Dominions (22) Canada (22)

L’armée canadienne dans le premier conflit mondial

Quand le premier conflit mondial éclate, le Canada n’aligne que 3110 hommes au sein de la milice d’active permanente. Impossible de l’engager en Europe alors que le Canada s’est déclaré en état de guerre avec l’Allemagne dès le 5 août 1914.

Comme la conscription est une bombe politique (acceptable par les anglophones, repoussoir absolu pour les francophones), le gouvernement conservateur décide de faire confiance au volontariat. Comme dans tous les pays les premiers jours voient les volontaires se précipiter aux bureaux de recrutement.

Un premier contingent de 30000 hommes est envoyé dès le mois d’octobre en France après avoir été entraîné au camp de Valcartier à Québec.

Avec le seul volontariat, cinq divisions vont être mises sur pied mais devant les pertes, la conscription devra être mise sur pied en 1917, une mesure globalement acceptée au Canada anglophone mais particulièrement impopulaire au Québec d’autant que les officiers anglophones n’hésitaient pas à mépriser, houspiller leurs soldats francophones.

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Membres du corps expéditionnaire canadien dans la province d’Alberta en 1914

Ces volontaires forment le Canadian Expeditionnary Force (CFE) pendant que la Permanent Active Militia (PAM) devient la Permanente Force (PF), la NPAM conservant son nom.

Tout comme les autres dominions, le premier conflit mondial est un révélateur de l’identité nationale canadienne. Pas étonnant quand un pays perd 10% de ses mobilisés dans un conflit qui concernait davantage l’ancienne métropole coloniale que le Canada lui même.

Aux soldats s’ajoutent 3000 canadiennes qui servent comme infirmières. En ce qui concerne les minorités, il faudra attendre 1916 pour que les Noirs soient autorisés à s’engager, les amérindiens pouvant le faire dès 1915.

Le baptême du feu des troupes canadiennes à lieu lors de la bataille de Neuve-Chapelle où ils doivent couvrir l’avancée de la 1ère Armée britannique mais cette dernière peine à percer.

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Les soldats canadiens ne vont pas tarder à connaitre l’horreur des tranchées

Les troupes canadiennes comprennent très vite qu’un bombardement d’artillerie aussi massif et prolongé soit-il ne peut pas forcément venir à bout d’un réseau de tranchées et de barbelées. Les assauts frontaux vont être aussi coûteux qu’inefficaces mais avant l’apparition du char y-avait-il une réelle alternative ?

En avril 1915, la 1ère division canadienne est envoyée en renfort en Belgique sur le saillant d’Ypres et à son corps défendant va être témoin de la première utilisation avérée des gaz de combat.

Le 22 avril 1915 après la préparation d’artillerie, 160 tonnes de dichlore sont lâchées sur les lignes alliées, entraînant un mouvement de panique, péniblement contenu. Le 24 avril 1915 les canadiens sont clairement visés subissant des pertes épouvantablement lourdes avec 6000 hommes hors de combat dont 2000 morts. Les canucks par leur résistance acharnée vont acquérir une réputation de durs à cuir.

Le pire était cependant à venir avec les combats sur la Somme. Les alliés avaient prévu d’attaquer sur tous les fronts. L’attaque allemande sur Verdun lancée le 21 février 1916 bouscule les plans alliés et l’offensive britannique n’est lancée que le 1er juillet 1916.

Les français espèrent que cette attaque va soulager la pression allemande à Verdun mais lors du premier jour de l’offensive, 57550 hommes sont mis hors de combat.

Le régiment royal de Terre-Neuve (qui à l’époque n’appartenait pas à la confédération canadienne) fût anéanti dès les premières heures de l’offensive (801 soldats tués et blessés _respectivement 255 morts 386 blessés et 91 disparus_sur 865).

Du 3 septembre au 18 novembre 1916, le 22ème régiment d’infanterie (composé de canadiens francophones) intégré à la 4ème division canadienne est engagé, s’emparant du village de Courcellete qu’ils conservent en dépit de violentes contre-attaques allemandes. Quand s’achève la bataille de la Somme, 24029 soldats canadiens ont été tués et blessés.

En 1917 les français décident d’attaquer dans l’Aisne dans la région du Chemin des Dames. Pour attirer ailleurs les réserves allemandes, les britanniques doivent lancer une attaque de diversion dans la région d’Arras.

Vimy_Memorial

Monument de la crète de Vimy. Ce monument fût sévèrement endommagé pendant le second conflit mondial. Repris par les canadiens, les combats furent d’une violence rarement vue sur le front occidental, un prisonnier allemand racontant que les soldats canadiens étaient comme « possédés » lors des combats pour ce monument

Le Corps Canadien doit s’emparer d’une crête dont le nom est devenu dans la mythologie militaire canadienne l’égal de la Marne ou de Verdun pour nous : Vimy. L’attaque commence le 9 avril 1917 après une minutieuse préparation.

Au barrage massif et indistinct qui à vite montré ses limites les canadiens préfèrent un barrage roulant qui avance au rythme des troupes pour protéger leur progression. De plus chaque soldat apprend la composition de son secteur pour éviter les mauvaises surprises. Les quatre divisions s’emparent de la crête en fin de journée non sans pertes (3598 tués, 10602 blessés sur 30000 hommes engagés).

La même année un autre lieu fait son entrée dans la mythologie et la martyrologie canadienne, un village des Flandres belges appelé Passchendaele. Appelée officiellement troisième bataille d’Ypres, elle à lieu de juillet à novembre 1917.

C’est la conséquence de la bataille de Vimy. Le maréchal Haig souhaite couper les lignes de chemin de fer allemandes et détruire les bases sous-marines allemandes implantées sur la côte belge. Le 30 octobre, le Corps canadien relève le corps d’armée australo-néo zélandais qui avait subit de lourdes pertes.

Le général Currie proteste estimant qu’une attaque dans un secteur aussi boueux est une folie et n’aura que pour conséquence que des pertes abominablement lourdes mais Butcher Haig n’y entend rien. Le général Currie doit s’incliner mais prévient que les canadiens vont subir des pertes très lourdes soit 16000 hommes. Il aura tort puisqu’il n’y aura que 15654 soldats mis hors de combat.

Le barrage d’artillerie massif met non seulement la puce à l’oreille des allemands mais en plus les cratères d’obus se remplissent d’eau. Les canadiens toujours appuyés par les australiens et les néo-zélandais subissent de lourdes pertes pour une avancée dérisoire avec 100000 hommes hors de combat toutes unités confondues ! Le village de Passchendaele est finalement pris le 6 novembre 1917 après l’envoi de nombreux renforts.

L’armée canadienne participe également à l’offensive des 100 jours au printemps et à l’été 1918, une succession d’attaques sur l’ensemble du front, une version archaïque de l’art opératif. Au lieu d’une seule attaque massive on multiplie les attaques pour fragiliser le front, pour empêcher l’ennemi de déplacer ses réserves jusqu’à aboutir à la percée que l’on recherche depuis la fin de 1914.

Les canadiens attaquent la région d’Amiens en compagnie de troupes françaises, britanniques et australiennes le 8 août 1918, le fameux «jour noir de l’armée allemande» selon Ludendorff. Après une puissante préparation d’artillerie et l’assaut de 420 chars, les fantassins montent à l’assaut, 10000 canucks faisant partie des troupes d’assaut.

Le premier jour les unités canadiennes engagées entre Hougues et Villers-Bretonneux ont avancé de 13 kilomètres contre 11 pour les australiens, 8 pour les français et 3 pour les britanniques. Côté allemand, 27000 hommes ont été tués, blessés et faits prisonniers, 400 canons, des centaines de mortiers et de mitrailleuses sont capturés. A lui seul le Corps canadien à fait 5033 prisonniers mais pour la perte de 4000 hommes.

Une fois la percée à Amiens acquise, les troupes canadiennes sont de retour dans la région d’Arras avec pour objectif de percer la ligne Hindenburg. Entre le 26 août et le 2 septembre, le Corps Canadien multiplie les attaques vers le canal du Nord. La percée ne sera acquise que le 27 septembre et le 11 octobre les canadiens remportent un succès décisif lors de la bataille de Cambrai.

Les troupes canadiennes marchent vers Mons, une avancée qui n’est pas un chemin pavé de roses avec la perte de 46000 hommes. Le dernier soldat canadien tombé au champ d’honneur George Lawrence Price est tué seulement deux minutes avant l’entrée en vigueur de l’armistice de Rethondes qui devient effectif le 11 novembre 1918 à 11h.

D’une guerre à l’autre : évolution et réforme d’une jeune armée

La Canadian Expeditionnary Force (CEF) ne survit pas au premier conflit mondial. Il est dissous après l’Armistice. La milice d’active et la milice de réserve est réorganisée suite au rapport du comité Otter. On préserve l’histoire et les traditions mais la numérotation des régiments est totalement bouleversée.

Quelques régiments échappent à ce nettoyage par le vide. On trouve le 1er régiment de hussards (1st Hussars), le 22ème régiment royal (Royal 22nd Regiment) issu du 22nd (Canadien Français) Battalion,CEF), le 48ème régiment de highlanders du Canada (48th Highlanders of Canada issu du 48th Battalion [Highlanders]), un corps de mitrailleurs est également créé succédant à un corps créé au sein de la CEF.

En 1936, la Non-Permanent Active Militia (NPAM) voit la création de six bataillon de chars, bataillons issus de la transformation de bataillons d’infanterie. La même année, le corps des mitrailleurs est dissous, les unités d’infanterie réorganisées avec trois types d’unité : fusilier ou rifle, mitrailleur ou machine gun, chars ou tank.

Quand éclate la guerre de Pologne en septembre 1939, le Canada annonce sa volonté de mettre sur pied un corps expéditionnaire destiné à combattre en France mais ce nouveau CEF n’aura qu’une existence éphémère, le conflit se terminant le 15 décembre 1939.

Des soldats canadiens ont rallié la France pour préparer l’arrivée de troupes en masse (plusieurs divisions) mais ces travaux se révéleront initialement inutiles.

En novembre 1940, la milice permanente devient la Canadian Army, la NPAM devenant la Canadian Army (Reserve). En 1944 elle reçoit le qualificatif de royal même si il était souvent omi.

Entre 1940 et 1948, la Canadian Army va moderniser ses forces, tirant les leçons de la courte guerre de Pologne qui à révélé un grand nombre de faiblesses en terme d’équipement et d’entrainement.

La division fait sa réapparition mais selon une forme étrange. Si deux divisions blindées sont créés en temps de paix, les divisions d’infanterie sont des squelettes, des unités fantômes qui ne sont activées que pour des manœuvres. Des plans de mobilisation sont dressés en comptant sur de nombreux volontaires comme en 1914.

Les divisions canadiennes sont organisées selon le même modèle que les divisions britanniques, leur équipement est semblable. Au contact des américains et des français, les structures évolueront, les canadiens se montrant plus souple dans l’assimilation du retour d’expérience du conflit.

A l’été 1948 il devient évident que le conflit est proche, que c’est une question de semaines voir de mois pour que le monde s’embrase à nouveau. Le 7 juillet 1948 décision est prise d’activer les 1st et 2nd Canadian Division.

En dépit de cette précaution les deux divisions sont loin d’être opérationnelles quand le second conflit mondial éclate le 5 septembre 1948. Le personnel entraîné manque tout comme les armes et l’équipement.

Au début du mois d’août on étudie la possibilité de lever deux autres divisions blindées. C’est en théorie faisable mais il faudra attendre le 7 septembre 1948 pour que la décision de créer les 3rd et 4th Canadian Armoured Division.

D’autres unités indépendantes sont également levées (artillerie, génie, services) tandis qu’on prépare la levée de nouvelles divisions d’infanterie en profitant d’un fort volontariat dans toutes les couches de la société qu’il s’agisse des anglophones impatient de défendre l’Empire, de francophones voulant prouver aux « angliches » qu’ils sont aussi canadiens qu’eux, des métis, des améridiens et des noirs qui espèrent une amélioration de leur situation une fois le conflit terminé.