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Enfin indépendante !

La Finlande dans la première guerre mondiale

Finlande 1920

La Finlande en 1920

Quand le premier conflit mondial éclate à l’été 1914, les russes craignent que les sujets finlandais de l’empire russe ne se révoltent et déstabilisent ce colosse aux pieds d’argile.

Ce scénario n’est pas si ahurissant que cela puisque durant la guerre russo-japonaise, un cargo chargé de fusils japonais s’était échoué sur la côté ce qui montre la volonté du Kagal de privilégier l’action directe et violente. Si le scénario d’une attaque suédoise relevait du domaine de la science fiction, en revanche la possibilité d’un bombardement allemand sur Helsinki était plus crédible.

La Finlande ne possédait pas d’armée et les finnois n’avaient qu’aucune obligation militaire. Cela n’empêcha pas des finlandais de s’engager comme volontaires dans l’armée russe notamment le futur commandant en chef de l’armée finlandais, Carl Gustaf Emil Mannerheim. Leur nombre fût assez réduit (entre 400 et 600) sans compter la présence de travailleurs et d’infirmières.

Mannerheim

 Carl Gustaf Emil Mannerheim

Zone sensible _la Finlande étant à proximité de Saint-Petersbourg_ elle resta solidement défendue par l’armée russe qui déploya jusqu’à 35000 soldats dans le grand-duché à la fois pour maintenir l’ordre mais aussi pour empêcher un possible débarquement allemand dans le grand-duché pour menacer la capitale russe.

Plutôt loyale à la Russie, la Finlande ne fût pas vraiment récompensée, Saint-Petersbourg continuant à mener une politique de russification et de répression des menées nationalistes.

En réponse, un groupe d’activistes finlandais signa un accord avec les allemands pour entraîner 2000 volontaires aux armes en Allemagne. C’est la naissance du Jäger Battalion (bataillon de chasseurs) qui allait combattre sur le front de l’est à partir de mai 1916 avant de jouer un rôle clé dans la guerre civile finlandaise opposant Blancs et Rouges.

En 1917 deux forces paramilitaires furent mises sur pied, les gardes rouges à gauche de l’échiquier politique et son pendant à droite, un corps de sécurité qui allait intégrer les gardes blancs et participer à la guerre civile finlandaise.

Sur le plan économique, la Finlande fût durablement impactée notamment son industrie du bois qui se vit fermer les marchés d’export traditionnels à savoir l’Occident. En revanche l’industrie métallurgique bénéficia des commandes russes ce qui entraîna un important développement avec une production multipliée par quatre en trois ans et un nombre d’employés multiplié par deux en l’espace de deux ans. L’agriculture connu également un boom en alimentant la Russie en produits alimentaires.

La Finlande fût donc durablement impactée par la dégradation de la situation économique de la Russie avec des problèmes alimentaires et une inflation galopante. En 1917 la fin des commandes massives de la Russie entraîna une véritable crise économique qui allait contribué à la déclaration d’indépendance.

Le 6 décembre 1917, la Finlande proclame son indépendance (Suomen Itsenäisyysjulistus) à la suite d’un long processus.

Cela à commencé dès le 15 mars 1917 (2 mars si on suit le calendrier julien) quand Nicolas II tsar de Russie et grand-duc de Finlande à abdiqué. Cela coupe le lien juridique unissant la Russie à la Finlande puisque le grand-duché était lié à l’empire de Russie via le tsar et non via un texte constitutionnel.

Rien n’aurait pu sur le papier empêcher les finlandais de proclamer leur indépendance et nul doute que le gouvernement provisoire issu de la Révolution dite de Février n’aurait rien fait pour les y empêcher.

Helsinki préfère négocier avec le gouvernement provisoire aboutissant à un accord en apparence favorable aux finlandais. Non seulement le parlement finlandais récupère tous les pouvoirs sauf la défense et les affaires étrangères mais en plus il à été signé au moment où le gouvernement de Kerensky était aux mains d’une nouvelle révolte d’obédience communiste.

Malheureusement pour les finlandais la révolte communiste est écrasée et le gouvernement provisoire quoi qu’affaiblit est toujours là, gouvernement qui s’empresse de dénoncer cet accord.

Ce n’était que partie remise puisqu’en novembre 1917 une nouvelle révolution dite d’octobre car la Russie est encore dans le calendrier julien balaye le gouvernement provisoire au profit d’un pouvoir d’obédience communiste.

La Finlande décide d’élire un conseil de régence de trois membres en considérant que le «trône de Finlande» était vacant. C’était une utilisation astucieuse de la constitution de 1772 qui prévoyait un conseil de régence en cas de vacance du trône ou d’extinction de la maison régnante. En réalité cette élection n’aura jamais lieu en raison d’une féroce opposition des socialistes finlandais.

Le 15 novembre 1917 (2 novembre 1917 calendrier julien), les bolcheviks appellent à l’autodétermination de tous les peuples de Russie. Le parlement finlandais les prennent aux mots en se considérant comme dépositaire de tous les pouvoirs, une sorte d’indépendance de facto en attendant une forme plus légale et légaliste.

Le 6 décembre 1917 le parlement finlandais proclame officiellement l’indépendance du pays à la même époque que les états baltes. Le gouvernement bolchevik reconnaît cette indépendance le 31 décembre 1917 (18 décembre en calendrier julien) et l’organe exécutif suprême confirme cette décision le 4 janvier 1918.

Cette indépendance est reconnue le même jour par la France et l’Allemagne. L’Autriche-Hongrie reconnaît l’indépendance du pays le 13 mai 1918 mais la Grande-Bretagne attendra le 6 mai 1919, les Etats-Unis le 7 et l’Italie le 27 juin 1919.

Le plus dur est-il fait ? Que nenni puisque le pays va connaître une abominable guerre civile dont la violence pourrait surprendre un béotien qui voit dans les pays scandinaves des havres de paix, de tranquillité et de sérénité.

La guerre civile finlandaise

Guerre civile finlandaise

En effet du 27 janvier au 15 mai 1918 le pays est secoué par un terrible conflit intérieur. Tout le monde sait que la guerre civile est la pire forme de conflit de l’humanité. Les niveaux de haine et de violence sont rarement égalés par d’autres conflits car là tous les sentiments, toutes les passions humaines resurgissent. On se bat entre voisins, entre membres d’une même famille avec toutes les conséquences que l’ont peut facilement imaginer.

Deux camps irréconciliables vont s’affronter. A ma droite on trouve les Blancs soutenus par l’Allemagne wilhelhmienne, des volontaires suédois, estoniens et polonais et à ma gauche on trouve les Rouges soutenus par les soviétiques et notamment de nombreux soldats de l’ancienne armée tsariste.

Les effectifs sont équivalents avec côté blanc 80 à 90000 hommes soutenus par 1450 Jägers (des finlandais entrainés au combat en Allemagne et possédant l’expérience de la guerre ce qui est un plus indéniable), 14000 soldats allemands, 1000 volontaires suédois, des volontaires estoniens et 1737 volontaires polonais.

De l’autre côté on trouve 80 à 90000 gardes rouges soutenus par 7 à 10000 anciens soldats de l’armée tsariste (nul doute que l’on à soigneusement sélectionné les hommes envoyés sur ce front).

Le bilan humain va être particulièrement sanglant avec côté blanc 3500 morts au combat, 1650 exécutés, quarante-six disparus et quatre prisonniers morts en détention auxquels il faut ajouter cinquante-cinq volontaires suédois tués au combat, les troupes allemandes perdant 450 à 500 hommes au combat. Les estoniens et les polonais ont sûrement eu des pertes mais je n’en ai pas trouvé trace.

Dans le camp d’en face les pertes sont bien plus lourdes avec 5700 rouges et 800 à 900 russes tués auxquels il faut ajouter 11600 exécutions (10000 rouges et 1600 russes), 1150 disparus, 12500 prisonniers décédés et 700 morts suspectes.

A cela s’ajoute les pertes civiles estimées à 36000 sans compter qu’on comptabilisa 15000 orphelins. A la Valkoinen terrori (terreur blanche) s’opposa la Punainen Terrori (terreur rouge), les deux camps cherchant à soumettre le camp d’en face en semant la terreur parmi la population partisane et en la privant de leaders.

Vous l’avez compris avant même que je rentre dans les détails, les Blancs l’ont emporté face aux Rouges. Cela à fait de la Finlande une sorte de protectorat allemand et sans la défaite de novembre 1918, le pays aux 1000 lacs serait devenu un royaume avec à sa tête un prince allemand. A cela s’ajoute de profondes divisions au sein de la société et une méfiance atavique vis à vis de la Russie.

Quelques affrontements mineurs ont lieu du 9 au 21 janvier notamment pour s’emparer d’armes et de contrôler la ville de Vyborg. Le 12 janvier un ancien général de l’armée russe, Carl Gustaf Emil Mannerheim est nommé à la tête de la Garde Civile plus connue sous le nom de Garde Blanche.

Du 21 au 28 janvier les gardes blancs désarment les garnisons russes présentes dans le pays et s’emparent de nombreuses armes.

En face les gardes rouges d’Ali Aaltonen sont bien décidés à ne pas se laisser faire. Depuis son QG d’Helsinki il ordonne une grève générale le 26 janvier 1918 pour paralyser les mouvements blancs.

Cette guerre civile est également une guerre idéologique et sociale. Si les rouges recrutent essentiellement dans le prolétariat urbain et les ouvriers agricoles, les blancs recrutent surtout dans les classes possédantes, les professions libérales et les petits propriétaires terriens guère emballés par les théories bolcheviques.

La première bataille majeure à lieu le 27 janvier 1918 c’est la bataille de Kämära dans l’isthme de Carélie. Les Blancs attaquent la garde de la ville pour s’emparer d’un train d’armes et de munitions à destination des gardes rouges. Le train déraille mais les blancs arrivés à court de munitions sont obligés de se rendre. C’est donc une victoire incontestable des rouges. Sur les 500 gardes blancs dix-huit sont tués et sur un nombre équivalent de gardes rouges, trente sont tués.

En février 1918, les blancs s’interrogent sur la suite à donner à leurs opérations. Deux cibles sont étudiées : Tampere, une ville industrielle du sud-ouest du pays et Vyborg, la principale ville de Carélie.

C’est la première cible qui est choisie, Vyborg étant rejetée par Mannerheim qui pense son armée trop inexpérimentée et craint une contre-attaque ennemie contre ses lignes de communication.

L’assaut est lancé le 16 mars 1918 à Längelmaki à 65km au nord-est de Tampere contre le flanc droit des Rouges. Au même moment les blancs attaquent au nord-ouest sur une ligne Vijpula-Kuru-Kyröskoski-Suodemiemi pour obliger le camp adverse à diviser ses forces.

Les rouges sont surpris par cette offensive qui ressemble plus à une guerre conventionnelle qu’à une guerre civile. Certaines unités plus habituées à la guérilla et aux coups de main qu’à la bataille rangée se débandent alors que d’autres se font littéralement tuées sur place.

Les Gardes Blancs assiègent la ville de Tampere, coupant les lignes de communication des rouges en direction de Lempöäla le 24 mars et vers l’ouest à Siuro, Nokia et Lylö le lendemain.

Bataille de Tampere

Carte de la bataille de Tampere

La bataille de Tampere proprement dite commence le 28 mars, opposant 16000 blancs à 14000 rouges. Les combats sont très violentes, les rouges se rendant le 6 avril 1918. La partie orientale de la ville construite en grande partie en bois est ravagée. 700 à 900 blancs sont tués dont 50 Jäger ces finlandais entrainés en Allemagne et ayant connu la guerre sur le front de l’est. Mannerheim n’aurait pas voulu engager ses meilleures troupes mais la dureté des combats l’y à poussé. Dans le camp d’en face 1000 à 1500 rouges ont été tués auxquels il faut ajouter 71 civils tués. 11 à 12000 rouges sont faits prisonniers.

Bataille d'Helsinki

Bataille d’Helsinki

Le 11 avril 1918 débute la bataille d’Helsinki après l’échec de pourparlers de paix entre les allemands et les rouges.

Les allemands attaquent avec la division de la mer Baltique soit 2 à 3000 hommes par le nord-ouest pendant qu’au sud la marine allemande bloque le port, bombarde quais et hangars avant de mettre à terre des fusiliers marins pour s’emparer du port. La percée est rapidement acquise et l’exploitation lancée dans la foulée.

La capitale finlandaise représentait un gros morceau avec 7000 gardes rouges mais il ne s’agissait pas des meilleurs troupes. Le 12 avril au soir la majeure partie de la ville est aux mains des allemands. A noter que ces derniers bénéficient de l’aide de Blancs restés cachés dans la ville pendant qu’elle était aux mains des communistes.

Helsinki tombe aux mains des allemands et des blancs le lendemain. Soixante allemands, vingt-trois blancs et une trentaine de rouges ont été tués. 7000 rouges sont faits prisonniers et pour célébrer cette victoire l’armée allemande défile dans les rues de la capitale finlandaise le lendemain 14 avril 1918 à une époque où rappelons-le la première guerre mondiale n’à pas encore décidé de son vainqueur même si le temps joue pour les alliés et contre les allemands.

Cinq jours plus tard commence la Bataille de Lathi (soit le 19 avril 1918). Si cette bataille n’est ni la plus importante numériquement parlant ni la plus violente elle probablement l’une des plus décisives puisqu’elle coupe le dispositif des Rouges en deux. La bataille dure jusqu’au 1er mai, 80 allemands sont tués tandis que de leur côté les rouges déplorent la perte de 3600 hommes (600 morts et 3000 prisonniers).

C’est ensuite la Bataille de Vyborg qui va opposer 18500 blancs à 15000 rouges. Averti par les combats de Tampere, le général Mannerheim veut battre les rouges dans les faubourgs et éviter de très incertains et très meurtriers combats urbains. Du 20 au 26 avril, les combats ont lieu dans les faubourgs, les Blancs parvenant à couper les Rouges de leur base arrière russe. La ville est attaquée le 27 et deux jours plus tard elle est prise. 400 blancs ont été tués contre 500 à 600 rouges, 12 à 15000 rouges sont également faits prisonniers.

Le 25 avril 1918, l’organe dirigeant des Rouges appelée Délégation Populaire s’enfuit à Petrograd pour échapper aux Blancs. De nombreux rouges tentent de faire pareil au point qu’on à pu parler de «caravane des larmes».

La dernière bataille significative de la guerre civile finlandaise à lieu à Ahvenkoski entre le 10 avril et le 5 mai 1918. La dernière position aux mains des rouges à savoir le fort d’Ino tombe le 15 mai 1918 ce qui explique que traditionnellement au fixe à cette date la fin de la guerre civile finlandaise. Le lendemain un grand défilé de la victoire à lieu à Helsinki.

République ou monarchie telle est la question

Le 4 mai 1918 le Sénat _chambre haute finlandaise qui servait également de cour suprême de justice_ rentre à Helsinki, ville sous contrôle allemand. La Finlande est en effet un véritable protectorat allemand.

La situation économique est désastreuse (il faudra attendre 1925 pour que la Finlande retrouve les chiffres d’avant guerre) et la famine menace au point qu’une aide alimentaire sera solicitée et fournie par le Comitee for Relief in Belgium dirigée par le futur président américain Herbert Hoover pour éviter un désastre humanitaire.

Reste également à trancher l’avenir politique et institutionnel du pays. Avant la guerre civile il y avait une volonté d’établir une république mais la guerre civile et le facteur allemand ont rabattu les cartes.

Un Sénat monarchiste et conservateur est formé en mai 1918. Ce dernier demande le maintien des troupes allemandes sur place ce qui entraîne le 25 mai 1918 la démission du général Mannerheim qui ne supportait ni la mainmise allemande ni le refus des allemands d’appuyer une offensive vers Petrograd _la paix ayant été signée entre l’Allemagne et la Russie_ , Berlin ne voulant surtout pas d’une reprise de la guerre à l’est alors que l’Allemagne à concentré toutes ses forces à l’ouest.

Friedrich Karl Prinz von Hesse-Kassel , Head of the House of Hesse, King of Finland (b.1868-d.1940)

Friedrich Karl Prinz von Hesse-Kassel , chef de la maison de Hesse,  roi de Finlande (1868-1940)

Le 9 octobre 1918 le Sénat et l’Eskutuna élisent comme roi de Finlande Friedrich Karl de Hesse, général de l’armée impériale et accessoirement beau-frère de Guillaume II puisqu’il à épousé sa sœur Margareth de Prusse. A noter qu’initialement Guillaume II aurait voulu confier cette couronne à son fils cadet Oscar mais les autres princes allemands s’y sont opposés.

A l’instar de bien d’autres il ne sera qu’un roi éphémère puisqu’il renonce à la couronne le 14 décembre 1918 sans avoir mis les pieds dans le pays, renonciation consécutive à la défaite allemande de novembre. Certes les alliés n’avaient pas encore pris leur décision mais il ne faisait guère de doutes.

Si l’Allemagne avait gagné la guerre, la constitution finlandaise aurait été largement inspirée de la constitution prussienne à savoir une constitution plutôt autoritaire où les pouvoirs du roi et du gouvernement sont aussi étendus que ceux du parlement limités.

L’armée finlandaise aurait également été une copie de l’armée allemande. En fait pour faire simple le royaume de Finlande de Charles 1er aurait été un état-client de l’Allemagne sans réelle autonomie. Même le commerce extérieur aurait été géré par l’Allemagne.

Des élections locales sont organisés du 17 au 28 décembre 1918 suivies d’élections législatives le 3 mars 1919. Cela va aboutir le 17 juillet 1919 à l’Acte Constitutionnel ou Suomen Hallitusmuoto, la constitution du 17 juillet 1919 qui allait être en vigueur dans ces grandes lignes jusqu’en 2000 !

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