Dominions (8) Canada (8)

La Royal Canadian Navy dans le second conflit mondial

Situation en septembre 1948

Le 5 septembre 1948, l’Allemagne viole les neutralités danoises et norvégiennes en déclenchant l’opération Weserübung.

La raison est la menace selon Berlin d’une attaque franco-britannique contre Oslo et Copenhague et que les allemands sont là uniquement pour protéger ces deux états. Bien entendu personne n’est dupe.

Le Canada s’engage immédiatement aux côtés de la Grande-Bretagne. Comme l’armée de terre et l’armée de l’air ne peuvent agir immédiatement, la première armée sur le pied de guerre c’est naturellement la RCN.

Outre la protection des convois, la marine royale canadienne va mettre en place des patrouilles anti-raiders en liaison avec les marines britanniques, françaises et même américaines même si pour l’US Navy il s’agit officiellement de patrouilles de neutralité destinées à repousser tout navire ennemi le plus loin possible des côtes américaines.

Ce n’est que progressivement que la Royal Canadian Navy (RCN) va être engagée sur d’autres théâtres d’opérations notamment en Méditerranée mais aussi en mer du Nord. Ce n’est pas hasard : outre le déploiement de troupes canadiennes qu’il faut transporter et appuyer, la diminution de la menace sous-marine allemande dans l’Atlantique permet de redéployer ailleurs des moyens.

Outre les navires en service ou en construction en septembre 1948, d’autres vont rejoindre les rangs de la marine canadienne durant le conflit qu’il s’agisse de navires neufs ou de navires de seconde main venant d’une Royal Navy qui commence à manquer d’effectifs à la fin de la guerre.

A l’automne 1948 la marine canadienne est organisée de la façon suivante :

-Un état-major

-Un Commandement Atlantique regroupant tous les navires déployés sur la côte est (Halifax, Nouvelle Ecosse)

-Un Commandement Pacifique regroupant tous les navires déployés sur la côte ouest (Esquimalt, Colombie Britannique)

-Une force aéronavale qui dispose elle même de deux commandements géographiques, l’état-major central étant installé à Halifax en compagnie du commandement Atlantique, le commandement Pacifique de l’aéronavale étant implanté à Esquimalt.

Cela nous donne l’ordre de bataille suivant :

-Royal Canadian Navy Atlantic Command (RCN-Atlantic Command)

HMCS Warrior (R-31) 2

Le porte-avions léger Bonaventure

-Porte-avions HMCS Bonaventure avec le First Canadian Naval Air Group (1st CNAG) qui comprend 12 Supermarine Seafire, 6 Fairey Albacore et 4 Douglas Dauntless

1st Canadian Destroyer Flottilla composée de huit Destroyers classe Tribal, les HMCS Iroquois Athabaskan Huron Haida MicMac Nootka Cayuga et Chippewa.

1st Canadian Escort Flottilla avec huit corvettes de classe Flower, les HMCS Agassiz, Alberni,Algoma,Amherst,Arrowhead,Arvida,Baddeck et Barrie

3rd Canadian Escort Flottilla avec huit frégates de classe River, les HMCS Beacon Hill, HMCS Buckingham,HMCS Cap de la Madeleine, HMCS Cape Breton,HMCS Capilano,HMCS Carlplace,HMCS Charlottetown et HMCS Chebogue

-Quatre dragueurs de mines de classe Fundy, les HMCS Comox Fundy Gaspe Nanoose

-Huit dragueurs de mines classe Bangor, les HMCS Brockville Digby Esquimalt Granby Lachine Melville Noranda et Stratford

-Quatre pétroliers et un navire-atelier

-Différentes embarcations portuaires

-1st Bataillon Royal Canadian Marines (1st Bataillon-RCM)

-Royal Canadian Navy Pacific Command (RCN-Pacific Command)

HMCS Saguenay (D-79)

Le HMCS Saguenay

2nd Canadian Destroyer Flottilla composée de deux destroyers type A (HMCS Saguenay et Skeena) et cinq destroyers type C (HMCS Assiniboine, Restigouche,Ottawa,St. Laurent,Fraser)

2nd Canadian Escort Flottilla avec quatre frégates de classe River, les HMCS Annan, Antigonish,Coaticcok et Eastview

-Huit dragueurs de mines classe Bangor, les HMCS Bayfield, Bellechasse Blairmore Canso Caraquet Chedabucto Drummondville et Fort William

-Deux pétroliers et un navire-atelier

-Différentes embarcations portuaires

-2nd Bataillon Royal Canadian Marine (2nd Bataillon-RCM)

-Royal Canadian Naval Air Service Atlantic Command (RCNAS-Atlantic)

Supermarine Seafire HMS Formidable

Supermarine Seafire à bord du porte-avions britannique HMS Formidable

-First Canadian Naval Air Group (1st CNAG) destiné à embarquer sur le HMCS Bonaventure composé de Supermarine Seafire pour la chasse, de Fairey Albacore pour la reconnaissance et le torpillage, de Douglas Dauntless pour le bombardement en piqué.

-Second Canadian Naval Air Group (2nd CNAG) destiné à embarquer sur le HMCS Magnificent dont la composition est identique à son devancier.

Si le HMCS Bonaventure est mis en service en septembre 1947 et donc opérationnel quand éclate le second conflit mondial, le Magnificent est en achèvement à flot à Birkenhead (estuaire de la Mersey, région de Liverpool), sa mise en service initialement prévue pour fin 1949-début 1950 sera accélérée et aura lieu à la fin du mois de mars 1949.

Ces deux navires restent déployés dans l’Atlantique même si l’envoi d’un porte-avions dans le Pacifique n’est pas exclue.

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Consolidated Catalina britannique approchant de l’île de Malte

-Deux squadrons d’hydravions de patrouille maritime équipés de Consolidated Catalina

-Deux squadrons d’avions de surveillance maritime Lockheed Hudson (qui remplacent les Avro Anson)

-Deux squadrons de bombardiers-torpilleurs équipés de Bristol Beaufort

-Un squadron de chasseurs-bombardiers Bristol Beaufighter

-Un groupement de servitude (liaison, transport et entrainement)

-Royal Canadian Naval Air Service Pacific Command (RCNAS-Pacific)

-Deux squadrons d’hydravions de patrouille maritime équipés de Consolidated Catalina

-Un squadron de surveillance maritime équipé de Lockheed Hudson

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Bristol Beaufighter T Mark X

-Un squadron de chasseurs-bombardiers Bristol Beaufighter

-Un squadron d’avions-torpilleurs Bristol Beaufort

-Un groupement de servitude (liaison et transport)

Constructions, pertes et acquisitions

Plus encore que le premier, le second conflit mondial est une guerre où la masse doit faire la différence. Certes un meilleur navire, un meilleur avion, un meilleur char c’est mieux pour l’emporter mais la quantité semble l’emporter sur la qualité.

A l’abri des menées allemandes, le Canada peut servir d’auxiliaire à «l’Arsenal des Démocraties» que constitue les Etats-Unis y compris avant leur entrée officielle en guerre le 21 mars 1950.

Des usines avaient déjà été mises en place durant la Pax Armada, des chantiers navals créés et agrandis pour produire toujours plus de chars, de canons, d’avions mais surtout de navires. On l’oublie trop souvent mais la part des chantiers navals canadiens à été tout sauf négligeable dans la bataille de l’Atlantique.

Des centaines de navires de charge ont été construits sur la côte est du Canada associés à des escorteurs (corvettes et frégates), des dragueurs de mines et autres auxiliaires, l’industrie canadienne n’ayant pas les moyens de produire des navires plus gros qu’un destroyer.

Outre des navires produits au pays, le Canada va mettre en œuvre des navires construits en Grande-Bretagne, profitant des problèmes de main d’oeuvre rencontrés à partir de 1952/53 par la Royal Navy.

En septembre 1948 la Royal Canadian Navy (RCN) dispose d’un seul porte-avions léger le HMCS Bonaventure, un porte-avions «économique» type Colossus, une classe en service en France, en Grande-Bretagne mais aussi en Argentine et aux Pays-Bas (en attendant l’Australie).

Un deuxième porte-avions du même type est mis en service en mars 1949, le HMCS Magnificent, unité qui devait semble-t-il rallier le Pacifique mais comme le Japon se tient pour le moment tranquille et que la guerre à éclaté en Europe, les deux «Canadian Colossus» traînent leurs hélices dans l’Atlantique depuis la base navale d’Halifax.

En janvier 1952 le Bonaventure est coulé par un sous-marin allemand qui avait échappé à la vigilance des escorteurs du porte-avions. Comme si cela ne suffisait pas en février 1952 le Magnificent est assez sérieusement endommagé par une collision avec un cargo à l’entrée du port d’Halifax.

Pour remplacer le Bonaventure et le Magnificent, le Canada propose à la Royal Navy de mettre en œuvre deux Majestic. La marine britannique accepte de céder en mars 1952 à la marine canadienne les HMS Majestic et Leviathan qui sont rebaptisés Bonaventure et Magnificent, le premier Magnificent finissant par chavirer lors de son retour au port.

Ces deux porte-avions vont se partager le boulot. Le HMCS Bonaventure (ex-Majestic) opère dans l’Atlantique en couverture de convois en liaison avec des porte-avions britanniques et parfois français puis mène des raids contre la navigation allemande au large de la Norvège avant de couvrir l’opération Borealis, le débarquement allié en Scandinavie.

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Lancement du Majestic futur Bonaventure

Le HMCS Magnificent (ex-Leviathan) va rallier la Méditerranée pour couvrir les convois envoyant dans la Mare Nostrum les soldats venus du froid. Le porte-avions léger va ensuite appuyer les différentes opérations amphibies menées par les alliés en Méditerranée.

Comme nous l’avons vu plus haut, le porte-avions léger avait été choisit au détriment du croiseur léger. En septembre 1939 tout comme en septembre 1948 aucun heavy ou Light cruiser n’est en service dans la RCN.

Il va falloir attendre le milieu du second conflit mondial pour voir des croiseurs servir sous commandement canadien en l’occurrence deux croiseurs légers ayant appartenu à la marine britannique.

Officiellement à l’époque on parle de partage du fardeau de la guerre, de récompense des exploits canadiens mais en réalité la raison profonde est plus prosaïque : la RN manque d’hommes.

Elle doit donc se serrer la ceinture en faisant la chasse aux «planqués» dans les bureaux, désarmer les unités les plus anciennes et céder aux Dominions des navires encore utiles mais qu’elle ne pouvait mettre en œuvre.

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Le HMCS Ontario ex-HMS Eagle

C’est ainsi que la marine canadienne va récupérer deux croiseurs légers de classe Minotaur, le HMS Tiger rebaptisé HMCS Quebec alors que son sister-ship Eagle est rebaptisé HMCS Ontario. Ces deux navires qui voguent sous pavillon canadien à partir de l’été/automne 1952 opèrent en Méditerranée occidentale puis après le basculement italien du printemps 1953 dans le bassin oriental et en Adriatique. Ils y terminent la guerre sans gros dommages.

En juin 1954 ils subissent des travaux pour être envoyés dans le Pacifique mais quand le Japon capitule les deux croiseurs étaient toujours en travaux.

Huit Tribal, deux Fleet Destroyer type A et cinq Fleet Destroyer type C soit quinze navires sont en service en septembre 1948, les Tribal sur la côte est, le reste sur la côte ouest.

Comme le Japon se tient tranquille, seuls les deux type A sont maintenus dans le Pacifique, les cinq type C ralliant l’Atlantique pour protéger les deux porte-avions et surtout les convois à destination des ports français et britanniques.

Cette flotte va connaître bien entendu des pertes, pertes compensées par des constructions neuves en partie réalisées au Canada et en partie en Grande-Bretagne.

Sur les huit Tribal en service en septembre 1948, quatre sont perdus durant le conflit. L’Iroquois est coulé dans l’Atlantique en septembre 1951 par un sous-marin allemand (deux torpilles), alors que l’Athabaskan est coulé par l’aviation italienne lors de l’opération ACOLADE en mars 1952 (débarquement à Lampedusa et Pantelleria).

Le Haida saute sur une mine au large de Messine lors de l’opération HUSKY en septembre 1952 alors que le Chippewa est coulé par l’aviation allemande lors de l’opération BOREALIS (octobre 1953), un Junkers Ju-388 sorti des nuages larguant avec une diabolique précision deux bombes de 250kg qui envoie le destroyer au fond de la mer du Nord.

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Le HMCS MicMac

Les quatre derniers Tribal sont retirés du service en 1957 (Huron), en 1958 (MicMac) et en 1959 (Nootka Cayuga) et démolis.

Sur les cinq type C en service en septembre 1948, deux sont perdus durant le second conflit mondial lors de missions d’escorte dans l’Atlantique en l’occurence les HMCS Assiniboine et Fraser (torpillés par des U-Boot), les trois autres étant retirés du service avant la fin du conflit en raison de leur usure prononcée, le Restigouche en septembre 1953, l’Ottawa en janvier 1954 et le St Laurent en mars 1954.

Les deux type A (HMCS Saguenay et Skeena) survivent au conflit, patrouillant le long des côtes Pacifique de septembre 1948 à juin 1950 puis dans la zone du canal de Panama de juillet 1950 à septembre 1954. Les deux navires sont désarmés au printemps 1955 et démolis.

Pour compléter/remplacer les destroyers perdus, le Canada va récupérer des destroyers de conception britannique et construire des destroyers «100% canuck».

En septembre 1948, huit destroyers type Q étaient à différents stades d’achèvement en Grande-Bretagne. Ces navires baptisés Queenborough Quadrant Quail Quality Quentin Quiberon Quickmatch et Quilliam sont mis en service entre septembre 1949 et mai 1951.

En juin 1952, deux destroyers type Q sont transférés à la marine canadienne, le Quadrant et le Quilliam rebaptisés Assiniboine et Fraser en mémoire des destroyers coulés respectivement en mars 1949 et septembre 1950.

Ces deux navires opèrent dans l’Atlantique puis en mer du Nord, endommagés à plusieurs reprises mais survivant au conflit. Ils sont transformés en frégates ASM entre 1958 et 1960 puis désarmés à la fin des années soixante.

A ces deux Q vont s’ajouter quatre destroyers type Cr, une des classes du programme de guerre britannique (elle succède aux classes R, U et V, W et Z). Deux destroyers type Cr les Crescent et Crusader sont cédés à la marine canadienne avant même leur mise en service qui à lieu en avril et mai 1953. Deux autres navires sont construits au Canada, des navires baptisés Iroquois et Athabaskan et mis en service en septembre et octobre 1953.

Il était initialement prévu de commander six autres navires type Cr mais la commande est annulée au printemps 1954 à une époque où la fin de la guerre était proche.

Ces quatre navires vont opérer dans l’Atlantique et en mer du Nord pour des escortes de convois et des missions de soutien et d’appui-feu. Ces quatre navires survivent au conflit et sont désarmés au début des années soixante-dix.

Les Crusader et Iroquois sont transformés en frégates ASM entre 1959 et 1961, les autres conservent leur armement d’origine jusqu’à leur désarmement.

En septembre 1948 la marine canadienne dispose de douze frégates de classe River et huit corvettes de classe Flower. Comme l’escorte de convois est la première mission de la marine canadienne, des commandes massives de River et de Flower sont passées.

Les chantiers navals canadiens sur la côte est comme sur la côte ouest vont construire de nombreux escorteurs, des modèles en service en septembre 1948 mais aussi de nouveaux modèles mis au point durant la guerre.

Seize corvettes de classe Flower, douze corvettes de classe Castle et vingt-quatre frégates de classe River sont commandées et construites soit un total de cinquante deux navires.

Corvette HMS Myosotis

La corvette HMS Myositis de classe Flower

Sur ces cinquante-deux navires, vingt sont coulées (huit Flower, deux Castle et dix River) auxquels il faut ajouter les pertes concernant les navires en service en septembre 1948 (quatre River et deux Flower), laissant une flotte globale de 46 navires mais ces navires sont usés, dépassés et donc rapidement retirés du service.

Quand le Canada entre en guerre, sa marine dispose de vingt dragueurs de mines, quatre unités de classe Fundy dans l’Atlantique et seize unités de classe Bangor (huit dans le Pacifique et huit dans l’Atlantique).

Sur le papier la menace est faible (le Japon pratique peu la guerre des mines, l’Allemagne est trop loin du pays) mais le Canada ne doit pas simplement défendre ses côtes, elle doit opérer dans des mers resserrées où la mine est une arme redoutablement efficace.

Des commandes importantes sont ainsi passées avec douze unités de classe Algérine (toutes achevées), cinquante unités de classe Bangor (douze annulés avant toute commande effective de matériel, trente-huit mis sur cale mais seulement vingt-quatre achevés et mis en service), quinze dragueurs de mines de classe Lake (douze achevés) et dix dragueurs de mines de classe Llewellyn (six achevés, quatre abandonnés sur cale).

Cela nous donne un total de soixante-six dragueurs de mines (quatre Fundy, trente-deux Bangor, douze Algerine, douze Lake et six Llewellyn).

Sur ce total dix-neuf navires sont coulés (un Fundy, huit Bangor, six Algerine et quatre Lake) auxquels il faut ajouter quatre Bangor trop endommagés pour être réparés à un coût (temps et matériel) raisonnable.

Cent-quatre vingt douze vedettes lance-torpilles sont également construites, vedettes mises en œuvre en Manche, en Méditerranée et en mer du Nord.

Au total sur les cent-quatre vingt douze vedettes lance-torpilles construites par les canadiens, soixante-seize vont être perdues sous les coups de leurs homologues allemands (seize), de l’aviation (vingt), de grands navires de surface (douze), à cause des mines (quatorze) et suite aux éléments ou de cause accidentelle (quatorze). Les vedettes survivantes sont usées et rapidement retirées du service.

Des navires de soutien et des navires amphibies sont également commandés et construit en l’occurrence huit pétroliers, douze cargos et caboteurs, trente-deux LST et d’autres embarcations amphibies plus petites permettant au Canada de transporter lui-même les troupes canadiennes engagées notamment en Méditerranée.

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