Benelux (8) Pays-Bas (8)

Le Royaume-Uni des Pays-Bas (1815-1839)

Le retour de la Maison d’Orange

Suite à la défaite de Napoléon, les puissances européennes se réunissent à Vienne pour redessiner la carte de l’Europe. L’équilibre et la maîtrise d’une France réputée turbulente sont les principaux objectifs des congressistes.

Pour cela on décide de créer des états-tampons aux frontières françaises. On restaure l’Espagne des Bourbons où Ferdinand VII mène une politique violemment réactionnaire, le royaume de Piémont-Sardaigne au sud-est, la Prusse reçoit de nouveaux territoires sur le Rhin alors qu’au nord un nouveau royaume voit le jour, le Royaume-Uni des Pays-Bas.

Appelé également royaume des Belgiques et en néerlandais Koninkrijk der Nederlanden, il regroupe sous une même autorité les anciennes Provinces-Unies, les anciens Pays-Bas hispano-autrichiens, la principauté de Liège mais aussi un grand-duché de Luxembourg plus étendu que le Luxembourg actuel.

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Guillaume 1er des Pays-Bas

Cette dernière entité devait être en théorie une possession personnelle du roi des Pays-Bas Guillaume 1er mais en réalité le nouveau roi ne fit aucune différence entre son royaume et le Luxembourg. Cependant ce grand-duché du Luxembourg appartenait à la Confédération germanique et une garnison confédérale _essentiellement prussienne_ défendait la forteresse de Luxembourg face à la France.

Un mot sur Guillaume 1er des Pays-Bas. Né le 24 août 1772, Willem Frederik van Oranje-Nassau est le fils du dernier stathouder des Provinces-Unies à savoir Guillaume V et son épouse Wilhelmine de Prusse, fille de Frédéric-Guillaume II.

En 1813, les troupes françaises quittent les Pays-Bas suite à la campagne d’Allemagne. Un gouvernement provisoire se met en place et offre la couronne au prince Guillaume.

Celui-ci qui avait débarqué à Scheveningen le 30 novembre refuse une première fois en décembre 1813 mais finit par l’accepter après avoir obtenu une constitution qui garantissait des pouvoirs étendus au prince souverain. Il faudra attendre mars 1815 pour qu’il se proclame roi des Pays-Bas.

Le Royaume-Uni des Pays-Bas participe à la septième coalition (10 mars au 8 juillet 1815) en compagnie de la Grande-Bretagne, de l’Espagne, de la Russie, de la Prusse, de la Suède, de l’Autriche et de certains états allemands.

Les néerlandais sont placés sous commandement britannique. Au sein des troupes néerlandaises on trouve également une légion belge.

Les soldats bataves participent à la bataille des Quatre-Bras le 16 juin où l’aile gauche de l’armée française dirigée par le maréchal Ney bloque l’armée de Wellington qui tentait de venir en aide aux prussiens durement accrochée à Ligny.

Ils sont également engagés à Waterloo où l’armée britannico-néerlandaise est sur le point d’être submergée par la furia francese. Si la France l’avait emporté à Waterloo, cela aurait été clairement une victoire à la Pyrrhus qui n’aurait fen ait que retardé l’inéluctable. On connait la suite : des troupes arrivent sur un champ de bataille et hélas pour l’empereur des français ce n’est pas Grouchy mais Blücher.

Le Congrès de Vienne lui offre un royaume très étendu qui regroupe les états actuels des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg.

Protestant et conservateur, Guillaume 1er se garda de mener une politique trop autoritaire et trop réactionnaire. Il essaya d’unir les populations de son royaume et de créer un sentiment d’unité mais sans y parvenir complètement. Comme les populations du sud sont catholiques, il signe un concordat avec le pape Grégoire XVI en 1827.

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Grégoire XVI, pape de 1831 à 1846

Sa politique fût axée sur le développement économique, favorisant notamment l’actuelle Belgique mais en dépit de cette politique, les belges trouvèrent leur roi trop protestant et trop autoritaire.

Encore qu’il faut nuancer avec un paradoxe pour le moins savoureux. En effet les wallons étaient très orangistes, favorables au roi (en raison de sa politique économique) alors que les flamands que l’on aurait pu penser plus favorable à un roi néerlandais lui était clairement hostiles.

En 1830, une révolution éclata en Belgique. Cette révolution provoqua une courte guerre jusqu’en 1833, guerre marquée par l’intervention de la France pour ce qui allait constituer le dernier conflit militaire des Pays-Bas jusqu’au second conflit mondial !

Guillaume 1er proposa sa candidature au trône de Belgique mais elle fût logiquement repoussée notamment après le sanglant bombardement d’Anvers. Cela n’empêcha pourtant pas les belges de choisir un souverain protestant en l’occurrence Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha.

Cette révolution belge entraîna l’indépendance de la Belgique et de sérieuses amputations pour les Pays-Bas qui perdirent une partie du Limbourg et la partie occidentale du Luxembourg au profit du nouveau Royaume de Belgique.

Ne reconnaissant cette indépendance qu’en 1839, vaincu et contesté, Guillaume 1er abdiqua en 1840. Veuf depuis 1837, il abdiqua pour pouvoir se marier avec Henriette d’Oultremont qui était sa maitresse depuis 1810. Son exil fût bref puisqu’il meurt à Berlin en 1843.

Le Royaume-Uni des Pays-Bas voir officiellement le jour par la proclamation du 15 mars 1815 quand Guillaume-Frédéric d’Orange-Nassau, prince souverain des Pays-Bas unis déclare «que tous les pays y appartenant forment, dès à présent, le royaume des Pays-Bas, pour être ainsi possédés par nous et nos légitimes successeurs d’après le droit de primogéniture» et prendre «pour nous-même et pour les princes qui monteront après nous sur ce trône, la dignité royale et le titre de roi, et ajouter à ce dernier celui de duc de Luxembourg, à cause des relations particulières que cette province est destinée à avoir avec l’Allemagne».

Ce royaume était une construction très théorique, les différences étaient assez marquées entre le nord et le sud, les congressistes de Vienne ayant tracé un état pour faire pièce à une potentielle résurgence de la France et dans une moindre mesure établir un équilibre entre les grandes puissances européennes.

Le royaume uni des Pays-Bas était divisé en dix-sept provinces avec les neuf provinces de l’ancienne république des Provinces-Unies selon la loi fondamentale du 29 mars 1814 (provinces de Drenthe, Frise, Gueldre, Groningue, Hollande, Overijssel, Utrecht et Zélande), la province de Brabant qui prend le nom de Brabant-Septentrional auxquelles il faut ajouter les huit provinces créées par la loi fondamentale du 24 août 1815 :

-La province d’Anvers, correspondant au département des Deux-Nèthes

-La province du Brabant-Méridional, correspondant au département de la Dyle

-La province de Flandre-Occidentale, correspondant au département de la Lys

-La province de Flandre-Orientale, correspondant au département de l’Escaut

-La province de Hainaut, correspondant au département de Jemmapes

-La province de Liège, comprend la majeure partie du département de l’Ourthe

-La province de Limbourg, comprenant le département de la Meuse-Inférieure et des parties du département de la Roer

-La province de Namur, comprenant la partie du département de Sambre-et-Meuse n’appartenant pas au grand-duché de Luxembourg .

Le nouvel état possédait deux capitales : Amsterdam et Bruxelles. Le nord (néerlandais) avait 2 millions d’habitants, parlant néerlandais pour l’immense majorité avec sur le plan religieux une majorité protestante mais une minorité catholique non négligeable.

Le sud qui allait devenir la Belgique après 1830 avait une population de 3.4 millions d’habitants quasi-exclusivement catholique mais cet unanimisme religieux était tempéré par une division linguistique entre flamands néerlandophones et wallons francophones.

Les classes moyennes et supérieures dans la partie méridionale du royaume étaient essentiellement francophones. Environ 60000 belges étaient éligibles au vote contre 80000 néerlandais. Officiellement, la capitale est Amsterdam mais dans un compromis, le gouvernement se réunissait alternativement à Bruxelles et à La Haye.

La révolution belge

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Tableau représentant la Révolution Belge

Du 25 août 1830 au 21 juillet 1831 à lieu ce qu’on à appelé la révolution belge qui allait conduire à la sécession des provinces du Sud du Royaume-Uni des Pays-Bas puis à leur indépendance, indépendance officiellement proclamée le 4 octobre 1830.

C’est l’acte de naissance de la Belgique, une indépendance qui est reconnue quasi-immédiatement par les grandes puissances alors que Guilaume 1er des Pays-Bas ne la reconnaître qu’en 1839, abdiquant un an plus tard.

Depuis 1815 et le Congrès de Vienne, les provinces du Sud avaient échangé pour maitre les Habsbourgs au profit des Orange, Guillaume 1er remplaçant François II d’Autriche. Ce dernier avait échangé les Pays-Bas autrichiens contre la Vénétie.

Les populations sudistes ne sont pas emballés à l’idée de se joindre aux néerlandais même si cela fait débat chez les historiens. Il y à cependant un signe qui ne trompe pas : les notables belges rejettent la loi fondamentale de 1815 _un texte pourtant libéral selon les standards de l’époque_ mais Guillaume 1er passe outre en rejetant les votes des personnes ayant voté contre pour des raisons religieuses et en considérant les abstentionnistes comme des votes positifs !

Rapidement les belges ont de nombreux reproches à faire aux néerlandais, concernant la représentation politique, la politique économique, la politique religieuse, la question de la dette.

Ce n’est qu’une question de temps avant que les oppositions ne se coalisent pour secouer la domination néerlandaise sur la future Belgique.

En 1828, les catholiques et les libéraux s’unissent pour présenter une liste commune de griefs à Guillaume 1er. Une série de pétitionnements maintient la pression.

Le régime orangiste se montre de plus en plus autoritaire notamment le roi Guillaume 1er. Ce dernier estimant que sa souveraineté est antérieure à la loi fondamentale, son pouvoir ne peut pas être limité par ce texte.

La situation se tend de plus en plus. Les belges ne peuvent s’appuyer sur les libéraux du nord car le nombre faisait le jeu des belges.

A terme si une vraie démocratie était mise sur pied, les nordistes allaient être marginalisés. De plus certains néerlandais rêvaient de revenir à la République des Provinces-Unies.

Guillaume 1er fait quelques concessions mais cela ne suffit pas, la rupture est trop nette et trop profonde. De plus ces concessions sont vues comme un signe de faiblesse et encouragent les belges à aller plus loin.

La révolution belge éclate le 25 août 1830. Les clauses immédiates sont les Trois Glorieuses en France (27,28 et 29 juillet 1830) et un contexte économique difficile qui agglomère les mécontentements et encourage à la sédition.

Le lendemain, 26 août 1830, une garde bourgeoise éclate pour maintenir l’ordre alors que les autorités néerlandaises sont débordées et que des émeutiers politiquement peu concernés attaquent usines et propriétés diverses. Des troubles ont lieu dans d’autres villes, Bruxelles et Luège étant les deux moteurs de la révolution.

A la fin du mois d’août, les autorités néerlandaises doivent se rendre compte que la situation dépasse les simples querelles politiques et qu’il faudra soit renoncer aux provinces méridionales ou rétablir l’ordre de manière musclée.

Vu comme un souverain autoritaire, Guillaume 1er va hésiter de longues semaines sur l’attitude à adopter. Une séance extraordinaire des Etats Généraux s’ouvre le 13 septembre 1830 ce qui entraîne une reprise des troubles dans les Provinces méridionales du Royaume uni des Pays-Bas.

La rupture entre les belges et le gouvernement à lieu en septembre 1830 essentiellement en raison due aux actions hésitantes et maladroites de Guillaume 1er.

Le 23 septembre 1830, 12000 soldats gouvernementaux dont 2/3 venus de la future Belgique, commandés par le prince Frédéric entrent à Bruxelles. Les leaders de la Révolution quittent Bruxelles pour échapper à l’arrestation.

Des corps francs sont mis sur pied à Bruxelles. De violents combats urbains ont lieu dans les rues de la future capitale belge. L’armée gouvernementale est incapable de rependre la ville et préfère évacuer dans la nuit du 26 au 27 septembre 1830. De violents combats ont également lieu à Liège, Anvers et Gand.

Le 29 septembre 1830, les Etats Généraux acceptent une séparation administrative entre les provinces septentrionales et méridionales. Cela signifie qu’on espère créer un royaume de Belgique avec à sa tête Guillaume 1er, le seul lien étant un lien personnel. Les belges refusent, estimant qu’un monarque faisant couler le sang de ses sujets était indigne de régner.

Le 4 octobre 1830, le gouvernement provisoire proclame l’indépendance de la Belgique. On annonce la préparation d’un constitution et la convocation d’un Congrès National.

Du 5 au 26 octobre 1830, le prince d’Orange, héritier du trône des Pays-Bas négocie pour devenir roi du nouvel état mais ce projet n’aboutit pas.Parallèlement l’armée gouvernementale se désintègre.

A la fin du mois d’octobre, les seules positions occupées par le gouvernement sont les citadelles d’Anvers, de Maastricht et de Luxembourg (composée de soldats de la confédération germanique).

Un cessez-le-feu à bien été signé mais les volontaires belges indisciplinés continuent de tirer sur les soldats gouvernementaux. En représailles, Anvers est bombardé le 27 octobre 1830.

Les élections au Congrès National ont lieu le 3 novembre 1830, le dit congrès se réunit une semaine plus tard. Le 22 novembre 1830, la forme monarchique du gouvernement est choisit et après quelques hésitations, la maison d’Orange-Nassau est exclue.

Les patriotes belges sont alors inquiets des réactions des grandes puissances notamment de la France et de la Grande-Bretagne. Les puissances conservatrices sont favorables au roi des Pays-Bas mais seule la Russie propose une aide militaire qui devient caduque suite à une révolte en Pologne.

Talleyrand toujours dans les bons coups propose de deviser les provinces belges entre la Grande-Bretagne (la Flandre jusqu’à l’Escaut avec Anvers), la Prusse (Liège et le Limbourg) et la France (quatre/cinquième de la Wallonie et Bruxelles, une frontière commune avec le royaume des Pays-Bas).

Les patriotes belges refusent ce partage, certains menaçant clairement d’un bain de sang si la révolution belge était confisquée par les puissances étrangères.

Ce projet n’allait cependant pas dépasser la lettre d’intention (à-t-elle été plus loin que le cerveau tortueux du Diable Boiteux ?) et toutes les grandes puissances se réunissent à Londres pour décider du sort de ces territoires.

Le 20 janvier 1831, l’indépendance belge est reconnue, les Pays-Bas conservent une partie du Limbourg et le Luxembourg ce que ne peut accepter le Congrès National.

Deux semaines plus tard, le 3 février 1831, le Congrès National élit à une courte majorité le duc de Nemours comme roi des belges mais son père Louis-Philippe 1er refuse ce cadeau car il craint une guerre où la France serait isolée (ne pas oublier que l’ancien du duc d’Orleans est vu comme un usurpateur par nombre de monarques européens) et surtout l’industrie belge bien plus puissante pourrait faire du tort à l’industrie française.

En attendant qu’un roi soit choisit, un régent est nommé en la personne de Surlet de Chokier. Le 26 juin 1831, le traité dit des 18 articles est signé. Ratifié le 9 juillet, il permet à Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha de devenir roi des belges sous le nom de Léopold 1er.

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Léopold 1er, roi des Belges de 1831 à 1865

Guillaume 1er n’accepte pas cet état de fait et déclenche une guerre en envahissant le nouveau royaume de Belgique le 2 août 1831. En dix-sept jours, les troupes néerlandaises disciplinées et menées par des généraux ayant connu les guerres napoléoniennes avancent jusqu’à Bruxelles, repoussant facilement une armée belge encore en formation.

Seulement si en théorie tout semble rose, en pratique la situation néerlandaise est beaucoup plus inconfortable. Au nord, dans le Limbourg des francs-tireurs belges attaquent les lignes de communication de l’armée de Guillaume 1er tandis qu’au sud une armée française se prépare à prêter main-forte aux belges.

Les néerlandais finissent par se replier sur Anvers. Un cessez-le-feu est proclamé mais comme un an plutôt l’indiscipline des «volontaires» belges provoque une riposte néerlandaise tout aussi meurtrière puisque le bombardement provoque la mort de plus de 100 civils.

La garnison néerlandaise assiégée à Anvers à partir du 30 novembre 1831 se rend le 23 décembre 1831, les prisonniers étant libérés en 1833.

Il faudra attendre 1839 et la signature du traité des 24 articles pour que les Pays-Bas reconnaissent l’indépendance de la Belgique. Cette reconnaissance à été acquise en échange de la moitié du Limbourg et de la partie orientale du Grand-Duché du Luxembourg. L’activité du port d’Anvers est gêné par la fermeture de l’Escaut via un péage prohibitif. Cette situation ne cessera qu’en 1863.

Une réflexion sur “Benelux (8) Pays-Bas (8)

  1. Je signale une faute de frappe ici :

    Talleyrand toujours dans les bons coups propose de  »deviser » les provinces belges entre la Grande-Bretagne (la Flandre jusqu’à l’Escaut avec Anvers), la Prusse (Liège et le Limbourg) et la France

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