Stratégie, ennemis potentiels et potentiel militaire (2)

C-Forces et faiblesses de la marine nationale

Le 28 juin 1940 à lieu Rue Saint Dominique au ministère de la Guerre une réunion au sommet entre le président du Conseil André Tardieu, le ministre de la Guerre Edouard Daladier, le ministre de l’Armement, Raoul Dautry et les chefs d’état major des trois armes : le général Villeneuve, l’amiral Darlan et le général Vuillemin.

Elle doit faire le bilan de la récente guerre de Pologne et adapter les commandes et les tactiques à un futur conflit dont ignore la date mais dont on est sur de la réalisation.

Sur le plan naval, la marine à été largement à la hauteur des missions demandées. Elle à menée une guerre efficace avec du matériel qui ne l’était pas toujours. L’amiral Darlan liste ainsi plusieurs faiblesses qu’il faut songer à combler d’urgence :

-Matériel trop fragile, trop complexe et trop hétérogène : la performance à souvent été recherchée mais sans se soucier de son utilisation par des équipages dont le niveau de formation pouvait parfois être plus faible que prévu (par exemple en cas de guerre longue) sans parler de son utilisation après des avaries de combat.

-Navires peu endurants au rayon d’action trop court : des navires méditerranéens ont été engagés dans l’Atlantique où leurs «jambes courtes» les ont pénalisé par rapport à leurs homologues britanniques qu’à défaut d’un rayon d’action bien plus élevé pouvait compter sur le ravitaillement à la mer qui est en cours de dévellopement dans notre marine.

-Appareillage de détection quasiment inexistant : les recherches sur les radars ont été grandement accéléré depuis six mois en bénéficiant de l’appoint d’informations britanniques mais également de transfuges allemands, juifs pour la plupart, exfiltrés par le 2ème bureau ou ayant réussi à échapper aux griffes nazies. Quand aux détecteurs sous-marins, les seuls appareils au point sont britanniques mais les services techniques ne désespèrent pas mettre au point un système français efficace.

-DCA dépassée : cette lacune était connue mais nos navires, faute d’avoir pu affronter la Luftwafe n’ont heureusement pas payé avec leur sang ce retard. D’ici 1942, les mitrailleuses de 8 et de 13.2mm ainsi que les canons de 37mm modèle 1925 et 1933 devraient être remplacés par des canons de 25mm Hotchkiss et surtout des canons de 37mm Schneider ou des canons ACAD modèle 1935.

Des améliorations étaient déjà apportées lors des petits carénages ou des refontes plus importantes mais l’objet de cette réunion était d’intégrer les leçons de la guerre de Pologne aux constructions prévues à la tranche 1941 et aux suivantes.

En ce qui concerne l’armement, un effort de standardisation est décidé. C’est ainsi que le nombre de calibres est réduit : au lieu de l’éventail 75-90-100-130-138-152-155-203-330-340 et 380, la marine disposera de l’éventail 90-100-130-152-155-203-330-340 et 380mm soit la suppression du 75 (sauf pour les unités trop petites pour recevoir le 90) et du 138, le 90mm n’étant plus fabriqué que pour les navires légers ne pouvant pas embarquer le canon de 100mm.

La déesse vitesse est abandonnée. L’amiral Darlan imposa ainsi pour les futures unités une vitesse maximale en charge de 32 noeuds, jugée largement suffisante pour les différents modus operandi tactiques.

L’emport en carburant devait être augmenté pour un rayon d’action permettant par exemple à un contre-torpilleur de faire la traversée Brest-Dakar sans avoir à se ravitailler à Casablanca. De plus, le ravitaillement à la mer devrait être généralisé pour toutes les unités hauturières.

Les systèmes de détection étaient également à améliorer. La livraison de radars et de sonars par les anglais va permettre d’équiper les torpilleurs et les contre-torpilleurs engagés dans des missions d’escorte. La mise au point d’un Détecteur Électromagnétique (DEM) fiable est attendue pour 1941/42  mais un radar de conduite de tir ne devrait être disponible au mieux qu’en 1943.

En ce qui concerne la DCA, l’affût ACAD de 37mm modèle 1935 à commencé ses essais à la mer à bord de l’aviso Amiens avec plusieurs années de retard.

 Le Service Technique des Armes et Constructions Navales (STCAN) estime que les premiers affûts de série seront prêts à être installés au printemps 1941, la priorité allant aux cuirassés.

La firme Schneider à proposé un canon de 37mm léger montable en affûts simples, doubles et quadruples. Le STCAN y à mit un avis défavorable mais l’amiral Darlan est passé outre et à autorisé la firme du Creusot à produire quatre prototypes qui doivent être prêts d’ici quelques semaines, des commandes de série pourraient même être passés avant même les essais des prototypes.

Les mitrailleuses de 8 et 13.2mm aux capacités trop faibles face aux avions actuels seront remplacés par le canon de 25mm Hotchkiss modèle 1939-40

L’autre point noir concerne les infrastructures notamment outre-mer. La base de Mers-El-Kebir dont les travaux avaient commencé en 1939 ne devaient s’achever qu’en 1943 (et encore pour les travaux principaux) alors que Bizerte venait d’achever une modernisation à minima en attendant une véritable refonte d’une base bien équipée pour l’entretien mais moins pour l’accueil d’une escadre.

Le gros point noir était l’absence de point d’appui en Indochine, une vraie base bien outillée. Ce n’était pas faute de financement mais plutôt une réticence à construire une base dans une colonie menacée par le Japon.

La réunion du 28 juin 1940 débloque la situation et bientôt les financements (juillet 1940) pour implanter une base bien équipée en baie de Cam-Ranh à mi-chemin entre Tourane et Saïgon. Les travaux doivent débuter au printemps prochain et doivent d’achever en 1944/45.

Les autres bases doivent bénéficier de travaux d’amélioration avec l’objectif d’être le moins dépendant possible des chantiers et arsenaux étrangers. Plus que de simples pôles d’entretien, les grandes bases coloniales doivent pouvoir facilement ravitailler en carburant et munitions les navires déployés sur zone.

La dernière question abordée au cours de cette réunion concerne les réserves notamment de carburant (mazout et kérosène). Le stock de 3 mois est jugé insuffisant et doit être porté à 6 mois d’utilisation de guerre sans ravitaillement d’ici fin 1941-début 1942. Les récentes campagnes exploratrices dans le Sahara sont prometteuses et une mise en exploitation est espérée pour 1943.

En ce qui concerne les munitions, la marine dispose de deux mois de réserve en matière d’obus. Le ministre de l’Armement Raoul Dautry promet de tripler la production de poudre d’ici deux ans afin de permettre l’avitaillement des bases en outre-mer, Dakar, Diego-Suarez, Djibouti et Cam-Ranh doivent ainsi disposer de vrais réserves d’obus de tous calibres pour soutenir n’importe quelle classe de navires.

Stratégie, ennemis potentiels et potentiel militaire

A-Une profonde coopération franco-anglaise

Le 4 juin 1947 à lieu au château de Windsor une discrète réunion entre les délégations militaires britanniques et françaises. La délégation militaire britannique est menée par le chef d’état-major impérial, le général Alan Brooke alors que la délégation militaire française est menée par le général Villeneuve.

Général Alan Brooke chef d’état-major impérial

Composée de militaires, d’aviateurs et de marins, ces deux délégations doivent s’accorder sur les modalités de la coopération pour la guerre à venir. Déjà depuis 1939, les deux pays échangeaient des renseignement et coordonnaient leurs productions respectives.

Par exemple, des chars légers AMX-42, moyens Hotchkiss H-39 et lourds B-1ter  avaient été livrés à la Grande Bretagne qui céda en contrepartie radars et sonars, des domaines où la France affichait un  retard assez sérieux.

Après trois jours de négociation, un accord est signé entre les deux délégations, accord politiquement entériné par une visite du président de la République, Paul Reynaud à Londres où il fût reçut par le roi George VI et le premier ministre, Winston Churchill en poste depuis les élections de 1940, Chamberlain ayant été contraint de céder sa place pour des raisons de santé (il est d’ailleurs mort le 5 novembre 1940).

Le chateau de Vincennes

Cet accord prévoit une fois la guerre déclarée la mise en place d’un état major combiné franco-britannique installé au château de Vincennes avec un généralissime français ou anglais (le général Villeneuve occupant ce poste en septembre 1948) et un adjoint de l’autre nationalité. Cet état-major devra coordonner les opérations menés en Europe mais également sur les autres théâtres d’opérations.

Les zones de coopération géographique sont clairement identifiées notamment sur le plan naval. La Grande Bretagne reçoit l’autorité sur la mer du Nord, la Manche et l’Atlantique Nord alors que la France à autorité sur le Golfe de Gascogne, la zone Antilles-Guyane, l’Océan Indien et surtout la Méditerranée.

Sur le plan naval, chaque zone est dirigée par un état-major bi-national à dominante française ou anglaise avec des officiers liaison du pays non dominant et des pays alliés, essentiellement issus des Dominions (Australie, Nouvelle Zélande, Canada, Afrique du Sud) en attendant le basculement de certains neutres (Grèce, Norvège, Turquie……). Une stratégie d’ensemble est clairement définie pour faire face à chaque adversaire.

B-Quels ennemis ?

Allemagne : Remise de sa courte (septembre 1943-mai 1945) mais terrible guerre civile, l’Allemagne du IIIème Reich à aussitôt relancé son programme de réarmement stimulé par la découverte de pétrole en mer Baltique et de nouvelles ressources minières dans ce qui fût jadis la Pologne.

 Le plan Z adapté et réduit par rapport aux folles versions de 1939 à permis néanmoins à l’Allemagne de disposer d’une marine plus que respectable articulée autour de deux porte-avions d’escadre et surtout de  douze cuirassés ultra-modernes (les deux Scharnhorst réarmés avec des canons de 380mm _leurs canons d’origine ayant été vendus aux néerlandais_, les deux Bismarck , les quatre cuirassé classe Hidenburg et les quatre croiseurs de bataille classe Oldenburg).

Tous ces cuirassés donnent des nuits pénibles aux amiraux tant britanniques que français sans parler du fait que quand la guerre éclate, quatre cuirassés type H améliorés sont en service ou en construction.

Peu favorisée par la géographie, la Kriegsmarine doit contrôler les détroits du Skagerrak et du Kattegatt pour ne pas être enfermée en Baltique où les deux puissants cuirassés de la Flotte soviétique (9 canons de 406mm en trois tourelles triples) l’obligent à rester vigilante sans parler d’une force sous-marine et d’une puissante aéronavale basée à terre.

Il est évident que le Danemark et la Norvège sont menacées mais les politiques britanniques comme français ( à l’exception de Churchill) refuseront une occupation préventive de ces deux pays, de peur de s’alliener les neutres , de donner un prétexte d’entrée en guerre aux Allemands et de mécontenter les américains notamment les républicains au pouvoir à Washington.

Le scénario envisagé est une bataille de rencontre type Jutland en mer du Nord avec pour objectif de contrôler la Norvège, bataille qui doit en partie décider du sort de la guerre notamment en terme de maitrise stratégique.

L’invasion de la Norvège obligent les alliés à monter une imposante expédition qui va cependant échouer à déloger les allemands de Norvège. La Royal Navy et la Royale va se résoudre à voir les allemands occuper le royaume d’Haakon VII sans pour autant laisser les allemands tranquille.

Une campagne de mouillage de mines, l’action des sous-marins et de l’aviation embarquée vont maintenir une pression colossale sur la première conquête allemande de la guerre. Des débarquements amphibies sont étudiés mais jugés irréalistes et surtout infaisables, l’expérience des Dardanelles étant encore dans tous les esprits.

Dès le printemps 1949, des bombardiers lourds français et anglais vont attaquer la Norvège et le Danemark, les Consolidated modèle 32F et les CAO-700/710 français de jour, les Avro Lancaster et les Handley Page Halifax de nuit attaquant les sites industriels et les fortifications norvégiennes. Le SOE (Special Operation Executive) et le BCRA (Bureau Central de Renseignement et d’Action) vont également mener des opérations et encadrer la résistance norvégienne.

Le rôle majeur est donc ici attribué à la Royal Navy même si dès le début du conflit, la Flotte de l’Atlantique va déployer d’importants moyens, une puissante Escadre mouillant à Rosyth pour renforcer la Home Fleet.

Italie : c’est l’adversaire principal de la France, l’adversaire pour lequel la marine nationale à été construite (au moins jusqu’en 1940 quand on commence Rue Royale à penser à combattre l’Allemagne et même le Japon qui ne fait pas mystère de l’intérêt qu’il porte à l’Indochine et ses richesses). Voilà pourquoi Paris à cherché et à obtenu le commandement des marines alliées en Méditerranée.

La priorité est d’abord de couvrir le passage des convois de transports de troupes entre l’Afrique du Nord et la Métropole. La Flotte de la Méditerranée aura dans un premier temps pour mission principale d’empêcher la Regia Marina d’interférer dans ces transports.

Outre les forces de surface, les avions de l’aéronavale et de l’armée de l’air (tous basés à terre) auront pour mission de traquer la navigation civile et militaire italienne. Des campagnes de mouillage de mines sont prévues comme une guerre sous-marine à outrance.

Quatre barrières sont prévues : une empêchant la marine italienne de menacer Toulon (barrière Toulon-Cap Corse), une autre avec des forces légères rendant impropre le passage dans le détroit de Bonifacio, une troisième entre Cagliari et Palerme et la quatrième entre la Sicile et la Tunisie via Malte qui va devenir une importante base pour les sous-marins alliés.

Dans le bassin oriental, la Mediteranean Fleet aura pour mission d’isoler le Dodécanèse italien, de soutenir une Grèce dont les sympathies alliées sont connues et d’empêcher les navires italiens stationnés en Adriatique de franchir le canal d’Otrante.

Une fois la majorité des convois de transports de troupes passés, les flottes alliées devraient adopter une attitude plus énergique. On rechercha la confrontation avec la marine italienne en neutralisant notamment la Libye. Des débarquements amphibies sont également prévus contre Lampedusa, la Sicile voir même la Sardaigne même si certains sont sceptiques sur les chances de réussite.

Japon et Siam : Les militaristes japonais ne font pas mystère de leur intérêt pour l’Indochine, intérêts bassements économiques enrobés d’une idéologie de «L’Asie aux asiatiques» qui séduira un temps des nationalistes contre Ho-Chi-Minh ou Sukarno avant que les exactions et la pression fiscale nippone fasse presque regretter le colonisateur français à une partie de la population.

Le Somua S-35 est le principal véhicule du GMC

En dépit de renforcements terrestres (chars modernes, des S-40 notamment) aériens (Dewoitine D-520 à la place des MS-406) et navals (un porte-avions léger), la France est consciente qu’elle ne pourra longtemps tenir l’Indochine.

Elle prévoit donc de couvrir Hanoï et Haïphong le plus longtemps possible par des combats retardateurs (à l’aide du Groupement Mécanisé Colonial future 2ème Division Légère de Cavalerie), de faire de la base navale de Cam Ranh un point de fixation.

Au Sud, il faudra tenir Saïgon le plus longtemps possible pour permettre d’évacuer un maximum de civils, de militaires notamment des cadres, de réserves de caoutchouc et de riz en direction de la Malaisie. On envisage une guérilla dans le Delta en s’appuyant sur des sectes nationalistes qui détestent souvent plus les japonais que les français.

Tenir le Golfe de Siam est vital et les FNFEO prévoient dès l’entrée en guerre du Japon de frapper la marine siamoise par surprise et de détruire au sol l’aviation de cet allié du Japon pour éviter que les convois entre Saigon et Singapour ou la Malaisie ne soient menacés. Le service de renseignement inter-colonial envisage même de provoquer un coup d’état pro-allié.

Le Japon va également menacer la Nouvelle-Calédonie qui doit bénéficier de renforts en hommes et en matériel (DCA et aviation moderne notamment), les américains s’inquiétant d’une prise du «Caillou» par les japonais qui menacerait clairement les communications entre les Etats Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La Polynésie devrait elle rester à l’écart du conflit et ne bénéficiera que de renforcements minimums.

Turquie : Ankara à été amadouée par la cession en 1939 du Sandjak d’Alexandrette (Iskenderün) et la promesse que la Syrie et le Liban obtiendront leur indépendance d’ici 1955.

La Turquie devrait donc rester neutre d’autant qu’elle s’inquiète de la montée en puissance de la flotte soviétique de la mer Noire à laquelle elle à répondue en commandant un cuirassé et deux croiseurs lourds aux Etats Unis (livrés respectivement en 1942, 1944 et 1946), six sous-marins et quatre destroyers en Grande Bretagne tout en construisant quatre destroyers chez elle non sans mal d’ailleurs faute d’une industrie suffisamment développée.

Espagne et Portugal : La guerre n’est pas recherchée avec Madrid et Lisbonne. L’arrivée au pouvoir du PSF à agréablement surpris Madrid qui ne fera rien pour nous nuire ni pour nous aider.

La marine espagnole à en partie récupérée des pertes de la guerre civile mais bien que ne disposant en 1945 d’un croiseur lourd, de deux croiseurs légers, de douze destroyers et de quatre sous-marins elle ne représente pas une véritable menace bien que nous étudions avec intérêt la volonté de l’héritière de la Glorieuse Armada de s’équiper de trois cuirassés (une délégation italienne en 1942 à livré les  plans des cuirassés de classe Littorio) et d’au moins un porte-avions (les espagnols espérant obtenir les plans du porte-avions Graf Zeppelin).

Le Portugal de Salazar à proclamé dès septembre 1939 sa neutralité, neutralité matinée de sympathie pour l’Allemagne. Des plans sont cependant dressés pour saisir les Açores, Madère et les colonies portugaises au cas où Lisbonne nous deviendrait hostile.