D’une dynastie à l’autre : les rois grecs
Quel roi pour la Grèce ?
L’époque ne peut admettre autre chose qu’une monarchie, une république est impensable. Les patriotes grecs en sont rapidement conscients et cherchent un prince pouvant devenir roi de Grèce.
Plus facile à dire qu’à faire. Au début les grecs sont circonspects à l’idée d’élire un prince étranger comme roi mais au final avec la division entre factions, un roi étranger placé au dessus des partis ressemble à la solution la plus saine.
De nombreux candidats sont approchés ou sollicitent les grecs pour devenir roi. Le choix est délicat car il faut tenir compte des intérêts français, britanniques, autrichiens et russes.
Parmi les candidats on trouve Jérome Bonaparte, Eugène de Beauharnais ou encore le Duc de Nemours, fils du Duc d’Orléans. Le futur Pierre 1er du Brésil est bien approché mais par un envoyé grec qui est rapidement désavoué par les indépendantistes héllènes.
Les grecs proposent à la Grande-Bretagne d’établir un protectorat mais les autorités britanniques refusent car ils ont trop d’intérêts économiques dans l’empire ottoman.
D’autres candidats sont envisagés que ce soir Charles de Bavière frère cadet du roi Louis 1er ou encore Jean de Saxe (candidat de la France) ou encore Frédéric des Pays-Bas (candidat de la Grande-Bretagne).

Leopold de Saxe-Cobourg-Gotha, gendre de Guillaume IV de Grande-Bretagne accepte la couronne grecque le 28 février 1830. Il s’inquiète des tergiversations du leader grec Kapodistrias qu’il connait pourtant depuis les guerres napoléoniennes. De plus le Sénat grec lui impose un certain nombre de conditions sans compter que la question des frontières empoisonne les négociations entre les leaders grecs et le futur Léopold 1er de Belgique. Il finit par renoncer le 21 janvier 1830.
Débute alors une longue période de flottement entre rivalités entre grecs et désintérêt des grandes puissances.
Les grecs se prennent à rêver de retrouver un descendant des Paléologues, la dynastie au pouvoir en 1453 au moment de la chute de Constantinople mais cette recherche va rester infructueuse si tant est qu’elle était vraiment sérieuse.
Le Duc de Nemours est à nouveau approché mais le jeune duc de 25 ans ne peut accepter l’offre car le protocole de Londres du 22 mars 1829 interdit qu’un membre d’une famille régnant sur un état protecteur de la Grèce n’y règne.
Après l’étude des candidatures de Paul de Wurtemberg et de Frédéric des Pays-Bas c’est finalement Othon de Bavière, fils cadet de Louis 1er qui allait être choisit par les grecs.
Le 9 octobre 1831 Ioannis Kapodistrias est assassiné. Le gouvernement se divise entrainant une nouvelle période de troubles et d’incertitudes.
La cinquième assemblée nationale grecque réunie à Nauplie en mars 1832 met en place une nouvelle constitution.
L’assemblée confirme le comte Augustinos Kapodistrias comme chef du gouvernement grec jusqu’à l’arrivée du roi. Cette dernière décision provoque une nouvelle guerre civile et pour éviter de subir le même sort que son frère il préfère s’exiler le 7 avril 1832. Il est remplacé par Kolettis à la tête d’un gouvernement mixte.
En janvier 1832 les grandes puissances avaient donné leur accord pour confier la couronne de Grèce à Othon de Wittelsbach. Le protocole du 26 avril 1832 et le traité de Londres du 7 mai 1832 fait de la Grèce devient un Royaume avec Othon de Bavière avec sa descendance ou celle de ses frères Luitpold et Adalbert. Les deux couronnes de Bavière et de Grèce ne seront jamais réunies sur la même tête. Une régence doit être mise en place et perdurer jusqu’au 1er juin 1835.
Les frontières sont corrigées par le traité de Constantinople le 21 juillet 1832. Elle est portée sur la ligne Arda-Volos en passant par la chaine des monts Othrys jusqu’au mont Velouchi et en coupant en deux la vallée de l’Aspropolano. L’empire ottoman qui réclamait l’Eubée en guise de compensation vont seulement recevoir 40 millions de piastres de la part du gouvernement grec.
La Grèce n’obtient pas des îles de la mer Egée mais Samos reçoit une large autonomie. La Crète reste dans le giron de l’Egypte de Mehmet Ali désormais en guerre contre l’empire ottoman.
Othon de Wittelsbach arrive à Nauplie le 30 janvier 1833. Il débarque le 6 février 1833, l’accueil de la population grecque est très chaleureux. Une fois la régence est installée et la constitution abandonnée. Le 28 août 1834 Athènes devient la capitale du royaume de Grèce.
Othon 1er

Othon de Wittelsbach (Salzbourg 1er juin 1816 Bamberg 26 juillet 1867) est le premier roi de Grèce. Il est le fils de Louis 1er et se marie en 1836 avec Amélie d’Oldenbourg mais ce mariage va rester sterile ce qui causera sa perte.
Autoritaire et absolutiste il semble animé des meilleures intentions du monde mais le contexte est compliqué entre les problèmes financiers (endettement auprès des grandes puissances) et difficultés à s’imposer dans une région marquée par la Question d’Orient ce qui génère un certain nombre de crises diplomatiques, la marine britannique faisant même en 1850 le blocus des ports grecs !
Obligé d’accorder une constitution en 1843 il continue à mener une politique très autoritaire. Ne pouvant avoir un héritier orthodoxe, refusant de se convertir tout comme son frère et héritier Luitpold, Othon 1er est condamné. Suite à un soulèvement militaire, il doit s’exiler le 23 octobre 1862 en Bavière où il meurt moins de cinq ans plus tard.
Georges 1er

Né Guillaume de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg le 24 décembre 1845 à Copenhague et mort à Thessalonique le 18 mars 1913 assassiné par l’anarchiste Alexandros Schinas, Georges 1er est donc le deuxième roi de Grèce.
C’est le fils de Christian IX de Danemark et de Louise de Hesse-Cassel. Marié à Olga Constantinovna de Russie. De cette union sont nés cinq fils (Constantin, Georges, Nicolas, André et Christophe) et trois filles (Alexandra, Marie et Olga).
Le prince Guillaume de Danemark est élu roi des Héllènes le 30 mars 1863. Averti de l’expérience malheureuse de son prédécesseur il veille à ne pas commettre les mêmes erreurs. Il cherche à devenir plus grec que les grecs.
La situation est particulièrement complexe avec la division de la scène politique grecque, des problèmes financiers importants et une agitation nationaliste avec la «Grande Idée» qui veut ramener dans un même état tous les grecs dispersés entre différents états.
Sous son règne les îles ioniennes (1864), la Thessalie (1880), la Macédoine, l’Epire et la Crète (1913) intègrent le royaume de Grèce.
Le règne de Georges 1er n’est pas qu’un long fleuve tranquille puisqu’en 1885 le pays subit un nouveau blocus britannique et en 1897 la guerre contre l’empire ottoman tourne à la déroute pour les grecs.
Constantin 1er

Né à Athènes le 2 août 1868 et mort à Palerme le 11 janvier 1923 il est le deuxième roi de la maison d’Oldenbourg, succédant à son père Georges 1er après son assassinat. Il est le premier à porter le titre de Diadoque de Grèce, titre équivalent à celui du Dauphin en France ou de Prince de Galles en Grande-Bretagne.
Après une formation militaire en Grèce et en Allemagne, il est placé à la tête des armées grecques et sert donc de bouc émissaire pour l’opinion grecque qui lui reproche la défaite grecque durant la guerre greco-ottomane de 1897. Il devient si impopulaire qu’il doit démissioner de ses fonctions après le Coup de Goudi (1909). Il quitte la Grèce et ne rentre qu’en 1911 grâce au premier ministre Elefthérios Venizelos.
Sa réputation militaire est restaurée durant les deux guerres balkaniques. Il devient tellement populaire que son père songe à abdiquer mais il est assassiné avant d’avoir rendu cette décision publique.
Durant la première guerre mondiale, le désaccord avec son premier ministre Venizelos provoque le Schisme National (Ethnikos Dikhasmos). Le roi pousse son premier ministre à la démission en 1915 mais deux ans plus tard il abdique après que les alliés eurent menacés de bombarder Athènes laissant sa place à son deuxième fils Alexandre qui devient Alexandre 1er de Grèce.
Constantin 1er s’exil en Suisse et semble devoir y rester. La mort accidentelle d’Alexandre 1er, la défaite de Venizelos et un plebiscite contesté permet son retour au pouvoir.
Un nouveau désastre militaire lors de la guerre greco-turque (1919-1922) provoque la Grande Catastrophe et une nouvelle abdication. Son fils ainé Georges II lui succède mais comme nous le verrons pour peu de temps.
Marié à Sophie de Prusse, il à eut trois fils tous devenus rois (Alexandre Georges et Paul) et trois filles (Hélène, Irène et Catherine).
Alexandre 1er

Né au Palais de Tatoï près d’Athènes le 1er août 1893 et décédé au même endroit le 25 octobre 1920, il est roi des hellènes du 10 juin 1917 au 25 octobre 1920. Il succède à son père suite à son abdication et à la renonciation de son frère ainé Georges.
Roi sans pouvoir, les venizélistes contrôlant tous les leviers, bien soutenus par les alliés qui comme nous le savons avaient voulu bombarder Athènes pour imposer l’entrée en guerre de la Grèce aux côtés de l’Entente.
Il réalise un mariage d’amour avec Aspasia Marios, une fille de famille phanariote certes riche et respectée mais jugée inférieure pour un roi de Grèce. De cette union inégale est née une fille Alexandra qui après reconnaissance du mariage de ses parents allait devenir reine de Yougoslavie en épousant Pierre II.
Mordu par un singe domestique à la jambe et au ventre, il succombe des suites d’une scepticémie à l’âge de vingt-sept ans.
Georges II

Roi des Héllènes et Prince de Danemark il est né au palais de Tatoï le 19 juillet 1890 et mort au palais royal d’Athènes le 1er avril 1947. Il est roi des Héllènes de 1922 à 1924 et de 1935 à 1947. Il est diadoque de Grèce du 19 décembre 1920 au 27 septembre 1922.
Fils de Constantin 1er et de Sophie de Prusse, il épouse Elisabeth de Roumanie (fille de Ferdinand 1er et de Marie de Saxe-Cobourg-Gotha) le 27 février 1921 mais ce mariage est sans descendance, le roi et la reine se séparant le 6 juillet 1935. C’est son frère Paul qui lui succède.
En décembre 1923 les républicains remportent une victoire électorale éclatante dans la foulée de la déroute militaire contre les troupes de Mustapha Kemal. Il abdique et part en exil. Le 3 novembre 1935 suite à un référendum au minimum controversé il revient au pouvoir. Il soutien le coup d’état qui porte Metaxas au pouvoir (régime du 4 août 1936).
Après la mort de Metaxas, Georges II reprend la main, continuant de faire confiance à des généraux pour diriger le pays même si le héraut du metaxisme n’était plus militaire à l’époque de son coup d’état. C’est un clair désaveux pour la classe politique grecque unanimement discréditée qu’elle soit royaliste ou républicaine.
Après avoir maintenu la Grèce neutre durant la guerre de Pologne, Georges II se rapproche à pas comptés des alliés cherchant à obtenir le maximum en veillant à ne pas aggraver des relations tendues avec l’Italie.
Paul 1er

Roi des Héllènes et prince de Danemark, il est né au palais de Tatoï le 14 décembre 1901 et mort des suites d’un cancer à Athènes le 6 mars 1964. Troisième et dernier fils de Constantin 1er et de Sophie de Prusse (qui telle Marie-Joséphe de Saxe donna trois rois à son pays d’adoption), il règne de 1947 à 1964.
Il connait un premier exil entre 1909 et 1911 et de 1917 à 1920. Il s’exile à nouveau en 1923 quand la République est proclamée. Il vit en Roumanie, en Grande-Bretagne et en Italie.
Georges II est restauré en 1935. Comme il n’à pas d’enfant, son frère Paul est diadoque de Grèce.
Fiancé à Frederica de Hanovre en 1935, il se marie l’année suivante. De cette union sont nées deux filles (Sophie et Irène) et un fils le futur Constantin II qui allait devenir le dernier roi de Grèce en 1964.
De 1935 à 1947 en position de diadoque il veille à ne pas critiquer ouvertement la politique de son frère mais joue de son influence avec des gestes plus éloquents qu’un simple discours.
Il tente ainsi de rapprocher la Grèce de l’Italie et de l’Allemagne, faisant craindre aux alliés occidentaux que le futur roi des hellènes ne fasse basculer Athènes dans le camp de l’Axe. Cette crainte était née dès son mariage avec Frederika de Hanovre.
C’est mal connaître Paul 1er qui après un énergique rappel de son frère devient un loyal sujet du roi des héllènes.
Les alliés sont cependant méfiants mais sont vite rassurés par les positions du nouveau roi qui tente un retour à la démocratie parlementaire, un retour timide, la classe politique grecque incorrigible montrant tout autant son incompétence (sauf rares exceptions) que son arrogance et sa corruption.
Durant le second conflit mondial, à l’instar d’un Pierre II de Yougoslavie, il symbolise la résistance grecque à l’Allemagne et à l’Italie. Il s’installe en Crète à Heraklion avec le gouvernement grec en exil, refusant la proposition alliée d’un gouvernement implanté en Palestine, en Egypte ou en Tunisie.
Dès que les combats le permettront il se rendra en Grèce pour soutenir le moral des troupes, visitant les premières lignes, remontant le moral, s’inquiétant sincèrement du sort des soldats. Il n’hésite pas à tancer un général qui selon lui méprisait ses soldats.
Tout cela lui valu le surnom de «Roi-Soldat» (βασιλιάς στρατιώτης vasiliás stratiótis). Blessé lors d’un bombardement aérien allemand sa popularité est à son comble ce qui semble augurer d’un avenir radieux pour la monarchie grecque. C’est bien simple les soldats en première ligne le considérait comme leur «frère de sang».
Comme le dira un soldat anonyme «Si mon roi est capable de verser son sang pour libérer notre patrie, qui suis-je moi simple paysan pour refuser de faire mon devoir ?».
Se réinstallant à Athènes dès le printemps 1953 (en dépit des craintes du gouvernement) il règne dans un contexte que certains n’hésitent pas à considérer comme apocalyptique avec une famine biblique doublée d’une guerre civile entre royalistes et communistes, guerre civile débutée en 1955 et qui se termine en 1958 par la victoire des royalistes à la différence de la Yougoslavie.
Quand il meurt en 1964 il à permis la reconstitution du pays mais les incertitudes politiques rendent l’avenir du pays pas aussi serein qu’espéré. En 1973 un coup d’état militaire renversera la monarchie et établira définitivement la république même si à l’époque on ne le sait pas encore.