Le Grand-Duché de Finlande

La Finlande en 1812. En gris la frontière actuelle
De 1809 à 1917 la Finlande appartient donc à la Russie des Romanov. C’est une entité autonome qui est unie à la Russie non pas par des liens politiques mais par des liens personnels.
Les tsars de Russie qui se succèdent jusqu’en 1917 (Alexandre 1er, Nicolas 1er, Alexandre II, Alexandre III et Nicolas II) sont ainsi grand-duc en Finlande où continue de s’appliquer la constitution suédoise de 1772.
Sur le plan administratif, le grand-duché était divisé en huit gouvernements, le gouvernement d’Abo et de Björneborg (chef lieu Abo _aujourd’hui Turku_), le gouvernement de Vasa (Vasa aujourd’hui Vaasa), le gouvernement de Vyborg (chef lieu Vybord en finlandais Viipuri aujourd’hui en Russie), le gouvernement de Kuopio (chef lieu Kuopio), le gouvernement de Helsingfors (auj. Helsinki), le gouvernement de Sankt Michel (Sankt Michel Mikkeli), le gouvernement de Tavastehus (chef lieu Tavastehus aujourd’hui Hämeenlinna) et le gouvernement d’Uleaborg (chef lieu Uleaborg Oulu).
Bien que non indépendante la Finlande bénéficie d’un statut particulièrement avantageux si on le compare au reste de l’empire. C’est ainsi que le grand-duché possède une constitution et une diète à quatre états à une époque où le tsar de Russie est un autocrate aux pouvoirs illimités et absolus.
En 1906 la Diète est remplacée par l’Eduskunta qui est elle élue au suffrage universel masculin et féminin ! Bien que non indépendante, la Finlande est le deuxième pays à accorder le droit de vote aux femmes juste après la Nouvelle-Zélande qui n’est d’ailleurs à l’époque pas un dominion mais une colonie britannique.
Son administration et son système éducatif sont distinct du système russe, le grand-duché peut battre monnaie depuis 1864 et les finlandais sont dispensés de faire leur service dans l’armée russe.
Les langues utilisées sont cependant le suédois et l’allemand, le finnois étant la langue du peuple et de la paysannerie donc guère prisée des élites.
Néanmoins après 1850 un formidable mouvement culturel à lieu. On multiplie les œuvres et les dictionnaires en finnois pour en faire la langue nationale.
En 1835, un médecin de campagne finlandais Elias Lönnrot publie le Kalevala (pays des héros), un recueil de trente-deux chants inspirés des contes traditionnels de Carélie et du Kainuuu. Ce texte va devenir le fondement de la culture finlandaise, inspirant le peintre Akseli Gallen-Kallela et le compositeur Sibellius.
Es-ce à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Non bien sur, Saint-Petersbourg est vigilante à ce que l’autonomie ne dégénère pas en indépendance surtout pour un territoire situé non loin de la capitale impériale.
Néanmoins attention à ne pas faire de contre-sens. En effet à l’exception du très libéral Alexandre II, les autres tsars mènent en Finlande une vigoureuse politique de russification qui aurait pour conséquence de réveiller le sentiment national finlandais mais aussi de rendre extraordinairement méfiants les finlandais vis à vis des russes et ce quelque soit leur orientation politique et idéologique.
Cette résistance s’appuie sur un mouvement appelé Kagal. Il est fondé en réponse à la politique répressive du gouverneur général Nikolai Bobrikov bien décidé à mettre la Finlande au pas et à étouffer dans l’œuf tout velléité d’indépendance voir d’autonomie un peu trop prononcée.
Comme souvent ce mouvement commence d’abord par des opérations pacifiques notamment des pétitions envoyées au tsar. L’une d’elle rassemblant 500000 signatures alors que le pays comptait 2.6 millions d’habitants !
Le 15 février 1899, Nicolas II publie le manifeste de février. Ce texte est une tentative du tsar pour mettre fin au statut particulier de la Finlande, statut imposé par Alexandre 1er. Ce texte diminue les libertés traditionnelles du pays et rend les lois de l’Empire russe supérieures à celles du grand-duché.
L’usage de la langue russe est renforcé dans l’administration et dans le système scolaire. De plus la conscription qui à été imposée tardivement en Finlande est réformée. Jusqu’ici le conscrit finlandais servait au pays mais désormais il pouvait servir partout. Finalement le système est abandonné et les natifs de Finlande ne sont plus appelés à faire leur service militaire et l’armée finlandaise est abolie.
La promulgation du manifeste de février par le gouverneur-général Bobrikov (nommé en 1898) provoque de grandes manifestations d’hostilité et en réaction la restriction de la liberté de réunion et la censure de la presse par le gouverneur-général. Celui-ci finit par être assassiné le 16 juillet 1904 par Eugen Schauman.
La réaction du tsar n’est probablement pas celle espérée par les signataires. La pétition est rejetée, les signataires les plus influents perdent leurs emplois. Les objecteurs de conscience sont sommés de rallier l’armée pour effectuer leur service militaire mais des grèves provoquées par le Kagal empêche leur arrivée dans la caserne. Le tsar envoie un mandat d’arrêt pour mettre en prison les personnes concernées et donne les pleins pouvoirs à Bobrikov. A cela s’ajoute l’expulsion du pays des leaders du mouvement (1903).
Si la majorité du mouvement suit l’idée d’une résistance non-violente promue par les fondateurs, une minorité se lance dans la lutte armée. Bien que foncièrement de droite, ils n’hésitent pas à s’allier avec les socialistes russes dont certains ont basculé dans la lutte armée.
En 1905 la Russie est humiliée par sa défaite contre le Japon ce qui provoque des grèves et même une première tentative de révolution menée par le pope Gapone qui se révélera être un indicateur et un agent provocateur de l’Okhrana, la redoutable et redoutée police secrète tsariste. En Finlande, un véritable parlement élu au suffrage universel direct est mis en place en remplacement de la Diète.
Cette période ne va pas durer et 1908 à lieu un nouveau tour de vis, l’ouverture consécutive à la défaite contre le Japon et à la révolution de 1905 n’ayant pas duré.
L’autonomie du grand-duché est à nouveau limitée, le Sénat finlandais est peu à peu transformé en cour d’enregistrement des volontés russes. Saint-Petersbourg demande plus d’argent pour ne pas imposer la conscription aux finlandais et en 1910 une loi supprime une bonne partie de la législation finlandaise au profit des lois russes. En 1912 les offices et les emplois publics réservés jusqu’ici aux finlandais sont ouverts à tous les russes.
Ces mesures ne furent pas toutes appliquées en raison du début du premier conflit mondial. Elles sont suspendues mais ce n’est que partie remise puisque la presse finlandaise publie en novembre 1914 des documents secrets montrant que la volonté de russifier la Finlande était toujours bel et bien présente.