de conflit un terrible cycle d’attentats, de répresailles et de nouveaux attentats qui se met en place.

A J+7 (22 mai), les grecs commencent à occuper l’hinterland de la ville de Smyrne et se heurtent à des soldats turcs qui ne savent plus sur quel pied danser. Si le gouvernement ottoman _le seul reconnu par la communauté internationale_ leur à ordonné de ne pas résister, nul doute que leur patriotisme et leur éthique professionnelle leur dicte de combattre des troupes qui ne peuvent être considérées que comme des envahisseurs sans compter leur passif entre grecs et ottomans.

Au printemps et à l’été 1920, les grecs lancent de vigoureuses offensives. A l’époque l’armée héllène est encore soutenue par les alliés et surtout le personnel notamment de commandement est expérimenté. En face l’armée ottomane est en pleine déliquescence et le mouvement révolutionnaire turc est motivé mais peu entrainé et peu armé.

Les grecs occupent l’ouest et le nord-ouest de l’Asie Mineure. Parallèlement des combats ont lieu en Thrace. Peu à peu les grecs relèvent des unités françaises, Paris estimant avoir autre chose à faire que d’occuper cette région à moins que le gouvernement français ne pressent le traquenard qui monte peu à peu.

Le traité de Sèvres signé le 10 août 1920 est une amère déception pour la Grèce qui voit la région de Smyrne placée simplement sous son administration avec l’organisation en 1925 d’un plébiscite pour connaître le choix final des habitants. Détail intéressant ni les grecs ni les ottomans veulent ratifier ce traité qui ne satisfait personne.

En octobre 1920 les grecs s’avancent en Anatolie avec le soutien britannique. Lloyd George n’est pas un partisan de la Grande Idée mais veut surtout faire pression sur les ottomans pour que ces derniers ratifient le traité de Sèvres.

C’est alors que la machine militaire grecque se grippe. Suite à sa défaite électorale Venizélos doit quitter le pouvoir. De plus la mort prématurée du pauvre roi Alexandre 1er laisse augurer d’une possible, que dis-je d’une probable restauration de Constantin 1er dont on connait clairement le passif l’opposant à l’homme politique crétois.

Avant même le retour du beau-frère de Guillaume II sur le trone des hellènes, le personnel militaire vénizéliste est remplacé par un personnel monarchiste moins expérimenté et/ou moins compétent.

Les turcs se sachant militairement inférieurs refusent d’abord le combat, échangeant de l’espace contre du temps. Leur retraite ordonnée aurait du mettre la puce à l’oreille des grecs mais ces derniers ivres de leurs succès continuent de s’enfoncer sur les plateaux anatoliens prolongeant une guerre qu’ils avaient pourtant promis de terminer.

Les signaux d’alarme se multiplient notamment le plus inquiétant à savoir le fait que les alliés promettent de retirer leur soutien politique et militaire si Constantin 1er était restauré. En dépit de cette menace, les grecs plébiscitent le retour au pouvoir du troisième roi de Grèce (après Othon 1er et George 1er). Conséquence logique, les vénizélistes ou ceux ayant à craindre du nouveau régime préfèrent prendre le chemin de l’exil.

A cette époque l’armée grecque avait atteint la ville d’Eskisehir à environ 200km à l’ouest d’Ankara, la nouvelle capitale turque. Une résistance ferme et décidée de la nouvelle armée turque oblige les grecs à se replier.

Une nouvelle campagne est lancée au début de l’année 1921. Si la première bataille d’Inonü est une victoire grecque (9 au au 11 janvier), la seconde du 26 au 31 mars est une victoire turque non sans lourdes pertes des deux côtés.

Dès la première bataille d’Inonü, les alliés sentent que le vent tourne et propose une révision du traité de Sèvres.

Une conférence réunie à Londres en février et mars 1921 est un échec mais détail qui n’en est pas un, le gouvernement ottoman et les révolutionnaires turcs de Mustafa Kemal sont représentés.

L’échec de la conférence de Londres s’explique en grande partie par le fait que les grecs sont encore persuadés de pouvoir l’emporter avec le soutien de la Grande-Bretagne même si se soutien est plus tacite qu’autre chose.

En mars 1921 nouveau signal d’alerte pour Athènes, les français et les italiens signent un traité de paix avec les turcs et vont même jusqu’à fournir armes et renseignement au futur Atatürk. Il s’agit de contrer une Grèce qui est désormais vue comme un client de la Grande-Bretagne.

En juillet 1921 un accord franco-turc voit la France évacuer la Cilicie et autorise des livraisons substansielles d’armes.

Du 10 au 24 juillet à lieu la bataille d’Afyonkarahisar. C’est une victoire grecque mais une victoire à la pyrrhus avec des turcs se repliant en bon ordre. Lors de la bataille de Sakarya du 14 août au 13 septembre, les grec attaquent mais les turcs leur opposent une résistance farouche.

Les deux adversaires sont clairement épuisés. Les grecs sont certes parvenus à moins de 50km d’Ankara mais ils sont épuisés et affamés. De plus leurs longues lignes de communication les rendent très vulnérables au point qu’ils préfèrent se replier. Athènes demande l’aide de Paris et de Rome mais sans surprise les deux sœurs latines refusent.

Les turcs ont clairement pris l’ascendant alors que les grecs sont épuisés et démoralisés. La logique, le bon sens militaire auraient du conduire les grecs à se replier autour de Smyrne mais au lieu de cela les militaires grecs sombrent dans le plus complet irréalisme en planifiant une offensive sur Constantinople !

Le 26 août 1922 les turcs lancent leur grande offensive. Ils remportent une bataille décisive à Dumlipinar quatre jours plus tard, bataille qui fait suite à celle de Sokaya (début le 14 août fin des derniers combats le 13 septembre).

La moitié de l’armée grecque est capturée ou tuée, l’équipement entièrement perdu. Deux généraux grecs sont mêmes capturés. L’avancée turque est ensuite rapide et Smyrne tombe le 9 septembre 1922.

Les britanniques veulent résister aux côtés des grecs mais les français et les italiens refusent et évacuant la région de Constantinople et des détroits turcs.

Le 13 septembre 1922 la ville de Smyrne/Izmir est ravagée par un incendie dont les causes sont aujourd’hui encore disputées. Des arméniens et des grecs sont massacrés tandis que d’autre tentent de fuir en prennant d’assaut les navires étrangers présents dans le port.

Le 11 octobre 1922 l’Armistice de Moudanya est signé. Les franco-britannico-italiens gardent le contôle de la Thrace orientale et du Bosphore, les grecs évacuent ces régions. L’accord est appliqué à partir du 15 soit au lendemain de l’accord grec.

De cet armistice va découler le Traité de paix de Lausanne signé le 24 juillet 1923 et entré en vigueur le 6 août 1924.

Les alliés reconnaissent le régime d’Ankara comme le régime turc légitime. Mustafa Kémal et son gouvernement reconnaissent la perte de Chypre, du Dodécanèse, de la Syrie, de la Palestine, de la Jordanie, de l’Irak et de l’Arabie. Les alliés abandonnent les projets de Grande Arménie et d’autonomie d’un état kurde. La Turquie du traité de Lausanne est la Turquie actuelle moins le sandjak d’Alexandrette qui sera rétrocédé par la France en 1939 pour éviter une entrée en guerre turque aux côtés des allemands au moment de la guerre de Pologne.

Le traité prévoit également des échanges de population et tous les mécanismes de contrôle de la souveraineté turque sont abolis moins le contrôle des détroits qui sont internationalisés. Le régime des Capitulations est également abolit. Des échanges de population vont avoir lieu (ils ont en réalité déjà commencé dans des circonstances dramatiques).

Entre-temps le 11 novembre 1922 la péninsule de Gallipoli à été évacuée par les grecs. La Grande Catastrophe provoque une terrible secousse en Grèce et notamment en ce qui concerne la vie politique déjà agitée du pays. Huit responsables politiques et militaires sont traduits devant la justice et six d’entre-eux (d’où le nom de Procès des Six) sont condamnés à mort et exécutés (27 novembre 1922).

Deux mois plus tôt le 27 septembre 1922 Constantin 1er avait définitivement abdiqué en faveur de son fils ainé Georges II mais comme nous le verrons dans la partie suivante pour peu de temps.

Mitteleuropa Balkans (157) Grèce (1)

UNE AUTRE SECONDE GUERRE MONDIALE

T.11 MITTELEUROPA ET BALKANS

VOLUME 5 : GRECE

Le drapeau du Royaume de Grèce de 1863 à 1924

AVANT-PROPOS

Le 22 mai 2020 j’ai commencé le tome 11 de ma gigantesque que dis-je de ma monumentale, de ma vertigineuse uchronie qui après dix tomes (T1 France T2 Allemagne T3 Grande-Bretagne T4 Etats-Unis T5 Japon T6 Italie T7 URSS T8 Dominions T9 Benelux T10 Scandinavie) comprend 8395 pages !

Le 14 janvier 2021 j’ai terminé la Yougoslavie (Tome 11 vol.4) portant le total de pages écrites à 9385 pages (NdA quand je vous dis que je vais dépasser les 10000 pages…..)

Ce Tome 11 est le dernier des tomes concernant des nations belligérantes puisque le Tome 12 sera consacré aux nations neutres.

Ce Tome 11 disposera de six volumes, le premier consacré à la Hongrie, le deuxième consacré à la Bulgarie, le troisième consacré à la Roumanie, le quatrième à la Yougoslavie, le cinquième à la Grèce et enfin le sixième à l’Etat indépendant de Slovaquie apparu au printemps 1939 suite au démantèlement de ce qui restait de la Tchécoslovaquie. Comme pour le tome 10 il y aura des nations alliées et des nations ayant appartenu à l’Axe.

L’organisation sera différente selon les volumes. Si le volume 1 ne possédait pas de partie marine, si le volume 6 consacré à la Slovaquie n’en possèdera pas non plus (et pour cause !), les volumes 2 à 5 consacré respectivement à la Bulgarie, à la Roumanie, à la Yougoslavie et à la Grèce posséderont une partie consacrée à la marine qui fera suite à la partie traditionnelle consacrée à l’histoire générale.

La troisième partie sera consacrée à l’armée de terre avec d’abord une partie sur l’histoire militaire du pays, une partie sur l’organisation générales et des plus ou moins grandes unités et enfin une partie sur l’armement et les véhicules. Je terminerai par une partie consacrée à l’armée de l’air, son histoire, son organisation et son équipement.

Après cette partie consacrée au plan général revenons un peu sur l’histoire avec un grand H. J’ai eu du mal à définir l’étendue géographique qui est nettement moins évidente que celles des deux derniers tomes (Scandinavie, Benelux). J’ai finalement choisit «Mitteleuropa et Balkans» soit en français «Europe du milieu et Balkans».

Tout comme le terme Scandinavie il est peut être inapproprié pour les puristes mais je pense que c’est pas mal (j’avais un temps pensé à «Europe danubienne et balkanique» mais cela ne me satisfaisait pas totalement).

Mis à part peut être la Grèce (et encore !) ces pays ont un point commun celle d’avoir été gravement impactés par la première guerre mondiale et les traités qui y ont mis fin.

Nous avons d’abord les pays vaincus comme la Hongrie et la Bulgarie qui ont souffert de traités particulièrement musclés notamment le pays des magyars qui passa du statut de puissance majeure au sein d’une double-monarchie austro-hongroise au statut d’une puissance de second ordre enclavée en Europe centrale. La Bulgarie avait du également rendre des comptes aux alliés occidentaux pour s’être alliée aux empires centraux.

La Yougoslavie était elle un des états issus de l’éclatement de l’empire austro-hongrois en compagnie de la Tchécoslovaquie et partiellement de la Pologne. De cet état tchécoslovaque naquit au printemps 1939 un état slovaque souverain, une souveraineté biaisée par le fait que Bratislava devait tout à l’Allemagne.

La Roumanie et la Grèce en revanche avaient appartenu au camp des vainqueurs même si leur participation à la première guerre mondiale à été plutôt limitée, Bucarest livrant une prestation catastrophique et ne devant son salut qu’à une preste assistance alliée (et surtout française) alors qu’Athènes fût engagée contrainte et forcée dans le conflit, sa participation étant parasitée par un conflit entre un premier ministre pro-allié (Venizelos) et un roi pro-allemand (Constantin 1er).

Eleftherios Venizelos

Dans l’immédiat après guerre cette région est traversée par de vigoureuses secousses entre Blancs et Rouges, entre pro-allemands et pro-alliés.

C’est aussi le théâtre d’une lutte d’influence où la France tente de nouer un réseau d’alliance pour contre une réémergence de la menace allemande et pour tendre un cordon sanitaire contre la Russie bolchevique. Pas étonnant que ces différents pays aient connu pour la plupart des régimes autoritaires souvent réactionnaires parfois fascisants.

C’est l’acte de naissance de la Petite Entente. Les français n’en sont pourtant pas à l’origine puisque son origine remonte au 14 août 1920 quand la Tchécoslovaquie, la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes _Yougoslavie à partir de 1929_ signent un accord d’assitance pour se prémunir de la menace hongroise, Budapest n’ayant jamais accepté le traité du Trianon le 4 mai 1920.

Cette alliance est renforcée par des accords bilatéraux entre la Roumanie et la Tchécoslovaquie (23 avril 1921), entre la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (7 juin 1921) et entre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Tchécoslovaquie (31 août 1921). La Petite Entente entend garantir, par la force si besoin, les traités de paix.

Cette alliance est cependant imparfaite et incomplète puisque ne prenant pas en compte les autres menaces que ce soit l’URSS (vis à vis de la Roumanie), l’Italie (vis à vis de la Yougoslavie) ou encore l’Allemagne et la Pologne (vis à vis de la Tchécoslovaquie).

Suite aux accords de Locarno, la France signe des alliances militaires avec Prague (16 octobre 1925), avec Bucarest (10 juin 1926) et Belgrade (novembre 1926).

Suite aux renoncements français de la fin des années trente, ces pays vont davantage se tourner vers l’Allemagne.

Nul doute que si la guerre de Pologne était devenu un conflit mondial nul doute que cette région aurait durablement échappé aux alliés. Son arrêt brutal en décembre 1939 permet à Paris et à Londres de remettre l’ouvrage sur le métier.

Plus facile à dire qu’à faire puisque si la réputation dégringole par l’ascenseur, elle remonte par l’escalier. Il faudra du temps, de la patience, du doigté et un soupçon de chance pour rendre la région moins hostile aux alliés.

C’est ainsi que des accords formels de coopération et d’assistance militaires sont signés avec la Yougoslavie et la Grèce, le premier étant signé à Belgrade le 14 septembre 1945 et le second à Athènes le 8 octobre 1946. Des tentatives vis à vis de la Hongrie, de la Roumanie et de la Bulgarie se heurtent à une telle inertie qu’elle équivaut à une fin de non recevoir.

Cette relance est donc limitée mais s’accompagne d’une coopération politique et militaire avec notamment la livraison de matériel militaire moderne ainsi que l’envoi comme dans les années vingt de missions militaires, le général Gamelin dirigeant celle en Yougoslavie et le général Georges celle envoyée en Grèce. L’envoi de généraux ayant été aux manettes de l’armée française est très apprécié par les gouvernements concernés qui y voient une profonde marque de respect.

Quand la guerre s’annonce inévitable à très court terme la région concernée par ce tome se partage entre pays pro-alliés mais sans excès (Yougoslavie, Grèce), des pays clairement pro-allemands (Hongrie, Slovaquie, Roumanie) et une Bulgarie qui accepte de se faire courtiser par les deux camps tout en veillant à ne pas se mettre à dos la Russie qui bien que communiste est toujours considérée par nombre de bulgares comma la Troisième Rome, protectrice des slaves.

Quand la seconde guerre mondiale éclate le 5 septembre 1948 ces différents pays mobilisent mais ne s’engagent pas directement dans le conflit. Question de temps dirions nous…… .

***

Ce volume 5 concerne donc la Grèce que l’on peut considérer sans trop se tromper comme le ou du moins l’un des berceaux de la civilisation européenne.

Des civilisations brillantes se succèdent jusqu’à la conquête romaine qu’il s’agisse de la thalassocratie athénienne, de la militariste sparte (qui continue de fasciner aujourd’hui, les faibles sources permettant à chacun de projeter ses fantasmes sur la cité lacédémonienne), de Thèbes et son ordre oblique et que dire bien entendu de la Macédoine de Philippe II et d’Alexandre le Grand.

Après la conquête romaine si le monde grec perd son indépendance, elle garde son influence culturelle et même politique, l’empire romain voyant son centre de gravité basculer peu à peu vers l’Orient.

Conséquence en 330 Constantin implante une nouvelle capitale sur le site de la colonie grecque de Byzance, Constantinople.

L’empire se scinde définitivement en deux en 395 et si en 476 l’Empire Romain d’Occident disparaît, en Orient il va perdurer jusqu’en 1453 et sa chute définitive sous les coups de boutoirs des ottomans.

Les grecs vont connaître une longue période de domination ottomane, plus de trois siècles avant de retrouver son indépendance au cours du XIXème siècle après une longue guerre d’indépendance.

Une dynastie bavaroise est choisie pour diriger le pays ce qui à l’époque ne choque personne ou presque.

Othon 1er, le premier roi de la Grèce indépendante

Le pays qui est loin d’avoir atteint ses frontières actuelles (A l’époque il ne couvre que le Péloponnèse et l’Attique) va tenter de regrouper tous les hellénophones sous sa souveraineté. Si le roi Othon 1er parvient à créer une administration centralisée et à transformer Athènes en ville et capitale moderne, il ne parvient pas à réaliser tous ces projets en raison de problèmes financiers constants (lourd endettement vis à vis de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie) et de relations conflictuelles avec l’empire ottoman.

De nombreuses querelles intérieures empêchent la Grèce de sortir de près de quatre siècle de marasme pour devenir un état moderne et respecté. En 1862 le roi Othon 1er est renversé et remplacé par un prince de la maison de Danemark, la dynastie restant au pouvoir jusqu’à la fin des années soixante quand elle sera renversée par un coup d’état militaire qui à sa chute laissera la place à une république, toujours en place aujourd’hui.

La Grèce parvient peu à peu à agrandir son territoire en récupérant des territoires auprès de la Sublime Porte notamment la Grèce ou la Macédoine.

Durant le premier conflit mondial, la Grèce songe d’abord à rester neutre mais va être forcée de s’impliquer dans le premier conflit mondial. Aux combats sur le front balkanique s’ajoute une guerre civile entre les partisans du roi Constantin 1er et ceux du premier ministre Elefthérios Venizelos.

Constantin 1er

Dans l’immédiat après guerre, la Grèce va tenter de réaliser la Megale Idae (La Grande Idée) à savoir de regrouper dans un même état toutes les populations de langue et de culture grecque. Athènes espère profiter de la défaite de l’empire ottoman mais la guerre greco-turque de 1921/22 tourne à la catastrophe, la Grèce enterrant définitivement ses rêves expansionnistes et devant gérer l’arrivée de plusieurs millions de réfugiés suite à un échange de population avec la Turquie de Mustapha Kemal.

Cette crise provoqua la chute de la monarchie en 1924 et une expérience républicaine qui se termine en 1935 par une restauration bientôt supplantée dans les faits par la dictature de Metaxas qui tel un despote éclairé tente de sortir la Grèce de sa léthargie et de la moderniser alors que les menaces s’accumulent tout autour du pays. Nul ne peut dire ce qui se serait passé si il n’était pas mort en 1941 dans des circonstances suspectes.

Durant la Pax Armada la Grèce doit faire à une politique étrangère italienne agressive ce qui la pousse à se rapprocher mais sans excès des alliés, signant un accord de coopération militaire avec la France mais cet accord que les militaires grecs espéraient fructueux ne donnera pas les fruits escomptés sans que l’on sache si le problème est venu du côté français ou du côté grec.

En septembre 1948 la Grèce proclame sa non-belligérance. Elle annonce qu’elle prendra toutes les mesures pour préserver son territoires des opérations menées par les différents belligérants.

Des incidents vont opposer les grecs aux italiens et parfois aux alliés mais sans que cela dégénére en conflit armé et ouvert. Ce n’est que partie remise puisque le 5 mai 1949 l’Italie envahit la Grèce selon les modalités prévues par l’opération CAESAR mais cette opération censée être une promenade militaire se transforme en déroute, les grecs bien aidés par les britanniques et les français refoulant les italiens en Albanie.

ES-ce que cela signifie qu’Athènes à fait le plus dur ? Hélas pour la Grèce non puisque le 7 juillet 1949 les allemands lancent l’opération MARITSA, envahissant la Yougoslavie qui malgré une résistance formidable doit s’avouer vaincu à l’automne.

Cela à au moins permis à la Grèce de renforcer son dispositif et nul doute que si les troupes de l’Axe n’ont pu s’emparer du Péloponnèse c’est aussi parce que les yougoslaves ont résisté plusieurs mois et non quelques jours.

La Grèce est partiellement occupée mais le gouvernement grec échappe aux affres de l’exil, quittant simplement Athènes pour la Crète et Héraklion. Mieux même l’opération CATAPULT permet au gouvernement grec de récupérer de nouveaux territoires sous la forme des îles du Dodécannèse.

Après avoir reconstituée une armée et une armée de l’air, après avoir préservé sa marine, le gouvernement grec pèse de tout son poids pour faire du front balkanique non pas un front majeur mais autre chose qu’un front de fixation.

Il obtiendra gain de cause avec une série d’offensives qui permettront de libérer un territoire meurtrit par une occupation particulièrement sévère des italiens, des allemands et des bulgares, les combats provoquant in fine une famine biblique qui allait ramener la Grèce à un niveau socio-économique particulièrement bas.

Pour ne rien arranger, le second conflit mondial fait place à une guerre civile qui commence dès 1955 et s’achève en 1959 par la défaite des communistes grecs qui ne purent bénéficier du soutien soviétique.

Dominions (72) Australie (16)

L’Armée de Terre australienne dans le premier conflit mondial (1)

Avant-propos

Le 28 juin 1919 l’Australie signe le traité de Versailles. C’est le premier traité international signé par la jeune nation australienne. Deux chiffres sont plus parlants qu’un long discours.

Lire la suite

Grande Bretagne (76) Armée de terre (1)

ARMEE DE TERRE (BRITISH ARMY)

Avant-Propos

L’armée de terre britannique ou British Army est la composante terre des forces armées britanniques placée sous le commandement du War Office remplacé en 1964 par le Ministry of Defence.

Longtemps connu sous le simple nom d’Army, l’armée de terre se dote d’une force de réserve en 1908 appelée Territorial Army ce qui fait que l’armée d’active sera désormais connu sous le nom de Regular Army.

Armée d’un territoire insulaire, l’armée de terre britannique à été rarement l’armée dominante en terme d’effectifs par rapport à la toute puissante Royal Navy.

Il fallait une menace continentale pour que l’armée de terre britannique devienne une armée importante en termes d’effectifs. Ce fût le cas au début du 18ème pour lutter contre Louis XIV, au 19ème siècle contre Napoléon et au 20ème siècle pour les deux guerres mondiales.

Depuis 1954 et la fin du second conflit mondial, les effectifs sont plus importants avec notamment le déploiement permanent de troupes sur le Continent.

Une brève histoire

Prémices

C’est seulement en 1660 que l’armée de terre britannique devient une armée permanente. Jusque là on utilisait des systèmes de milices. A chaque menace le Parlement devait voter des crédits pour lever des troupes ce qui était l’occasion de négociations interminables entre le roi et le parlement.

A cela s’ajoutait la crainte que la monarchie devienne absolutiste, crainte qui fût à l’origine d’une guerre civile qui permis à la Grande Bretagne de connaître sa première et seule expérience républicaine.

Elle fût déployée sur le continent au cours du 18ème siècle pour s’opposer à l’expansionisme français et pour maintenir l’équilibre des puissances sur le continent, l’alpha et l’omega de la politique étrangère britannique. Cet engagement sur le continent répondait au fait que les monarques anglais jusqu’à Victoria étaient prince de Hanovre.

Au 19ème siècle, elle va participer à la lutte contre Napoléon même si l’apport de Londres à été bien davantage financier qu’humain.

Armée de volontaires, la British Army participe également à la conquête du premier Empire colonial du monde.

A noter que si dans l’armée française la cavalerie est considérée comme l’arme la plus prestigieuse attirant les meilleurs officiers, dans l’armée britannique c’est l’infanterie qui attire les meilleurs officiers. Si elle participe à la guerre de Crimée, l’armée de terre britannique va rester une armée de taille réduite jusqu’au premier conflit mondial.

La British Army dans le premier conflit mondial

La Grande-Bretagne est entrainée dans le premier conflit mondial par le jeu des alliances mais surtout pas l’invasion de la Belgique neutre par les troupes allemandes.

Non seulement Londres est garante de cette neutralité depuis 1839 mais en plus la prise d’Anvers par les allemands serait un coup terrible pour la Grande-Bretagne un pistolet pointé sur la poitrine de l’Angleterre (ce qui explique le refus farouche de voir le drapeau français flotter à Anvers).

Quand le premier conflit mondial éclate, la British Army est un corps de volontaires destiné principalement aux guerres coloniales. De 1899 à 1902 elle avait affronté les Boers, montrant les déficiences en matière d’équipement, de commandement et d’entrainement.

En 1907/08, un état-major est créé et les unités de combat sont regroupées au sein de sept divisions à but expéditionnaire alors que la défense du territoire doit être assurée par une force territoriale, une Territorial Army composée de quatorze brigades de cavalerie et de quatorze divisions, ces unités qui remplacent la milice devant si besoin renforcer les unités régulières.

Fantassin britannique du Worcestershire Regiment en 1916

Fantassin britannique du Worcestershire Regiment en 1916

En août 1914, l’armée de terre britannique aligne 247432 hommes répartis en soixante-douze régiments d’infanterie (quatre de Garde et soixante-huit de «ligne»), trente et un régiments de cavalerie, d’artillerie et de soutien. La moitié est stationnée outre-mer.

Six divisions d’infanterie et une division de cavalerie sont envoyées sur le continent en soutien de l’armée française aux moyens nettement plus importants.

Au cours du conflit, six divisions régulières, quatorze divisions territoriales, trente-six divisions de la «Kitchener’s Army» et six divisions diverses dont la Naval Division formée de Royal Marines, division déployée très rapidement à Anvers pour empêcher les troupes de Von Kluck de s’emparer de ce port.

Durant le conflit les structures évoluent ainsi que la part des différentes armes, la part de l’infanterie et de la cavalerie se réduisant au profit notamment du génie dont la part double en quatre ans.

L’enthousiasme patriotique explique que l’armée britannique n’eut aucun mal à lever de nouvelles unités retardant une conscription qui devint nécessaire après que les lourdes pertes sur la Somme n’aient douché l’enthousiasme des volontaires.

Mitrailleuse Vickers servie en atmosphère toxique lors de la bataille de la Somme (1916)

Mitrailleuse Vickers servie en atmosphère toxique lors de la bataille de la Somme (1916)

La conscription est imposée aux hommes célibataires en janvier 1916 et quatre mois plus tard, tous les hommes âgés de 18 à 41 ans y sont astreints.

A noter que l’Irlande n’ait pas concernée, l’île frondeuse étant un véritable chaudron prêt à bouillir et que de nombreux volontaires venant de la verte Erin se sont engagés pour combattre dans l’armée britannique ce qui explique en partie pourquoi les révoltés de Paques 1916 furent d’abord vus comme des traitres plutôt que comme des héros.

Comme dans tous les pays belligérants, les femmes jouèrent un rôle important à l’arrière, remplaçant dans de nombreux métiers les hommes partis au front.

Durant les premiers mois du conflit, le BEF sur le Front de l’Ouest joua un rôle modeste mais à la auteur des moyens engagés. Si son rôle fût anecdotique dans l’arrêt de la progression allemande, il fût plus important dans la course à la mer qui le vit engager dans les Flandres. Les pertes furent importantes au point qu’on peut considérer que l’armée de volontaires pré-premier conflit mondial est morte à Ypres.

Après une série d’offensives limitées au printemps 1915, l’automne voit le lancement d’une offensive en Artois avec l’utilisation de gaz de combat en réponse à la première utilisation allemande le 22 avril 1915 à Ypres (d’où le nom d’ypérite donné au gaz moutarde). L’échec de cette offensive entraine le remplacement du Field Marshal French par le Général Haig.

En 1916 alors que les combats font rage à Verdun où l’armée allemande cherche à attirer l’armée française dans une bataille d’attrition, les britanniques s’attaquent à la Somme en lançant une offensive majeure le 1er juillet.

Ce jour est resté dans les mémoires comme le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée britannique avec 19000 morts et 40000 blessés pour des gains insignifiant. Ce fût le début de cinq mois de combats qui causèrent la perte de 420000 hommes (tués et blessés).

L’année 1917 marquée par des offensives à Arras (côté britannique) et en Champagne (Chemin des Dames) pour les français ne voient pas l’offensive décisive capable d’achever un conflit qui entrait dans sa quatrième année.

En 1916 sont engagés les premiers tank, les premiers chars de combat qui en petits paquets montrent leur efficacité mais il est certain qu’un engagement massif aurait été nettement plus efficace.

L’année 1918 commence mal pour l’armée britannique quand Ludendorff lance l’opération Michel, son offensive de la dernière chance. Elle tombe sur la 5ème armée britannique et le corps expéditionnaire portugais provoquant une brèche comblée par l’envoi de quarante divisions françaises. L’offensive allemande est finalement stoppée sur la Marne en juin et permet aux français d’imposer Foch comme généralissime des forces armées alliées.

Le 8 août 1918, la 4ème armée britannique attaque dans la région d’Amiens. C’est le début de l’offensive de 100 jours, une série d’offensives échelonnées pour empêcher les allemands de déplacer facilement les réserves jusqu’à un point menacé du front.

Le conflit s’achève par la signature le 8 novembre 1918 de l’armistice qui entre en vigueur le 11 novembre à 11.00.

Prisonniers de l'IRA escortés par des soldats britanniques après l'échec du soulèvement de Pâques déclenché le 24 avril 1916.

Prisonniers de l’IRA escortés par des soldats britanniques après l’échec du soulèvement de Pâques déclenché le 24 avril 1916.

Le Front Occidental ne fût pas le seul front sur lequel fût engagée l’armée britannique. On trouve également l’Irlande secoué par des troubles entamées à Paques 1916, les 1600 rebelles de l’IRA devant faire face à 18/20000 hommes, chiffre brièvement porté à 50000 hommes.

Après l’échec de l’opération aux Dardanelles et à Gallipoli en 1915, les alliés décident de s’engager dans les Balkans. Si l’Armée d’Orient fût composée essentiellement de troupes françaises, serbes, russes et grecques, les britanniques furent également engagées contre la Bulgarie qui signa l’armistice le 30 septembre 1918.

Des divisions britanniques sont également engagées en Italie pour soutenir en compagnie de troupes françaises l’armée italienne durement éprouvée par la bataille de Caporetto le 24 octobre 1917. L’arrivée de troupes alliées permet de stabiliser le front sur la Piave puis de participer à l’offensive décisive lancée contre la ville de Veneto (ultérieurement Vittorio Veneto). Un armistice est signé dès le 3 novembre 1918.

Soldats britanniques à Tsingtao en 1914, le comptoir allemand pris par les anglais et les japonais

Soldats britanniques à Tsingtao en 1914, le comptoir allemand pris par les anglais et les japonais

Hors d’Europe,les britanniques participèrent à la prise du port allemand de Tsingtao en soutien des troupes japonaises mais également aux opérations contre l’Afrique orientale allemande dont les dernières troupes ne se rendirent que le 25 novembre 1918 !

Un mot également sur la terrible campagne de Gallipoli, une opération stratégiquement bien pensée mais menée de manière désastreuse.

Après des opérations navales infructueuses en octobre 1914 et en mars 1915, les alliés débarquent dans la péninsule de Gallipoli sur un terrain favorable à la défense où s’illustre un certain Mustapha Kemal, le futur Attaturk. Après neuf mois de lutte, les alliés évacuent la région en janvier 1916.

mortier Stokes mis en oeuvre au Moyen-Orient par l'armée de terre britannique

mortier Stokes mis en oeuvre au Moyen-Orient par l’armée de terre britannique

L’armée britannique (essentiellement composée de troupes indiennes) fût également engagée en Mésopotamie dans l’actuel Irak, un territoire sous contrôle de l’Empire Ottoman et si Bagdad fût prise en mars 1917 ce ne fût pas sans difficultés avec notamment la défaite de Kut-al-Amara où 13000 britanniques et indiens durent se rendrent après un siège de cinq mois (décembre 1915-avril 1916). Citons également des campagnes menées dans le Sinai et dans le Caucase sans oublier les opérations de police coloniale.

De Rethondes à Coblence (1918-1939)

Comme toutes les armées, les effectifs de la British Army sont sensiblement réduits. Les pertes du premier conflit mondial (période 4 août 1914-30 septembre 1919) s’élèvent 573507 tués (au combat, des suites de leurs blessures ou de causes diverses), 254176 prisonniers et disparus sans oublier les blessés (1643469).

Comme pour les troupes françaises, l’armistice du 11 novembre 1918 ne marque pas la fin de la guerre pour les troupes britanniques qui vont être engagées dans la guerre civile russe en soutien des forces Blanches, en Afghanistan en mai 1919, dans le Somaliland en 1920 sans oublier la guerre anglo-irlandaise (21 janvier 1919-11 juillet 1921). De 1920 à 1929, une British Army on the Rhine (BAOR) marque le retour de troupes britanniques en Allemagne.

En dépit de tentatives de digérer l’expérience du premier conflit mondial (avec notamment l’Experimental Mechanized Force en 1927/28), l’armée britannique connait des temps difficiles, le budget de la défense passant de 766 millions de livres en 1919/20 à seulement 102 millions en 1932.

L’absence de réelle menace extérieure explique en grande partie l’absence d’investissements massifs dans la Défense. A cela s’ajoute un contexte économique compliqué.

Faible budget, répugnance à investir, voilà pourquoi face à la montée de l’Allemagne nazie, les autorités britanniques préféraient une politiquement d’apaisement (apeasment policy), espérant que les concessions allaient calmer Hitler.

Néanmoins à partir du milieu des années trente, les investissements militaires reprennent pour permettre à l’armée britannique de faire face à un conflit que certains considèrent comme inévitable à court terme.

Depuis 1929, un processus de mécanisation était en cours au sein de l’armée britannique, processus qui s’acheva au cours de la guerre de Pologne, les seuls régiments montés restant étant ceux de la Garde.

Le déclenchement de la guerre de Pologne voit l’engagement sur le continent d’un corps expéditionnaire britannique, la British Expeditionary Force (BEF). Placé sous le commandement de Lord Gort, il dépend du Groupe d’Armées n°1.

Il est déployé dans la région de Lille entre la 7ème armée placée à l’ouest et la 1ère armée à l’est avec une force de combat qui aurait du à terme être composée de treize divisions, cinq d’active (1st Infantry Division 2nd Infantry Division 3rd Infantry Division 4th Infantry Division et 5th Infantry Division), cinq issues de la mobilisation (42nd « East Lancashire Division », 44th «Home Counties Division», 48th « South Midland Division » 50th «Northumbrian Division» et 51th «Highland Division» ) et trois divisions de travailleurs, les 12th «Eastern Division» , 23rd «Northern Division» et 46th «North Midland Division ». Seules les divisions d’active ont été à temps déployées sur le continent.

A ces divisions d’infanterie ou assimilées s’ajoute une division blindée, la 1st Armoured Division qui dispose de deux brigades blindées à trois régiments de chars plus des unités de soutien.

On trouve également la 1st Armoured Brigade à trois régiments de chars ainsi que les 1st et 2nd Cavalry Brigade qui sont des unités mécanisées et non des unités montées sans oublier cinq régiments de reconnaissance.

-L’artillerie britannique déploie en France sept régiments d’artillerie légère, neuf régiments d’artillerie moyenne, trois régiments d’artillerie lourde, trois régiments d’artillerie super lourde et enfin deux régiments et deux batteries antichars.

-La défense antiaérienne est assurée par cinq brigade dont une fournie par la RAF auxquelles s’ajoute une brigade de projecteurs.

-Le génie royal déploie plusieurs compagnies notamment des unités comparables aux unités Z françaises (guerre chimiques)

-On trouve également sept bataillons de pionniers et six bataillons de mitrailleurs

Cette force de combat non négligeable n’aura pas à s’employer durant le court conflit qui s’ouvre le 1er septembre 1939. L’assassinat d’Hitler le 9 novembre 1939 ouvre une période d’incertitude qui inquiète Londres. Le retour de Guillaume II pour donner une façade présentable au triumvirat Borman-Goering-Himmler rassure un peu les autorités britanniques.

Le conflit est suspendu le 15 décembre 1939 mais il faut attendre l’échec de la conférence de Coblence (27-30 décembre 1939) pour que le BEF commence à rentrer de France.

Rentre-t-il au complet ? Non car la 1st Infantry Division va rester déployée dans la région de Lille pour permettre notamment une montée en puissance plus rapide des forces britanniques sur le continent.

Elle va s’entrainer régulièrement avec des unités françaises, permettant un fructueux échange d’informations et va apporter sa contribution aux travaux de fortifications de la frontière.

La British Army et la Pax Armada

Comme pour l’armée de terre française, la British Army réduit considérablement la voilure avec la démobilisation.

En Métropole, les différents commandements regroupent neuf divisions d’infanterie d’active, les divisions de mobilisation étant dissoutes. A cela s’ajoute huit divisions de réserve de la Territorial Army même si ces divisions sont loin d’être sur le pied de guerre.

A cela s’ajoute des unités de cavalerie et de chars, une division blindée, quatre brigades de cavalerie et sept brigades blindées sans oublier des unités d’artillerie et du génie.

Au Moyen-Orient, les moyens sont plus modestes avec deux divisions d’infanterie et une division blindée, les autres territoires disposant de moyens limités à des bataillons ou des régiments indépendants.

Dans l’Empire des Indes, il n’y à pas à proprement parlé d’unités britanniques. La défense repose sur l’Indian Army de recrutement local, les unités britanniques n’étant là que pour un déploiement temporaire.

Sur le plan des structures comme sur le plan matériel, les choses évoluent de manière importante, tout le monde prennant conscience que l’ogre allemand n’est pas totalement rassasié.

Des réformes de structures sont mises en place. Si les divisions d’infanterie évoluent peu, les unités de cavalerie et de chars subissent des modifications importantes, le Royal Tank Corps disposant en septembre 1948 de quatre divisions blindées et de six brigades blindées indépendantes, ces dernières étant plus destinées au soutien de l’infanterie que les premières.

L’artillerie et le génie restent composées de régiment tout comme les unités de transmission et de transport.

En ce qui concerne l’armement, l’infanterie voit sa puissance de feu augmenter avec l’introduction de pistolets mitrailleurs en grand nombre (même si le fusil reste l’arme de base). La grenade à fusil d’origine française fait également son apparition au sein de l’infanterie de sa Majesté.

Comme pour les structures ce sont les unités de chars qui connaissent le plus grand renouvellement en terme de matériel, les chars (trop) légers et (trop) faiblement armés sont remplacés par des chars mieux armés, mieux protégés et plus rapides.

La British Expeditionary Force (BEF) repart en guerre (septembre 1948)

A partir de l’été 1948 les tensions en Europe deviennent telles que l’ouverture du conflit est imminente, une question de semaines et de mois plutôt que d’années.

Dès le mois de juillet, discrètement, les autorités militaires britanniques et françaises mettent en place des équipes de liaison pour faciliter le transfert sur le continent d’un BEF musclé sans compter que d’autres divisions vont être intégrées à des Corps d’Armée français.

La 1st Infantry Division installée à Lille reçoit l’ordre de préparer les futurs cantonements des troupes britanniques, de préparer l’accès aux cantonements avec des panneaux indicateurs anglais et également d’écrire des guides pour éviter les problèmes avec la population locale.

Char médian A-27M Cromwell

Char médian A-27M Cromwell

Grace à la mobilisation, de nouvelles divisions sont mises sur pied. Le nouveau BEF destiné à être déployé au sein du Groupe d’Armées n°1 va se composer de douze divisions, dix divisions d’infanterie motorisées et deux divisions blindées, ces derniers disposant de chars lourds Churchill, de chars moyens Cromwell et de chars légers de reconnaissance.

Ces divisions sont regroupées en trois corps d’armée (1st 2nd 3rd British Corps), les deux divisions blindées formant un corps d’armée blindé (1st British Armoured Corps).

Cette puissante force occupe un secteur situé entre la 7ème et la 1ère armée française entre Armentières et Condé sur l’Escaut.

A ces douze divisions formant un corps autonome au sein du GA n°1 s’ajoute quatre divisions en deux corps d’armée destinées à renforcer les 3ème et 4ème armée déployées au sein du GA n°2 face à l’Allemagne.

Le 4th British Corps déployé au sein de la 3ème Armée est encadré par les 23ème et 24ème Corps d’Armée. Il se compose de deux divisions de mobilisation, les 51th Highland Division et 48th Northumberland Division.

Le 5th British Corps déployé au sein de la 4ème Armée dispose d’une division d’active, la 5th Infantry Division et une division de mobilisation, la 42th East Lancashire Division.

-L’Etat-major du BEF est installé à Lille et dispose d’unités qui lui sont directement rattachées en l’occurence une réserve conséquente d’artillerie (représentée par les 1st & 2nd RASG), des unités antiaériennes et antichar (quatre brigades AA et trois régiments antichars), deux régiments de cavalerie pour la reconnaissance et diverses unités de soutien.

1st British Corps : trois divisions d’infanterie : 1st Infantry Division 1st Canadian Infantry Division et 44th «Home Counties Division»

2nd British Corps : trois divisions d’infanterie : 2nd Infantry Division 3rd Infantry Division et 49th South Midland Division

3rd British Corps : trois divisions d’infanterie : 4th Infantry Division 6th Infantry Division et 50th «Northumbrian Division

-La 46th Nort Midland Division est une division de travailleurs mais aussitôt transformée en division d’infanterie ce qui explique qu’elle est en réserve, ne devant rejoindre le front qu’une fois bien entrainée.

1st British Armoured Corps avec la 1st Armoured Division et la 2nd Armoured Division

4th British Corps (3ème armée) : deux divisions d’infanterie, les 51th Highland Division et la 48th Northumberland Division

5th British Corps (4ème armée) : deux divisions d’infanterie, les 5th Infantry Division et d’une division territoriale, la 42nd East Lancashire Division.

Seize divisions britanniques sont donc déployées en Europe continentale auxquelles il faut ajouter six divisions déployées dans le Sud-Est de l’Angleterre à la fois pour défendre le territoire national mais également renforcer le dispositif allié sur le continent (43rd [Wessex] Infantry Division 47th [London] Infantry Division 49th (West Riding) Infantry Division 54th [East Anglian] Infantry Division 59th [Straffordshire] Infantry Division et 61st Infantry Division).

Cela porte le chiffre à vingt-deux divisions auxquelles il faut ajouter six divisions déployées en Ecosse, quatre divisions de mobilisation (15th [Scotish] Infantry Division 12th (Eastern) Infantry Division 38th [Welsh] Infantry Division 45th Infantry Division) plus deux divisions destinées à être engagées en Norvège (52nd Lowland Infantry Division 53rd [Welsh] Infantry Division)

-Le dispositif à été renforcé en Méditerranée avec le déploiement de deux divisions d’infanterie sur l’île de Malte (18th Infantry Divison 56th Infantry Division) plus trois divisions en Egypte et en Moyen-Orient (7th Infantry Division 8th Infantry Divison 66th Infantry Division), des divisions des Dominions devant les renforcer à moyen terme (deux ou trois divisions australiennes, une division néo-zélandaise).

-Enfin en Asie du Sud-Est, des troupes sont déployées à la fin de 1948, poursuivant une amélioration du dispositif allié dans la région.

En Inde, deux divisions britanniques sont déployées en novembre 1948 (76th et 77th) mais début 1949, la 76th Infantry Division est redéployée en Malaisie où elle retrouve deux divisions déployées depuis 1945 (70th & 71st Infantry Division).

L’essentiel de la défense est assurée par la Royal Indian Army qui dispose en septembre 1939 de deux divisions d’infanterie, de cinq brigades de cavalerie et de régiments d’artillerie, cette force connaissant une certaine croissance avec la levée de deux nouvelles divisions d’infanterie, la mécanisation des unités de cavalerie pour former des Independent Armoured Brigade.

-Ailleurs dans les autres territoires sous souveraineté britannique, les effectifs sont modestes dépassant rarement le bataillon ou le régiment.