Italie (30) Contre-Torpilleurs (1)

CONTRE-TORPILLEURS

Avant-Propos

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle est apparue la torpille automobile, une invention d’un officier austro-hongrois Giovanni Lupis, invention perfectionnée par l’anglais Robert Whitehead.

Cette arme puissante pouvait frapper sous la ligne de flottaison et permettait en théorie à un navire léger de détruire un navire bien plus puissant, en somme une version maritime de la parabole de David et de Goliath.

Qui dit arme dit navire. La torpille automobile entraîne la création du Torpedo Boat (BT), du torpilleur, du torpidiniere, un navire à l’origine léger avec des canons à tir rapide et deux tubes lance-torpilles.

A l’époque où la marine britannique est d’une puissance colossale et redoutable le torpilleur est vu en France comme en Russie comme un moyen de contester le Britannia rules the wave. Au grand dam des marins de sa majesté, Paris et Saint Petersbourg multiplient les constructions de torpilleurs, une flotte combinée de plusieurs centaines d’unités qui relance les invasion scares (la peur des invasion).

Il faut une parade et après plusieurs tentatives la meilleure riposte est un torpilleur plus gros, plus rapide appelé dans la langue de Shakespeare, Torpedo Boat Destroyer (TBD) vite réduit en destroyer. Et dans la langue de Dante c’est très simple destroyer se dit cacciatorpedinieri ou contre-torpilleur.

Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises les marines italiennes et françaises entrent en compétition après le traité de Washington signé en février 1922. Comme la construction des cuirassés est impossible, les deux marines construisent croiseurs, contre-torpilleurs et torpilleurs.

A la différence de la France, l’Italie dispose après guerre de contre-torpilleurs de bonne facture construit durant le premier conflit mondial ce qui ne l’empêche pas de récupérer des destroyers anciennement austro-hongrois et de les utiliser dans l’immédiat après guerre.

En septembre 1939, la marine italienne dispose de deux destroyers anciens et de cinquante-sept destroyers modernes soit une flotte comparable à celle de la marine française même si une partie des DCT (Divisions de Contre-Torpilleurs) est déployée dans l’Atlantique loin de la Méditerranée.

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Le Scipione Africano de classe Capitani Romani

Face à la montée en puissance des contre-torpilleurs français qui passent de cinq à huit canons médians, la marine italienne choisit non pas de surenchérir mais de contrer les «French superdestroyer» par de véritables croiseur-éclaireurs, la classe Capitani Romani.

Elle n’abandonne pas pour autant la construction de destroyers, de cacciatorpidiniere mais ces navires sont plus proches des nouveaux torpilleurs français de classe Le Hardi (qui disposent de six canons de 130mm) que des Mogador, des Bayard ou des Bruix.

Dans la période qui sépare la guerre de Pologne du second conflit mondial, la fameuse Pax Armada, la flotte de cacciatorpidiniere de la Regia Marina évolue avec le désarmement des unités les plus anciennes mises en service à la fin du second conflit mondial et juste après la Der des Der.

Toutes les unités désarmées ne sont pas démolies, certaines étant conservés sous cocon avant d’être réarmés parfois comme auxiliaires mais surtout comme patrouilleurs et comme escorteurs même si ils étaient pas forcément très adaptés.

Ce sont pas moins de trente-six destroyers qui sont désarmés au cours des années quarante. Si certains sont démolis d’autres sont conservés en réserve pour être réarmés si besoin est ce qui sera le cas durant le conflit pour servir de patrouilleurs et d’escorteurs en compagnie de navires construits dès l’origine pour cette mission.

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Le Nicolino Zeno un des quatre Navigatori encore en service en septembre 1948

Si seulement quatre unités de classe Navigatori sont encore en service, les Freccia (quatre navires 1931/32), Folgore (quatre unités 1932), Maestrale (quatre navires 1934), Oriani (quatre navires 1937), Soldati (douze navires 1937/1939) sont tous encore service.

Au cours de la période de la Pax Armada, sept Soldati supplémentaires sont mis en service bientôt suivis par douze unités d’une nouvelle classe Palestro, ces navires reprenant les noms des destroyers désarmés, les unités réarmées au cours du conflit étant rebaptisées ou simplement numérotées ce qui fera grincer bien des dents.

Le conflit engagé, la Regia Marina lance le projet de classe Commandante Medaglie di Oro, des navires baptisés de récipiendaires de la médaille d’or de la marine italienne.

Vingt unités sont commandées mais seulement six seront achevées et mises en service, quatre autres seront abandonnées sur cale, la construction de dix autres n’ayant jamais dépassé le stade de la commande de matériel ou du découpage des premières tôles.

Contre-torpileurs classe Navigatori

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L’Alvise Da Mosto

Avant-propos

A l’origine des contre-torpilleurs de classe Navigatori figure la volonté des italiens de s’équiper d’éclaireurs légers (esploratori leggeri). Ces navires étaient destinés à contrer les premiers contre-torpilleurs français de l’après guerre, les six navires de classe Jaguar armés de cinq canons de 130mm.

A l’origine il était prévu vingt-quatre navires mais au final seulement douze seront financés au titre du programme naval de 1926/27. Comme leur nom l’indique ces douze navires portent des noms de grands marins, de grands explorateurs italiens.

Sur le plan esthétique ce sont des navires élégants avec un long gaillard avant, un bloc-passerelle réduit contre lequel se trouvait la cheminée avant, la cheminée arrière dessinant un large espace où se trouvait une plate-forme triple lance-torpilles et un affût double de 120mm.

L’artillerie est en effet installée de manière assez inhabituelle avec un affût double avant, un affût central contre la cheminée arrière et un affût à l’arrière sur un rouf et non à plat pont.

L’armement en tubes lance-torpilles est composé de quatre ou six tubes (deux affûts doubles ou deux affûts triples). On trouve également une DCA légère et une capacité de mouillage de mines assez importante (104 mines maximum).

Ces navires connaissent rapidement des problèmes d’instabilité et de surcharge dans les hauts imposants une véritable reconstruction en s’inspirant de ce qui à été fait pour les deux dernières unités.

Carrière opérationnelle

Les dates clés

-L’Alvise da Mosto est mis sur cale aux Cantieri Reuniti del Quarnaro (CNQ) de Fiume le 22 août 1928 lancé le 1er juillet 1929 et mis en service le 15 mars 1931

-L’Antonio Da Noli est mis sur cale aux Cantieri del Tirreno (CdT) de Riva Trigoso le 25 juillet 1927 lancé le 21 mai 1929 et mis en service le 15 mars 1931

-Le Nicoloso Da Recco est mis sur cale aux Cantieri Naval Reuniti (CNR) d’Ancone le 14 décembre 1927 lancé le 5 janvier 1930 et mis en service le 20 mai 1930

-Le Giovanni da Verazzano est mis sur cale aux chantiers navals CNQ de Fiume le 17 août 1927 lancé le 15 décembre 1928 et mis en service le 25 septembre 1930

-Le Lanzoretto Malocello est mis sur cale aux chantiers navals Ansaldo de Gênes le 30 août 1927 lancé le 14 mars 1929 et mis en service le 18 janvier 1930

-Le Leone Pancaldo est mis sur cale aux chantiers navals CdT de Riva Trigoso le 7 juillet 1927 lancé le 5 février 1929 et mis en service le 30 novembre 1929

-Le Emanuele Pessamo est mis sur cale aux chantiers navals CNR d’Ancone le 9 octobre 1927 lancé le 12 août 1929 et mis en service le 10 mars 1930

-Le Antonio Pigafetta est mis sur cale aux chantiers navals CNQ de Fiume le 29 décembre 1928 lancé le 10 novembre 1929 et mis en service le 1er mai 1931

-Le Luca Tarigo est mis sur cale aux chantiers navals Ansaldo de Gênes le 30 août 1927 lancé le 9 décembre 1928 et mis en service le 16 novembre 1929

-L’Antoniotto Usodimare est mis sur cale aux chantiers navals Odero de Gênes le 1er juin 1927 lancé le 12 mai 1929 et mis en service le 21 novembre 1929

-L’Ugolino Vivaldi est mis sur cale aux chantiers navals Odero de Gênes le 16 mai 1927 lancé le 9 janvier 1929 et mis en service le 6 mars 1930.

-Le Nicolino Zeno est mis sur cale aux chantiers navals CNQ de Fiume le 5 juin 1927 lancé le 12 août 1928 et mis en service le 27 mai 1930.

La carrière des Navigatori

En septembre 1939, ces douze navires sont répartis en trois escadrilles de contre-torpilleurs (Squadriglia cacciatorpidiniere), les 14ème, 15ème et 16ème.

14a Squadriglia cacciatorpidiniere : Antonio Da Noli, Leone Pancaldo, Ugolino Vivaldi

15a Squadriglia cacciatorpidiniere : Alvise da Mosto Giovanni da Verazzano Lanzoretto Malocello, Antonio Pigafetta, Nicolo Zeno

16a Squadriglia cacciatorpidiniere : Nicoloso da Recco, Emanuele Pessagno, Luca Tarigo,Antoniotto Usodimare

Ces trois escadrilles sont intégrées à des divisions, les deux premières sont intégrées à la 9ème division de cuirassés (Littorio Vittorio Veneto) alors que la troisième est intégrée de manière plus inhabituelle à la 8ème division de croiseurs légers (Luigi di Savoia Degli di Abruzzi et Giuseppe Garibaldi).

Quand le second conflit mondial éclate en septembre 1948, il ne reste plus que quatre Navigatori en service au sein de la 15ème escadrille de contre-torpileurs en l’occurence les Alvise da Mosto, Giovanni da Verrazano Antoniotto Pigafetta et Nicolino Zeno.

Les huit autres ont été désarmés entre 1944 et 1947. L’Antonio Da Noli et le Nicoloso Da Recco en mars 1944, le Lanzoretto Malocello et le Leone Pancaldo en septembre 1945, l’Emanuele Pessamo et le Luca Tarigo sont désarmés en mai 1946, les Antoniotto Usodimare et Ugolino Vivaldi en juin 1947.

Stockés à La Spezia, quatre navires sont réarmés pour servir d’escorteurs. Il s’agit de l’Antonio Da Noli, le Lanzoretto Malocello, l’Emanuele Pessamo et le Luca Tarigo qui voient leur armement modifié avec deux affûts doubles de 120mm (avant et arrière), une DCA légère importante (huit canons de 37mm et douze canons de 20mm), des grenades ASM et seulement une plate-forme double lance-torpilles.

Huit Navigatori vont donc participer au second conflit mondial et sur ces huit navires, sept vont être coulés, deux par l’aviation (Nicolino Zeno Antonio Da Noli), deux par sous-marins (Alvise Da Mosto Lanzoretto Malocello), deux lors d’un affrontement contre des navires de surface (Giovanni da Verazzano Emanuele Pessamo) et un par mine (Antonio Pigafetta).

Le seul survivant baptisé Luca Tarigo est capturé à Naples par les britanniques. Il est privé de son armement, mouillé à l’écart du port et démoli en 1956.

Les Navigatori qui n’ont pas été réarmés (Nicoloso Da Recco Leone Pancaldo Antonio Usodimare Ugolino Vivaldi) ont été dispersés dans les différents ports pour servir de leurres et jouent à merveille ce rôle puisqu’ils sont tous coulés.

Caractéristiques Techniques

Déplacement : standard 2125 tonnes pleine charge 2888 tonnes

Dimensions : longueur hors tout 110m (107.2m pour le Vivaldi), largeur 11.15m tirant d’eau 4.50m

Propulsion : deux groupes de turbines à engrenages alimentées en vapeur par quatre chaudières développant 55000ch et entraînant deux hélices

Performances : vitesse maximale 28 nœuds (32/33 nœuds pour le Nicoloso Da Recco et le Antoniotto Usodimare) distance franchissable : 5000 miles nautiques à 18 nœuds 1200 miles nautiques à 28 nœuds

Armement : six canons de 120mm en trois tourelles doubles, deux canons de 37mm, sept à neuf canons de 20mm _le tout en affûts simples_ quatre ou six tubes lance-torpilles de 533mm en deux plate-formes doubles ou triples, 104 mines.

Les Navigatori encore en service comme contre-torpileurs ont un armement composé de six canons de 120mm en trois tourelles doubles, six canons de 37mm en trois affûts doubles, huit canons de 20mm en affûts simples, deux plate-formes doubles lance-torpilles de 533mm et parfois des grenades ASM.

Contre-torpileurs classe Freccia et Folgore

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Le Freccia

Avant-propos

Au moment où les unités de classe Turbine sont mises en service et alors que les Navigatori sont en construction, la Regia Marina commence à planifier la construction d’une nouvelle classe de navires, huit unités qui sont soit considérés comme une classe unique (classe Freccia) ou alors comme formant deux classes différentes, la classe Freccia (Dardo Freccia Saetta Strale) et la classe Folgore (Baleno Folgore Fulmine Lampo).

Ces navires sont dérivés des Turbine mais sont plus longs (+2m), déplaçant plus de 2000 tonnes à pleine charge avec pour armement principal quatre canons de 120mm en deux affûts doubles, deux affûts identiques aux Navigatori. L’armement en torpilles est composé de deux plate-formes triples.

Cette classe adopte la cheminée unique, une cheminée massive derrière le bloc-passerelle ce qui libère les champs de tir pour l’artillerie, un détail capital pour la Défense Aérienne à la Mer (DAM).

A noter que ce modèle est exporté en Grèce, quatre navires étant livrés à la marine grecque mais aux affûts doubles, les héllènes préférant quatre affûts simples en raison de problèmes récurrents pour les affûts doubles italiens.

Ces navires mis en service en 1931 (Freccia) et en 1932 (Dardo Saetta Strale Baleno Folgore Fulmine Lampo) se montrent très rapides aux essais mais instables avec un certain nombre de faiblesses structurelles ce qui impose des mesures pour rendre ces navires militairement utilisables.

Carrière opérationnelle

Les dates clés

-Le Dardo est mis sur cale aux chantiers navals Odero-Terni-Orlando (OTO) de La Spezia le 23 janvier 1929 lancé le 6 septembre 1930 et mis en service le 26 janvier 1932.

-Le Freccia est mis sur cale aux chantiers navals Cantieri de Tireno (CdT) de Riva Trigoso le 29 février 1929 lancé le 3 août 1930 et mis en service le 2 octobre 1931.

-Le Saetta est mis sur cale aux chantiers navals CdT de Riva Trigoso le 27 mai 1929 lancé le 17 janvier 1932 et mis en service le 10 mai 1932.

-Le Strale est mis sur cale aux chantiers OTO de La Spezia le 20 février 1929 lancé le 26 mars 1931 et mis en service le 6 février 1932.

-Le Baleno est mis sur cale aux chantiers navals Cantieri Reuniti del Quarnaro (CNQ) de Fiume me 1er mai 1930 lancé le 27 mars 1931 et mis en service le 15 juin 1932

-Le Folgore est mis sur cale aux chantiers navals Officine e Contreri Partonepei (OCP) de Naples le 30 janvier 1930 lancé le 26 avril 1931 et mis en service le 1er juillet 1932.

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Le Fulmine

-Le Fulmine est mis sur cale aux chantiers navals CNQ de Fiume le 1er avril 1929 lancé le 2 août 1931 et mis en service le 4 septembre 1932

-Le Lampo est mis sur cale aux chantiers navals OCP le 30 janvier 1930 lancé le 26 juillet 1931 et mis en service le 13 août 1932.

Les Freccia/Folgore au combat

En septembre 1939, les huit Freccia/Folgore sont répartis en deux escadrilles de contre-torpileurs, les 7ème et 8ème escadrilles intégrées à la 5ème division de cuirassés (Conte di Cavour Giulio Cesare). Si la première regroupe les Dardo Freccia Saetta et Strale, la seconde regroupe les Baleno Folgore Fulmine Lampo.

Ils sont tous encore en service en septembre 1948 et vont donc participer aux opérations du second conflit mondial, essentiellement pour protéger les deux cuirassés de la 5ème division mais également pour des missions en solitaire.

Ils sont sur tous les fronts ce qui explique pourquoi aucun navire n’à survécu au combat. Trois sont victimes de l’aviation (Dardo Freccia Baleno), deux sont victimes de sous-marins (Saetta Folgore, le premier par un sous-marin britannique, le second par un sous-marin français) et trois lors d’affrontements avec les contre-torpileurs français ou les destroyers britanniques (Strale Fulmine Lampo).

Caractéristiques Techniques

NdA : données techniques concernant les Freccia, les données entre parenthèses concernent les Folgore

Déplacement : standard 1520 tonnes (1540t) pleine charge 2200 tonnes (2100 tonnes)

Dimensions : longueur 95.9m (96.2m) largeur 9.75m (9.3m) tirant d’eau 4.3m (4.5m)

Propulsion : deux groupes de turbines à engrenages alimentées en vapeur par trois chaudières développant 44000ch et entraînant deux hélices

Performances : vitesse maximale 30 nœuds en service courant (des pointes à 38/39 enregistrées aux essais) distance franchissable 4600 (3600) miles nautiques à 12 nœuds 680 (600) miles nautiques à 32 nœuds

Armement : quatre canons de 120mm en deux affûts doubles (un avant et un arrière), six à onze canons de 20mm en affûts simples, deux plate-formes triples lance-torpilles axiales. Au cours du conflit certains navires de cette classe ont perdu leur affût triple arrière au profit d’un affût double et deux affûts simples de 37mm.

Equipage : 165 hommes dont 16 officiers

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