22-Armée de terre : armement et matériel (67) Ordre de bataille (1)

Q-Ordre de bataille de l’armée de terre après la mobilisation générale de septembre 1948.

Préambule

L’armée de terre mobilisée en septembre 1939 aligne 2.7 millions d’hommes, un chiffre considérable qui aspire une bonne partie des forces vives de la nation.

Bien que la guerre de Pologne se soit officiellement terminée le 15 décembre 1939, l’armée reste sur le pied de guerre pendant trois longs mois.

On craint en effet un «coup de Jarnac» des allemands, une attaque surprise et brusque en passant par les plaines belges.

Cette menace s’estompant et les fortifications frontalières jugées suffisament solides pour se protéger d’une attaque surprise, la décision est prise en mars 1940 de commencer à démobiliser notamment les réservistes les plus anciens.

Général Aimé Doumenc

Général Aimé Doumenc

Un comité de la démobilisation est mis en place sous la direction du général Doumenc le 21 mars 1940 pour planifier la libération des hommes, le stockage ou la destruction du matériel, la remise en état des bâtiments réquisitionnés, des champs, la dé-réquisition du matériel etc…….. .

La démobilisation entre officiellement en action le 1er juin et va s’entendre jusqu’au 1er octobre 1940 date où un décret cosigné par le général Villeneuve _chef d’état-major général_ et par le ministre de la Guerre, Paul Perret.

Ce n’est cependant pas un retour stricto sensu à la situation antérieure en septembre 1939 car l’armée à connu un début de modernisation qui va être accentuée durant les huit années de paix armée sous l’impulsion du général Villeneuve.

Les unités de cavalerie voit leur nombre s’accroitre, passant de trois à huit DLM et de trois à six DC, réduisant le nombre d’unités montés à la portion congrue.

Il ne faut pas oublier la création d’unités  motomécaniques en Tunisie (1ère Division Légère de Cavalerie) et en Indochine avec le Groupement Mécanisé Colonial (GMC) devenu en septembre 1948 la 2ème Division Légère de Cavalerie et éviter ainsi une confusion avec le Groupement Motorisé de Corse.

L’infanterie modernise ses moyens, les huit DIM disponibles en septembre 1948 sont des divisions totalement motorisées, totalement autonomes pour leurs déplacements stratégiques.
Ces divisions doivent en offensive accompagner la percée obtenue par les DC et les DLM. Si on ne parle pas encore de vastes et foudroyantes opérations dans la profondeur (l’art opératif soviétique nous est encore inconnu), on envisage de confier à ces divisions automobiles la tache de réduire les poches de résistances délaissées par les DLM/DC avec le soutien des BCC.

L’artillerie à connu une nette modernisation de ses moyens même si des canons anciens sont encore en service (notamment au sein des Régiments d’Artillerie Mobile de Forteresse et des Régiments d’Artillerie de Position).

Outre de nouvelles pièces tractées, elle met désormais en œuvre des canons d’assaut, des pièces automotrices et multiplie les projets pour augmenter sa puissance de feu et sa mobilité. La lutte antichar et la lutte antiaérienne voit leurs moyens nettement accrus tant en qualité qu’en quantité.

Dès le mois de juillet, le comité de démobilisation est réactivé sous la direction du général Doumenc, devenant le comité de préparation de la mobilisation (CPM).

Ce comité est secret et tous les documents le mentionne sous le nom de comité X. Le général Doumenc lui même est connu sous le nom de code d’Oscar. Tous les documents concernant le CPM n’ont ainsi été déclassifiés qu’en 2005.

Installé au château de Vincennes, il va faire passer ses consignes auprès des gouverneurs militaires des dix-sept régions militaires qui correspondent au tracé des provinces françaises.

Des réservistes sont discrètement rappelés dès le 15 juillet notamment des spécialistes de la logistique, des transmissions et du train pour mettre sur pied l’infrastructure de la mobilisation.

On fait également le point sur les parcs des véhicules, en préparant la réquisition du matériel de la SNCF.

Dans les usines, la production des véhicules militaires et de soutien qui continuaient à cadence réduite pour constituer des stocks (l’équipement des unités ayant été privilégié) s’accélère pour réduire au maximum le nombre d’unités mobilisées équipées de matériel ancien ou ayant un déficit de matériel moderne.

La mobilisation entre dans sa phase active le 23 août quand les réservistes des classes 1940 à 1944 (conscrits ayant réalisé leur service militaire entre 1940 et 1942 pour la classe 1940, 1941 à 1943 pour la classe 1941, 1942 à 1944 pour la classe 1942, 1943 à 1945 pour la classe 1943 et 1944 à 1946 pour la classe 1944) sont rappelés.

Le 5 septembre 1948 suite à l’attaque allemande contre la Norvège et le Danemark, les réservistes de la classe 1945 sont rappelés (service militaire effectué de 1945 à 1947) tandis que les conscrits de la classe 1946 qui devaient être libérés sont maintenus sous les drapeaux tout comme la classe 1947 qui libérable durant  l’année 1949 voit son service prolongé jusqu’à la fin de la guerre sauf exemptions strictement limités.

« Sus aux planqués ! » aurait ainsi dit le général Villeneuve au cours d’une de ses colères légendaires.

Cela n’empêche de nombreux volontaires de 18 et 19 ans appelables seulement en 1950 et 1951 de devancer l’appel et de s’engager.

Il faut rappeler qu’à cette époque, la France est baignée _au grand dam des pacifistes et des internationalistes_ dans une ambiance de patriotisme échevelé rappelant 1914 et le départ pour une guerre qu’on imagine fraiche et joyeuse.

Néanmoins, les jeunes soldats partant au front sont conscients des risques. Comme l’écrit un jeune soldat du 65ème RI de Nantes «Père, Mère, ne vous en faites pas de soucis pour moi. Je connais les risques que nous allons courir, je sais que comme l’oncle Fernand et l’oncle Achille tombés à Verdun et dans les Dardanelles je risque d’y rester mais cela me stimule plus qu’autre chose. Cette fois pas question de s’arrêter sur le Rhin comme en 1918 c’est Berlin ou rien……..».

Alors que depuis le 1er septembre, les Divisions Cuirassées et les Divisions Légères Mécaniques ont rejoint leurs zones de rassemblement pour faire face à une attaque brusquée de l’Allemagne, les divisions d’infanterie d’active rejoignent la frontière pendant qu’à l’arrière les Centres Mobilisateurs mettent sur pied des unités de réserve de type A (réservistes de 35 à 42 ans) puis des unités de réserve de type B (42 à 48 ans).

Les réservistes âgés de plus de 48 ans servent au sein des régiments territoriaux pour garder les points sensibles, les installations stratégiques en compagnie de jeunes recrues à l’instruction, le début de la guerre ayant entrainé l’appel anticipé de la classe 1949 (conscrits nés en 1929).

L’expérience acquise de 1939, l’ambiance de patriotisme échevelé et un trio Villeneuve-Doumenc-Ganelon huilé fait qu’en à peine plus de quinze jours, on peut considérer que l’armée de terre à été mise sur le pied de guerre et capable de contrer une offensive allemande et surtout de pouvoir si nécessaire passer à l’offensive bien plus rapidement que neuf ans plus tôt.

La mobilisation : les structures

Le général Villeneuve en tant que chef d’état-major général de l’armée et généralissime des forces alliées (prenant sous son commandement les forces britanniques déployées en France et en cas d’invasion allemande, les forces belges et néerlandaises) est le principal responsable de la mobilisation.

Le cœur de cette gigantesque entreprise c’est donc le CPM dirigé par le général Doumenc, un spécialiste des problèmes logistiques qui entre 1940 à 1948 à pu planifier la future mobilisation tout en conseillant le général Villeneuve pour moderniser les structures de l’armée pour faciliter cette montée en puissance.

Le CPM s’appuie sur les régions militaires. Au nombre de vingt en 1929, elles sont réduites à dix sept suite à la loi du 15 novembre 1940 qui regroupe les départements métropolitains en dix-sept provinces.

Ce choix du général Villeneuve de calquer les régions militaires sur les provinces est destiné à faciliter une guerre longue en réduisant les échelons et en facilitant la coordination entre le pouvoir militaire et le pouvoir politique.

départements et provinces de France

départements et provinces de France

Un décret du 8 janvier 1941 nous donne la situation suivante :

-La 1ère région militaire correspond à la Province d’Ile de France (Paris)

-La 2ème région militaire correspond à la Province de Flandre-Picardie (Lille)

-La 3ème région militaire correspond à la Province de Normandie (Rouen)
-La 4ème région militaire correspond à la Province de Bretagne (Nantes)

-La 5ème région militaire correspond à la Province du Poitou (Poitiers)

-La 6ème région militaire correspond à la Province d’Aquitaine (Bordeaux)

-La 7ème région militaire correspond à la Province d’Occitanie (Toulouse)

-La 8ème région militaire correspond à la Province du Languedoc (Montpelier)

-La 9ème région militaire correspond à la Province de Provence (Marseille)

-La 10ème région militaire correspond à la Province Alpine (Grenoble)

-La 11ème région militaire correspond à la Province du Val de Rhône (Lyon) : Loire, Rhône, Ardèche et Drôme

-La 12ème région militaire correspond à la  Province de Bourgogne (Dijon)

-La 13ème région militaire correspond à la Province d’Auvergne (Clermont-Ferrand)

-La 14ème région militaire correspond à la Province du Val de Loire (Tours)

-La 15ème région militaire correspond à la Province de Champagne (Chalons en Champagne)

-La 16ème région militaire correspond à la Province d’Alsace

-La 17ème région militaire correspond à la Province de Lorraine (Metz)

A la mobilisation générale de septembre 1948, chaque région militaire met sur pied deux état-major de corps d’armée, le premier portant le numéro de la Région Militaire et le second étant compris entre les numéros 18 et 34 :

-La 1ère région militaire met sur pied le 1er et le 18ème Corps d’Armée affectés à la 7ème armée

-La 2ème région militaire met sur pied les 2ème et 19ème Corps d’Armée affectés à la 1ère armée

-La 3ème région militaire met sur pied les 3ème et 20ème Corps d’Armée affectés respectivement à la 9ème armée (3ème CA) et à la 1ère armée (20ème CA).

-La 4ème région militaire met sur pied les 4ème et 21ème Corps d’Armée affecté à la 9ème armée en compagnie du 3ème Corps d’Armée.

-La 5ème région militaire met sur pied les 5ème et 22ème Corps d’Armée affectés à la 2ème armée en compagnie du 6ème CA.

-La 6ème région militaire met sur pied les 6ème et 23ème Corps d’Armée, le premier étant affecté à la 2ème armée et le second à la 3ème armée.

-La 7ème région militaire met sur pied les 7ème et 24ème Corps d’Armée affectés à la 3ème armée au sein du groupe d’armées n°2

-La 8ème région militaire met sur pied les 8ème et 25ème Corps d’Armée affectés à la 4ème armée au sein du groupe d’armées n°2 en compagnie du 26ème CA.

-La 9ème région militaire met sur pied les 9ème et 26ème Corps d’Armée, le premier étant affecté à la 6ème armée et le second à la 4ème armée en compagnie des 8ème et 26ème CA.

-La 10ème région militaire met sur pied les 10ème et 27ème Corps d’Armée affectés ensemble à la 8ème armée.

-La 11ème région militaire met sur pied les 11ème et 28ème Corps d’Armée, le premier étant affecté à la 8ème armée et le second à la 6ème armée.

-La 12ème région militaire met sur pied les 12ème et 29ème Corps d’Armée, le premier étant affecté à la 6ème armée et le second à la 5ème armée appelée également Armée des Alpes.

-La 13ème région militaire met sur pied les 13ème et 30ème Corps d’Armée affectés ensemble à la 5ème armée appelée également Armée des Alpes.

-La 14ème région militaire met sur pied les 14ème et 31ème Corps d’Armée entrant au sein de la Réserve Stratégique.

-La 15ème région militaire met sur pied les 15ème et 32ème Corps d’Armée qui engerbent des divisions de la Réserve Stratégique

-La 16ème région militaire met sur pied les 16ème et 33ème Corps d’Armée qui engerbent des divisions de la Réserve Stratégique

-La 17ème région militaire  met sur pied les 17ème et 34ème Corps d’Armée qui engerbent des divisions de la Réserve Stratégique.

Il est prévu que chaque corps d’armée dispose de deux à quatre divisions d’infanterie sans oublier des unités de support et de soutien (artillerie de la réserve générale et du corps d’armée, génie, train, transmissions……..) et qu’un CA s’étant illustré voit son numéro «retiré» pour préserver sa mémoire comme jadis les légions romaines.
Ces Corps d’Armée vont ensuite rejoindre les armées aux frontières, armées réparties en trois groupes d’armées :

-Le Groupe d’Armées n°1 dont la zone de responsabilité s’étend de la mer du Nord aux Ardennes incluses aura sous sa responsabilité la 1ère, la 7ème, la 2ème et la 9ème armée ainsi qu’un corps expéditionnaire britannique et deux corps de cavalerie.

En cas d’entrée en Belgique, il pourrait prendre sous son aile une partie de l’armée belge (6 à 10 divisions répartis en deux ou trois corps d’armée) voir quelques unités néerlandaises au cas où la manoeuvre Dyle-Breda imaginée par le général Gamelin serait exécutée.

-Le Groupe d’Armées n°2 dont la zone de responsabilité s’étend des Ardennes au lac Léman aura sous sa responsabilité les 3ème, 4ème, 6ème et 8ème armées auxquelles s’ajoute le 3ème Corps de Cavalerie disposant des 2ème, 4ème et 8ème DLM. Il bénéficie également de l’apport considérable de la «Muraille de France», la ligne Maginot.

-Le Groupe d’Armées n°3 couvre les Alpes avec l’unique 5ème Armée ou Armée des Alpes. Cette armée bénéficie du soutien de la 6ème DLM et pourrait avoir à conduire une offensive contre l’Italie avec le renfort d’une ou de deux armées du GA n°2 voir la création d’une 10ème Armée par exemple avec des unités stationnées en Afrique du Nord.

En effet la mobilisation concerne aussi l’Empire et l’Afrique du Nord va voir la réactivation de deux divisions d’infanterie, l’une d’elle renforçant la défense de la Corse et la deuxième devant renforcer le dispositif en Tunisie.

21-Armée de terre (2)

L’armée villeneuvienne : «plus rien ne sera comme avant»

Le nouveau chef d’état-major général appelé à devenir en temps de guerre Generalissime des forces alliées se met aussitôt au travail en parfaite intelligence avec le général Ganelon, CEMAT, un partisan de ses thèses, thèses partagées par un certain nombre d’officiers comme le général Prioux, le général Billotte ou le colonel De Gaulle.

Il résume sa pensée dans un texte appelé Doctrine offensive de l’armée de terre publiée le 21 septembre 1940. Le titre en lui même est révélateur de la primauté de l’offensive sur la défensive mais il ne faudrait pas croire au retour d’une école de pensée qui fit tant de mal à l’armée française qui chargea baïonette au canon les mitrailleuses allemandes dans les plaines de Belgique pour le prix que l’on sait.

En effet le général Villeneuve est plus nuancé dans ses écrits que ne le laisse supposer le titre. La mécanisation et la motorisation d’un grand nombre d’unités doit permettre à l’armée de terre de choisir son champ de bataille, de porter le fer dans les plaines belges ou sur le Rhin.

En cas d’offensive ennemie, les unités mécaniques qu’ils s’agissent des DLM ou des DCr doivent user les pointes ennemies, le canaliser ou simplement le repousser en gagnant le temps nécessaire pour permettre aux DI et aux DIM moins mobiles de se replier ou de gagner une véritable ligne de défense.

Si l’offensive est de notre initiative, les Corps d’Armée Cuirassés (C.A.C) composés de Divisions Cuirassés de Réserve (Divisions Cuirassées à partir de 1943) forment la pointe de diamant du dispositif. Ils doivent rechercher la percée puis désarticuler le dispositif ennemi.

Cette façon de faire (qui peut voir également les DLM dans le rôle des DC) rappelle l’art opératif théorisé en URSS mais surtout la façon de faire de l’armée française au cours des offensives victorieuses du printemps 1918.

Après avoir vainement cherché la percée et la bataille décisive qui déciderait du sort de la guerre (une idée qui ne cesse d’hanter l’art militaire germanique et la pensée militaire allemande), la France change de tactique, préférant une série d’offensives locales sur tout le front.

Résultat : l’ennemi perd l’initiative d’envoyer ses réserves à un point ou un autre du front pour empêcher une percée qui tôt ou tard se produira puisque l’offensive ennemi tombera forcement sur un point faible mal couvert.

Une fois la percée obtenue, il faut l’exploiter, tâche jadis dévolue à la cavalerie à cheval et tache que peut assurer la DC dans la foulée de la percée à moins qu’elle ne préfère laisser ce travail à une DLM.

Cependant les DC et les DLM ne peuvent tout faire. C’est là qu’interviennent les DI et les DIM ou Divisions d’Infanterie Motorisées. Alors que les DI sont quasi exclusivement hippomobiles, les DIM sont partiellement motorisées, pouvant théoriquement se déplacer plus rapidement.

Pour le bouillant général Villeneuve, cela est bien insuffisant. Quand il succède au «Vieux» (surnom qu’il donnait en privé au général Gamelin), son objectif est de parvenir à une armée 100% motorisée, pouvant facilement suivre les DCr et les DLM.

Très rapidement, il doit réduire ses prétentions tant la motorisation totale des vingt-huit divisions d’infanterie nécessiterait un effort hors de portée du budget de l’armée et de l’industrie française sauf peut être en temps de guerre où on est moins regardant sur les dépenses.

Il préfère fixer des objectifs moins ambitieux en demandant que les sept D.I.M soient entièrement motorisées pour 1946, objectif qui ne sera accompli qu’en 1947 tandis qu’une DI de type Nord-Est sera motorisée ce qui donnera huit divisions motorisées en septembre 1948. Paradoxalement, il est même en retrait par rapport aux plans d’avant guerre qui prévoyait dix divisions d’infanterie motorisées, plan dont la réalisation était prévu pour le printemps 1950…….. .

Ce retrait est en fait un compromis pour obtenir des régiments d’infanterie disposant de véhicules organiques, des Laffly S 20 TL-12 (version modifiée du S 20 TL pour pouvoir transporter un chauffeur et les onze hommes du groupe de combat)  les rendants totalement autonomes des moyens du train.

Le régiment d’artillerie est totalement motorisé tous comme les unités du génie, les différentes compagnies indépendantes de la division intégrant un bataillon du génie.

Les autres armes sont également modernisées, l’artillerie reçoit des pièces modernes, motorise une partie de ses régiments et de ses unités (notamment ses batteries divisionnaires antichars), reçoit ses premiers vrais canons automoteurs, le génie s’adapte au combat mécanisé et la logistique est totalement réorganisée pour pouvoir suivre le rythme effrené des opérations modernes.

Sur le plan matériel, de nouveaux véhicules apparaissent, des véhicules de combat, d’appui et de soutien adaptés à la doctrine villeneuvienne de l’offensive comme valeur cardinale pour ne jamais rester sous le contrôle de l’ennemi.

L’infanterie qui reste malgré tout la reine des bataille s’adapte au combat mécanisé, les arrmes automatiques se multiplient, sa puissance de feu augmente et même sa tenue s’adapte même si le look extérieur ressemble encore furieusement aux glorieux anciens du premier conflit mondial.

Ce choix de l’offensif à un impact sur la ligne Maginot qui reste un pivot de la stratégie française en couvrant la frontière, en obligeant l’Allemagne à passer par la Suisse ou par la Belgique, Paris poussant la Belgique de Leopold III et les Pays Bas de la reine Wilhelmine à moderniser ses forces armées pour opposer une résistance crédible à l’Allemagne le temps que les forces franco-anglaises interviennent massivement dans les plaines belgo-néerlandaises.

Cette modernisation de l’armée de terre va s’accompagner parallèlement d’une profonde modernisation matérielle et doctrinale de l’armée de l’air dont la  mission première au delà de la défense du territoire est d’appuyer les CAC et les Corps de Cavalerie en leur offrant des capteurs de reconnaissance, une couverture aérienne et un appui rapproché pour favoriser la percée. (plus de détails dans la partie consacrée à l’armée de l’air).

Evolution générale des structures

En dépit de la fin de la guerre de Pologne et alors que l’armée de terre est toujours sur le pied de guerre, la modernisation se poursuit, l’arme la plus concernée étant la cavalerie et l’arme des chars d’infanterie, ces deux armes fusionnant au sein d’une Arme Blindée-Cavalerie (ABC) officiellement créée le 1er janvier 1943, ne faisant qu’enteriner une situation établie de facto depuis 1941 et le choix résolu d’une armée blindée-mécanisée.

Pour contrer les Panzerdivisionen (dix en septembre 1939, douze en juillet 1948), le général Villeneuve décide de dévelloper les D.L.M et les DCr devenues DC en juin 1943.

En septembre 1939, l’armée de terre disposait de deux divisions légères mécaniques ou DLM, la 1ère DLM basée à Reims et la 2ème DLM basée à Melun dans la région parisienne.

La 3ème DLM est mise sur pied en février 1940 par mécanisation de la 1ère Division de Cavalerie basée à Orléans, la 4ème DLM est mise sur pied en septembre 1940 par mécanisation de la 2ème Division de Cavalerie basée à Luneville alors que la 5ème DLM est mise sur pied en juin1941 par mécanisation de la 3ème Division de Cavalerie basée à Paris.

Une 6ème DLM est mise sur pied en mars 1943 à Orange selon une nouvelle organisation avec notamment un deuxième régiment de dragons portés pour augmenter les unités d’infanterie de ces unités, les autres DLM ralliant ultérieurement ce modèle.

Deux autres DLM sont mises sur pied en septembre 1947, la 7ème DLM basée à Valenciennes et la 8ème DLM basée à Epinal mais elles ne sont pas totalement opérationnelles en septembre 1948, le matériel est présent (sauf quelques lacunes en terme de défense antichar et de défense antiaérienne) mais l’entrainement n’à pas été aussi poussé que les «vieilles unités».

En temps normal, ces divisions restent basés dans leurs garnisons du temps de paix même si deux fois par an, elles vont manoeuvrer avec les unités avec lesquelles ils forment des Corps de Cavalerie rattachés directement aux Groupes d’Armées.

Selon le dispositif prévu depuis septembre 1945, les huit Divisions Légères Mécaniques vont former trois corps de cavalerie. Si la 6ème DLM est la seule division de ce type affectée à demeure au sein du GA-3, les autres forment des Corps de Cavalerie répartis de la façon suivante :

-1er Corps de Cavalerie (1er C.C) : 1ère et 5ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°1

-2ème Corps de Cavalerie (2ème C.C) : 3ème et 7ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°1

-3ème Corps de Cavalerie (3ème C.C) : 2ème, 4ème et 8ème DLM affecté au Groupe d’Armées n°2

Cohabitant avec les DLM, on trouve également les Divisions Cuirassées un temps dites de réserve avant de devenir en mars 1943, les Divisions Cuirassées. Ce changement sémantique étant tout sauf innocent.

Conçues à l’origine comme des unités de contre-attaque, les DCr devaient colmater une brèche pour permettre aux unités d’infanterie de rétablir un front continu. Désormais les DC sont en pointe pour percer, désarticuler le dispositif ennemi, frapper l’ennemi au coeur en bénéficiant de l’appui des DLM et des DIM.

Après les succès allemands en Pologne, le général Gamelin avait décidé la mise sur pied de deux brigades cuirassées, les 1ère et 2ème brigades cuirassées. Ces deux brigades deviennent divisions à l’hiver 1940.

Ces 1ère et 2ème Divisions Cuirassé de réserve sont suivis d’une troisième créée au printemps 1940 et d’une quatrième levée à partir de septembre 1940. Ces deux divisions sont d’une organisation semblable aux D.L.M avec pour principale différence de disposer de chars lourds B1bis et B1ter en attendant des chars plus adaptés.

Ces quatre divisions forment une unique et puissant Corps d’Armée Cuirassé (C.A.C) placé sous le commandement direct du CEMAT, un outil stratégique, un vrai bélier même si d’aucun s’interroge sur la difficulté à manoeuvrer quatre divisions aussi lourdes puisque représentant une masse de 732 chars lourds et légers.

En septembre 1947, deux nouvelles DC sont créées, les 5ème et 6ème Divisions Cuirassées ce qui entraine la division du CAC en deux. Le 1ère CAC va aligner  les 1ère, 3ème et 5ème DC alors que le 2ème CAC dispose des 2ème, 4ème et 6ème DC.

Ces deux Corps d’Armées Cuirassés sont stationnés l’un au nord de Paris et le second à l’est de la capitale, donnant un axe potentiel à leur intervention, la Belgique pour le 1er CAC, le Rhin et l’Allemagne pour le 2ème CAC.

La 1ère DC est ainsi stationnée au camp de Suippes, la 2ème DC à Chalons sur Marne, la 3ème DC à Compiègne, la 4ème DC dite «Division de Fer» dans la région de Nancy, la 5ème DC à Amiens et la 6ème DC à Toul

Bien entendu, il ne s’agit que d’indications génériques, la totale mécanisation et la totale motorisation des Divisions Cuirassées leur permettant de se déplacer très rapidement d’un point à un autre.

Avec quatorze unités blindées-mécanisée (comme on dirait aujourd’hui), la force de manoeuvre de l’armée de terre est supérieure à celle de l’armée allemande qui ne dispose que de douze Panzerdivisionen et même des britanniques qui n’alignent que quatre Armoured Division et six Independant Armoured Brigade.

Les DC et les DLM ne sont pas les seules unités de la cavalerie puisqu’on trouve encore quelques unités montées dans l’Empire, les Bataillons de Chars de Combat (vingt-sept en Métropole et d’autres en AFN et au Levant) ainsi que les GRDI et les GRCA. Si les GRDI existent dès le temps de paix (au nombre de vingt-huit), les GRCA sont mis sur pied à la mobilisation pour la simple et bonne raison que les Corps d’Armée n’existent pas en temps de paix.

Un mot également sur le Groupement Mécanisé Colonial (GMC), une division mécanique spécifiquement conçue pour être déployée en Indochine. Basée au sud d’Hanoï, elle à pour mission de défendre le Tonkin.

Le terrain difficile du Vietnam devrait pousser le commandant du GMC à fractionner ses moyens pour appuyer plus efficacement les unités d’infanterie déployées en Indochine, une situation en contradiction avec le but du GMC qui est de faire masse. Peu après l’entrée en guerre de la France, le GMC est rebaptisé 2ème Division Légère de Cavalerie.

Comme nous l’avons vu plus haut, les Divisions d’Infanterie Motorisées font coller leur dénomination avec la réalité de leurs moyens. Les unités d’infanterie sont ainsi transportés par leurs propres véhicules organiques, les armes d’appui partiellement motorisée le sont totalement.

Huit divisions motorisées sont ainsi en ligne en septembre 1948, les sept existant en septembre 1939 auxquelles s’ajoutent la 11ème DI (Nancy) qui devient donc la 11ème DIM. Les autres divisions d’infanterie ne sont que partiellement motorisées, l’artillerie de campagne restant par exemple hippomobile.

Dans le cadre de la planification de la mobilisation, il est prévu de lever entre 40 et 50 Divisions d’Infanterie de série A et de série B, certaines devant être totalement motorisées mais la majorité devraient être du type Nord-Est faute d’un nombre suffisants de camionettes et de camions.

Pour ce qui est des structures infra-régimentaires, la situation n’évolue pas, la structure de base présente en septembre 1939 étant jugée encore bonne en septembre 1948 même si lucide le général Villeneuve précise que «Seul le feu révèle l’efficacité des structures, du matériel et des hommes. Un exercice aussi poussé soit-il ne pourra jamais autant révéler que le combat».

A noter qu’au sein des DI type Nord-Est, les canons antichars sont motorisés pour faciliter la manoeuvre des canons de 25 et de 47mm, la seule défense de l’infanterie contre les chars quand ceux-ci sont absents côté français.