Italie (9) Histoire (8)

Fascisme et colonies

Nous avions laissés les colonies italiennes au moment où l’Europe s’embrase dans ce qui ne sera pas hélas la «Der des Ders». Obnubilée par le front du nord-est, l’Italie négligea ses colonies où sa domination était encore fraiche.

Le 17 octobre 1912 le traité d’Ouchy avait vu l’Italie récupérer la Tripolitaine et la Cyrénaïque mais cette cession officielle ne signifiait pas titre de propriété. En effet seule la Tripolitaine était effectivement contrôlée par Rome, la Cyrénaïque et le Fezzan restant des régions hors de contrôle.

Le 1er juin 1919 une loi fondamentale accorde l’autonomie à la Tripolitaine, la Cyrénaïque obtenant le même statut l’année suivante en 1920 mais ces accords ne sont pas appliqués.

C’est en 1923 que la conquête est relancée par le président du conseil Benito Mussolini qui avait pourtant été hostile à la guerre italo-turque en 1911.

Il mobilise de gros moyens. Parmi les officiers qui s’y illustrent figure le colonel Graziani qui mène une guerre impitoyable en jouant sur les rivalités entre clans, en utilisant toutes les armes disponibles y compris les gaz de combat. Toute la Tripolitaine septentrionale est ainsi soumise fin 1924.

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Pietro Badoglio (1871-1956)

En janvier 1928, l’offensive finale est lancée pour achever la conquête de la Libye. Les opérations en Cyrénaïque et en Tripolitaine sont coordonnées via un commandement unique. Le maréchal d’Italie Pietro Badoglio est nommé gouverneur des deux régions et c’est aussi à cette époque que des opérations sont lancées dans le sud.

En 1930/31 le Fezzan et l’oasis de Kouffra sont occupés mais l’insécurité est générale en Cyrénaïque. La répression italienne est brutale, impitoyable avec son lot de répresailles et de déportations.

Les troupes italiennes (= métropolitaines) et coloniales se heurtent à un mouvement de grand ampleur dirigé par Omar Al Moktar.

Ce dernier est capturé en septembre 1931, sommairement jugé et pendu ce qui provoque de vivres critiques internationales. Mussolini s’en moque, la Libye peut être considérée comme pacifiée.

Cette pacification sera d’ailleurs tellement efficace que lors de l’opération BAYARD (conquête de la Libye par les alliés) à l’été 1949 les français et les anglais ne bénéficieront que d’un soutien très limité de la part des tribus libyennes.

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Italo Balbo

En 1934 la Libye est unie sous la direction d’un gouverneur unique. Le premier est l’un des quadriumvir, le maréchal de l’air Italo Balbo qui lance une politique de grands travaux et de colonisation pour mettre en valeur des terres si durement gagnées.

Trois ans plus tard en 1937, la Libye est divisée en quatre provinces, les provinces de Tripoli, de Benghazi, de Derna et de Misurata. A cela s’ajoute le territoire militaire du Sud (Hun). Le 9 janvier 1939, la Libye est officiellement intégrée au royaume d’Italie.

Quand le second conflit mondial éclate en septembre 1948, la colonie de Libye disposait de 120000 colons italiens, d’un nombre inconnu d’indigènes et surtout de près de 400000 militaires même si ce nombre va se réduire avec le rapatriement en Italie, en Sicile et en Sardaigne de troupes jugées plus utiles là-bas.

Coincée entre la Tunisie sous protectorat français et l’Egypte sous protectorat (ou c’est tout comme) anglais, la Libye italienne, l’Africa Septentrionale Italiana (ASI) est à terme condamnée, Mussolini ne faisant pas mystère au gouverneur général Padogli que peu de moyens pourront lui être accordés.

Régulièrement bombardée par les aviations alliées, soumise à un blocus serrée, l’ASI etouffe peu à peu jusqu’à l’été 1949 quand les français déclenchent l’opération «BAYARD». En dépit de moyens importants (que certains auraient jugés plus utiles en métropole), les combats vont durer deux mois.

Le 1er septembre 1949, l’ASI à officiellement cessé d’exister. Territoire sous occupation militaire, la Libye est dirigée par le général Freydenberg assisté par un général anglais, le général Connor qui lui succédéra en septembre 1950.

Elle va servir de base arrière pour des opérations contre l’Italie mais également dans les Balkans, de nombreux aérodromes étant aménagés, des ports, des dépôts, des centres d’entrainement pour les troupes coloniales……

Cette occupation s’achève en septembre 1956 quand la Libye proclame son indépendance, indépendance toute relative puisque les alliés possèdent encore des moyens militaires importants mais ceci est une toute autre histoire.

Dans les territoires correspondant à l’Africa Orientale Italiana (AOI), les moyens militaires sont réduits durant le premier conflit mondial ce qui explique pourquoi la Somalie italienne s’agite, pensant pouvoir s’affranchir de la domination italienne.

Plusieurs opérations de pacification sont nécessaires pour permettre à la colonie italienne de retrouver son calme.

En 1925, les britanniques cèdent à l’Italie le Jubaland mais il faut attendre 1927 pour que l’autorité italienne soit fermement assurée sur ce territoire.

A la même époque, l’Ethiopie qui avait envisagé d’attaquer Érythrée en 1911/12 en profitant de l’envoi de troupes italiennes en Libye est secouée par une guerre civile entre un empereur converti à l’islam et une population refusant cette conversion. En 1930, le ras Maconnen devient empereur (negus) sous le nom de Haïlé Sélassié.

A partir de 1932, Mussolini songe clairement à s’attaquer à l’Ethiopie. Comme nous venons de le voir dans la partie consacrée à la politique étrangère, il s’agit à la fois de créer un bloc italien entre Afrique orientale (isoler définitivement Djibouti et la Somalie britannique) et venger Adoua.

A l’issue d’une campagne militaire de sept mois (octobre 1935-mai 1936), l’empire d’Ethiopie est conquis après des combats violents, les troupes italiennes comme jadis en Libye faisant un large usage de gaz de combat.

Les abyssins remportent quelques succès locaux mais leur infériorité rend illusoire toute victoire décisive, l’armée éthiopienne étant une armée féodale avec des ras (chefs) turbulents plus attachés à leur propre pouvoir qu’à la défense de l’empire d’Ethiopie. Le roi d’Italie Victor-Emmanuel III devient empereur d’Ethiopie même si il n’y mettra jamais les pieds, laissant le maréchal Badoglio assurer le rôle de vice-roi.

En dépit des communiqués triomphants, l’Ethiopie n’est absolument pas pacifiée. Seules les grandes villes et les lignes de communication peuvent être considérées comme pleinement sous le contrôle italien.

De larges portions du territoire sont insoumis, de larges portions du territoire sont insécures rendant impossibles les ambitieux projets de colonisation imaginés à Rome. Au plus fort de la domination italienne on estime que seulement un tiers du territoire était vraiment sous l’autorité du vice-roi installé à Adis-Abeba.

Avec le déclenchement du second conflit mondial, la situation de l’AOI devient de plus en plus précaire avec l’impossibilité de recevoir des renforts depuis l’Italie. Des offensives limitées sont lancées contre le Soudan anglo-egyptien et le Kenya sous domination anglaise mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances italiennes.

Fort occupés ailleurs les alliés se contentent de gagner du temps, de contenir les offensives avec les moyens du bord, les meilleures troupes ayant rejoint l’Europe voir l’Asie du Sud-Est. Ce n’est finalement qu’à l’été 1950 que les colonies italiennes de l’AOI sont attaquées. C’est l’opération GIDEON.

Il ne faut pas imaginer une offensive massive avec des centaines de milliers d’hommes, de l’artillerie et des véhicules à profusion, une aviation puissante. Non il s’agit d’opérations ne mobilisant pas plus de quelques milliers d’hommes où les européens sont loin d’être majoritaires, Paris comme Londres mobilisant des supplétifs coloniaux qui affrontent d’autres supplétifs, les fameux askaris.

Après plusieurs semaines de combat (moins à cause de la résistance italienne que de l’étendue du théâtre d’opérations, du manque de troupes et de difficultés logistiques) l’AOI s’effondre. La Somalie italienne est conquise tout comme l’Érythrée alors que le Negus retrouve son trône quatorze ans après l’avoir quitté.

Après dix-huit mois de contrôle militaire (septembre 1950-mars 1952), les territoires pris à l’Italie repassent sous contrôle civil même si les militaires gardent un œil attentif sur ces territoires qui permettent de contrôler l’artère vitale que constitue la mer Rouge.

L’Ethiopie retrouve son indépendance accordant des facilités aux troupes britanniques et françaises stationnées dans le pays. L’Érythrée est placée sous occupation française alors que la Somalie italienne est occupée par les britanniques.

Les Somalie britanniques et italiennes seront unifiés pour former la république de Somalie (indépendante en 1960), l’Érythrée qui devait être indépendante est cependant annexée en 1962 par l’Ethiopie marquant le début d’affrontements sanglants qui finiront par avoir raison de l’empire d’Hailé Sélassié.

L’Italie dans le second conflit mondial

NdA Il ne s’agit pas ici de raconter en détail la participation de l’Italie au second conflit mondial mais de rappeler les grandes lignes d’un conflit qui allait bouleverser les structures politiques de l’Italie.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’Italie ne souhaite pas s’engager dans un conflit quand les allemands déclenchent l’opération Weserübung (occupation de la Norvège et du Danemark). Elle n’est d’ailleurs même pas consultée par son «allié» allemand.

Quand les premières bombes deutsche kalität tombent sur Oslo, Bergen Copenhague ou Trondheim le 5 septembre 1948, l’Italie se déclare non pas neutre mais en état de non-belligérance.

Les alliés ne croient cependant pas à une telle position de Mussolini et vont chercher à le pousser à la faute en se montrant particulièrement agressif en Méditerranée. De multiples incidents navals et aériens aboutissent le 7 octobre 1948 à une déclaration de Mussolini qui dans un discours où le sérieux dispute au grotesque estime «qu’il est temps de faire rendre gorge à ses français prétentieux, ennemis éternels de l’Italie».

Une déclaration de guerre en bonne et due forme est amenée au ministre français des affaires étrangères le 10 octobre 1948 par le chargé d’affaires portugais à Paris, Lisbonne assurant la représentation des intérêts italiens à Paris et français à Rome.

Dès le lendemain, 11 octobre, les français déclenchent l’opération SCIPION la conquête de la Sardaigne, la grande île de la Méditerranée étant occupée après un mois de violents combats (fin officielle des combats : 15 novembre 1948). Une victoire qui à pour les alliés une saveur particulière et qui compense les revers au large de la Norvège.

Les combats suivants entre les alliés et les italiens sont essentiellement aériens et navals. Plusieurs batailles ont lieu mais aucune n’est vraiment décisive, les deux camps répugnant à s’engager à fond au risque de perdres des unités particulièrement coûteuses.

Le 5 février 1949, les italiens et les allemands lancent l’opération MERKUR, la conquête de la Corse, la reconquête de la Sardaigne et la conquête de Malte, chaque opération étant désignée par un chiffre, MERKUR-I correspondant à la conquête de la Corse, MERKUR-II à la reconquête de la Sardaigne et MERKUR-III à la conquête de Malte.

Il s’agit pour l’axe de bousculer sérieusement les alliés en Méditerranée alors que l’opération FALL GELB (plan jaune opération contre le Benelux et la France) se prépare. Si les trois îles sont conquises, la supériorité navale et aérienne alliée dans cette région pourra être sérieusement remise en question.

Les combats vont durer deux mois où les deux camps se rendent coup pour coup. Les pertes navales et aériennes sont importantes. Si la Corse est conquise, la Sardaigne reprise, Malte reste sous le contrôle allié ce qui facilitera l’opération BAYARD contre l’ASI.

Les français et les anglais ont à peine le temps de souffler que les allemands déclenchent l’opération FALL GELB, opération qui voit la conquête des Pays-Bas, de la Belgique et d’une partie de la France même si le front finit par se stabiliser sur la Seine, un front qui s’étend jusqu’à la frontière suisse.

A l’été 1949, les alliés lancent l’opération BAYARD contre l’ASI. Deux mois de combats sont nécessaires pour s’emparer de la Tripolitaine, de la Cyrénaïque et du Fezzan. Les territoires ne seront cependant qu’imparfaitement contrôlés jusqu’à la fin du conflit, des bandes de pillards associés à des déserteurs italiens rendant certaines régions peu sures pour les militaires isolés.

Alors que les alliés savourent les victoires de l’opération BAYARD, les allemands se lancent dans l’opération MARITSA contre la Yougoslavie et la Grèce. Il s’agit de sécuriser le flanc sud de la future opération BARBAROSSA contre l’URSS. Il s’agit aussi d’aider l’Italie qui contre tout bon sens militaire à lancé en mai 1949 une opération contre la Grèce, conflit promis comme frais et joyeux mais qui se transforme en une lamentable guerre d’usure.

CV Joffre

Le Joffre fût coulé lors de la bataille du Golfe de Zanthe. Son nom fût donné à un nouveau porte-avions construit durant la guerre

C’est le début de la campagne de Grêce, une campagne de huit mois jusqu’au printemps 1950 et même si des combats vont se poursuivre jusqu’à la fin du conflit on considère que la bataille du Golfe de Zanthe (17 mars 1950) au cours de laquelle le porte-avions Joffre est coulé marque la fin de cette campagne qui voit le Péloponnèse et la Crète aux mains des alliés qui par l’opération CATAPULT se sont emparés des îles du Dodécannèse immédiatement cédées à la Grêce.

Le régime mussolinien est de plus en plus discrédité, les raids aériens se multiplient. Au printemps 1951, plusieurs coups d’état sont déjoués alors que l’Italie s’est enlisée dans une guerre inepte dans les Balkans sans oublier sa participation à l’opération BARBAROSSA où l’Italie gaspille ses maigres ressources militaires.

En août 1951 la France déclenche l’opération MARIGNAN destinée à reconquérir la Corse alors qu’en même temps des offensives limitées sont lancées dans les Alpes pour fixer des troupes ennemies (opération ARCOLE). L’île de Beauté est conquise après deux mois de durs combats, combats qui ravagent un peu plus l’île qui ne s’était pas remise de MERKUR.

La propagande italienne à bien du mal à passer sous silence cette série de défaites mais peut toujours dire que le «sol sacré de la mère-patrie» est toujours inviolé.

Plus pour longtemps puisqu’en mars 1952, les îles de Pantelleria et de Lampedusa sont prises (opération ACOLADE), un marche pied pour assurer la conquête de la Sicile.

Le 15 juillet 1952, les aviations françaises, britanniques et américaines, les marines de ces trois pays ouvrent le feu sur les défenses côtières de la Sicile. C’est le début de l’opération HUSKY, opération qui débouche sur la prise de Messine en octobre, de Palerme à la mi-novembre.

Le 3 août 1952 est lancé l’opération DRAGON, la conquête de la Sardaigne, une quasi-promenade militaires tant les troupes italiennes sont peu nombreuses, mal équipées, mal entraînées et surtout démotivées.

Le 10 janvier 1953 c’est le coup de grâce avec le débarquement sur la péninsule italienne en l’occurrence la région de Tarente (opération SKYLOCK). Cette fois les italiens se battent mais malgré une vrai ténacité, Naples tombe en mars 1953.

Cette fois s’en est trop et pour sauver ce qui peut l’être quelques hierarques fascistes renversent Mussolini qui est emprisonné puis sommairement exécuté dans des circonstances encore floues aujourd’hui.

Le 7 avril 1953 un armistice est signé entre l’Italie et les alliés, les allemands occupent une partie de la péninsule. Deux gouvernements se font face, un gouvernement co-belligérant et le Nuovo stato fascista («Nouvel Etat Fasciste»)

Le front se fige, les alliés donnant la priorité au front occidental. Il faut attendre janvier 1954 pour qu’avec l’opération AURORE les alliés obtiennent la percée du front et l’occupation en mars de toute la péninsule italienne ainsi que la fin d’un régime pro-allemand qui en l’absence d’un leader charismatique n’avait jamais été populaire ou un minimum crédible.

La guerre se termine en Europe par la capitulation allemande le 30 avril 1954. l’Italie termine ce conflit par un statut pour le moins ambiguë de co-belligérant. Ce conlit sera fatal à la monarchie et à la maison de Savoie.

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l’éphémère roi d’Italie Victor-Emmanuel IV

Humbert II abdique bien en faveur de son fils Victor-Emmanuel mais Victor-Emmanuel IV ne règne que du 17 janvier au 4 mars 1956.

La veille un référendum voit les italiens voter en faveur de la république mettant fin à quatre-vingt quinze ans de monarchie (1861-1956). Quand à la maison de Savoie elle est envoyée en exil, exil toujours qui ne sera levé qu’en 2012 pour les hommes mais dès 1995 pour les femmes.

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Le Val d’Aoste est français depuis 1957

Le Traité de paix avec la France signé à Paris le 14 septembre 1957 voit l’Italie céder le Val d’Aoste et payer de lourdes indemnités financières qui seront notamment utilisées pour reconstruire et développer la Corse.

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