Mitteleuropa Balkans (171) Grèce (15)

MARINE ROYALE GRECQUE

Histoire de la marine royale grecque (Βασιλικόν Ναυτικόν Vasilikón Naftikón)

Pavillon royal grec au moment de la restauration monarchique en 1935

Les origines

La marine royale grecque est naturellement née avec le royaume de Grèce d’Othon 1er encore comme nous l’avons vu à propos de l’Italie il arrive parfois qu’une marine précède de quelques mois la naissance de l’état qu’elle est censée servir. C’est néanmoins plus l’exception que la règle.

Les marins grecs peuvent s’appuyer sur une histoire maritime très ancienne qu’il s’agisse des légendaires navires grecs qui allèrent assiéger Troie pour récupérer Hélène, l’épouse d’Agamennon enlevée par Paris, du navire transportant Jason et ses Argonautes à la recherche de la Toison d’Or où encore d’Ulysse errant dès années avant de retrouver sa chère Ithaque et son épouse Pénélope.

Plus historique nous pouvons parler de la bataille de Salamine entre les trières grecques et les galères perses, des affrontements navals entre Athènes et Sparte, du feu grégeois de la marine byzantine qui sauva pendant dès années la capitale Constantinople de l’infamie d’une capture ou encore de l’escadre anglo-franco-russe qui joua un rôle capital dans l’indépendance grecque en défaisant une escadre turco-ottomane à Navarin.

Quand éclate la guerre d’indépendance, les insurgés grecs ne sont pas dépourvus de marine. Ils s’appuient sur les flottes marchandes d’Hydra, de Spetsai, de Poros, de Psara et de Samos.

Ces navires marchands sont armés moins pour faire la guerre que pour se défendre contre une piraterie encore présente dans la Mare Nostrum (Elle ne disparaitra qu’avec la conquête française de l’Algérie).

Leur première mission n’est pas d’écraser la marine ottomane _ils ne sont pas assez puissants pour cela_ mais d’empêcher le ravitaillement et le renforcement des garnisons ottomanes présentes en Grèce continentale et ainsi préserver la révolte.

C’est un succès et pour lutter contre la marine ottomane les grecs utilisent une stratégie du faible au fort en ressuscitant le brulot qui permet la destruction de plusieurs navires de ligne ottomans notamment le navire-amiral de la flotte ottomane à Chios par Kanaris en 1822.

En 1825 les grecs tentèrent même une attaque d’une rare audace contre le port d’Alexandrie où se trouvait la flotte egyptienne de Mehmet Ali mais ce fût un échec, un brusque changement de vent empêchant la réalisation du projet.

Tout en combattant les ottomans et tout en se combattant entre-eux, les grecs essayèrent de mettre sur pied une flotte de guerre digne de ce nom pour protéger leur indépendance toute neuve.

Une frégate moderne baptisée Hellas est construite aux Etats-Unis en 1825 mais elle sera incendiée en 1831 quand l’amiral Miaoulis décide de la saborder plutôt que de la livrer aux russes comme lui avait demandé le gouvernement.

Des navires modernes sont construits en Grèce une fois l’indépendance acquise permettant le remplacement progressif des navires survivants de la guerre d’indépendance.

On se préoccupe également d’obtenir le personnel compétent nécessaire mais il n’y à pas d’académie navale à l’époque, les officiers étant formés à la Scholi Evelpidon, le «St Cyr grec» avant d’être transférés à la marine où ils complètent leur formation sur le tas comme c’était souvent le cas à l’époque.

En 1832 le roi Othon 1er arrive en Grèce à bord de la frégate britannique Madagascar. A l’époque la marine grecque se compose d’une corvette, de trois bricks, de six goelettes, de deux canonnières, deux bateaux à vapeur et de quelques petits navires pour des missions de servitude.

En 1846 une ecole Navale est créée à bord de la corvette Loudovikos. Es-ce le début d’une croissance saine et vertueuse ? Hélas non car la marine grecque est traversée par des querelles entre les tenants de la modernité et les tenants de la tradition.

En gros ceux qui veulent rester au bois et à la voile et ceux qui veulent explorer les bénéfices de la coque en fer et de la vapeur. Cela affecte beaucoup les capacités de la marine grecque tout juste bonne à effectuer de la police des mers et à poursuivre les pirates.

Dans les années 1850 les modernes l’emporte sur les anciens. Le nombre de navires augmentent et en 1855 sont mis en service les premiers navires à coque en fer et à hélice, des navires baptisés Panopi Pliksavra Afroessa et Sfendoni de conception et de construction britannique.

En dépit de ces progrès, la marine grecque est incapable d’assister les insurgés crétois lors de leur révolte contre les ottomans en 1866. De nouveaux navires plus gros et plus modernes sont construits, des bases aménagées. En 1884 une mission navale française dirigée par l’amiral Lejeune introduit un certain nombre d’innovations et participe à la réorganisation de la marine royale grecque.

En 1897 la marine grecque qui s’est équipée de cuirassés modernes venus de France, les Hydra Spetsai et Para parvient à contrôler la mer Egée mais hélas le sort de la guerre se joue sur terre où la marine héllène n’est d’aucun secours.

En 1907 un état-major général est mis sur pied tandis que de nouveaux navires sont acquis pour faire face à la réorganisation et à l’expansion de la marine ottomane.

En 1910 une mission navale britannique dirigée par l’amiral Tuffnel introduit le modèle anglais dans la marine grecque que ce soit pour la gestion des hommes, l’organisation, l’entrainement et la stratégie navale.

La marine royale grecque va jouer un rôle capital dans les deux guerres balkaniques enfin surtout dans la première au cours de laquelle elle va empêcher l’empire ottoman de transférer des troupes entre la partie asiatique et la partie européenne du pays.

La marine grecque s’illustre tout d’abord lors de la Bataille d’Eli le 16 décembre 1912 (NdA calendrier grégorien), un bataille qui à lieu à l’entrée du détroit des Dardanelles. Elle oppose une flotte grecque commandée par contre-amiral Pavlos Kountouriotis et une flotte turque dirigée par le capitaine Ramiz Bey.

Le croiseur cuirassé Georgios Averoff durant le second conflit mondial avec un élégant camouflage

Du côté héllène on trouve le croiseur cuirassé Georgios Averoff, les cuirassés garde-côtes Hydra Spetsai et Psara et quatre destroyers, les Aetos Ierax Panthir et Leon.

Côté ottoman on trouve deux cuirassés, les Barbaros Hayreddin et Turgut Reis, les vieux cuirassés Mesudiye et Âsâr-i-Tevfik, le croiseur protégé Mecidiye et quatre destroyers ( Muavenet-i Milliye, Yadigâr-i Millet, Taşoz et Basra).

Depuis le début de la première guerre balkanique la marine grecque avait adopté une posture agressive alors que la marine ottomane s’était résolue à une stratégie attentiste.

L’amiral Kountouriotis débarque des troupes à Lemnos et conquiert d’autres petites îles. Le 5 novembre 1912 (N.S), l’amiral grec n’hésite pas à envoyer un télégramme à l’amiral turc pour le pousser au combat ! Le 15 décembre 1912, la flotte ottomane quitte les Dardanelles. La bataille à lieu le lendemain et se termine par une victoire grecque décisive. En effet les grecs ont pu capturer les îles de Imbros, Tenedos, Lemnos, Samos, Chios, Lesbos, Thasos, Samothrace et le mont Athos.

La deuxième bataille majeure du conflit à lieu à peine un mois plus tard le 18 janvier 1913 (N.S), la Bataille de Lemnos avec toujours les mêmes protagonistes, les grecs alignant trois cuirassés, un croiseur cuirassé, sept destroyers contre trois cuirassés, un croiseur et cinq destroyers.

Cette bataille à été provoquée par la marine ottomane qui cherchait à reprendre le contrôle de la mer Egée perdu un mois plus tôt à la bataille d’Elli.

Elle tente d’attirer le Georgios Averoff loin du reste de la flotte en coulant un navire et en bombardant Syros mais Kountouriotis ne tombe pas dans le piège.

La flotte ottomane est repérée par les grecs au matin du 18 janvier sur les coups de 08.20 et à 09.45 la flotte grecque appareille de la baie de Moudros, les deux flottes se retrouvant à 12 miles au sud-est de Lemnos, en colonnes convergentes au sud-est. Les échanges de tir commencent à 11.34 à une distance de 8400m.

Aussitôt la colonne grecque tourne à gauche pour réduire à la distance. Peu après le Mecidiye et des destroyers mettent cap au nord-est direction les Dardanelles suivi peu après par le Mesûdiye après que ce dernier eut été sévèrement endommagé par l’Hydra et le Psara.

A 11.54 le Barbaros Hayreddin est touché par une salve de l’Averoff, les dégâts lui impose une prompte retraite. Il est bientôt suivit (12.00) par le Turgut Reis. L’Elli et le Georgia Averoff utilisant leur vitesse supérieure se lancent à la poursuite des navires ottomans pour achever le travail mais à 14.30 la flotte ottomane entre à l’abri des Dardanelles.

Les ottomans ont tiré plus de 800 coups mais leur précision à été calamiteuse avec seulement deux coups au but ! De leur côté les grecs ont été nettement plus adroits, matraquant durement la flotte ottomane.

Ce sera le dernier affrontement naval de la première guerre balkanique, la marine ottomane renonçant à affronter la marine grecque. Le 24 janvier l’aéronavale grecque réalise sa première mission de guerre quand un hydravion Maurice Farman piloté par le lieutenant Michael Moutoussis et par l’enseigne Aristeidis Moraitinis confirme le repli de la flotte ottomane, flotte qu’ils vont attaquer avec quatre bombes. Le vol avait durer 2h20 et avait permis à l’hydravion de franchir 180km, une performance remarquée dans la presse qu’elle soit grecque ou étrangère.

La marine royale grecque dans le premier conflit mondial

Suite aux guerres balkaniques, la rivalité navale entre l’empire ottoman et le royaume de Grèce continue. La marine royale grecque est conçue pour être une force offensive pour capturer les îles ottomanes de la mer Egée.

Les grecs et les ottomans se livrent à une course aux armements à échelle réduite en commandant des cuirassés neufs.

Le Vasilefs Konstantinos, un des deux cuirassés commandés par la Grèce

En raison du déclenchement de la première guerre mondiale, ni l’empire ottoman ni le royaume de Constantin 1er ne recevra de cuirassé, Athènes ayant commandé un cuirassé type Bretagne à la France (navire baptisé Vasilef Konstantinos «Roi Constantin») et un cuirassé à l’Allemagne baptisé Salamis.

Le Salamis lui aussi ne fût jamais mis en service

Les seuls cuirassés grecs disponibles en 1914 étaient les derniers prédreadnought américains, les Mississippi et Idaho rebaptisés Kilkis et Lemnos. Du côté ottoman, l’arrivée du Goeben allemand fût une bénédiction pour la Sublime Porte.

Aux côtés des cuirassés on trouve quelques croiseurs et surtout des destroyers dont certains atteignent déjà les 1000 tonnes, un tonnage impensable quelques années plus tôt et qui à du faire sursauter d’effroi les tenants de la Jeune Ecole pour qui small is beautiful. On trouve même deux sous-marins.

Dans un premier temps la Grèce veut conserver sa neutralité mais très vite les dissensions apparaissent entre le roi Constantin 1er et son premier ministre Eleftherios Venizelos, le premier par culture et par liens familiaux (il est le beau-frère de Guillaume II) se sentant plus proche des Empires Centraux alors que le second est nettement plus favorable à l’Entente.

C’est le début du processus qui allait conduire au Schisme National entre un gouvernement légal à Athènes aux mains du roi et un gouvernement «rebelle» à Thessalonique. Pour faire pression sur le gouvernement grec, la France saisit la flotte grecque au moment de ce qu’on à appelé la Noemvriana («Vêpres Grecques»).

Ces navires vont être utilisés pour des patrouilles et des escortes en mer Egée et ce jusqu’en juillet 1917 quand suite à l’entrée de guerre de la Grèce aux côtés des alliés les navires sont rendus au gouvernement Venizelos. En 1917, la marine royale grecque affiche le visage suivant :

-Cuirassés Kilkis et Lemnos

-Cuirassés garde-côtes Hydra Psara Spetsai

-Croiseur cuirassé Georgios Averoff

-Croiseur protégé Elli

-Croiseur protégé Navarchos Miaoulis

Sous-marins Delfin et Xifias

-Destroyers Aspis Doxa Niki Velos Lonchi Nafkratousa Sfendoni Thyella Aetos Ierax Leon Panthir Keravnos et Nea Genea.

La marine grecque pro-alliée va participer aux opérations en mer Egée puis dans l’immédiat après guerre soutien l’amiral Denikine dans la guerre civile russe notamment en Crimée puis participe à la guerre greco-turque entre 1919/1922.

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La Grèce dans les guerres balkaniques

En bref….

Au début du 20ème siècle la poudrière des Balkans n’à jamais aussi bien porté son nom avec de nombreuses tensions entre états chrétiens et l’empire ottoman mais aussi entre états chrétiens qui se querellent entre eux.

Avant le conflit on assiste à une préparation diplomatico-militaire entre les nations européennes mais cette alliance est biaisée par des intérêts clairement divergents entre les participants de la Ligue Balkanique.

C’est ainsi que si les bulgares, les serbes et les monténégrins mettent en place en commun leurs plans de guerre, ils n’invitent pas les grecs. Normalement les serbes et les monténégrins doivent attaquer dans le Sandjak, les bulgares et les serbes en Macédoine et en Thrace.

Face à ce déploiement de force important l’empire ottoman sera handicapé par l’incapacité de sa marine à couvrir le passage en Europe de troupes stationnées en Asie Mineure et dans la partie arabe de l’empire.

Trois états-majors sont ainsi mis sur pied pour gérer les fronts multiples à venir : le QG de Thrace installé à Constantinople pour faire face aux bulgares, le QG de l’Ouest à Salonique pour faire face aux grecs et enfin celui du Vardar à Skopje pour faire face à l’armée serbe.

La première guerre balkanique à lieu du 8 octobre 1912 au 30 mai 1913. Elle oppose les signataires de la Ligue Balkanique (Bulgarie, Serbie, Grèce et Monténégro) à l’Empire ottoman et se termine par une victoire éclatante des pays européens contre une Sublime Porte qui mérite plus que jamais son statut d’homme malade de l’Europe. Il faut dire que 350000 ottomans affrontent 600000 bulgares, 220000 serbes, 115000 grecs et 35000 monténégrins.

La deuxième guerre balkanique qui à lieu du 29 juin au 10 août 1913 oppose la Bulgarie à ses anciens alliés (mais aussi à l’empire ottoman) suite à des désaccords sur le partage des dépouilles ottomanes. Environ 500000 bulgares affrontent 348000 serbes, 330000 roumains, 255000 turcs, 148000 grecs et 12800 monténégrins.

Les bulgares prennent l’initiative des opérations mais les serbes et les grecs repoussent cette attaque.

Les serbes et les grecs attaquent à l’ouest et au sud, la Roumanie attaque au nord et l’empire ottoman en Thrace pour reconquérir Andrinople. Ce conflit allait se terminer par un armistice suivit du traité de Bucarest qui allait voir la Bulgarie s’en sortir à très bon compte.

La Grèce et les guerres balkaniques

Dans cette partie je ne vais pas détailler le recit de ces deux conflits qui annoncent le premier conflit mondial mais je vais essayer de me focaliser sur les événements qui concernent la Grèce et pas les autres pays.

Durant le premier conflit, la Grèce combat essentiellement sur deux fronts : le front de Thessalie et de Macédoine à l’est, le front de l’Epire à l’ouest. Si les troupes terrestres grecques font mieux que se défendre c’est surtout la marine héllène qui va jouer un rôle capital en prenant et en conservant le contrôle de la mer Egée empêchant les ottomans de se transférer entre l’Asie mineure et l’Europe des troupes.

Qui dit conflit dit armée. Les armées des Etats balkaniques sont équipées et organisées à l’européenne, à l’occidentale avec des armes fournies essentiellement par la firme allemande Krupp et par la firme française Schneider. L’artillerie des différentes armées est plutôt moderne mais l’infanterie puisée essentiellement dans la paysannerie en dehors de sa solidité et sa rusticité semble inférieure à des infanteries de pays plus développés.

De son côté l’armée ottomane avait été reformée et réentrainée fin 19ème par les allemands ce qui porta ses fruits durant la guerre greco-ottomane de 1897. Elle connait alors une période de déclin et les réformes menées par les «Jeunes Turcs» à partir de 1908 n’ont pas encore porté leurs fruits.

De plus l’armée régulière ou nizam est certes bien équipée bien entrainée mais hélas peu nombreuse à la différence de la réserve ou redif mal équipée mal entrainée et même peu sure car recrutée dans des ethnies et des nationalités qui n’ont rien à gagner à mourir pour la Sublime Porte.

L’armée grecque aligne 25000 hommes en temps de paix et peut compter sur 110000 hommes après mobilisation.

Elle comprend initialement quatre divisions d’infanterie (avec un régiment d’artillerie à trois groupes de trois batteries de quatre canons soit 36 canons de 75mm Schneider-Danglis modèle 1906/09), six bataillons d’infanterie légère les fameux evzones, trois régiments de cavalerie, deux régiments d’artillerie de montagne et un bataillon d’artillerie lourde.

L’Armée de Thessalie sous le commandement du diadoque (prince héritier) Constantin concentrée autour de Larissa comprend les 1ère, 2ème, 3ème 4ème division, 5ème, 6ème et 7ème divisions, une brigade de cavalerie, quatre bataillons d’evzones, deux compagnies du génie, deux compagnies télégraphiques, un bataillon d’artillerie de garnison, trois compagnies de brancardiers, huit hôpitaux de campagne, deux bataillons de la garde nationale et les services de QG.

Cela représente 100000 hommes, 23000 chevaux et animaux de bât, 3500 véhicules et 70 mitrailleuses.

L’Armée d’Epire placée sous le commandement du général Konstaninos Sapountzakis déployée à l’est d’Arta est nettement plus faible avec quatre bataillons d’evzones, un régiment d’infanterie à trois bataillons, un bataillon de garde nationale, une compagnie de cavalerie, un bataillon d’artillerie de campagne, un bataillon d’artillerie de bât et les services de QG soit 10500 hommes, 4200 chevaux et animaux de bat et 400 véhicules.

On note également la présence d’une Armée de l’intérieur avec 17000 hommes, 2900 chevaux et animaux de bat et 1800 véhicules qui sert de réserve.

La Grèce possède une poignée d’avions utilisée pour la reconnaissance et l’observation et surtout d’une puissante marine avec un cuirassé (Averoff), seize destroyers et 19 torpilleurs qui va couper en deux le dispositif ottoman et empêcher Constantinople de faire passer des troupes d’Asie en Europe.

Le 29 septembre 1912 Athènes décrète la mobilisation générale. Les classes 1910 et 1911 récemment libérées sont rappelées, les réservistes des classes 1893 à 1909 sont mobilisées. La Crète qui n’appartient pas officiellement à la Grèce mobilise des troupes tout comme des volontaires étrangers notamment une brigade commandée par Riccioti Garibaldi le fils de. On trouve également 77 unités crétoises, 44 unités épirotes et 9 unités macédoniennes.

La Grèce rentre en guerre le 17 octobre 1912. L’Armée de Thessalie à pour objectif la conquête de Thessalonique ville également visée par les bulgares et dans une moindre mesure les serbes. Les militaires préféraient s’emparer de Bitola pour s’emparer de toute la Macédoine. De son côté l’Armée d’Epire à pour objectif majeure la ville d’Ioannina.

L’Armée de Thessalie pénètre dans la région éponyme divisée en deux colonnes. Des irréguliers débarquent en Chalcidique dans le Golfe de Ierissos.

Le 18 octobre, la colonne ouest franchit le col de Meluna, s’emparant des villes d’Elassona et de Deskati. La colonne est marche elle sur Petra. Les ottomans qui s’attendaient à une attaque sur Elassona ont laissé les cols sans défense.

La première véritable bataille à lieu les 21 et 22 octobre. C’est la Bataille du col de Sarantaporo, cinq divisions grecque affrontant deux divisions ottomanes. Les grecs semblent mettre en place un siège le 21 mais en réalité attaquent le lendemain, attaque victorieuse avec 187 morts et 1027 blessés côté grec, 700 tués et 700 prisonniers côté ottoman.

Cela ouvre aux grecs la route de la Macédoine. Les ottomans battent en retraite mais les grecs épuisés ne peuvent se lancer à leur poursuite et ainsi transformer la retraite en déroute. De plus le manque d’éclaireurs rendait les grecs plus prudents, l’armée héllène manquant de renseignements sur l’état réel des forces ottomanes.

L’effort de guerre grec est alors parasité par les querelles entre les militaires et les politiques. Le diadoque Constantin voulu marcher sur Bitola mais son père le roi Georges 1er lui fait comprendre que le plus important c’était de s’emparer de Thessalonique. Constantin s’incline et transfera sa rancoeur sur Venizelos selon le cliché classique du «bon roi entouré de mauvais conseillers».

La ville de Servia tombe le 22 octobre, celle de Kozani le 23 et le 26 l’armée grecque force les cols du Vernion sur la route entre Kozani et Béroia. Le 28 c’est la ville de Katerini qui tombe, deux divisions atteignant la ville de Béroia, une autre le village de Perdikas.

Le 29 octobre 1912 la ville de Naoussa est prise sans combat, la population s’étant révoltée et avait chassé la garnison ottomane.

Le 30 octobre 1912 les villes d’Edessa et de Gidas (aujourd’hui Alexandreia) sont prises. Après les combats autour de Servia, la 5ème division est envoyée vers le nord et la ville de Florina pour préparer une éventuelle avancée vers Bitola.

Le 27 octobre, la ville de Ptolemaida est prise suivit trois jours plus tard de la ville d’Amyntaio. Suite à une contre-attaque ottomane, la division doit se replier en désordre vers le sud-est.

Les 1er et 2 novembre 1912 à lieu la Bataille de Grannitsa. Les grecs mobilisent 80000 hommes face aux 25000 soldats ottomans. Les grecs ont 1200 tués contre 1960 pour les ottomans. Cette sanglante bataille permet aux grecs d’avancer vers l’est direction Thessalonique. Les ottomans avaient détruit le pont routier sur le Vardar mais étonnamment pas le pont ferroviaire.

Le 4 novembre la ville de Nigrita est prise. Le 6 novembre 1912 la ville de Siatista est prise sans combats par le 4ème bataillon d’evzones. Une contre-attaque ottomane est repoussée.

Le 8 novembre 1912 les grecs rentrent à Thessalonique après la rédition négociée de la garnison ottomane. Après de laborieuses négociations, les grecs acceptent que des troupes bulgares s’installent à Thessalonique pour se reposer. Cette course greco-bulgare pour Thessalonique à permis aux ottomans de se replier en bon ordre et préserver l’avenir.

Constantin décide de s’emparer de Bitola. Le 12 novembre, la 6ème division s’empare d’Edessa, la ville de Kelle est prise par le 1er régiment de cavalerie et un bataillon d’evzone le 20 novembre. Le 23 novembre c’est la ville de Kastoria qui tombe alors que le 20 décembre 1912 c’est la ville de Korista qui est prise.

Sur le front d’Epire il est initialement question de rester sur la défensif mais dès le 18 octobre on décide de passer à l’attaque. La ville de Filippiada est prise le 24. Les (maigres) moyens sont divisés en deux colonnes, une avançant vers le nord et Ioannina l’autre devant longer le Golfe Ambracique et descendre vers le sud-ouest et Preveza. Cette dernière colonne connait une forte résistance.

Le 2 novembre 1912 la ville et le fort de Nicopolis sont prises par la 2ème colonne (une compagnie d’infanterie et un peloton de cavalerie). Preveza est prise le lendemain mais la capture de Ioaninna fût plus longue.

Il faut dire que la noix est très dure à casser avec deux divisions d’infanterie et 90 canons de gros calibre. Le 5 novembre le port de Chemarra situé au nord-ouest de Ioaninna est prise pour tenter de perturber le ravitaillement de la garnison ottomane. Le 13 novembre c’est la ville de Metsovo qui est prise suivie le 7 décembre par les villes d’Aghioi et de Saranta mais cette dernière doit être évacuée dès le 10 décembre.

Les grecs assiègent Ioannina mais sont bloqués tout comme les bulgares à Andrinople et les monténégrins à Scutari.

La Grèce ne signe pas l’armistice de Chataldzha et les combats se poursuivent durant tout l’hiver 1912/13. Le siège est compliquée car le blocus n’est pas totalement étanche, les soldats ottomans étant toujours ravitaillés.

En janvier 1913 trois divisions d’infanterie supplémentaires arrivent portant les effectifs à 28000 hommes avec 80 canons et 6 avions. La situation logistique grecque est précaire (mauvais temps, ravitaillement difficile). Les ottomans sont dans une situation délicate avec des habitants hostiles. Le siège est marqué par des duels d’artillerie et par la prise et la perte de fortins.

Le 23 janvier 1913 le diadoque Constantin remplace le général Sapountzakis. Le futur roi concentre ses moyens, ménage ses forces et peut lancer une offensive le 5 mars, offensive décisive car la ville se rend le lendemain.

Leskavik est prise le 7 mars (elle sera rétrocédée à l’Albanie) et Klisoura dès le 3 mars. Konitsa est prise le 5 mars, Neochori et Philiates le 9 mars, Argyrokastro et Delvino le 15 mars, Tepelen le 17 mars. L’avancée est stoppée le 2 avril, l’Italie et l’Autriche-Hongrie refusant que la Grèce ne contrôle l’accès à l’Adriatique.

La marine grecque appuie les attaques terrestres grecques, serbes et bulgares. Le 16 novembre 1912 l’île d’Ikaria est conquise. L’île de Tenedos est prise le 20 octobre 1912 et Lemnos avec son précieux port de Moudros le 28 octobre. Le 31, les grecs débarquent à Thasos, Agios Efostratios et Imbros et le 1er novembre c’est l’île de Samothrace qui est prise. Le port de Smyrne est bloqué. Le 22 c’est Psara qui est prise.

Le 14 novembre 1912 le mont Athos est conquis par les grecs. Le 21 décembre 1912 c’est l’île de Lesbos qui est prise. Le 3 janvier 1913 l’île de Chios est occupée. Le 14 mars 1913 l’île de Samos est prise et annexée à la Grèce.

Il y à deux batailles navales majeures, la Bataille d’Eli le 16 décembre 1912 et la Bataille de Lemnos le 18 janvier 1913.

A cette époque commencent les négociations entre alliés pour se partager les territoires européens de l’empire ottoman. Les premières tensions apparaissent. Les négociations ont lieu également avec l’empire ottoman et les Grandes Puissances.

En avril et mai 1913, la Grèce et la Serbie négocient un traité d’alliance. La Serbie obtenait Monastir, la Bulgarie Andrinople et la Grèce Thessalonique.

Le 18 mars 1913 Georges 1er est assassiné par un anarchiste à Thessalonique. Son fils Constantin immensément populaire devient Constantin 1er et non Constantin XII comme l’aurait souhaité certains grecs pour faire le lien avec Constantin XI Paléologue, le dernier empereur byzantin.

A l’époque on craint une guerre entre la Grèce et l’Italie car le Dodécanèse récemment conquis par les italiens réclamait son incorporation à la Grèce (ce qui sera chose faite en 1950 après l’opération CATAPULT).

La France soutient la Grèce car l’Italie est membre de la Triplice. La Russie refuse de voir la Bulgarie s’approcher trop de Constantinople.

Le Traité de Londres est signé le 30 mai 1913. Tous les territoires ottomans à l’est de la ligne Aimos/Medée passent aux vainqueurs qui doivent se partager les dépouilles.

L’empire ottoman renonçait également à la Crète et aux îles de la Mer Egée. La création de l’Albanie frustrait les objectifs serbes (fénètre sur l’Adriatique) et grecs (conquête de l’Epire du Nord, région à peuplement héllenophone).

La Deuxième guerre balkanique ne va pas tarder à éclater. La pomme de discorde majeure est la ville de Thessalonique. La Serbie et la Grèce ont signé un accord militaire le 12 mai 1913 prévoyant pour la partage des territoires une attitude commune face à la Bulgarie. On note des incidents militaires dès l’hiver 1912/1913.

Très vite des troupes serbes et grecques sont redéployées. Les grecs et les serbes ont moins souffert que les bulgares et doivent surtout défendre des territoires conquis à la différence des bulgares.

121000 soldats grecs sous le commandement direct de Constantin 1er doivent affronter les 36000 hommes de la 2ème Armée bulgare.

Les bulgares attaquent dans la nuit du 29 au 30 juin 1913. Le 30, les grecs chassent les troupes bulgares encore présentes à Thessalonique, des unités pauvrement équipées qui n’avaient aucune chance de tenir face à une attaque grecque décidée.

Du 30 juin au 4 juillet à lieu la Bataille de Kilkis-Lachanas. C’est une victoire grecque décisive avec de lourdes pertes côté bulgare. Le moral est très atteint du côté des troupes de Ferdinand 1er. Les bulgares abandonnent Serves et Drama. La victoire est célébrée par une médaille représentant d’un côté Constantin 1er et de l’autre l’empereur byzantin Basile II dit le Bulgaroctone (le «tueur de bulgares» NdA mon empereur byzantin préféré).

Le 6 juillet 1913 à lieu la Bataille de Dojran, une nouvelle victoire grecque qui entraine une retraite générale des forces bulgares le lendemain. Le 10 juillet la ville de Stromnitsa est prise et le même jour le fleuve Strymon est franchit, la ville de Sidivokastro est prise. Serves est prise le 11 juillet 1913.

La ville de Kato Neurokopi est prise le 19 juillet suivie de Xanthi le 25 juillet. Entre-temps le 23 juillet les grecs pénètrent en territoire bulgare par les gorges de Kresna. Épuisées les troupes grecques s’arrêterent le lendemain. Komotoene est prise le 27 juillet 1913.

Le 29 juillet 1913 les grecs attaquent dans les gorges de Kresna mais cela manque de tourner à la catastrophe. Ce qui sauve les grecs (qui manquent de subir le même sort que les romains à Cannes face à Hannibal) c’est l’attaque roumaine qui menaçait Sofia.

Les Balkans après le traité de Bucarest (1913)

Le Traité de Bucarest signé le 10 août 1913 voit la Bulgarie conserver une fenêtre sur la mer Egée avec le petit port de Dedeagac, le port majeur de Kavala allant à la grèce. La souveraineté grecque sur la Crète est enfin reconnue. Un traité greco-ottoman est signé à Athènes le 14 novembre 1913.

Durant ces conflits la Grèce à perdu 5169 morts (première guerre balkanique) et 2563 morts (deuxième guerre balkanique), 23502 et 19307 blessés.

La superficie augmente de 70% (64786 à 108606km²) et la population passe de 2.6 à 4.3 millions d’habitants.

La Grèce récupère la Macédoine avec les villes de Thessalonique, Beroia, Edessa et Kavala mais ne peut récupérer l’Epire du Nord confiée au nouvel état albanais. Des échanges de population ont lieu.

Des problèmes politiques ne tardent pas à éclater, les «Vieux grecs» ne considérant pas les nouveaux grecs comme des frères véritables ce qui limite la portée de la Grande Idée. Pas étonnant que Thessalonique ait servit de base de reconquête à Elefthérios Venizelos après qu’il eut été chassé du pouvoir en 1915.

Mitteleuropa Balkans (163) Grèce (7)

La guerre d’indépendance

Declin ottoman et réveil culturel grec

En 1683 les turcs échouent à s’emparer de Vienne. Cela marque non seulement l’apogée de la progression ottomane mais aussi le début du déclin de celui qui va devenir «l’homme malade de l’Europe».

Néanmoins en 1715 le Péloponnèse est conquis par les turcs qui ironiquement réalise l’unité politique de la Grèce.

Une paix relative favorise l’activité économique et la renaissance culturelle grecque soit en version originale Diafotsimos («lumières néohelleniques»), la vision héllène des Lumières.

Cela concerne la Grèce stricto sensu mais aussi les régions hellénisées ou peuplées de populations grécophones.

A la fin 18ème siècle le projet grec de Catherine II de Russie favorise cette renaissance. Si ce projet avait aboutit, la Grèce aurait intégré un nouvel empire byzantin dirigé par Constantin, petit-fils de la Grande Catherine exception faite de la Morée et de la Crète qui auraient été rendues à Venise.

A l’origine de cette renaissance la puissance économique des élites grecques. Ces derniers ont pu revivifier leur culture et envoyer leurs enfants dans des écoles prestigieuses. Pas étonnant que les écoles et les universités les plus prestigieuses se trouvaient à Ioannina, Chios, Smyrne et Kyrtonies se trouvaient dans des centres commerciaux grecs prépondérant.

Parmi ces élites grecques on trouve les Phanariotes , des familles aristocratiques de confession chrétienne orthodoxe pour la plupart d’origine grecque, familles initialement installées dans le quartier du Phanar à Constantinople.

La transmission des idées des Lumières en langue grecque influença aussi le développement d’une conscience nationale grecque. Les sciences ne sont pas oubliées.

Une longue guerre d’indépendance

Montage de tableaux représentant différents événements de la Guerre d’Indépendance Grecque

Le réveil culturel et linguistique des grecs va favoriser la course vers l’indépendance. Celle-ci va se faire au prix d’un long et terrible conflit qui verra les leaders de la cause indépendantiste se déchirer avant même l’indépendance acquise (NdA normalement ça se passe après non ?), des troupes égyptiennes intervenir au nord du sultan ottoman, des grandes puissances hostiles et embarrassées qui non sans contradiction finiront par intervenir sur mer et sur terre.

Officiellement la révolte à commencé le 25 mars 1821 mais il semble que cette date soit plus symbolique qu’autre chose, les historiens s’accordant sur le fait que les combats ont en réalité commencé un peu plus tard entre le 27 mars et le 2 avril 1821.

Dans un premier temps les grecs l’emporte dominant rapidement la Morée (Péloponnèse) alors que dans des régions moins favorables à la cause indépendantiste (faible population, peu d’infrastructure, présence ottomane militairement plus importante) les combats sont moins favorables aux grecs.

A cela s’ajoute l’indiscipline des unités qui ne sont que des bandes qui obéissent à leur chef et qui font preuve d’une grande indiscipline ainsi que d’une prompention au pillage et au massacre.

Pour ne rien arranger comme je l’ai dit un peu plus haut les chefs indépendantistes se divisent alors que la cause est loin d’être entendue, division entre politiques et militaires, division qui se double de divisions sociales et géographiques.

A partir de 1824 les troupes egyptiennes de Mehmet Ali dirigées par Salim Pacha,équipées et entrainées à l’européenne interviennent d’abord en Crète puis au Péloponnèse remportant une série de victoires.

La répression est terrible provoquant l’indignation des opinions éclairés occidentales notamment le mouvement philhellène qui conjure les grandes puissances d’intervenir mais tant la France que l’Autriche, la Russie ou la Grande-Bretagne jugent urgent d’attendre et ce comme nous le verrons pour des motifs différents.

En octobre 1827 une escadre franco-anglo-russe écrase une flotte turco-égyptienne en rade de Navarin ce qui marque le début d’une intervention réelle des grandes puissances dans le conflit. En 1828 un corps expéditionnaire débarque en Morée et va jouer un rôle clé dans la libération du territoire même si les combats seront limités.

Tout s’accélère alors avec une nouvelle guerre russo-ottomane en 1829 qui pousse la Sublime Porte à accepter des choses qu’elle jugeait encore il y à peu inacceptables.

La conférence de Londres de 1830 reconnaît l’indépendance de la Grèce mais comme il avait été dit à propos de l’Italie «L’Italie à été faite il reste à faire des italiens». Cette phrase de Massimo d’Azzeglio résume bien la problématique d’Othon 1er qui devient le premier roi de Grèce après le refus du futur Léopold 1er de Belgique.

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Dès le début deux régions sont motrices dans la lutte indépendantiste, deux régions du Péloponnèse à savoir l’Achaïe et la Magne.

Theodoros Kolokotronis réorganise les troupes grecques en appliquant l’expérience qu’il avait acquise dans l’armée britannique où il avait atteint le grade de major. Il impose un commandement centralisé, une certaine discipline, une certaine coordination. Cela n’empêche ni les massacres ni les pillages mais nul doute que cela va rendre les insurgés grecs plus efficaces contre les troupes ottomanes.

Parallèlement les flottes marchandes des îles de l’Egée (Hydra, Spetsas et Psara) sont transformées en flottes de guerre. Les travaux sont minimaux puisque ces navires étaient déjà armés, la Méditerranée n’étant pas encore débarrassée de la piraterie. Ces navires ravitaillent les insurgés, bloquent le ravitaillement des garnisons ottomanes isolées. Des brûlots sont également utilisés pour détruire les navires ottomans.

Les autres régions sont en retrait faute de population, faute d’infrastructures ou parce que les troupes ottomanes sont bien trop puissantes pour être chassées. Des succès sont certes remportés mais comme souvent quand une guerilla affronte des unités régulières il s’agit de coups d’épingle, de succès éphémères.

A la fin du mois de juin la Crète entre en rebellion ce qui poussera la Turquie à demander l’aide de l’Egypte, royaume en théorie vassal de la Sublime Porte mais dont les liens de subordination étaient plutôt lâches.

Le 12 janvier 1822 à l’Assemblée Nationale d’Epidaure, l’indépendance est officiellement proclamée même si personne de la reconnaît au niveau international.

Cette assemblée regroupée vingt représentants issus de la Morée, vingt-six venant de la Grèce du Levant, huit ou neuf représentants de la Grèce de l’occident et des îles d’armateurs (Hydra, Psara et Spetsas). En revanche on ne trouve aucun représentant des îles de l’Egée mais quelques phanariotes étaient présents tout comme des délégues de l’Aéropage (une assemblée représentant la Grèce continentale de l’est).

Très vite les «politiques» et les «militaires» se divisent sur la conduite à tenir et bien entendu sur les postes de pouvoir.

Le 25 janvier 1822 une constitution provisoire est promulguée. Cette assemblée vote l’abolition de l’esclavage et de la torture, ordonne la rédaction d’un code civil, vote l’indemnisation des veuves, orphelins et blessés de la guerre d’indépendance et plus symbolique abandonne le drapeau de l’Hetairie (une sorte franco-maçonnerie philhéllène) au profit des couleurs blanc et bleu (le dessin du drapeau est cependant différent avec une croix blanche sur fond bleu).

La constitution rédigée par un italien V. Gallina s’inspire de la constitution américaine (souvent citée en exemple par tous les libéraux de l’époque) et plus surprennant par celle du Directoire français de 1795 !

Le texte est divisé en six titres avec les deux premiers titres consacrés aux grandes valeurs et à la définition de la citoyenneté. Le christianisme orthodoxe est religion officielle de l’Etat mais les autres religions bénéficient de la liberté de culte. Les citoyens sont égaux devant la loi et l’impôt.

Les chapitres III à VI concernent les institutions de l’Etat avec un chapitre III, un chapitre IV concernant le pouvoir législatif, un chapitre V concernant le pouvoir exécutif et un chapitre VI concernant le pouvoir judiciaire. L’initiative des lois est divisée entre le législatif et l’exécutif.

Le pouvoir législatif est assuré par un sénat législatif appelé Bouleutiko élu chaque année par les grecs de plus de 30 ans. Il votait avec droit d’amendement les lois proposées par le Conseil Executif composé de cinq hommes choisis hors du Bouleutiko.

Le conseil nommait huit ministres : relations extérieures, relations intérieures, finances, justice, guerre, marine, culte et police (NdA au sens ancien de la polis de la cité ce qui est plus un département économique). Il nommait également à tous les autres postes gouvernementaux nécessaires.

L’Assemblée se sépare après l’entrée en fonction des nouvelles institutions qui gagnent rapidement Corinthe.

C’est un texte de compromis pour ne pas désespérer les libéraux et surtout pour ne pas effrayer les grandes puissances de la Saint Alliance.

La division entre «politiques» et «militaires» tourne à la guerre civile dans la guerre d’indépendance ce qui va faciliter la contre-attaque et la répression ottomane.

C’est ainsi que la Chalcidique est soumise fin 1821 tandis qu’une troupe grecque descendue d’Olympie échoue à s’emparer de Thessalonique et est écrasée en avril 1822. La Thessalie est reconquise en août 1822, l’Epire pacifiée à l’automne. La majorité des combats vont alors se concentrer sur le Péloponnèse.

Dès l’annonce du soulèvement, des grecs sont massacrés à Constantinople, à Salonique, à Andrinople, à Smyrne ou Kydonies. Le patriarche de Constantinople Grégoire V est condamné et pendu dès le 18 avril 1821. Son corps est exposé trois jours puis livré à la foule qui le jette dans le Bosphore.

En mars 1822 une troupe grecque avait tenté de rallier l’île de Chios à la cause indépendaniste. Les marchands qui avaient beaucoup à perdre avaient refusé sans compter qu’une forte garnison ottomane tenait l’île.

La contre-attaque ottomane pousse la troupe grecque à évacuer, laissant les habitants à la merci de la fureur ottomane. La répression est terrible avec plusieurs milliers de morts, des habitants réduits en esclavage tandis que 10 à 20000 personnes ont fuit.

Ce massacre indigne l’opinion publique européenne et notamment le mouvement philhéllène. Pour les libéraux de l’époque c’est un peu lors guerre d’Espagne, la cause à aller défendre les armes à la main. Le plus célèbre d’entre-eux est le poète britannique lord Byron qui meurt en avril 1824.

Comme nous l’avons vu plus haut les grandes puissances sont bien embarassées. L’opinion éclairée est favorables aux grecs mais les gouvernements ne veulent pas mettre un terme à l’ordre du Congrès de Vienne.

N’oublions pas que nous sommes à peine cinq ans après la fin des guerres napoléoniennes et plus généralement d’une période quasi-ininterrompue de guerre qui à duré vingt-trois ans (1792-1815).

Qui nous dit qu’une intervention dans les affaires intérieures d’un empire ottoman très affaiblit n’allait pas déclencher une nouvelle guerre européenne ? Le souvenir d’un Vieux Continent ravagé par les combats est dans toutes les têtes.

La Russie par sympathie culturelle et religieuse est plus inccline à intervenir que les autres puissances. A cela s’ajoute la possibilité pour Saint-Pétersbourg de se rapprocher des mers chaudes, obssession des Romanov depuis Pierre le Grand.

La France de Louis XVIII puis de Charles X fait profil bas voulant faire oublier son statut de trublion et de perturbateur de l’ordre monarchique. Si elle est intervenue en Espagne c’est pour restaurer un roi légitime avec les «100000 fils de Saint Louis» (NdA ce qui à bien du faire rigoler certains vétérans de la Grande Armée encore présents dans l’armée de la Restauration) contre les libéraux et en accord avec la Saint-Alliance qui ont donné leur blanc-seing.

La Grande-Bretagne elle est obsédée par l’équilibre des puissances sur le continent mais s’inquiète tout de même de la poussée russe dans les Balkans. L’Autriche du chancelier Metternich est la plus hostile à toute intervention dans le conflit grec.

Naturellement la division des insurgés qui se déchirent entre politiques et militaires ne fait rien pour pousser une ou toutes les grandes puissances à intervenir que ce soit diplomatiquement ou militairement. Deux guerres civiles vont ainsi avoir lieu, une première opposant politiques et militaires et la seconde le continent aux îles.

Entre 1824 et 1827 les insurgés grecs connaissent une accumulation de défaites. Des prisonniers grecs sont déportés en Egypte ce qui lui alliène le soutien français.

En février 1825 Ibrahim Pacha, commandant des troupes egyptiennes débarque dans le Péloponnèse avec une armée entrainée et équipée à l’européenne bien plus efficace que les troupes ottomanes.

Avec son corps expéditionnaire de 20000 hommes il défait les grecs à Sphacterie le 8 mai 1825, Navarin est reprise tout comme une bonne partie de la Morée. Ils échouent devant la capitale grecque Nauplie en juin. Le 25 avril 1826 Missolonghi est reprise par les turcs suivie de l’Acropole d’Athènes le 5 juin 1827.

Les grandes puissances sont bien décidées à intervenir. Nicolas 1er, moins timoré que son frère Alexandre 1er fait pression sur l’Empire ottoman. Il obtient des avancées qui inquiètent les britanniques qui propose à la France et à la Russie une médiation entre insurgés grecs et les autorités ottomanes.

Les grecs aux abois acceptent mais le Sultan refuse. Une escadre franco-anglo-russe présente en Méditerranée intervient alors et remporte une brillante victoire le 20 octobre 1827 à Navarin contre une flotte turco-egyptienne.

Un corps expéditionnaire français va être engagé en Morée. Comme en Egypte cette expédition militaire se double d’une expédition scientifique, de nombreuses recherches et fouilles archéologiques sont menées, apportant de nouvelles connaissances sur l’histoire de la Grèce antique.

Le corps expéditionnaire français dirigé par le général Nicolas-Joseph Maison devait obtenir l’évacuation des troupes egyptiennes d’Ibrahim Pacha suite à la signature d’une convention à Alexandrie le 6 août 1828.

A noter que si la Grande-Bretagne digne oui à cette expédition c’est parce qu’elle s’inquiète de la poussée russe dans les Balkans et non suite à une brusque poussée de francophilie.

Ce corps expéditionnaire comprend trois brigades, la 1ère disposant des 8ème, 27ème et 35ème régiment d’infanterie de ligne, la 2ème des 16ème, 46ème et 58ème alors que la 3ème regroupe les 29ème, 42ème et 54ème de ligne. Le tout est accompagné du 3ème régiment de chasseurs à cheval, de quatre compagnies d’artillerie fournies par les 3ème et 8ème régiments ainsi que deux compagnies du génie. Le tout est transporté et protégé par soixante navires de la Royale.

Les troupes françaises débarquent à partir du 28 août non pas à Navarin où se trouve l’escadre franco-anglo-russe mais plus au sud dans le golfe de Messenie.

Le débarquement s’effectue sans opposition et l’accueil des populations locales est bon. Les différents convois arrivent en Grèce jusqu’à la fin du mois de septembre.

Les egyptiens acceptent d’évacuer à partir du 9 septembre 1828 et l’évacuation se termine le 5 octobre suivant. Des 40000 hommes venus avec lui en 1825 Ibrahim Pacha n’en rembarque que 21000 hommes. 2500 ottomans restent pour tenir les forteresses qui doivent à terme revenir à la Grèce indépendante.

Le 6 octobre 1828 la forteresse de Navarin est occupée suivit de celle de Modon le lendemain. A chaque fois les français doivent s’employer car les turcs refusent de rendre les forteresses mais la résistance est du domaine du symbolique. Il suffit que les sapeurs français percent une brèche dans les murs pour que la place se rende. Faut-il probablement y voir de la part des ottomans une forme d’honneur à ne pas rendre une place forte sans combats fussent-ils symboliques.

La forteresse de Coron tombe le 8 octobre après des combats plus importants qu’ailleurs et contrairement aux deux premières la forteresse est remise immédiatement aux grecs.

Patras est prise sans résistance trois jours plus tôt le 5 octobre 1828. Cela se passe plus difficilement pour la château de Morée car les troupes turques se rebelles contre leur chef vu comme un lâche et un couard. La place est bombardée le 30 octobre et se rend rapidement.

Les dernières troupes turco-egyptiennes quittent la Morée le 5 novembre 1828, des vaisseaux français se chargeant de les convoyer à Smyrne.

Pour l’ensemble de son œuvre, le général Maison est fait Maréchal de France le 22 février 1829.

La plus grande partie du corps expéditionnaire rentre alors en France ne laissant sur place qu’une Brigade d’occupation d’environ 5000 hommes (27ème, 42ème, 54ème et 58ème de ligne) sous le commandement du général Schneider.

Faute de combats le soldat français comme plus tard le Légionnaire pose le fusil pour la pelle et la pioche, construisant des casernes et des forteresses, des routes et des ponts, des écoles, des hôpitaux, bref toutes les infrastructures dont à besoin le jeune état grec.

Parallèlement des conseillers militaires français se chargent de mettre sur pied l’armée du nouvel état. Les derniers soldats français quittent la Grèce en août 1833 et la coopération militaire franco-grecque est mise sous l’éteignoir, le nouveau roi de Grèce Othon 1er préférant faire appel à des spécialistes venus de sa région natale à savoir la Bavière.

Le Sultan préoccupé par l’avancée russe vers Constantinople cède avec le Traité d’Andrinople (14 septembre 1829). Ce traité signé avec la Russie sera complété par la Convention de Londres (février 1830) qui reconnaît l’indépendance grecque, indépendance garantie par les grandes puissances.

Le nouvel état comprend le Péloponnèse, le sud de la Roumélie (la frontière allait d’Arta à Volos) et des îles. Cet accord est rattifié par l’empire ottoman avec le Traité de Constantinople (février 1832).

Entre-temps en mai 1827 l’Assemblée Nationale avait rédigé une troisième constitution ! Kapodistrias est élu président, gouvernant de janvier 1828 jusqu’à son assassinat à Nauplie le 9 octobre 1831.

Comme de coutume à l’époque le nouvel état ne peut être qu’une monarchie et faute de famille royale grecque, on se tourne vers les maisons royales d’Europe. Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha futur Léopold 1er de Belgique est approché mais il finit par renoncer. Ce sera finalement Othon de Wittelsbach, deuxième fils du roi de Bavière Louis 1er qui allait devenir le premier roi de Grèce.