21-Armée de terre (2)

L’armée villeneuvienne : «plus rien ne sera comme avant»

Le nouveau chef d’état-major général appelé à devenir en temps de guerre Generalissime des forces alliées se met aussitôt au travail en parfaite intelligence avec le général Ganelon, CEMAT, un partisan de ses thèses, thèses partagées par un certain nombre d’officiers comme le général Prioux, le général Billotte ou le colonel De Gaulle.

Il résume sa pensée dans un texte appelé Doctrine offensive de l’armée de terre publiée le 21 septembre 1940. Le titre en lui même est révélateur de la primauté de l’offensive sur la défensive mais il ne faudrait pas croire au retour d’une école de pensée qui fit tant de mal à l’armée française qui chargea baïonette au canon les mitrailleuses allemandes dans les plaines de Belgique pour le prix que l’on sait.

En effet le général Villeneuve est plus nuancé dans ses écrits que ne le laisse supposer le titre. La mécanisation et la motorisation d’un grand nombre d’unités doit permettre à l’armée de terre de choisir son champ de bataille, de porter le fer dans les plaines belges ou sur le Rhin.

En cas d’offensive ennemie, les unités mécaniques qu’ils s’agissent des DLM ou des DCr doivent user les pointes ennemies, le canaliser ou simplement le repousser en gagnant le temps nécessaire pour permettre aux DI et aux DIM moins mobiles de se replier ou de gagner une véritable ligne de défense.

Si l’offensive est de notre initiative, les Corps d’Armée Cuirassés (C.A.C) composés de Divisions Cuirassés de Réserve (Divisions Cuirassées à partir de 1943) forment la pointe de diamant du dispositif. Ils doivent rechercher la percée puis désarticuler le dispositif ennemi.

Cette façon de faire (qui peut voir également les DLM dans le rôle des DC) rappelle l’art opératif théorisé en URSS mais surtout la façon de faire de l’armée française au cours des offensives victorieuses du printemps 1918.

Après avoir vainement cherché la percée et la bataille décisive qui déciderait du sort de la guerre (une idée qui ne cesse d’hanter l’art militaire germanique et la pensée militaire allemande), la France change de tactique, préférant une série d’offensives locales sur tout le front.

Résultat : l’ennemi perd l’initiative d’envoyer ses réserves à un point ou un autre du front pour empêcher une percée qui tôt ou tard se produira puisque l’offensive ennemi tombera forcement sur un point faible mal couvert.

Une fois la percée obtenue, il faut l’exploiter, tâche jadis dévolue à la cavalerie à cheval et tache que peut assurer la DC dans la foulée de la percée à moins qu’elle ne préfère laisser ce travail à une DLM.

Cependant les DC et les DLM ne peuvent tout faire. C’est là qu’interviennent les DI et les DIM ou Divisions d’Infanterie Motorisées. Alors que les DI sont quasi exclusivement hippomobiles, les DIM sont partiellement motorisées, pouvant théoriquement se déplacer plus rapidement.

Pour le bouillant général Villeneuve, cela est bien insuffisant. Quand il succède au «Vieux» (surnom qu’il donnait en privé au général Gamelin), son objectif est de parvenir à une armée 100% motorisée, pouvant facilement suivre les DCr et les DLM.

Très rapidement, il doit réduire ses prétentions tant la motorisation totale des vingt-huit divisions d’infanterie nécessiterait un effort hors de portée du budget de l’armée et de l’industrie française sauf peut être en temps de guerre où on est moins regardant sur les dépenses.

Il préfère fixer des objectifs moins ambitieux en demandant que les sept D.I.M soient entièrement motorisées pour 1946, objectif qui ne sera accompli qu’en 1947 tandis qu’une DI de type Nord-Est sera motorisée ce qui donnera huit divisions motorisées en septembre 1948. Paradoxalement, il est même en retrait par rapport aux plans d’avant guerre qui prévoyait dix divisions d’infanterie motorisées, plan dont la réalisation était prévu pour le printemps 1950…….. .

Ce retrait est en fait un compromis pour obtenir des régiments d’infanterie disposant de véhicules organiques, des Laffly S 20 TL-12 (version modifiée du S 20 TL pour pouvoir transporter un chauffeur et les onze hommes du groupe de combat)  les rendants totalement autonomes des moyens du train.

Le régiment d’artillerie est totalement motorisé tous comme les unités du génie, les différentes compagnies indépendantes de la division intégrant un bataillon du génie.

Les autres armes sont également modernisées, l’artillerie reçoit des pièces modernes, motorise une partie de ses régiments et de ses unités (notamment ses batteries divisionnaires antichars), reçoit ses premiers vrais canons automoteurs, le génie s’adapte au combat mécanisé et la logistique est totalement réorganisée pour pouvoir suivre le rythme effrené des opérations modernes.

Sur le plan matériel, de nouveaux véhicules apparaissent, des véhicules de combat, d’appui et de soutien adaptés à la doctrine villeneuvienne de l’offensive comme valeur cardinale pour ne jamais rester sous le contrôle de l’ennemi.

L’infanterie qui reste malgré tout la reine des bataille s’adapte au combat mécanisé, les arrmes automatiques se multiplient, sa puissance de feu augmente et même sa tenue s’adapte même si le look extérieur ressemble encore furieusement aux glorieux anciens du premier conflit mondial.

Ce choix de l’offensif à un impact sur la ligne Maginot qui reste un pivot de la stratégie française en couvrant la frontière, en obligeant l’Allemagne à passer par la Suisse ou par la Belgique, Paris poussant la Belgique de Leopold III et les Pays Bas de la reine Wilhelmine à moderniser ses forces armées pour opposer une résistance crédible à l’Allemagne le temps que les forces franco-anglaises interviennent massivement dans les plaines belgo-néerlandaises.

Cette modernisation de l’armée de terre va s’accompagner parallèlement d’une profonde modernisation matérielle et doctrinale de l’armée de l’air dont la  mission première au delà de la défense du territoire est d’appuyer les CAC et les Corps de Cavalerie en leur offrant des capteurs de reconnaissance, une couverture aérienne et un appui rapproché pour favoriser la percée. (plus de détails dans la partie consacrée à l’armée de l’air).

Evolution générale des structures

En dépit de la fin de la guerre de Pologne et alors que l’armée de terre est toujours sur le pied de guerre, la modernisation se poursuit, l’arme la plus concernée étant la cavalerie et l’arme des chars d’infanterie, ces deux armes fusionnant au sein d’une Arme Blindée-Cavalerie (ABC) officiellement créée le 1er janvier 1943, ne faisant qu’enteriner une situation établie de facto depuis 1941 et le choix résolu d’une armée blindée-mécanisée.

Pour contrer les Panzerdivisionen (dix en septembre 1939, douze en juillet 1948), le général Villeneuve décide de dévelloper les D.L.M et les DCr devenues DC en juin 1943.

En septembre 1939, l’armée de terre disposait de deux divisions légères mécaniques ou DLM, la 1ère DLM basée à Reims et la 2ème DLM basée à Melun dans la région parisienne.

La 3ème DLM est mise sur pied en février 1940 par mécanisation de la 1ère Division de Cavalerie basée à Orléans, la 4ème DLM est mise sur pied en septembre 1940 par mécanisation de la 2ème Division de Cavalerie basée à Luneville alors que la 5ème DLM est mise sur pied en juin1941 par mécanisation de la 3ème Division de Cavalerie basée à Paris.

Une 6ème DLM est mise sur pied en mars 1943 à Orange selon une nouvelle organisation avec notamment un deuxième régiment de dragons portés pour augmenter les unités d’infanterie de ces unités, les autres DLM ralliant ultérieurement ce modèle.

Deux autres DLM sont mises sur pied en septembre 1947, la 7ème DLM basée à Valenciennes et la 8ème DLM basée à Epinal mais elles ne sont pas totalement opérationnelles en septembre 1948, le matériel est présent (sauf quelques lacunes en terme de défense antichar et de défense antiaérienne) mais l’entrainement n’à pas été aussi poussé que les «vieilles unités».

En temps normal, ces divisions restent basés dans leurs garnisons du temps de paix même si deux fois par an, elles vont manoeuvrer avec les unités avec lesquelles ils forment des Corps de Cavalerie rattachés directement aux Groupes d’Armées.

Selon le dispositif prévu depuis septembre 1945, les huit Divisions Légères Mécaniques vont former trois corps de cavalerie. Si la 6ème DLM est la seule division de ce type affectée à demeure au sein du GA-3, les autres forment des Corps de Cavalerie répartis de la façon suivante :

-1er Corps de Cavalerie (1er C.C) : 1ère et 5ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°1

-2ème Corps de Cavalerie (2ème C.C) : 3ème et 7ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°1

-3ème Corps de Cavalerie (3ème C.C) : 2ème, 4ème et 8ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°2

Cohabitant avec les DLM, on trouve également les Divisions Cuirassées un temps dites de réserve avant de devenir en mars 1943, les Divisions Cuirassées. Ce changement sémantique étant tout sauf innocent.

Conçues à l’origine comme des unités de contre-attaque, les DCr devaient colmater une brèche pour permettre aux unités d’infanterie de rétablir un front continu. Désormais les DC sont en pointe pour percer, désarticuler le dispositif ennemi, frapper l’ennemi au coeur en bénéficiant de l’appui des DLM et des DIM.

Après les succès allemands en Pologne, le général Gamelin avait décidé la mise sur pied de deux brigades cuirassées, les 1ère et 2ème brigades cuirassées. Ces deux brigades deviennent divisions à l’hiver 1940.

Ces 1ère et 2ème Divisions Cuirassé de réserve sont suivis d’une troisième créée au printemps 1940 et d’une quatrième levée à partir de septembre 1940. Ces deux divisions sont d’une organisation semblable aux D.L.M avec pour principale différence de disposer de chars lourds B1bis et B1ter en attendant des chars plus adaptés.

Ces quatre divisions forment une unique et puissant Corps d’Armée Cuirassé (C.A.C) placé sous le commandement direct du CEMAT, un outil stratégique, un vrai bélier même si d’aucun s’interroge sur la difficulté à manoeuvrer quatre divisions aussi lourdes puisque représentant une masse de 732 chars lourds et légers.

En septembre 1947, deux nouvelles DC sont créées, les 5ème et 6ème Divisions Cuirassées ce qui entraine la division du CAC en deux. Le 1ère CAC va aligner  les 1ère, 3ème et 5ème DC alors que le 2ème CAC dispose des 2ème, 4ème et 6ème DC.

Ces deux Corps d’Armées Cuirassés sont stationnés l’un au nord de Paris et le second à l’est de la capitale, donnant un axe potentiel à leur intervention, la Belgique pour le 1er CAC, le Rhin et l’Allemagne pour le 2ème CAC.

La 1ère DC est ainsi stationnée au camp de Suippes, la 2ème DC à Chalons sur Marne, la 3ème DC à Compiègne, la 4ème DC dite «Division de Fer» dans la région de Nancy, la 5ème DC à Amiens et la 6ème DC à Toul

Bien entendu, il ne s’agit que d’indications génériques, la totale mécanisation et la totale motorisation des Divisions Cuirassées leur permettant de se déplacer très rapidement d’un point à un autre.

Avec quatorze unités blindées-mécanisée (comme on dirait aujourd’hui), la force de manoeuvre de l’armée de terre est supérieure à celle de l’armée allemande qui ne dispose que de douze Panzerdivisionen et même des britanniques qui n’alignent que quatre Armoured Division et six Independant Armoured Brigade.

Les DC et les DLM ne sont pas les seules unités de la cavalerie puisqu’on trouve encore quelques unités montées dans l’Empire, les Bataillons de Chars de Combat (vingt-sept en Métropole et d’autres en AFN et au Levant) ainsi que les GRDI et les GRCA. Si les GRDI existent dès le temps de paix (au nombre de vingt-huit), les GRCA sont mis sur pied à la mobilisation pour la simple et bonne raison que les Corps d’Armée n’existent pas en temps de paix.

Un mot également sur le Groupement Mécanisé Colonial (GMC), une division mécanique spécifiquement conçue pour être déployée en Indochine. Basée au sud d’Hanoï, elle à pour mission de défendre le Tonkin.

Le terrain difficile du Vietnam devrait pousser le commandant du GMC à fractionner ses moyens pour appuyer plus efficacement les unités d’infanterie déployées en Indochine, une situation en contradiction avec le but du GMC qui est de faire masse. Peu après l’entrée en guerre de la France, le GMC est rebaptisé 2ème Division Légère de Cavalerie.

Comme nous l’avons vu plus haut, les Divisions d’Infanterie Motorisées font coller leur dénomination avec la réalité de leurs moyens. Les unités d’infanterie sont ainsi transportés par leurs propres véhicules organiques, les armes d’appui partiellement motorisée le sont totalement.

Huit divisions motorisées sont ainsi en ligne en septembre 1948, les sept existant en septembre 1939 auxquelles s’ajoutent la 11ème DI (Nancy) qui devient donc la 11ème DIM. Les autres divisions d’infanterie ne sont que partiellement motorisées, l’artillerie de campagne restant par exemple hippomobile.

Dans le cadre de la planification de la mobilisation, il est prévu de lever entre 40 et 50 Divisions d’Infanterie de série A et de série B, certaines devant être totalement motorisées mais la majorité devraient être du type Nord-Est faute d’un nombre suffisants de camionettes et de camions.

Pour ce qui est des structures infra-régimentaires, la situation n’évolue pas, la structure de base présente en septembre 1939 étant jugée encore bonne en septembre 1948 même si lucide le général Villeneuve précise que «Seul le feu révèle l’efficacité des structures, du matériel et des hommes. Un exercice aussi poussé soit-il ne pourra jamais autant révéler que le combat».

A noter qu’au sein des DI type Nord-Est, les canons antichars sont motorisés pour faciliter la manoeuvre des canons de 25 et de 47mm, la seule défense de l’infanterie contre les chars quand ceux-ci sont absents côté français.

Stratégie, ennemis potentiels et potentiel militaire (3)

D-Armée de terre : une profonde métamorphose : l’armée Villeneuvienne

D’importantes réformes structurelles

En mars 1942, le général Villeneuve réorganise totalement la chaine de commandement. Son QG installé au château de Vincennes est un véritable état-major combiné ayant pleine autorité sur l’armée de terre (dirigée par un partisan de ses thèses, le général de Ganelon) et uniquement en temps de guerre sur la marine et l’armée de l’air.

Le général Gaston Billote commandant du CAC de 1942 à 1945

Il divise l’armée de terre en quatre groupements. Outre le Corps d’Armée Cuirassé commandé par le général Billote puis par le général Delestraint placé sous l’autorité du chef d’état major de l’armée de terre, il conserve trois groupes d’armées dont la zone de responsabilité est modifiée par rapport à 1939. Ces GA n’existent pas en temps de paix et ne sont mis en action qu’au moment de la mobilisation ou pour des exercices réguliers.

le général Delestraint commandant du CAC de 1945 à 1948, date à laquelle il prend la tête du GA1

Le GA1 va de la mer du Nord aux Ardennes, le GA2 chargé de la défense de la zone arrière de la ligne Maginot mais également du Jura, la limite entre le GA2 et le GA3 étant fixé au lac Léman. Le GA3 lui couvre les Alpes face à la menace italienne.

En août 1939, l’armée de terre disposait de vingt divisions d’infanterie sur le territoire métropolitain répartis entre 10 divisions de type Nord-Est, 7 divisions de type Nord-Est motorisé et 3 divisions d’infanterie de montagne. Ces divisions sont destinées principalement à la défense du territoire.

-Divisions d’Infanterie : 10ème DI (Paris) 11ème DI (Nancy) 13ème DI (Besançon), 14ème DI (Colmar), 19ème DI (Rennes), 21ème DI (Nantes), 23ème DI (Tours), 36ème DI (Bayonne), 42ème DI (Metz) et 43ème DI (Strasbourg)

-Divisions d’Infanterie Motorisée : 1ère DIM (Lille), 3ème DIM (Amiens), 5ème DIM (Caen), 9ème DIM (Bourges), 12ème DIM (Châlons sur Marne), 15ème DIM (Dijon), 25ème DIM (Clermont-Ferrand)

-Division d’Infanterie Alpine : 27ème DIA (Grenoble), 29ème DIA (Nice) et 31ème DIA (Montpelier)

A ces vingt-divisions s’ajoutent huit divisions dites mobiles stationnées en métropole mais capables de défendre l’Empire.

On trouve quatre divisions d’infanterie coloniale (1ère DIC à Bordeaux, 2ème DIC à Toulon, 3ème DIC à Paris et 4ème DIC à Toulon) et quatre divisions d’infanterie nord-africaine (1ère DINA à Lyon 2ème DINA à Toulon, 3ème DINA à Poitiers et 4ème DINA à Épinal).

A cela s’ajoute trois divisions de cavalerie avec la 1ère DC d’Orléans, la 2ème DC de Lunéville et la 3ème DC de Paris plus la 1ère brigade de spahis (Compiègne) et la 2ème brigade de spahis (Orange).

En 1935, deux divisions de cavalerie sont transformées en divisions légères mécaniques : la 4ème DC de Reims devenant la 1ère DLM et la 5ème DC de Melun devenant la 2ème DLM. Il est prévu à terme que les trois DC deviennent des DLM, les 3ème, 4ème et 5ème DLM.

Les sept régiments indépendants de cavalerie forment en temps de paix (soit jusqu’en août 1939) trois groupements de cavalerie :

-1ère groupement de cavalerie Metz : 3ème régiment de hussards, 9ème régiment de dragons et 11ème régiment des chasseurs

-2ème groupement de cavalerie Marseille : 2ème régiment de hussards 9ème régiment de cuirassiers et 10ème régiment de dragons

-3ème groupement de cavalerie Amiens : 7ème régiment de chasseurs 6ème et 7ème groupement d’automitrailleuses). Ces régiments forment des GRDI et GRCA à la mobilisation de septembre 1939, regroupement qui sont pour une partie pérennisés, devenant en 1948 de véritables groupements interarmes dont la mission principale est le combat retardateur.

L’évolution majeure c’est le dévellopement d’une véritable force blindée comparable à la Panzerwafe avec des bataillons de chars de combats et des divisions cuirassés de réserve :

-Les douze régiments de chars de combats numérotés 501 à 512 donnent naissance à vingt-trois bataillons de chars de combat (BCC), les 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 7ème, 8ème, 9ème, 10ème, 12ème, 14ème, 15ème, 16ème, 17ème , 19ème, 20ème, 22ème, 24ème, 25ème, 26ème, 27ème, 28ème et 37ème BCC.

A ces bataillons directement issus des personnels d’active sont mis sur pieds seize bataillons de réserve (6ème, 11ème, 13ème, 18ème, 21ème, 23ème, 29ème à 36ème, 38ème et 39ème bataillons de chars de combat) auxquels il faut ajouter le 51ème BCC de Bourges et le bataillon de chars des troupes coloniales soit un total de 41 BCC.

Si une partie des BCC sont placés aux ordres des armées, d’autres vont être intégrées aux DCR dont la mise sur pied décidée à l’automne 1939 ne sera réellement effective qu’au printemps 1940.

Au printemps 1940, une partie des BCC composés de réservistes sont dissous mais les BCC d’active sont maintenus, rattachés mais non intégrés aux Divisions d’Infanterie. A l’issue de la démobilisation, on trouve dix-sept BCC stationnés en métropole et un en Corse, quatorze étant équipés de Renault R35, deux étant équipés de FCM 36, un équipé de H-35 et un équipé de R-40.

Le général Villeneuve va ensuite mener une véritable refonte des «unités de chars» et dès sa nomination en juin 1940. Il peaufine l’organisation des trois premières DCR puis met sur pied une 4ème DCR confiée en septembre 1941 à un officier prometteur, le général De Gaulle.

Ces quatre divisions forment un Corps d’Armée Cuirassé (CAC) stationné au nord de Paris mais la création ultérieure des 5ème et 6ème DC entraine la création d’un deuxième CAC, chaque CAC disposant donc de trois divisions.

La cavalerie elle arme un total de huit divisions légères mécaniques répartis entre les trois groupes d’armées. Si la 6ème DLM dépend directement du GA3, les DLM des GA1 et GA2 forment trois Corps de Cavalerie, le 1er CC (1ère et 5ème DLM), le 2ème CC (3ème et 7ème DLM) _tous deux dépendant du GA1_ et le 3ème CC (2ème, 4ème et 8ème DLM) qui dépend lui du GA2.

En septembre 1948, la force de manoeuvre de l’armée de terre (avant mobilisation) est plus que respectable avec dix divisions d’infanterie type nord-est, sept divisions d’infanterie motorisée, trois divisions d’infanterie alpine, quatre divisions d’infanterie coloniale, quatre divisions d’infanterie nord-africaine, six divisions cuirassés et huit divisions légères mécaniques soit un total de quarante-deux grandes unités.

Les cinq groupements (GA1 GA2 GA3 et les deux CAC) forment la «force de manoeuvre» de l’armée de terre mais le général Villeneuve pense aussi à une guerre longue. Il obtient du ministre de la Défense une réorganisation des régions militaires dont le tracé est désormais calqué sur les provinces, leur nombre passant donc de 20 en 1929 à 17 en 1945.

A la tête de chaque Région Militaire se trouve un gouverneur militaire, chargé de préparer la mobilisation pour renforcer la force de manoeuvre mais également pour mettre sur pied les régiments territoriaux formés de réservistes âgés pour tenir le terrain.

Leur rôle dès la mobilisation est de mettre le territoire en mesure de se défendre en préparant par exemple des postes de contrôle au niveau des ponts notamment dans les régions frontalières.

Il allège les structures des divisions pour les rendre plus mobiles et purge les stocks de matériel obsolète conservé «au cas où», préférant en liaison avec Raoul Dautry accélérer la constitution de stocks modernes et préparer déjà la déconcentration industrielle.

Il favorise également les carrières d’officiers prometteurs comme le général De Lattre de Tassigny, le général Juin et promeut au grade de général de brigade, le colonel De Gaulle qui reçoit en même temps que son grade de général de brigade en septembre 1941, le commandement de la 4ème DCR qui sous son autorité sera bientôt considérée comme la meilleure division de l’armée française, la Division de Fer.

Comme le dira le colonel Philippe de Hautecloque futur commandant de la 2ème DC «Affronter la Division de Fer en manoeuvre était une épreuve redoutable et redoutée. Si vous étiez étrillé, vous vous demandiez si vous étiez à votre place dans un char et si vous l’emportiez même de justesse et votre moral et votre confiance en vous grimpait en flèche. C’était une véritable épreuve de vérité»

Il encourage la motorisation, motorisant totalement les DIM qui deviennent totalement autonomes des groupements de transport du train.

Au niveau de l’artillerie, la modernisation continue. Si l’artillerie lourde sur voie ferrée est peu touchée par les modifications, l’artillerie de campagne subit de sérieux bouleversement au niveau du matériel comme des tactiques.

Le génie reste l’arme savante par excellence et le choix d’une armée motorisée oblige le génie à développer de nouvelles techniques de combat pour faciliter la progression des unités cuirassées.

Même situation pour la logistique qui fait des progrès spectaculaires entre 1940 et 1948 avec de nouveaux matériels et une nouvelle organisation copiée sur le système tayloriste en vigueur dans l’industrie.

Sur le plan industriel, le ministre de l’Armement et de la Production de Guerre Raoul Dautry donne une impulsion salvatrice. La production de guerre qui ne cessait d’augmenter depuis 1936 avait connu durant la guerre de Pologne une brusque décrue liée à l’action subversive de certains communistes mais plus encore à la mobilisation des ouvriers qualifiés en dépit de généreuses exemptions accordées notamment aux pères de familles nombreuses.

La fin du conflit le 15 décembre 1939 permet à l’armée de libérer une grande partie de ses effectifs ce qui permet de relancer l’industrie qui fait également appel à l’Empire et aux réfugiés républicains espagnols, ces derniers fournissant de nombreux ouvriers mais également de nombreux soldats au sein de la Légion Etrangère.

Cette dernière a de plus digéré les nationalisations du Front Populaire et entame un formidable processus de modernisation qui va lui permettre de produire plus vite et plus rapidement.

Des études ultérieures montreront qu’entre 1942 et 1945, la France produira deux fois plus que l’Allemagne, une Allemagne il est vrai victime d’une guerre civile peu propice à la production de masse même si les historiens allemands ont récemment révisé à la baisse son impact, mettant l’accent sur une forme d’ «anarchie organisationnelle» de l’appareil d’état nazi, un état semi-féodal où les rivalités de personne provoquait la multiplication des projets et un manque de rationnalité dans le choix des matériels à produire.