Le Conflit (226) Méditerranée (6)

La Sardaigne n’est pas le seul territoire concerné par les combats en Méditerranée en cet automne 1948. Point cependant d’opérations terrestres majeures mais plutôt des démonstrations navales pour provoquer un «Jutland Méditerranéen» tant souhaité par les britanniques mais beaucoup moins par les français visiblement peu enclins à croire au concept bâtard de la «bataille décisive» qui fit tant de mal à la pensée militaire qu’elle soit allemande ou japonaise.

Il y eut tout de même quelques coups de main menés notamment par les Royal Marines contre des objectifs stratégiques. Nul doute que la réussite de ces opérations associées au RETEX des combats norvégiens à conduit à la création des fusiliers marins commandos qui n’eurent bientôt rien à envier à leurs ainés britanniques.

Bien entendu cet état de fait précédera la spectaculaire opération JUDGMENT, une ambitieuse tentative de détruire la flotte italienne dans ces ports puisqu’elle refusait obstinément le combat en haute-mer.

Comme souvent ce genre d’opérations décevra mais la déception était-elle liée aux résultats en eux mêmes ou parce qu’on en attendait trop ? Vous avez quatre heures….. .

Après le succès de l’opération SCIPION, les alliés sont paradoxalement embarrassés par la situation, les italiens n’ayant pas mobilisé tous leurs moyens pour faire face à cette invasion de la Sardaigne.

Deux écoles s’affrontent : maintenir la pression en lançant aussitôt une nouvelle opération majeure ou se mettre en attente pour voir si les italiens vont enfin réagir.

C’est la première école qui triomphe avec une posture agressive des sous-marins et des navires de surface, des raids aéromaritimes menées essentiellement par l’aviation basée à terre (qu’elle soit française ou britannique) mais aussi des raids commandos, version moderne des «descentes» du temps de la marine à voile.

En attendant que les fusiliers-marins commandos soient opérationnels (l’unité n’est créée que le 4 janvier 1949 et opérationnelle au printemps suivant), ce sont les Royal Marines qui vont mener ces coups de main sur des batteries côtières, des postes isolés pour «semer la discorde chez l’ennemi» et maintenir l’Italie dans un état de stress important.

Des navires rapides comme des mouilleurs de mines et des vedettes lance-torpilles sont utilisés pour déposer des troupes aux côtés parfois d’hydravions avec le soutien de croiseurs et de destroyers qui assuraient le relais de communication, le commandement, la couverture et l’appui-feu.

Les Royal Marines mène un premier raid sur l’île d’Elbe (ce qui chagrina parait-il cetains soldats français admirateurs de qui vous savez) dès le 4 décembre 1948 avec le mouilleur de mines HMS Welshman, trois vedettes lance-torpilles françaises et comme navires de combat le contre-torpilleur Desaix qui assure l’appui-feu.

Une compagnie de Royal Marines associé à un détachement de la compagnie de débarquement du contre-torpilleur est mis à terre pour neutraliser des batteries côtières et recueillir du renseignement. L’opération qui surprend les italiens est un succès.

Un autre raid est mené sur l’île de Capraia une semaine plus tard avec les mêmes navires mais un succès moins important, les italiens ayant renforcé la défense de cette île qui occupait une position stratégique pour surveiller la Corse. Après ce raid l’aviation alliée multipliera les raids aériens pour empêcher les italiens et les allemands d’y prendre leurs aises.

Ces deux raids auraient du être suivis par d’autres mais le haut-commandement répugne à exposer navires, avions et soldats alors qu’un gros truc se prépare.

On se contente de coups de main locaux avec un navire, un groupe ou une section pour mettre le maximum de bazzar mais aucune opération commando majeure digne du niveau de TUNGSTENE, PHOSPHORE ou encore de THUNDERBOLT.

Avant même le déclenchement de la seconde guerre mondiale, l’importance de l’aviation pour la maitrise des mers était capitale. Les combats en Scandinavie ont confirmé l’idée qu’une escadre sans porte-avions ou sans puissante force de chasse à proximité aurait du mal à tenir sauf à accepter des pertes très très lourdes.

Les alliés vont bénéficier de la présence de nombreuses bases aériennes à portée des bases navales et des cibles stratégiques italiennes, permettant de maintenir la pression sur la durée.

Mieux même français et britanniques vont tenter des opérations combinées de haute volée avec sous-marins, avions basés à terre, avions embarqués (même si les porte-avions furent maintenus en réserve pour la future «bataille décisive») et unités légères de surface, les uns devant éclairer/appuyer/prolonger l’action des autres.

Cela va générer des pertes des deux côtés même si les alliés pouvaient compter sur une industrie suffisamment puissante pour remplacer les appareils perdus.

Pour ce qui est des pilotes et des navigants, c’était plus compliqué mais moins que les italiens. Bref comme face aux allemands, le temps jouait pour les alliés à condition bien entendu de ne pas faire n’importe quoi…. .

Ce sont pourtant les italiens qui ont tiré les premiers en menant quelques raids sur le sud de la France en mobilisant les forces de la 1ère région aérienne de Milan chargée d’abord de protéger le «triangle d’or» Milan-Gênes-Turin.

Dans un premier temps les raids sont menés de manière timide, de manière pusillanime suite à l’entrée en guerre de l’Italie le 7 octobre 1948.

Les premières cibles sont les ouvrages de la Ligne Maginot Alpine ce qui fait craindre aux français un assaut massif des troupes italiennes mais d’assaut il n’y aura point.

Il s’agit d’avantage d’opérations de représailles, d’opérations décidées selon le principe très contestable militairement parlant : «faire n’importe quoi mais surtout faire quelque chose».

Les bombardiers utilisés sont les Fiat BR-20, les CANT Z-1007 et les CANT Z-1018 Leone de la 4ème division de bombardement mais aussi les Fiat BR-20, les CANSA FC-20 et les CANT Z-1018 Leone de la 6ème division de bombardement.

Ils sont engagés sans escorte de chasse ce qui est contestable mais il faut rappeler que dans la théorie Douhétienne les bombardiers sont censés se défendre tout seuls.

Les résultats sont décevants en raison du mauvais temps régnant sur les Alpes, de problèmes de choix des cibles. En revanche, la DCA et la chasse française n’opposent guère de résistance probablement parce que très vite les limites de ses attaques sont apparues au grand jour.

La situation est totalement différente quand les avions italiens vont s’attaquer à Menton (10, 15, 24, 27 et 30 octobre, 4, 8 et 10 novembre, 4, 8 12 et 22 décembre), Cannes (12 octobre), Toulon (18, 28 et 30 octobre), Villefranche sur Mer (4 et 14 novembre, 30 novembre et 3 décembre), Bastia (12 et 20 décembre) où ils se heurtent à une DCA puissante _tout est relatif_ et une chasse qui l’est également quoi que moins sur le front nord-est.

Il y à tout d’abord de la DCA qu’elle soit issue de l’Armée de l’Air (Défense Antiaérienne du Territoire DAT) ou de la marine pour protéger Toulon. Elle comprend les moyens suivants :

-Marseille disposait de deux batteries légères et deux batteries lourdes soit 24 canons de 25mm et 18 canons de 90mm

-Ajaccio disposait d’une batterie légère et d’une batterie lourde soit douze pièces de 37mm et douze pièces de 75mm

-Bastia disposait d’une batterie légère et d’une batterie lourde soit douze pièces de 37mm et douze pièces de 75mm

-Nice disposait de deux batteries légères et d’une batterie lourde soit vingt-quatre pièces de 25mm et douze pièces de 75mm.

A cette DCA importante pour l’époque s’ajoute celle défendant la base navale de Toulon. Elle est considérable avec d’abord des pièces au Cap Cépet (quatre canons de 90mm et six canons de 25mm), à Carqueraine (quatre canons de 90mm et douze canons de 25mm), la Presqu’ile de Gien (six canons de 90mm et huit canons de 25mm) et pour la place de Toulon stricto sensu (huit batteries de huit canons de 90mm et quatre sections de huit canons de 37mm).

A cette puissante DCA va s’ajouter des unités de chasse déployées dans le Sud-Est qu’elles appartiennent au Groupement d’Aviation de la 5ème Armée (également appelé Groupement d’Aviation de l’Armée des Alpes) ou à des unités dépendant directement de l’état-major de l’armée de l’air.

On trouve par exemple la 16ème Escadre de Chasse (16ème EC) qui comprend 81 Arsenal VG-39 et 27 Bréguet Br700C2, les 17ème et 18ème Escadre de Chasse (17ème et 18ème EC) volant sur 81 Bloch MB-159 et Bréguet Br700C2 et la 26ème Escadre de Chasse de Nuit (26ème ECN) volant sur 81 Hanriot NC-600.

Face à ce dispositif les italiens vont subir des pertes assez sérieuses qui vont éteindre cette timide volonté de prendre l’initiative sur le front alpin et méditerranéen.

En face les français vont subir des pertes non négligeables qui vont jouer un rôle dans l’opération MERKUR, les allemands et les italiens se heurtant à une force aérienne française affaiblie par les pertes, motivée et expérimentée certes mais affaiblie.

Les français vont mener des bombardements sur les villes du nord de l’Italie notamment Gênes (14, 24,28 et 30 novembre, 2, 10 et 15 décembre 1948), Turin (14, 18, 22, 27 novembre, 1er, 8, 12 et 15 décembre 1948) et Gênes (21, 25, 30 novembre, 3, 7, 12,20 et 30 décembre) en utilisant à la fois des unités de la GRAVIA-VA (Groupement d’Aviation de la 5ème Armée) et des unités dépendant de l’armée de l’air.

Le Groupement d’Aviation de l’Armée des Alpes comprend la seule 33ème Escadre de Bombardement Léger (33ème EBLg) avec 81 Douglas DB-7D, des bombardiers légers aux capacités limitées. Ils sont complétés par la 23ème EBM volant sur Lioré et Olivier Léo 451 et la 17ème EBL volant sur Bloch MB-162.

Des bombardements sont également menés sur la Sicile et le sud de l’Italie en utilisant les moyens stationnés en Tunisie et à Malte avec les moyens que nous avons déjà vu plus haut. Les principales villes ciblées sont Syracuse, Augusta, Palerme, Messine, Tarente et Bari.

Les italiens y opposent la 11ème division de chasse qui disposait d’une escadre de Fiat G-55, d’une escadre de Reggiane Re-2005 et d’une escadre de Macchi C-205 (avec un groupe de bimoteurs Savoia-Marchetti SM-89 Lupo III) couvrant la Sicile et la 12ème division mixte qui disposait d’une escadre de chasse (deux groupes de Macchi C-202 et un groupe de Reggiane Re-2001) sous l’autorité de la 4ème région aérienne (Bari).

Ces moyens vont également être renforcés par l’arrivée de moyens repliés de Sardaigne pour échapper à une destruction programmée par les bombardements préliminaires et à l’opération SCIPION proprement dites. Enfin renforcés c’est vite dit car on parle d’un groupe de vieux Fiat G-50 et d’un groupe de Reggiane Re-2001, des appareils guère plus modernes que les précédents.

En revanche les italiens ne vont pas lancer de missions de bombardement massives sur Malte ou la Tunisie probablement de crainte de subir une défaite définitive et ouvrir une portée d’entrée aux franco-britanniques.