Mitteleuropa Balkans (167) Grèce (11)

La Grèce dans la première guerre mondiale

En bref

Chers lecteurs je confesse que j’ai du mal à aller vers l’essentiel et que je veux toujours en faire trop.

Voilà pourquoi je vais commencer par une partie qui synthétise les événements concernant la Grèce dans le première conflit mondial. Comme ça qui veulent aller à l’essentiel pourront lire cette partie et sauter les suivantes.

Quand la première guerre mondiale éclate, la Grèce choisit la voie de la neutralité. Elle est pourtant impliquée à son corps défendant les différents belligérants prenant leurs aises sur le territoire grec, l’Armée Navale qui attend la sortie de la marine austro-hongroise n’hésitant pas à mouiller sur des rades foraines grecques sans forcément que le gouvernement grec ait accepté.

Cela fragilise un peu plus une société grecque que l’on peut diviser entre Vieux et Nouveaux Grecs, les premiers issus des territoires acquis à l’indépendance ne considérant pas les seconds ayant intégré le royaume au 19ème et après les deux guerres balkaniques comme de vrais grecs ce qui comme je l’ai déjà dit met une claque au concept de la Grande Idée qui semble davantage destinée à satisfaire la soif de conquêtes, la soif de pouvoir et la soif de gloire d’une classe dirigeante dont la corruption n’est plus à prouver.

Constantin 1er

Ces fêlures deviennent des fractures au cours du conflit. Il faut dire que quand vous avez un roi (Constantin 1er), beau-frère de Guillaume II germanophile convaincu de la supériorité des Empires Centraux et un premier ministre Elefthérios Venizelos partisan de l’Entente forcément pour la gestion du pays dans une guerre mondiale.

Eleftherios Venizelos

A cela s’ajoute une querelle personnelle entre les deux hommes, le roi alors qu’il n’était que prince héritier considérant l’homme politique crétois comme le «mauvais génie» de son père et qui l’avait obligé à mettre cap sur Thessalonique plutôt que sur la Macédoine. Néanmoins je temporiserai en disant qu’en 1914 la rupture n’est pas encore consommée entre les deux hommes.

Le 3 octobre 1915 le premier ministre grec franchit le Rubicon en autorisant le débarquement à Thessalonique des troupes alliées évacuées des Dardanelles après l’échec de l’expédition du même nom. Constantin 1er le démet de ses fonctions marquant le début du Schisme National.

Le 16 septembre 1916 avec l’appui du général français Maurice Sarrail, Elefthérios Venizelos créé le Gouvernement de Défense Nationale marquant le début d’une guerre civile, le pays se trouvant divisé en trois avec au sud la partie contrôlée par le gouvernement, la Macédoine et l’Epire aux mains des venizelistes et au centre une partie neutre faisant tampon entre les deux régions car si les alliés ont intérêt à voir la Grèce les rejoindre ils n’ont aucun intérêt à favoriser une guerre civile.

Les alliés mettent la Grèce sous blocus pour faire pression sur le gouvernement royaliste (le 1er décembre 1916 un débarquement à Athènes s’était mal terminé pour les alliés) qui le 11 juin 1917 reçoit un ultimatum. Constantin 1er abdique, laissant à son fils cadet Alexandre le trône mais le jeune roi n’à aucun pouvoir.

Un nouveau gouvernement dirigé par Venizelos déclare la guerre aux Empires Centraux le 2 juillet 1917. Une nouvelle armée grecque est créée permettant à Athènes de bénéficier des traités de paix en récupérant nombre de territoires.

Elefthérios Venizelos

Avant de rentrer dans les détails (NdA promis je serais pas trop long), il me semble important de présenter rapidement le premier ministre de Constantin 1er.

Elefthérios Venizelos est né le 23 août (NdA calendrier grégorien) 1864 à Mounies sur l’île de Crète. Il devint avocat en 1887 et comme souvent à l’époque il est aussi journaliste et homme politique.

Il joue un rôle clé dans l’insurrection crétoise de 1886/87, devenant en 1889 député de l’Assemblée Générale crétoise qui vote l’enosis (rattachement) de la Crète à la Grèce. Faute de soutien des grandes puissances et aussi en raison de la défaite de 1897 contre les ottomans, la Grèce ne peut obtenir qu’une Crète autonome dirigée par un haut commissaire, le prince Georges.

Venizelos est ministre de la Justice de la Crète de 1898 à 1901 mais s’oppose au prince Georges au point de prendre la tête d’insurrection en 1905, insurrection qui aboutit au départ du Prince Georges.

En 1909 à lieu le coup de Goudi. Solicité par les putschistes pour prendre leur tête, il accepte mais uniquement après la convocation d’élections qui aboutissent à une victoire triomphale de son parti en octobre 1910.

Si les relations avec Georges 1er sont normales, celles avec son fils et successeur Constantin 1er vont vite se tendre en raison de rancœurs personnelles. Si d’abord le roi et son premier ministre parviennent à les mettre de côté, peu à peu les relations vont se tendre jusqu’à aboutir à la rupture.

Il devient ainsi premier ministre, poste qu’il va occuper du 18 octobre 1910 au 10 mars 1915 puis du 23 août au 7 octobre 1915 date à laquelle il est congédié par le roi Constantin 1er suite à un acte qui fleure la rébellion : l’accès à la ville de Thessalonique pour les troupes alliées évacuées des Dardanelles.

Il prend la tête d’un gouvernement rebelle et obtient le soutien des alliés qui par un blocus maritime, des menaces de bombardement sur Athènes et différentes pressions obtiennent l’abdication du roi et de son fils ainé, laissant le prince Alexandre devenir Alexandre 1er. Ai-je besoin de dire que ce roi était comme les derniers mérovingiens un roi sans pouvoir ?

Alexandre 1er

Après avoir mis sur pied son Gouvernement de Défense Nationale, Venizelos redevient premier ministre de la Grèce le 27 juin 1917, poste qu’il va occuper jusqu’au 18 novembre 1920, date de sa défaite aux élections, Elefthérios Venizelos subissant le même sort que Clemenceau en étant congédié par une classe politique ou des électeurs souhaitant passer à autre chose.

Es-ce la fin de la carrière politique du «Clemenceau grec» (NdA j’ignore si les deux hommes se sont rencontrés mais c’est probable notamment à la conférence de paix de Paris) ? Oui et non avec des exils et des retours ce qui traduisit parfaitement le chaos de la Grèce post-premier conflit mondial.

Il est ainsi rappelé après la Grande Catastrophe, la déroute de l’armée grecque face aux troupes de celui qui n’est pas encore Attatürk mais ne peut enrayer le chaos d’une république introuvable. Il est ainsi premier ministre du 24 janvier au 19 février 1924, du 4 juillet 1928 au 26 mai 1932, du 3 juin au 3 novembre 1932 et enfin du 16 novembre 1932 au 6 mars 1933.

Accusé de tendances dictatoriales, soupçonné fortement d’avoir piloté deux coups d’état ayant avorté, il choisit l’exil en France, la restauration de la monarchie rendant caduque tout espoir de se maintenir au pouvoir. Il ne souffre guère de l’exil puisqu’arrivé à Paris en mars 1935 il y meurt un mois plus tard. Le corps est ramené directement en Crète pour éviter tout problème d’ordre public à Athènes.

Sa trace est immense puisqu’il à participé à la structuration de la vie politique grecque en deux partis, un parti libéral et un parti conservateur, ce bipartisme explosant durant la seconde guerre mondiale avec l’émergence d’un parti centriste, d’un parti socialiste et d’un parti communiste.

Neutralité et engagement, Schisme National et Gouvernement de Défense Nationale

En 1914 la Grèce est un pays ruiné ou du moins très appauvri par les guerres balkaniques. De plus le pays est divisé politiquement avec une classe politique décrédibilisée et divisée.

L’année précédente en 1913, le roi Constantin 1er s’était rendu en Allemagne et en France dans l’espoir d’obtenir des crédits pour des travaux d’infrastructure mais sans succès, Berlin refusant de se mettre à dos son allié et partenaire ottoman alors que Paris à mal digéré les compliments vis à vis de l’armée allemande exprimés en public par le beau-frère du Kaiser.

Dès cette époque les objectifs de Constantin 1er et d’Eleftherios Venizelos commencent à diverger mais à l’époque nous sommes loin de toute rupture, les deux hommes travaillant pour asseoir la position de la Grèce dans une scène balkanique récemment bouleversée.

En dépit des pressions de son beau-frère (Constantin 1er à épousé la sœur de Guillaume II), en dépit de ses propres inclinaisons, le roi des héllènes décide de maintenir le pays neutre.

De son côté Venizelos est plus favorable à l’entente mais ne veut rentrer en guerre que si cela est profitable à la Grèce c’est-à-dire la réalisation de la Megali Idea (Grande Idée). De plus il soupçonne la famille royale d’être de connivence avec Guillaume II ce qui n’est pas le cas puisque l’empereur allemand avait menacé la Grèce d’être traitée comme une nation ennemie si jamais le pays choisissait la neutralité.

Les alliés tentent de convaincre les grecs de renoncer à des territoires récemment acquis pour attirer la Bulgarie de leur côté. Les négociations sont d’autant plus complexes que les alliés cherchent à attirer également l’Italie de leur côté. Impossible de satisfaire tout le monde.

Venizelos craint que déclarer la guerre à l’Empire ottoman n’entraine de terribles représailles aux populations hellénophones en Asie Mineure, l’exemple arménien en 1915 prouve que le crétois avait raison d’être prudent.

En Epire du Nord la situation est tendue, la majorité hellénophone qui y vit craignant de perdre un statut d’autonomie acquis en mai 1914 au sein d’un nouvel Etat albanais créé après les deux guerres balkaniques.

Athènes y envoie son armée le 27 octobre 1914 ce qui marque la fin de la République autonome de l’Epire mise en place le 17 mai 1914 dans le cadrre du protocole de Corfou.

Les alliés décident d’attendre la fin de la guerre pour régler la situation mais la Grèce fait comme si l’Epire du Nord avait fait son enosis avec la Grèce.

En mars 1916 l’union est proclamée officiellement. Si les alliés pouvaient fermer les yeux sur une union de facto en revanche de jure c’est impossible. Comme en plus les relations de l’Entente avec Athènes se sont dégradées, en septembre 1916 la France et l’Italie occupent la région.

En 1914 la Grèce soutien du bout des lèvres son alliée serbe pour ne surtout pas provoquer la Triplice.

Au moment du déclenchement de l’Expédition des Dardanelles en février 1915, Venizelos veut profiter de la situation pour attaquer l’empire ottoman. Constantin 1er et le chef d’état-major un certain Ioannis Metaxas veulent que la Grèce attaque seule pour s’emparer Constantinople.

Probablement parce qu’ils savaient parfaitement que jamais les alliés accepteraient une Grèce occupant Constantinople notamment les russes pour qui les détroits turcs constituent le dernier verrou pour accéder aux mers chaudes, obsession russe depuis Pierre le Grand.

L’échec allié (notamment l’attaque navale du 18 mars 1915) porte un coup très rude à Venizelos qui avait été remplacé huit jours plus tôt (10 mars 1915).

Le 13 juin 1915 les venizélistes remportent les élections législatives. Constantin 1er rappelle Venizelos qui redevient premier ministre le 23 août 1915. Constantin 1er refise de décreter la mobilisation générale après l’attaque de la Serbie par la Bulgarie.

Suite à la menace d’une démission de Venizelos et la risque d’une crise politique majeure, il ordonne une mobilisation générale mais à but défensif.

Le 3 octobre 1915, Venizelos ouvre la ville et le port de Thessalonique aux troupes alliées évacuées des Dardanelles officiellement pour aider la Serbie.

Constantin 1er qui déteste comme tout le monde être pris pour un imbécile le congédit. Cette fois la rupture est définitive entre le roi et le premier ministre.

L’Entente considère désormais le roi Constantin 1er comme un roi pro-allemand. Il est accusé d’avoir provoqué la chute de la Serbie en refusant d’entrer en guerre en 1914 ou 1915.

Les alliés ordonnent à Athènes de démobiliser son armée pendant que la loi martiale est proclamée à Thessalonique et qu’un blocus maritime partiel est mis en place pour faire plier le roi qui organise de nouvelles élections mais le scrutin est boycotté par les vénizélistes.

Le 1er janvier 1916 les alliés installent les serbes évacués à Corfou. Des troupes françaises arrivent le 12 janvier 1916. Les relations se tendent avec les alliés mais ces derniers ne veulent pas forcément rompre avec Constantin 1er.

Les alliés multiplient les pressions alors que le gouvernement grec cherche à mécontenter ni les alliés ni la Triplice mais es-ce encore possible alors que la guerre qui fait rage depuis bientôt deux ans ce qui à radicalisé les positions.

Les forces germano-bulgares occupent une partie de la Grèce. Constantin 1er refuse que ses troupes résistent ce qui ulcère nombre d’officiers qui se demandent à quoi cela à servit de lutter et de mourir trois ans plus tôt pour ne pas combattre.

A Athènes on assiste à des affrontements de rue entre monarchistes et venizélistes. Les alliés évacuent Venizélos sur la Crète pour le mettre à l’abri.

La marine marchande grecque subit un embargo le 29 mai, la famine menace sans compter une grave pénurie de charbon. On parle de projets d’enlèvements ou d’assassinats de Constantin 1er, projets imaginés par les services de renseignements français. Un incendie dans la forêt entourant le Palais de Tatoï est attribué aux français.

Le 29 mai 1916 Venizelos propose de créer un gouvernement provisoire. Il ménage encore le roi et la dynastie pour des raisons politiques et diplomatiques. Le président du conseil Aristide Briand refuse craignant de mécontement de Londres.

Le 2 août 1916 à lieu un coup d’Etat militaire à Thessalonique, coup d’état organisé avec l’aide du général Sarrail. La mise en place d’un comité de défense nationale très vite piloté par Venizélos marque le début du Schisme National.

Elefthérios Vénizélos débarque à Thessalonique en compagnie de l’amiral Pavlos Koundoririotis et du général Panagiotis Danglis. Le soutien des alliés reste tacite et officieux. Le blocus allié se renforce et une partie de la marine grecque est saisie.

Constantin 1er hésite entre opposition franche aux alliés et tentative timide de coopération. L’attitude des vénizélistes et de leur chef est aussi critiquée par les alliés.

Le 16 novembre 1916 les alliés exigent que les grecs livrent des armes mais le gouvernement royaliste refuse.

Le 23 novembre 1916, le vice-amiral Louis Dartige du Fournet, commandant des forces navales alliées en Méditerranée expulse les représentations diplomatiques des Empires Centraux. Un nouvel ultimatum est adressé le lendemain.

Les grecs refusent le 26 novembre et mettent Athènes en état de se défendre avec 20000 hommes, des soldats de l’armée régulière et des miliciens (epistratoi). En face les alliés pensent à un bluff.

Le 1er décembre 1916 1200 marins français, italiens et britanniques des compagnies de débarquement sont mis à terre mais les positions qui leur ont été assignées sont déjà occupées par les grecs. Après deux heures d’observation, les combats éclatent provoquant la mort de 194 marins du côté de l’Entente contre 82 pour les grecs.

Ce sont les Vêpres grecques. Après d’houleuses négociations, les alliés évacuent le lendemain. Les vénizélistes sont pourchassés, leurs habitations et leurs magazins sont saccagés, trente-cinq personnes étant tuées. L’amiral français est relevé de ses fonctions.

Le 2 décembre 1916 les alliés reconnaissent partiellement le gouvernement de Vénizelos qui déclare la guerre à l’Allemagne et la Bulgarie le 7 décembre. Déclaration symbolique car l’armée vénizéliste se limite à un bataillon de volontaires. De son côté le gouvernement grec émet un mandat d’arrêt contre Vénizélos qui subit l’anathème de l’archevêque-primat.

En 1917 le retrait russe oblige les alliés à chercher de nouvelles troupes et à part les grecs on ne trouve personne de disponible rapidement.

Le 10 juin 1917 le haut-commissaire Charles Jomart réclame l’abdication du roi et du diadoque trop germanophile au goût des alliés. Constantin 1er abdique au profit d’Alexandre 1er qui est un roi fainéant au sens qu’il n’à aucun pouvoir réel.

Le 21 juin 1917 Venizelos débarque au Pirée, le gouvernement loyaliste démissionne. Le 26 juin 1917, le gouvernement de Thessalonique s’installe à Athènes et devient le gouvernement grec légitime.

Vénizelos devient un quasi-dictacteur en mettant en place une politique autoritaire pour préparer le pays à entrer en guerre. Les alliés se retirent des bases occupées (comme le Pirée et Salamine), rendent les navires saisis et évacuent l’Epire qui est réoccupée par les grecs.

En août 1917 le gouvernement grec reçoit un prêt de 30 millions de francs-or pour lever une armée de douze divisions. L’équipement tarde à arriver ce qui provoque des tensions entre grecs et alliés.

Un nouveau prêt de 750 millions de francs-or est accordé en échange de la mise à disposition de 300000 hommes au profit du général Guillaumat qui à remplacé le général Sarrail. La mobilisation générale est ordonnée le 22 janvier 1918.

Les troupes héllènes sont vus d’abord avec suspicion et il faudra du temps pour que la confiance règne entre alliés et grecs. Les grecs remportent la bataille de Skra-di-Legen du 29 au 31 mai 1918 suivit d’une victoire greco-britannique lors de la troisième bataille de Dorian les 18 et 19 septembre 1918.

Le 29 septembre 1918 la Bulgarie signe l’armistice de Thessalonique avant d’être suivis par les autres pays que ce soit l’empire ottoman le 30 octobre, l’Autriche-Hongrie le 3 novembre et l’Allemagne le 11 novembre 1918.

Le conflit terminé la Grèce espère obtenir de fructueuses récompenses. Venizelos publie un mémoire où il montre qu’il est prêt à abandonner beaucoup pour obtenir l’Asie mineure. Une commission des affaires grecques dirigée par Jules Cambon est créée au sein de la Conférence de paix de Paris.

La Grèce obtient la Thrace orientale et l’Ionie au traité de Sèvres mais ces territoires seront perdus au cours de la Grande Catastrophe.

En 1923 la Grèce allait néanmoins récupérer la Thrace occidentale auprès de la Bulgarie qui perd ainsi un accès direct à la mer Ionienne. A noter que la Grande Catastrophe permet à l’Italie de ne pas appliquer un accord de 1919 qui prévoyait la rétrocession du Dodécanèse sauf Rhodes à la Grèce. L’Epire du Nord est rétrocédée à l’Albanie en 1923.

Mitteleuropa Balkans (164) Grèce (8)

D’une dynastie à l’autre : les rois grecs

Quel roi pour la Grèce ?

L’époque ne peut admettre autre chose qu’une monarchie, une république est impensable. Les patriotes grecs en sont rapidement conscients et cherchent un prince pouvant devenir roi de Grèce.

Plus facile à dire qu’à faire. Au début les grecs sont circonspects à l’idée d’élire un prince étranger comme roi mais au final avec la division entre factions, un roi étranger placé au dessus des partis ressemble à la solution la plus saine.

De nombreux candidats sont approchés ou sollicitent les grecs pour devenir roi. Le choix est délicat car il faut tenir compte des intérêts français, britanniques, autrichiens et russes.

Parmi les candidats on trouve Jérome Bonaparte, Eugène de Beauharnais ou encore le Duc de Nemours, fils du Duc d’Orléans. Le futur Pierre 1er du Brésil est bien approché mais par un envoyé grec qui est rapidement désavoué par les indépendantistes héllènes.

Les grecs proposent à la Grande-Bretagne d’établir un protectorat mais les autorités britanniques refusent car ils ont trop d’intérêts économiques dans l’empire ottoman.

D’autres candidats sont envisagés que ce soir Charles de Bavière frère cadet du roi Louis 1er ou encore Jean de Saxe (candidat de la France) ou encore Frédéric des Pays-Bas (candidat de la Grande-Bretagne).

Il s’en fallut de peu pour que Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha ne s’installe sur le trône des héllènes plutôt que celui des belges

Leopold de Saxe-Cobourg-Gotha, gendre de Guillaume IV de Grande-Bretagne accepte la couronne grecque le 28 février 1830. Il s’inquiète des tergiversations du leader grec Kapodistrias qu’il connait pourtant depuis les guerres napoléoniennes. De plus le Sénat grec lui impose un certain nombre de conditions sans compter que la question des frontières empoisonne les négociations entre les leaders grecs et le futur Léopold 1er de Belgique. Il finit par renoncer le 21 janvier 1830.

Débute alors une longue période de flottement entre rivalités entre grecs et désintérêt des grandes puissances.

Les grecs se prennent à rêver de retrouver un descendant des Paléologues, la dynastie au pouvoir en 1453 au moment de la chute de Constantinople mais cette recherche va rester infructueuse si tant est qu’elle était vraiment sérieuse.

Le Duc de Nemours est à nouveau approché mais le jeune duc de 25 ans ne peut accepter l’offre car le protocole de Londres du 22 mars 1829 interdit qu’un membre d’une famille régnant sur un état protecteur de la Grèce n’y règne.

Après l’étude des candidatures de Paul de Wurtemberg et de Frédéric des Pays-Bas c’est finalement Othon de Bavière, fils cadet de Louis 1er qui allait être choisit par les grecs.

Le 9 octobre 1831 Ioannis Kapodistrias est assassiné. Le gouvernement se divise entrainant une nouvelle période de troubles et d’incertitudes.

La cinquième assemblée nationale grecque réunie à Nauplie en mars 1832 met en place une nouvelle constitution.

L’assemblée confirme le comte Augustinos Kapodistrias comme chef du gouvernement grec jusqu’à l’arrivée du roi. Cette dernière décision provoque une nouvelle guerre civile et pour éviter de subir le même sort que son frère il préfère s’exiler le 7 avril 1832. Il est remplacé par Kolettis à la tête d’un gouvernement mixte.

En janvier 1832 les grandes puissances avaient donné leur accord pour confier la couronne de Grèce à Othon de Wittelsbach. Le protocole du 26 avril 1832 et le traité de Londres du 7 mai 1832 fait de la Grèce devient un Royaume avec Othon de Bavière avec sa descendance ou celle de ses frères Luitpold et Adalbert. Les deux couronnes de Bavière et de Grèce ne seront jamais réunies sur la même tête. Une régence doit être mise en place et perdurer jusqu’au 1er juin 1835.

Les frontières sont corrigées par le traité de Constantinople le 21 juillet 1832. Elle est portée sur la ligne Arda-Volos en passant par la chaine des monts Othrys jusqu’au mont Velouchi et en coupant en deux la vallée de l’Aspropolano. L’empire ottoman qui réclamait l’Eubée en guise de compensation vont seulement recevoir 40 millions de piastres de la part du gouvernement grec.

La Grèce n’obtient pas des îles de la mer Egée mais Samos reçoit une large autonomie. La Crète reste dans le giron de l’Egypte de Mehmet Ali désormais en guerre contre l’empire ottoman.

Othon de Wittelsbach arrive à Nauplie le 30 janvier 1833. Il débarque le 6 février 1833, l’accueil de la population grecque est très chaleureux. Une fois la régence est installée et la constitution abandonnée. Le 28 août 1834 Athènes devient la capitale du royaume de Grèce.

Othon 1er

Othon 1er

Othon de Wittelsbach (Salzbourg 1er juin 1816 Bamberg 26 juillet 1867) est le premier roi de Grèce. Il est le fils de Louis 1er et se marie en 1836 avec Amélie d’Oldenbourg mais ce mariage va rester sterile ce qui causera sa perte.

Autoritaire et absolutiste il semble animé des meilleures intentions du monde mais le contexte est compliqué entre les problèmes financiers (endettement auprès des grandes puissances) et difficultés à s’imposer dans une région marquée par la Question d’Orient ce qui génère un certain nombre de crises diplomatiques, la marine britannique faisant même en 1850 le blocus des ports grecs !

Obligé d’accorder une constitution en 1843 il continue à mener une politique très autoritaire. Ne pouvant avoir un héritier orthodoxe, refusant de se convertir tout comme son frère et héritier Luitpold, Othon 1er est condamné. Suite à un soulèvement militaire, il doit s’exiler le 23 octobre 1862 en Bavière où il meurt moins de cinq ans plus tard.

Georges 1er

Guillaume de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg le 24 décembre 1845 à Copenhague et mort à Thessalonique le 18 mars 1913 assassiné par l’anarchiste Alexandros Schinas, Georges 1er est donc le deuxième roi de Grèce.

C’est le fils de Christian IX de Danemark et de Louise de Hesse-Cassel. Marié à Olga Constantinovna de Russie. De cette union sont nés cinq fils (Constantin, Georges, Nicolas, André et Christophe) et trois filles (Alexandra, Marie et Olga).

Le prince Guillaume de Danemark est élu roi des Héllènes le 30 mars 1863. Averti de l’expérience malheureuse de son prédécesseur il veille à ne pas commettre les mêmes erreurs. Il cherche à devenir plus grec que les grecs.

La situation est particulièrement complexe avec la division de la scène politique grecque, des problèmes financiers importants et une agitation nationaliste avec la «Grande Idée» qui veut ramener dans un même état tous les grecs dispersés entre différents états.

Sous son règne les îles ioniennes (1864), la Thessalie (1880), la Macédoine, l’Epire et la Crète (1913) intègrent le royaume de Grèce.

Le règne de Georges 1er n’est pas qu’un long fleuve tranquille puisqu’en 1885 le pays subit un nouveau blocus britannique et en 1897 la guerre contre l’empire ottoman tourne à la déroute pour les grecs.

Constantin 1er

Né à Athènes le 2 août 1868 et mort à Palerme le 11 janvier 1923 il est le deuxième roi de la maison d’Oldenbourg, succédant à son père Georges 1er après son assassinat. Il est le premier à porter le titre de Diadoque de Grèce, titre équivalent à celui du Dauphin en France ou de Prince de Galles en Grande-Bretagne.

Après une formation militaire en Grèce et en Allemagne, il est placé à la tête des armées grecques et sert donc de bouc émissaire pour l’opinion grecque qui lui reproche la défaite grecque durant la guerre greco-ottomane de 1897. Il devient si impopulaire qu’il doit démissioner de ses fonctions après le Coup de Goudi (1909). Il quitte la Grèce et ne rentre qu’en 1911 grâce au premier ministre Elefthérios Venizelos.

Sa réputation militaire est restaurée durant les deux guerres balkaniques. Il devient tellement populaire que son père songe à abdiquer mais il est assassiné avant d’avoir rendu cette décision publique.

Durant la première guerre mondiale, le désaccord avec son premier ministre Venizelos provoque le Schisme National (Ethnikos Dikhasmos). Le roi pousse son premier ministre à la démission en 1915 mais deux ans plus tard il abdique après que les alliés eurent menacés de bombarder Athènes laissant sa place à son deuxième fils Alexandre qui devient Alexandre 1er de Grèce.

Constantin 1er s’exil en Suisse et semble devoir y rester. La mort accidentelle d’Alexandre 1er, la défaite de Venizelos et un plebiscite contesté permet son retour au pouvoir.

Un nouveau désastre militaire lors de la guerre greco-turque (1919-1922) provoque la Grande Catastrophe et une nouvelle abdication. Son fils ainé Georges II lui succède mais comme nous le verrons pour peu de temps.

Marié à Sophie de Prusse, il à eut trois fils tous devenus rois (Alexandre Georges et Paul) et trois filles (Hélène, Irène et Catherine).

Alexandre 1er

Né au Palais de Tatoï près d’Athènes le 1er août 1893 et décédé au même endroit le 25 octobre 1920, il est roi des hellènes du 10 juin 1917 au 25 octobre 1920. Il succède à son père suite à son abdication et à la renonciation de son frère ainé Georges.

Roi sans pouvoir, les venizélistes contrôlant tous les leviers, bien soutenus par les alliés qui comme nous le savons avaient voulu bombarder Athènes pour imposer l’entrée en guerre de la Grèce aux côtés de l’Entente.

Il réalise un mariage d’amour avec Aspasia Marios, une fille de famille phanariote certes riche et respectée mais jugée inférieure pour un roi de Grèce. De cette union inégale est née une fille Alexandra qui après reconnaissance du mariage de ses parents allait devenir reine de Yougoslavie en épousant Pierre II.

Mordu par un singe domestique à la jambe et au ventre, il succombe des suites d’une scepticémie à l’âge de vingt-sept ans.

Georges II

Roi des Héllènes et Prince de Danemark il est né au palais de Tatoï le 19 juillet 1890 et mort au palais royal d’Athènes le 1er avril 1947. Il est roi des Héllènes de 1922 à 1924 et de 1935 à 1947. Il est diadoque de Grèce du 19 décembre 1920 au 27 septembre 1922.

Fils de Constantin 1er et de Sophie de Prusse, il épouse Elisabeth de Roumanie (fille de Ferdinand 1er et de Marie de Saxe-Cobourg-Gotha) le 27 février 1921 mais ce mariage est sans descendance, le roi et la reine se séparant le 6 juillet 1935. C’est son frère Paul qui lui succède.

En décembre 1923 les républicains remportent une victoire électorale éclatante dans la foulée de la déroute militaire contre les troupes de Mustapha Kemal. Il abdique et part en exil. Le 3 novembre 1935 suite à un référendum au minimum controversé il revient au pouvoir. Il soutien le coup d’état qui porte Metaxas au pouvoir (régime du 4 août 1936).

Après la mort de Metaxas, Georges II reprend la main, continuant de faire confiance à des généraux pour diriger le pays même si le héraut du metaxisme n’était plus militaire à l’époque de son coup d’état. C’est un clair désaveux pour la classe politique grecque unanimement discréditée qu’elle soit royaliste ou républicaine.

Après avoir maintenu la Grèce neutre durant la guerre de Pologne, Georges II se rapproche à pas comptés des alliés cherchant à obtenir le maximum en veillant à ne pas aggraver des relations tendues avec l’Italie.

Paul 1er

Roi des Héllènes et prince de Danemark, il est né au palais de Tatoï le 14 décembre 1901 et mort des suites d’un cancer à Athènes le 6 mars 1964. Troisième et dernier fils de Constantin 1er et de Sophie de Prusse (qui telle Marie-Joséphe de Saxe donna trois rois à son pays d’adoption), il règne de 1947 à 1964.

Il connait un premier exil entre 1909 et 1911 et de 1917 à 1920. Il s’exile à nouveau en 1923 quand la République est proclamée. Il vit en Roumanie, en Grande-Bretagne et en Italie.

Georges II est restauré en 1935. Comme il n’à pas d’enfant, son frère Paul est diadoque de Grèce.

Fiancé à Frederica de Hanovre en 1935, il se marie l’année suivante. De cette union sont nées deux filles (Sophie et Irène) et un fils le futur Constantin II qui allait devenir le dernier roi de Grèce en 1964.

De 1935 à 1947 en position de diadoque il veille à ne pas critiquer ouvertement la politique de son frère mais joue de son influence avec des gestes plus éloquents qu’un simple discours.

Il tente ainsi de rapprocher la Grèce de l’Italie et de l’Allemagne, faisant craindre aux alliés occidentaux que le futur roi des hellènes ne fasse basculer Athènes dans le camp de l’Axe. Cette crainte était née dès son mariage avec Frederika de Hanovre.

C’est mal connaître Paul 1er qui après un énergique rappel de son frère devient un loyal sujet du roi des héllènes.

Les alliés sont cependant méfiants mais sont vite rassurés par les positions du nouveau roi qui tente un retour à la démocratie parlementaire, un retour timide, la classe politique grecque incorrigible montrant tout autant son incompétence (sauf rares exceptions) que son arrogance et sa corruption.

Durant le second conflit mondial, à l’instar d’un Pierre II de Yougoslavie, il symbolise la résistance grecque à l’Allemagne et à l’Italie. Il s’installe en Crète à Heraklion avec le gouvernement grec en exil, refusant la proposition alliée d’un gouvernement implanté en Palestine, en Egypte ou en Tunisie.

Dès que les combats le permettront il se rendra en Grèce pour soutenir le moral des troupes, visitant les premières lignes, remontant le moral, s’inquiétant sincèrement du sort des soldats. Il n’hésite pas à tancer un général qui selon lui méprisait ses soldats.

Tout cela lui valu le surnom de «Roi-Soldat» (βασιλιάς στρατιώτης vasiliás stratiótis). Blessé lors d’un bombardement aérien allemand sa popularité est à son comble ce qui semble augurer d’un avenir radieux pour la monarchie grecque. C’est bien simple les soldats en première ligne le considérait comme leur «frère de sang».

Comme le dira un soldat anonyme «Si mon roi est capable de verser son sang pour libérer notre patrie, qui suis-je moi simple paysan pour refuser de faire mon devoir ?».

Se réinstallant à Athènes dès le printemps 1953 (en dépit des craintes du gouvernement) il règne dans un contexte que certains n’hésitent pas à considérer comme apocalyptique avec une famine biblique doublée d’une guerre civile entre royalistes et communistes, guerre civile débutée en 1955 et qui se termine en 1958 par la victoire des royalistes à la différence de la Yougoslavie.

Quand il meurt en 1964 il à permis la reconstitution du pays mais les incertitudes politiques rendent l’avenir du pays pas aussi serein qu’espéré. En 1973 un coup d’état militaire renversera la monarchie et établira définitivement la république même si à l’époque on ne le sait pas encore.