Le Conflit (151) Europe Occidentale (116)

Entre Cologne et Sarrebourg se trouve le Groupe des Armées Françaises du Rhin (GAF-R) qui cependant occupe un front plus sinueux. Point de front en ligne droite mais un front biscornu suivant le court du Rhin puis celui de la Moselle avant d’arriver à Trèves puis de suivre le cours de la Sarre.

Le GAF-R comprend quatre armées en ligne (1ère Armée 3ème Armée 4ème Armée 6ème Armée) plus trois en réserve (2ème Armée 8ème Armée Armée Belge Libre). A cela s’ajoute les trois Corps de Cavalerie Blindée déployé pour le premier dans le secteur de la 1ère Armée, pour le second dans le secteur de la 4ème Armée et le dernier dans le secteur de la 6ème Armée.

Les 1ère et 3ème Armées occupent le front entre Cologne et Coblence, la 4ème Armée est déployée entre Coblence et Trèves et la 6ème Armée entre Trèves et Sarrebruck.

Les quatre armées françaises comprennent toutes trois corps d’armée d’infanterie ce qui nous donne le panorama simplifié suivant :

-1ère Armée : 1er CA (68ème, 4ème et 24ème DI), 18ème CA (9ème DIM 1ère DINA 5ème DIC) et 5ème CA (3ème DIM, 23ème DI et 7ème DINA). A cela s’ajoute la 21ème DI en réserve d’armée.

-3ème Armée : 23ème CA (56ème DI et 5ème DIM), 24ème CA (26ème DI 42ème DI) et 34ème CA (28ème DIAlp et 66ème DI) auxquelles il faut ajouter trois divisions en réserve d’armée à savoir les 2ème DI, 2ème DIC et 67ème DI.

-4ème Armée : 26ème CA (4ème DIC 22ème DI) 8ème CA (45ème DI et 2ème DINA) et 16ème CA (6ème DINA et 52ème DI) auxquelles il faut ajouter en réserve d’armée les 53ème DI, 2ème DLIT (Division Légère d’Infanterie Tchécoslovaque) et 8ème DINA.

-6ème Armée : 9ème CA (31ème DIAlp et 32ème DI), 12ème CA (35ème DI et 1ère DLIT) et 28ème CA (43ème et 54ème DI). A cela s’ajoute trois divisions en réserve d’armée : 13ème DI, 40ème DI et 27ème DIAlp.

En ce qui concerne les trois CCB, le 1er CCB comprend les 1ère, 3ème et 5ème DB, le 2ème CCB les 4ème, 6ème et 7ème DB alors que le 3ème CCB comprend les 2ème et 8ème DB.

Le reste du front occupé par les américains suit la frontière française ce qui fait que les allemands possèdent un saillant baptisé «Triangle de Fer» que les allemands ont surfortifié. Ce n’est pas une zone morte _les habitants sont toujours là_ mais clairement la guerre est bien plus présente qu’ailleurs par ses fortins, ses champs de mines, par ses forteresses, par ses obstacles divers et variés.

Depuis plus de cinquante ans les historiens se demandent pourquoi les allemands n’ont pas évacué cette zone. La réponse est simple : c’est un territoire allemand et pour le moral des troupes, la propagande, impossible, improbable, impensable d’abandonner ce territoire sans combattre.

A la différence des anglo-canadiens, les français vont franchir sur un site du côté de Bonn _future capitale de la Confédération du Rhin/Rhénanie l’un des états indépendants allemands_ mais vont ensuite basculer au nord et au sud, le premier axe pour tendre à terme la main aux troupes du 21ème Groupe d’Armées Britannique et le second pour couper le retrait des troupes bloquées dans le «triangle de fer».

Cette manœuvre est censée mais elle va être menée de manière telle que cela va faire pschitt, les allemands qui connaissent par cœur cette stratégie _on perce et on referme le plus loin possible pour piéger le plus de troupes_ ne vont pas tomber dans le panneau.

Plus prosaïquement, les français veulent constituer la plus grande tête de pont possible, la plus large, la plus profonde («idéalement elle doit aller de Coblence à Düsseldorf» dira le général Villeneuve) pour concentrer le plus de troupes possibles et faire de l’axe de progression français un incontournable de la stratégie alliée. Eh oui même entre français, britanniques et américains ont à nos arrière-pensées.

C’est la 1ère Armée qui lance les hostilités ce qui suscite parfois certaines jalousies au sein des autres armées. A cela s’ajoute l’orgueil qui étreint les hommes de «La 1ère» qui se considèrent comme les meilleurs soldats de l’armée française chose que conteste naturellement les soldats des autres armées.

Cette 1ère armée doit donc franchir le Rhin et non pas foncer plein est comme on pourrait s’y attendre et rabattre vers le nord pour tendre la main aux anglo-canadiens. Enfin dans un premier temps il s’agit d’élargir la tête de pont, d’en faire une zone inexpugnable et permettre d’y rassembler le maximum de troupes.

Dans un premier temps c’est le 18ème Corps d’Armée (18ème CA) qui est engagé pendant que les 1er et 5ème CA couvrent les ailes en fixant les allemands même si il est peu probable que les unités allemandes soient en mesure de franchir le Rhin pour combattre à front renversé.

Les trois divisions du 18ème CA sont ainsi engagées dès le premier jour de l’offensive française déclenchée le 18 mars 1953 soit 24h de décalage avec les anglo-canadiens.

Les allemands qui ont parfaitement lu dans le jeu français opposent une résistance acharnée, démentielle qui provoque parfois un certain découragement chez les unités françaises qui se demandent quand les allemands vont craquer.

Ce découragement ne dure pas, les français se savent supérieurs en nombre, en matériel et en puissance de feu. Ce n’était qu’une question de temps avant que le WestKampfer même le plus endurci ne craque.

Une fois le secteur tenu par le 18ème CA solidement aménagé et préparé, les 1er et 5ème CA vont franchir le Rhin en combattant, le 1er CA franchissant le Rhin le 19 et le 5ème CA le 20, toujours ce décalage dans l’espoir d’ébranler le dispositif allemand et aboutir enfin à la percée.

Les troupes de la 1ère Armée vont ensuite tenter de rejoindre les parachutistes de la 11ème DP larguée dès le 18 pour faciliter le franchissement mais aussi la future percée. Là encore les résultats sont décevants.

Si la tête de pont est solide et indestructible par les allemands, elle est moins étendue que celle espérée puisque n’allant que de Cologne à Coblence. De plus les troupes allemandes qui l’encerclent la maintiennent sous pression malgré l’action des parachutistes qui vont tenter d’étendre au maximum la tête de pont. Pour une folle chevauchée jusqu’à Berlin on repassera.

Si les divisions en réserve d’armée restent sur leurs positions de départ, le 1er CCB lui va franchir le fleuve le 24 mars 1953 pour préparer enfin l’exploitation.

Le 21 mars 1953, la 3ème Armée entame son franchissement du Rhin. Cette unité doit une fois dans la tête de pont percer vers le sud dans l’espoir de rejoindre les américains le plus à l’est possible et ainsi priver d’oxygène le «Triangle de Fer» solidement corseté par les 4ème et 6ème Armée Françaises ainsi que par la 7ème Armée américaine (entre Sarrebruck et le Rhin).

Le 23ème CA est le premier à franchir le Rhin, les deux divisions (56ème DI, 5ème DIM) passant le fleuve du 21 au 24 mars, le mauvais temps et quelques interventions de l’agonisante aviation allemande perturbant le passage des hommes, des armes et des véhicules.

Le 24ème CA fait à son tour mouvement entre le 25 et le 27 mars avant que le 34ème CA ne boucle la boucle si je puis dire entre le 28 et le 31 mars avec la 28ème DIAlp et la 66ème DI.

En revanche comme pour la 1ère Armée, les divisions de réserve de la 3ème Armée restent sur la rive gauche du Rhin se tenant prêtes à relever une division en difficulté.

Les résultats anglo-canadiens et français s’étant révélés décevants peut être que les américains vont faire mieux avec leur First United States Armies Group (FUSAG).

Ce Groupe d’Armées comprend deux armées, la 7ème orienté nord-nord est pour à la fois surveiller le triangle de fer et pouvoir passer en Allemagne en liaison avec une 3ème armée qui fixe la rive orientale du Rhin.

Pour rappel les deux armées américaines comprennent les principales unités suivantes :

-7ème Armée/7th US Army : 3ème Corps d’Armée (3rd US Army Corps) (1st Armoured Division 24th et 58th ID), 8ème Corps d’Armée (8th US Army Corps) (1st et 42nd ID) et 12ème Corps d’Armée (12th US Corps) (10th Armoured Division 38th et 52th ID)

-3ème Armée/3rd US Army : 1er Corps d’Armée (1st US Army Corps) (2nd et 6th Armoured Division) 2ème Corps d’Armée (2nd US Army Corps) (4th ID et 9th Armoured Division) 4th Corps d’Armée (4th US Army Corps) (14th Armoured Division et 5th ID) et 5ème Corps d’Armée (5th US Army Corps) (25th et 47th ID)

A cela s’ajoute la participation des deux divisions aéroportées américaines, les 82nd et 101st Airborne, les «All American» et «Screaming Eagle» qui sont largués à 50km en avant du Rhin pour faciliter la progression des troupes américaines et surtout occuper le plus de fridolins durant la phase ô combien délicate du franchissement.

Occupant la zone Sarrebruck-Bale, le 1er Groupe d’Armées Américaines choisit de franchir le Rhin à Offenburg au sud de Strasbourg avant d’orienter son effort dans deux situations diamétralement opposés à savoir vers le nord pour couper le Eisernes Dreieck («triangle de fer») de son hinterland et vers le sud pour empêcher la mise sur pied d’un «réduit bavarois» où les plus fantatiques pourraient résister des mois, des années à une puissance militaire bien supérieure.

Au grand dam des britanniques et surtout des français, la manœuvre américaine s’en sort le mieux des trois axes de progression peut être en raison d’une meilleure coordination entre les troupes au sol et les troupes aéroportées.

Au nord alors que le 3rd US Corps surveille comme le lait sur le feu le triangle de fer en menant bombardements d’artillerie et coups de main, le 8th US Corps lui est comme écartelé devant surveiller le Eisernes Dreieck tout en franchissant le Rhin ! Le 12th US Corps lui n’à pas de problèmes de conscience car il à pour seule et unique mission le franchissement du Rhin.

Les deux corps d’armée américains rencontrent une résistance allemande opiniâtre notamment de la part de la 8.Armee qui dispose encore de deux corps d’armée d’infanterie et surtout d’un Panzerkorps considéré comme le meilleur de l’armée allemande hors front de l’est.

La 7ème Armée peine à rallier les parachutistes de la 82nd Airborne qui sont soumis à une violente contre-attaque de la part moins des troupes régulières que de milices locales qu’on appelle pas encore le Volksturm.

Là encore la propagande joue à plein, la PropagandaStaffel ayant répandu l’idée que tous les paras américaines étaient des repris de justice ayant eut le choix entre une lourde peine de prison et un engagement dans ces unités.

On verra certains paras capturés littéralement lynchés par la foule en colère (certains historiens émettent l’hypothèse qu’ils ont été pris pour des équipages de bombardiers abattus) ce qui entrainera de regrettables exactions contre des civils (viols, tortures, massacres).

Comme souvent à cette époque du conflit c’est le poids numérique et matériel des alliés qui va faire la différence ainsi que la qualité de leurs appuis (aviation et artillerie) ce qui permettra à certains officiers allemands de (très) mauvaise foi de dire que les alliés tant occidentaux que soviétiques ont gagné la guerre par le poids du nombre et nom par la qualité des combattants opposés aux Ost et WestKampfer.

Plus au sud la 3ème Armée américaine est plus à on aise. La résistance allemande est moins forte et surtout les positions de la 101st Airborne plus solides facilitant la progression générale et surtout gênant les mouvements allemands qui doivent se battre avec une menace constante sur leurs arrières, les parachutistes n’étant jamais aussi à l’aise qu’une fois encerclés et dans ce que Clausewitz appelle la «petite guerre» fait d’embuscades et de coups de main.

Pour éviter une thrombose logistique et opérationnelle, les différents corps d’armée ne sont pas engagés en même temps.

Si le 1st US Corps avec ses deux divisions blindées reste en retrait ce n’est pas le cas des 2nd 4th et 5th US Corps qui sont pour les deux premiers des corps mixtes (divisions blindées et divisions d’infanterie) alors que le dernier est «100% infanterie».

Le 2ème Corps d’Armée US est le premier à être engagé bousculant sérieusement les troupes du 15.AK qui soulé de coup ne représente très vite qu’une menace très secondaire. En revanche le 4ème Corps d’Armée à bien du mal à se défaire d’un 16.AK agressif, manœuvrier et accrocheur qui ne s’enferme pas dans une défense frontale, fixe et stérile.

Enfin le 5ème Corps d’Armée affronte le 3.AK et si il connait moins de difficultés que le second, il n’est pas aussi à l’aise que le premier.

Les franco-anglais ont beau jeu de rappeler que les allemands doivent privilégier la protection des ports de la mer du Nord (menacés par les anglo-canadiens) et la route de Berlin (menacée par les français) au détriment de la protection du flanc méridional, les faits sont tétus : les américains ont davantage progressés que leurs compères.

Théoriquement les américains devaient fixer les troupes allemandes les plus proches de la frontière suisse et axer leur effort vers le nord pour aider les français à neutraliser ce que le général Villeneuve appelle en petit comité le furoncle à savoir le Triangle de Fer.

Les américains vont décider de faire le contraire arguant que la menace du Triangle de Fer est exagérée par les européens et que face à un triangle de fer en plaine, un réduit alpin plein de tunnels, blockhaus et autres bases secrètes suréquipées (on verra la réalité plus tard) représente une menace autrement plus importante.

Officiellement le général Villeneuve affirme que c’est lui qui à demandé aux américains de changer leur axe de progression mais officieusement les colères du «Général Tornade» rapportées après guerre par son aide de camp et ses «visiteurs du soir» (des militaires, des civils qu’il recevait selon son bon plaisir) montrent que la situation est probablement différente.

L’opération ECLIPSE est considérée comme terminée le 2 avril 1953 cela ne signifie naturellement pas la fin des combats loin de là mais les alliés sont décidés à passer à autre chose et surtout à repenser une planification opérationnelle totalement bouleversée par le demi-échec ou la semi-réussite de l’opération ECLIPSE.

Côté allemand si pour beaucoup cette résistance est miraculeuse et ne va certainement pas bouleverser le cour de la guerre, certains plus déconnectés voit le début d’une contre-attaque aboutissant à un assaut décisif contre les pays «ploutoucrates».