22-Armée de terre : armement et matériel (36)

K-Automitrailleuses et véhicules de combat à roues

Préambule

L’apparition de l’automobile ne tarde à attirer le regard des militaires ou plutôt de certains penseurs qui y voient un nouveau moyen de combat capable de succéder au cheval. Evidement, comme souvent, ces précurseurs ne sont guère en odeur de sainteté au sein des état-majors et des ministères plus conservateurs pour des raisons de choix comme de raison.

En 1907, le général Gillain commandant de la 1ère Division de Cavalerie écrit que «la mitrailleuse automobile constitue bien une bouche à feu légère, excessivement mobile,toujours en batterie et prête à ouvrir le feu, tout à fait apte à suivre, sans être un impedimenta, une troupe de cavalerie. Elle est appelée à former ainsi l’arme des surprisees et des coupsde mains de l’avenir.»

Arme plutôt conservatrice, la cavalerie perçoit néamoins l’intérêt d’intégrer des véhicules motorisés à ses forces qui vont rester majoritairement composés de chevaux. Une première automitrailleuse, la CGV (Charron Girardot et Voigt) est expérimenté en 1903 mais non adopté malgré des essais concluants en raison d’un poids élevé (3 tonnes) et d’un prix qui ne l’est pas moins.

Après ce premier essais, deux chemins semblent s’ouvrir : celle de l’automobile blindée armée et protégée par blindage et celle de la «mitrailleuse automobile» qui en réalité une voiture de tourisme modifiée pour un usage militaire, sans blindage, usant de sa vitesse pour échapper aux cavaliers ennemis.

Aucune commande n’est passée et quand éclate le premier conflit mondial, aucune auto-mitrailleuse n’est en service en métropole, les seules étant au Maroc pour faire de la police coloniale contre des tribus remuantes.

On improvise donc différents modèles d’auto-mitrailleuses composées d’un chassis tourisme, armées soit d’une mitrailleuse Saint Etienne modèle 1907 ou d’une Hotchkiss modèle 1914 avec un blindage plus ou moins important.

C’est donc le triomphe de l’automitrailleuse blindée et armée sur la mitrailleuse automobile, la vitesse ne remplaçant les plaques de blindage.

Aux automitrailleuses armées de mitrailleuses vont bientôt s’ajouter des «torpilleurs à roulette», des auto blindées armées de canons de 37 et de 47mm issus des stocks de la marine pour lutter contre des auto blindées allemandes puissantes dont la présence était certifiée par des rapports alarmants faisant état de la présence au front de plusieurs milliers de ces engins………. .

C’est l’acte de naissance des AMAC (Automitrailleuses de Cavalerie) qui vont participer aux opérations de l’été et l’automne 1914 jusqu’à ce que la boue des tranchées révèlent l’impossibilité pour un véhicule à roues de manoeuvrer en terrain bouleversé, ouvrant la voie à l’utilisation de la chenille au sein de l’Artillerie d’Assaut qui comme son nom l’indique dépend de l’artillerie.

La guerre terminée, certains posent même l’idée même de l’existence de la cavalerie comme arme constituée. Son poids social lui permet de survivre à une disparition pure et simple.

En dépit de la présence de cavaliers s’opposant farouchement au moteur, la seule issue pour la cavalerie est de se motoriser, d’adopter le moteur, d’en faire un outil de combat pour compléter les chevaux car il est impensable en 1919 que la cavalerie abandonne ses nobles destriers pour des montures nettement moins glamour.
Dans la première décennie qui suit la fin du premier conflit mondial, la cavalerie se cherche, tâtonne et il faut attendre le plan général de motorisation de juillet 1930 pour que le brouillard s’éclaircisse et dix-huit mois de plus pour la cavalerie mette bon ordre en définissant trois catégories de véhicules de combat.

Si le domaine de la Reconnaissance et du Combat vont être sauf rarissimes exceptions être l’apanage des véhicules chenillés, le domaine de la Découverte va être lui dominé par la roue.

Véritable reconnaissance stratégique, elle doit éclairer les divisions loin devant. Devant aller vite et loin, la roue en dépit des progrès de la chenille se justifie parfaitement. Légèrement armées (canon de 25 et de 47mm pour les plus récentes, mitrailleuses pour les plus anciennes), elles ne doivent pas rechercher le combat avec l’ennemi jouant sur la vitesse, la surprise et l’esquive.

Ces AMD symbolisées par la célèbre AMD 178 «Pan Pan» vont équiper les régiments de découverte des Division Légère Mécanique ainsi que les GRDI/GRCA, les premiers étant pour certains préservés après la démobilisation alors que les autres sont dissous en raison de l’inexistence des corps d’armée en temps de paix.

En février 1940, le général Gamelin réorganise totalement ce triptyque à la lumière des leçons de la guerre de Pologne («j’estime de la façon la plus formelle qu’il ne peut plus être question de construire des véhicules de combat et reconnaissance faiblement blindés, l’expérience de la campagne de Pologne me paraît des plus nettes à ce sujet» [……])

Les catégories AMR et AMD fusionnent ainsi en AMP pour Automitrailleuses Puissantes symbolisées par un véhicule à roues, l’AM 40P ou Panhard 201 et par un char léger, l’Hotchkiss H-39 en attendant d’autres engins de conception nouvelle fournis par AMX et les FCM comme nous l’avons vu plus haut.

White TBC

Cette automitrailleuse peut être considérée comme la première automitrailleuse moderne de l’armée française après des années de talonnements et d’essais plus ou moins réussis. Elle est l’œuvre du capitaine de Castelbajac qui reprend à zéro un projet plus ancien sur un chassis de camionnette.

Pour construire cette nouvelle automitrailleuse, il choisit le chassis du camion léger de 2 tonnes White TBC sur lequel est installé une caisse blindée.

Cette automitrailleuse de 5700kg peut filer sur route à 40 km/h avec une vitesse moyenne de 18 à 20 km/h avec un armement monté en tourelle, un canon de 37mm semi-automatique avec 200 obus et une mitrailleuse de 8mm avec 6000 cartouches monté en opposition, la mitrailleuse de rechange pouvant être utilisée en position antiaérienne. Quant à l’équipage, il se compose de quatre hommes dont deux tourelles.

230 exemplaires de cette automitrailleuse sont mis en service à partir d’octobre 1918, trop tard pour participer à un conflit qui à quitté les tranchées pour la guerre de mouvement.

Le 29 juin 1916, les dix-sept GAMAC _Groupes d’Automitrailleuses et d’Autocanons_ sont rattachés à la cavalerie à raison de deux par division de cavalerie puis un dix-septième en réserve.

Le nombre de divisions de cavalerie est réduit ensuite à six mais le nombre de GAMAC n’est réduit qu’à seize, les autres étant réaffectés. Le nombre de GAMAC est réduit en 1919 à onze qui deviennent Escadrons d’Automitrailleuses de Cavalerie (EAMC) le 1er novembre 1922.
Les onze EAMC  sont regroupés en cinq groupes d’escadrons d’automitrailleuses de cavalerie (GEAMC) soit un par division de cavalerie, tous à deux escadrons sauf celui de la 3ème DC de Paris qui disposent de trois EAMC.

De 1922 à 1931-32, l’automitrailleuse White est la seule automitrailleuse en service en France avant que des véhicules plus modernes ne commencent à la remplacer en l’occurence des automitrailleuses semi-chenillées Schneider P16.

Ces automitrailleuses disparaissent peu à peu des unités de cavalerie même si par un tour de passe-passe, des caisses White vont être montées sur un nouveau chassis, permettant à l’armée de se doter à peu de frais d’automitrailleuses plus modernes. Des White allégées (sans tourelles) ont terminé leur carrière au Maroc pour pourchasser les bandes incontrôlées dans le Sud marocain.

Caractéristiques Techniques des AMC White TBC

Poids en ordre de combat : 5700kg

Dimensions : longueur 5.45m largeur 1.95m hauteur 2.50m

Motorisation : moteur White 4 cylindres dit «30 HP»

Performances : vitesse instantanée 40 km/h vitesse moyenne 18 à 20 km/h Autonomie : 200 à 250km avec 100 litres de carburant à bord

Blindage : 8mm

Armement : tourelle biplace avec un canon de 37mm semi-automatique armé de 200 obus et une mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914 de 8mm avec 6000 cartouches

Equipage : quatre hommes

Automitrailleuse semi-chenillée Schneider P 16

AMC Schneider P16

AMC Schneider P16

En 1923/24, la cavalerie s’interroge sur les futurs véhicules de combat et lance deux programmes baptisés AMC n°1 (approuvé en avril 1923 voiture de 4 tonnes, quatre hommes, 12mm de blindage, sur route et chemins avec une vitesse de 55 km/h) et AMC n°2 (approuvé en août 1924, voiture de 7.5 tonnes à trois hommes dont deux en tourelles, 20mm de blindage, pouvant circuler à travers champs avec une vitesse sur route de 30 km/h), annonçant l’AMD pour le premier et l’AMC pour le second.

On trouve ainsi des Citroën P 4 T et P 7 T qui restent à l’état de prototypes ou commandés en petite série (seize exemplaires  pour la P 4T), servant de véritables démonstrateurs technologiques en attendant de véritables véhicules de série en l’occurence le Schneider P 16.

Ce véhicule ne répond ni au programme AMC n°1 ni au programme AMC n°2  mais est commandée en série, étant assimilée à une AMC, un pseudo char de cavalerie en attendant l’entrée en service du Somua S-35.

La commande en série est envisagée dès novembre 1925 mais ce n’est qu’en 1928 que quatre exemplaires de pré-série sont commandés suivis de 96 véhicules de série utilisés encore en 1939  comme AutoMitrailleuse de Reconnaissance (AMR) une fois le «char de cavalerie» en service.

Durant la guerre de Pologne, elles équipent encore le 1er et le 6ème GRDI issus respectivement du 7ème régiment de chasseurs à cheval et du 6ème groupe d’automitrailleuses. Ces deux GRDI sont rééquipés avec des Panhard AMD 178 au printemps 1940,  marquant la fin de carrière de cette automitrailleuse semi-chenillée.

Caractéristiques Techniques de la Schneider P16

Poids en ordre de combat : 6300kg

Dimensions : longueur 4.815m largeur 1.75m hauteur 2.475m

Motorisation : un moteur Panhard PK 4E 3 16 CV, 4 cylindres développant 60ch à 2700 tr/minute

Vitesse maximale : 47 km/h vitesse moyenne sur route 30 km/h Autonomie : 250km (125 litres d’essence à bord)

Blindage : 11.5mm maximum

Armement : tourelle monoplace avec un canon de 37mm semi-automatique alimenté à 100 obus et une mitrailleuse MAC 31 de 7.5mm (3000 cartouches)

Equipage : chef de voiture en tourelle, conducteur et inverseur dans la caisse