20-Ordre de bataille et Programme de guerre (3)

B-Programme de guerre du 15 janvier 1949

Avant propos

Le 5 septembre 1948, ce que le monde craignait depuis la fin de la guerre de Pologne se produit : la guerre déchire à nouveau le continent. Deux petits royaumes nordiques, la Norvège et le Danemark sont attaqués par l’Allemagne au mépris de la neutralité de Copenhague et d’Oslo.

De violents bombardements frappent Copenhague, Oslo, Bergen et d’autres villes suivis de raids aéroportés et de débarquements amphibies qui prennent les alliés aux dépourvus en dépit de signaux d’alerte convergents que Paris comme Londres n’ont pas su ou pas voulu voir.

Ce déclenchement de l’opération Weserübung entraine de violents affrontements sur mer, dans les airs, à terre et sous les océans entre l’Allemagne d’un côté et les alliés franco-anglo-polono-norvégiens qui se terminent par l’occupation de la Norvège par l’Allemagne.

Deux mois de violents combats qui ont provoqué des pertes qu’il faut combler. Il faut également envisager l’avenir, anticiper l’après conflit et le visage de la marine dans quinze ou vingt-ans.

D’où le vote d’un programme de guerre le 15 janvier 1949 par la Chambre des Députés destiné à combler les pertes présentes, à si possible anticiper les pertes et besoins futurs et ce qui est encore plus difficile, mettre sur pied les bases d’une marine puissante une fois ce conflit terminé car tout le monde pressent en cet automne 1948 que les allemands ne s’arrêteront pas là……….. .

De longues discussions

Dès le 12 octobre 1948, le commandant en chef de la marine nationale, l’amiral Ollive réclame le vote par le parlement d’un programme de guerre destiné à combler les premières pertes du conflit et ne pas se retrouver au pied du mur.

Les discussions sont paradoxalement assez longues. En dépit de la situation internationale tendue, les parlementaires rechignent à voter de nouveaux crédits pour les constructions navales. Un jeune député PSF, Michel Debré lance cette algarade célèbre «Messieurs auriez vous oublié que c’est la guerre et qu’il n’est pas  temps de mégoter sur les investissements ?».

La situation se débloque à la fin de l’année. Le projet est voté en première lecture le 14 décembre 1948 suivit d’un deuxième vote au Sénat le 19 décembre 1948. Après un amendement accroissant les commandes, le programme de guerre est définitivement voté le 27 décembre 1948 et sanctionné par le pouvoir exécutif le 15 janvier 1949 bien que dans la pratique, des premières commandes ont été passées.

Des navires, toujours plus de navires

Cuirassés et croiseurs de bataille

Le 17 septembre 1948, le porte-avions Painlevé lance un raid dévastateur sur Oslo en compagnie du porte-avions britannique Malta. L’aérodrome de la capitale norvégienne occupée par les allemands est particulièrement visé et la Luftwafe subit de lourdes pertes notamment en avions de transport.

Un raid de représailles est lancé dans l’après midi, coulant un destroyer britannique, le torpilleur d’escadre Le Téméraire  et endommageant le cuirassé Lorraine.

Le surlendemain, alors que le porte-avions français s’apprête à lancer un nouveau raid contre Trondheim au nord de la Norvège, d’inquiétantes gerbes éclatent alors que règne un brouillard à couper au couteau.

Cela signale l’arrivée du cuirassé Hindenburg et du croiseur lourd Tegetthoff bien décidés à chatier la Royale.

Le cuirassé Lorraine va alors se sacrifier en compagnie des torpilleurs d’escadre L’Intrepide et Arquebuse pour couvrir la retraite du Painlevé qui quand il sera en mesure de lancer ses avions contre les navires allemands, constatera qu’ils ont disparu tout comme le Lorraine et l’Arquebuse alors que l’Intrepide légèrement endommagé récupère les survivants au risque d’être torpillé ou victime de la Luftwafe.

La perte du Lorraine suivit quelques jours plus tard par les lourds dommages subis par le cuirassé Normandie pousse la marine à reconsidérer la construction des trois cuirassés type CR3 (Cuirassé Rapide de 3ème génération).

En septembre 1948, seuls les deux premiers baptisés Languedoc et Moselle avaient été mis sur cale respectivement à l’Arsenal de Brest et aux ACL de Saint-Nazaire mais les travaux avaient été menés sans empressement et même suspendus au moment de l’entrée en guerre de la France.

Ces travaux vont reprendre début octobre 1948, financés par le programme de guerre, les deux cuirassés de 47500 tonnes, 28 nœuds avec un armement principal composé de neuf canons de 406mm en trois tourelles triples étant mis en service en 1951 remplaçant numériquement le Lorraine et le Clemenceau coulé en Méditerranée.

-Le Languedoc est mis sur cale à l’Arsenal de Brest (forme n°11) le 14 mai 1948 lancé le 23 mars 1950 et mis en service au printemps 1951.

-Le Moselle est mis sur cale aux Ateliers et Chantiers de Saint-Nazaire-Penhoët le 15 août 1948 lancé le 4 septembre 1950 et mis en service en octobre 1951

Le troisième CR3 qui aurait du être mis sur cale après le lancement du Languedoc (survenu en mars 1950) ne le sera jamais, la marine connaissant des problèmes d’effectifs et ne voulant pas construire des navires qu’elle ne pourrait mettre en œuvre sereinement.
Caractéristiques Techniques de la classe Languedoc

Déplacement : standard 47500 tonnes pleine charge 51000 tonnes

Dimensions : longueur hors tout 272m largeur 37.50m tirant d’eau 11.50m

Propulsion :  4 turbines à engrenages Parson réparties en une salle des machines avant et une salle des machines arrières, alimentées par six chaudières Sural développant 170000ch et entrainant quatre hélices

Performances :  vitesse maximale : 29.5 noeuds distance franchissable : 8400 miles nautiques à 15 noeuds 2900 miles nautiques à 28 noeuds.

Protection : ceinture principale 390mm bulkhead avant 355mm bulkhead au dessus du pont blindé intermédiaire 235mm

pont blindé supérieur au dessus des soutes à munitions 190mm pont blindé supérieur au dessus des machines 170mm pont blindé intermédiaire 50/70mm (100mm au dessus des hélices et 150mm au dessus des lignes d’arbre)

Bloc passerelle : face avant et latérales 360mm arrière 280mm toit 170mm tube de communication 160mm

Tourelles triples de 406mm : face avant 430mm faces latérales 300mm toit 170 à 195mm face arrière 270mm (T.I) et 260mm (T.II) barbettes au dessus du PBS 405mm barbettes en dessous du PBS 80mm

Tourelles de l’artillerie secondaire : face avant 130mm côtés et toit 70mm face arrière 60mm barbette 100mm

Électronique : un radar de veille aérienne, un radar de veille surface, deux radars de conduite de tir pour l’artillerie principale, deux radars pour la conduite de l’artillerie secondaire
Armement : neuf canons de 406mm Mark IV répartis en trois tourelles triples (deux avant et une arrière), 24 canons de 130mm en douze tourelles doubles installées latéralement, 28 canons de 37mm groupés en quatre affûts quadruples ACAQ modèle 1941  et six  affûts doubles ACAD modèle 1935   et 12 canons de 25mm Hotchkiss modèle 1939-40 en six affûts doubles
Aviation : une catapulte et un hangar sous la poupe avec deux à quatre hydravions Dewoitine HD-731

Equipage : 1780 officiers et marins

Porte-avions

Quand éclate le second conflit mondial, la marine nationale dispose de cinq porte-avions dont quatre sont déployés en Europe. Le porte-avions montre son  utilité durant la campagne norvégienne mais le programme de guerre ne prévoit dans sa première version aucune commande.

Tout juste prévoit-il que la marine nationale ne peut disposer de moins de trois porte-avions pour en avoir un toujours opérationnel, un en entretien courant ou entrainement de son groupe aérien et un troisième immobilisé pour un grand carénage ou une modernisation. Ce n’est qu’en mai 1952 que les trois porte-avions type PA23 ou classe Clemenceau (Clemenceau Foch Joffre) sont commandés, des navires qui seront mis en service après la fin du conflit.

Caractéristiques Techniques de la classe Clemenceau

Déplacement : standard 32500 tonnes pleine charge 41000 tonnes

Dimensions : longueur hors tout 275m longueur du pont d’envol 270m largeur à la flottaison 30m largeur du pont d’envol 47m tirant d’eau à pleine charge 9.80m

Propulsion : 4 turbines à vapeur Rateau-Bretagne alimentées en vapeur par 8 chaudières Penhoët dévellopant 170000ch et entrainant quatre hélices

Performances : vitesse maximale en service courant 32 noeuds distance franchissable 16000 miles nautiques à 15 noeuds

Protection : ceinture de 130mm pont d’envol 75mm pont du hangar 50mm

Armement : huit canons de 130mm en quatre tourelles doubles, quarante-huit canons de 37mm Schneider modèle 1941 ou ADAC/ADAQ et trente-six canons de 25mm en affûts simples et doubles
Installations aéronautiques : pont d’envol de 270m de long sur 47m de large équipé de deux catapultes hydrauliques axiales à l’avant

Hangar de 204m de long sur 24m de large et 5.40m de haut relié au pont d’envol par trois ascenseurs  (deux axiaux de 14.7 sur 13.5m et un latéral du 18.3 sur 10.4m) onze brins d’arrêts et une grue de 15 tonnes derrière l’ilôt

Groupe aérien : 90 appareils (chasseurs MB-159M, bombardiers en piqué Loire-Nieuport LN-420,Latécoère Laté 299-5, SNCAO CAO-610 en attendant des avions plus modernes)

Equipage : 2500 à 3000 hommes

La raison finit cependant par l’emporter et la version définitive du programme de guerre voit la commande de deux porte-avions légers, version agrandie des Alienor d’Aquitaine, des porte-avions baptisés Guillaume le Conquérant et Henri Plantagenêt.

Il faut dire que les «ponts plats» payent leur part de pertes avec la destruction du Joffre en Méditerranée et de l’Alienor d’Aquitaine en Indochine par les japonais.

Caractéristiques des porte-avions classe Guillaume Le Conquérant

Déplacement : standard 16000 tonnes pleine charge 19000 tonnes

Dimensions : longueur 215.30m largeur (flottaison) 24.50m tirant d’eau (en charge) 8.25m

Propulsion : turbines à engrenages Parson alimentées par quatre chaudières type Amirauté dévellopant une puissance totale de 43000ch et entrainant deux hélices

Performances : vitesse maximale 25 noeuds distance franchissable 12000 miles nautiques à 14 noeuds

Armement : 32 canons de 37mm Schneider modèle 1941 en seize affûts doubles et 16 canons de 25mm Hotchkiss modèle 1940 en huit affûts doubles.

Installations aéronautiques et Groupe aérien :

-Une catapulte à l’avant

-Deux ascenseurs axiaux

-Hangar de 138mx15.84×5.33m

-Dix brins d’arrêt.
Groupe aérien : encore non arrêté à l’époque mais devrait tourner entre 30 et 40 appareils

Equipage : encore inconnu à l’époque

Croiseurs lourds

En septembre 1948, la marine nationale dispose de neufs croiseurs lourds plus un dixième _le Charles Martel_ en construction à Lorient. Tous sont déployés en Europe à l’exception du Tourville déployé en Indochine comme navire-amiral des FNEO.

Jugeant ce type de croiseur inadapté aux missions à venir, la marine nationale décide de ne commander aucun croiseur lourd ou croiseur de 1ère classe.

Croiseurs légers

Quand le second conflit mondial éclate, la marine nationale dispose de dix sept-croiseurs légers plus  trois autres en construction (un en achèvement à flot et deux sur cale) soit un potentiel de vingt-croiseurs légers.

Il ne faut cependant pas s’arrêter sur un bilan strictement comptable. La flotte est en effet hétérogène avec les vénérables Duguay Trouin et Primauguet, le croiseur-école Jeanne d’Arc juste capable de traquer les raiders allemands, les modernes La Galissonnière et De Grasse (six de chaque côté) et l’étonnant Waldeck-Rousseau, un croiseur léger antiaérien.

Les tranches 1946 et 1948 avaient financé la construction de trois croiseurs légers baptisés  Dupuy de Lôme Sully et Louvois destinés à remplacer le Lamotte-Picquet (désarmé prématurément en 1946), le Duguay-Trouin et Le Primauguet.

La campagne de Norvège à prélevé sa part de la «note du boucher» comme dise les anglo-saxons puisque le Gloire est coulé au large d’Oslo par une attaque combinée de la Luftwafe et des sous-marins qui ne laisse aucun chance au croiseur léger. Le Waldeck-Rousseau est sévèrement endommagé et nécessitera de longues réparations avant de redevenir opérationnel.

Prévoyant des pertes sévères dans cette catégorie de croiseurs, la marine parvint à arracher aux députés la commande de neuf croiseurs légers type Dupuy de Lôme même si les retours d’expérience de la guerre se chargeront de modifier éventuellement l’armement et les capacités de ces navires.

Une réflexion sur “20-Ordre de bataille et Programme de guerre (3)

  1. Frédéric dit :

    Un faute de frappe à signalé :

    Cela signale l’arrivée du cuirassé « Hi »n »denburg « et du croiseur lourd Tegetthoff bien décidés à châtier la Royale.

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