Genèse et maturation de l’opération ANVIL
Quels plans pour attaquer ?
Dès la fin de la Campagne de Grèce (1949/50) on réfléchit à la future contre-offensive même si à cette époque on ignore quand elle sera déclenchée et même si elle sera déclenchée car le front occidental est bien plus important en terme stratégique.
Certains vont rappeler l’exemple de la première guerre mondiale où l’offensive du Vardar va provoquer par ricochet la défaite de l’Allemagne mais comparaison n’est pas raison.
L’état-major du Groupe d’Arrmées Alliées des Balkans/Allied Balkanic Armies Group (GAAB/ABAG) va réfléchir à une offensive majeure dès l’été 1950 non sans être saisis de vertige devant les difficiultés en terme de terrain, d’appui et de logistique.
Ici pas de plaines pour des offensives massives mais des montagnes, des plateaux et pour ne rien arranger un Golfe à franchir avec tous les risques que comporte une opération amphibie.
Fort heureusement entre l’été 1950 et le déclenchement de l’opération ANVIL, il y aura l’opération AVALANCHE et le franchissement de La Seine ce qui sera riche de leçons à intégrer à la planification de l’opération ENCLUME.
Comme on ne fait pour le moment que réfléchir, on ne s’interdit rien y compris des manœuvres de grand style comme un débarquement près de Thessalonique, une offensive dans l’isthme de Corinthe et même un débarquement sur la côte albanaise ! Pas étonnant que cette offensive ait été officieusement baptisée TRIDENT par ses concepteurs.
Très vite cependant des plans plus modestes et plus raisonables vont être imaginés, le plus évident _attaque dans l’isthme de Corinthe et franchissement du Golfe de Corinthe_ sera vite privilégié.
Pas moins de quinze avant-projets vont être étudiés. Comme nous l’avons vu plus haut, on ne se refuse rien y compris l’arrivée de divisions et de moyens supplémentaires. Ces différents plans ont pour nom de code une lettre de l’alphabet grec en l’occurence Alpha, Gamma, Delta, Epsilon, Zeta, Theta, Kappa, Omicron, Pi, Rho, Sigma, Upsilon, Phi, Khi et Omega.
Sur ces quinze avant projets, neuf (Alpha, Epsilon, Omicron, Rho, Sigma, Upsilon, Phi, Khi et Omega) prévoyaient un affrontement dans l’isthme de Corinthe et dans le Golfe de Corinthe selon des modalités différentes imposant plutôt un axe ou un autre de progression.
C’est ainsi que ALPHA OMICRON SIGMA et OMEGA prévoyaient une offensive frontale menée par les britanniques et les sud-africains dans l’isthme de Corinthe pendant que les grecs mèneraient des raids de diversion dans les Golfes de Patras et de Corinthe.
Les autres (EPSILON RHO UPSILON PHI KHI) prévoyaient en revanche un franchissement en force du Golfe de Corinthe avec une diversion, un maintien sous pression des troupes italiennes défendant l’isthme de Corinthe.
Les six autres sont plus hétérodoxes. Le projet GAMMA («Trident») prévoyait un débarquement à Thessalonique, une offensive dans l’isthme de Corinthe à J+1 et un débarquement sur la côte albanaise à J+2. Ensuite il sera toujours de décider quel axe privilégier.
Ce projet bien que très séduisant fût rapidement abandonné en raison des craintes concernant la coordination des offensives mais aussi la nécessité d’amener plusieurs divisions supplémentaires sur un front secondaire.
Le projet DELTA prévoyait un débarquement au nord d’Athènes avec un mouvement tournant vers l’Albanie pour couper de leurs arrières les troupes de l’Axe déployées en Grèce.
Ici c’est la crainte d’une résistance germano-italienne acharnée avec des pertes trop importantes au risque de déstabiliser tout le dispositif allié. Même si le Heeresgruppe E est affaiblit, on craint même la perte du Péloponnèse voir de la Crète (ce qui est à mon sens hautement exagéré)
Le projet ZETA prévoyait qu’une force amphibie débarque dans le Golfe de Corinthe pour s’emparer tout de suite à J+2/3 d’Athènes et faire s’effondrer le front italo-allemand. Pendant ce temps, sur le front de Corinthe, les troupes alliées seront chargées de faire pression pour empêcher le repli des troupes sur Athènes.
Ce projet à été rejeté car il aurait fallu que les italiens fassent une haie d’honneur aux troupes alliées. De plus les deux Golfes sont assez étroits et probablement largement minés. Il est donc peu intelligent d’y faire pénétrer des navires de haute mer.
Le projet THETA prévoyait un débarquement sur la rive nord du Golfe de Patras pour foncer vers le nord pendant qu’un autre débarquement aurait lieu dans le Golfe de Saronique à l’ouest d’Athènes, les deux axes devant se retrouver dans le nord de la Grèce à la frontière albanaise. Un plan que n’auraient pas renié les allemands…… . Là c’est la crainte qu’une pince soit entravée qui à provoqué le rejet du plan malgré ses avantages évidents.
Le projet KAPPA prévoyait un débarquement à l’est de Thessalonique et un autre dans le sud de l’Albanie pendant que des coups de main seraient menés dans le Golfe de Patras, l’isthme de Corinthe et différentes îles de la mer Egée. Là son rejet à été motivé par la dispersion des forces et la crainte que trop faibles elles ne puissent ni percer ni avancer.
Le projet PI prévoyait un franchissement en force du Golfe de Patras et de l’isthme de Corinthe avec un assaut aéroporté pour créer un tapis pour faciliter la progression des troupes terrestres. Ce projet manqua de peu d’aboutir avant qu’on abandonne le projet de «tapis aéroporté» qui aurait donné une sorte d’opération PHENIX avant l’heure.
Choix définitif
Un conseil interallié est organisé au Caire le 17 mars 1952 avec des répresentants gouvernementaux des différents pays avec également l’état-major du GAAB. Le fait que ni le premier ministre britannique ni le président du conseil français n’aient fait le déplacement sera fort mal perçu tant par les grecs que par les yougoslaves.
Il s’agit de décider quand et où attaquer. Pour calmer la blessure d’amour propre des grecs, on confirme leur rôle central dans la future opération ANVIL, les troupes du Commonwealth n’étant là qu’en appui et en soutien.
Le plan définitif est enteriné durant ce conseil interallié. Un axe majeur à travers les Golfes de Patras et de Corinthe avec un axe secondaire à travers l’isthme de Corinthe et un coup de main sur l’île d’Eubée. Le nom de code est choisit : ANVIL de préférence à SNOW ou à HELLRAISER.
La priorité sera donnée à la libération d’Athènes mais en revanche la suite reste floue, rien n’est encore acté entre une progression en direction de la Macédoine ou une autre en direction de l’Albanie. Nul doute que les futures opérations enclenchées contre l’Italie (DRAGON HUSKY en attendant SKYLOCK) auront un impact sur la progression dans les Balkans.
Des diversions sont envisagées en direction de Corfou, de Lemnos et de Thessalonique mais comme nous le verrons elles ferons rapidement pschitt….. .