22-Armée de terre : armement et matériel (49)

Les véhicules d’usage déterminé

Préambule

Non destinés à quitter la route, ces véhicules combinent un chassis de type commercial mais avec une carosserie adaptée aux besoins des militaires. Voilà pourquoi à l’exception des camions citernes, ces véhicules sont commandés dès le temps de paix, stockés et ressortis au grand jour au moment de la mobilisation de septembre 1939.

Les véhicules appartenant à cette catégorie sont de plusieurs types regroupés selon le vocable de «véhicules dérivés de chassis commerciaux courants».

A la différence des véhicules que nous venons de voir, ils sont adaptés à une mission bien particulière. On trouve donc les types suivants :

-Voitures sanitaires

-Camionnettes télégraphiques

-Breaks de reconnaissance (ultérieurement reclassés comme véhicules d’usage général et cités ici pour mémoire)

-Camions aménagés (atelier, magasin, porte-chars, porte-canons………..)

-Véhicules sahariens (ultérieurement reclassés comme véhicules d’usage général et cités ici pour mémoire)

-Tracteurs ordinaires routiers

-Avant-trains tracteurs

-Voitures usines d’équipages photo-électriques

-Locomotives pétroléo-éléctriques et locotracteurs

Les camions citernes

Laffly S20TL en version citerne

Laffly S20TL en version citerne

Quand éclate la guerre de Pologne,l’armée de terre dispose de seulement soixante-sept camions citernes sur les 110 commandés. Sur ce total, on doit compter les Latil M2B1 destinés au Sahara et des Laffly S20 TL réservés aux dragons portés.

Les besoins de la mobilisation sont estimés à 9000 citernes dont 3000 pour l’armée de l’air. Cela entraine le quasi épuisement du parc civil. Cela laisse néanmoins un déficit initial de 150 véhicules, 152 exemplaires étant laissés à la disposition de la Société Industrielle des pétroles et dérivés pour les besoins du marché civil.

Si certains de ces véhicules sont affectés isolément à des unités mécaniques (bataillon de chars de combat, divisions légères mécaniques), la majorité sont intégrés à des unités du train.

On trouve ainsi des compagnies de camions réservoirs dépendant des parcs d’essence d’armée ou de la Réserve Générale et des compagnies de transport de carburant qui sont des unités autonomes de la réserve générale.

Chaque compagnie dispose de 89 camions réservoirs ou plateaux (ces derniers transportant des citernes amovibles de 1 à 1.25 mètres cubes) plus 20 camions de 5 tonnes et 15 camions de 3.5 tonnes qui servaient au transport de bidons de cinquante litres.

Il faut attendre le 18 septembre 1939 pour que les premières commandes soient passées, 500 camions de 5000l plus soixante d’entretien mensuel. Cela permet de résorber le déficit et de remplacer les véhicules de réquisition qui sont peu à peu rendus à leurs propriétaires.

L’armée de terre met en œuvre des Berliet GDR 7 de 5000 litres qui peut être considéré comme le camion citerne standard de campagne.

D’autres modèles de camions citernes sont mis en œuvre au sein de l’armée de terre, des camions citernes de grande capacité en l’occurence le Willeme DG 18 de 18000 litres, dérivés des DG 12 de 12000 litres, ces derniers étant issus de la réquisition et sont rendus à leur légitime propriétaire au fur et à mesure de la livraison des DG 18.

On trouve également des Renault AIB 1 de 9500 litres ainsi que des White 920 et Mack EXBX de 18000 litres.

Camions-ateliers

A la différence des véhicules que nous venons de voir, les camions ateliers sont des véhicules typiquement militaires. Voilà pourquoi, les véhicules nécessaires sont commandés avant le déclenchement de la guerre de Pologne.

Cependant quand cette dernière éclate, toutes les commandes ne sont pas honorées ce qui impose faute de mieux de réquisitionner dans le civil des véhicules forcément moins adaptés que les véhicules conçus comme camions-ateliers.

En effet sur les 661 véhicules commandés (404 ateliers, 195 porteurs de machines-outils et 62 magasins), il reste à livrer 192 camions-ateliers, 158 porteurs de machines outils et 45 camions magasins.

Depuis 1938, l’armée à soigneusement définit les spécifications de ses camions ateliers qui existent en deux types : le type artillerie et le type char qui se différencie essentiellement par leur aménagement intérieur.

Outre les camions ateliers proprement dits, nous trouvons également des camions ateliers métalliques du génie et des camions de parc automobile d’armée.

D’autres véhicules vont naturellement être commandés une fois la guerre déclarée, des commandes importantes qui ne seront pas toutes honorées puisque la guerre s’acheva au bout de trois mois.

Les principaux modèles de véhicules ateliers sont les suivants :

-Camion atelier métallique Renault AGK

-Camion atelier type chars Rochet-Schneider 420 VLES

-Camion atelier Panhard K 125

-Camion pour parc d’armées FAR

-Camion atelier Latil FSPB 4

Camions porte-char

Quand éclate la guerre de Pologne, la quasi-totalité des porte-chars en service sont destinés au transport à longue distance sur route des Renault FT de 7.5 tonnes, des chars dépassés en 1939 mais toujours en service en attendant leur remplacement par des chars plus modernes.
Le poids des chars ne cessant d’augmenter, la philosophie du portage de chars évolue d’un transport sur route au dépannage des chars endommagés. Sachant qu’un char léger pèse en 1939 12 tonnes, le transport sur plateau devient pour ainsi dire impossible.

C’est le concept du «leveur-porteur», des véhicules spécialement conçus pour récupérer un char endommagé ou enlisé pour l’installer sur plateau et l’envoyer en réparations. Des véhicules répondant à ses caractéristiques sont fournis par Willème (DW-12A) et Berliet en petit nombre (24 commandés dont 17 encore à livrés en septembre 1939) en raison de leur coût.

La guerre imposant des solutions moins coûteuses, on préfère au leveur-porteur, le concept d’un 15 tonnes classique équipé de treuils et de rampes arrières, capable de porter tous les chars légers de l’époque. La société Bernard reçoit une commande de 280 exemplaires et Berliet une commande de 70 GPE-4.

Laffly S45T

Laffly S45T

Pour les chars dépassant 15 tonnes, on décide d’utiliser des remorques de dépannage tractées par des  dépanneurs de chars tout-terrain Somua MCL, Laffly S45 T et Latil M4TX.

Sur le plan de l’organisation, chaque BCC léger (BCC type 45) dispose d’un leveur-porteur et de deux porte-chars avec treuil alors que pour les BCC moyens et lourds ainsi que les escadrons de Somua S-35, on trouve une remorque par compagnie ou deux par escadrons, des remorques de 20 tonnes (modèle Titan et L&G) et de 30 tonnes (modèle Titan et Coder).

Devant les besoins, on fait appel aux Etats-Unis, commandant des camions porte-chars de 18 à 20 tonnes White-Ruxtall 922. Ces véhicules vont équiper à partir de l’automne 1940 cinq compagnies de soixante-trois tracteurs porte-chars, pouvant transporter des véhicules sur plateau ou tracter une des remorques citées plus haut. Ces cinq compagnies deviendront dix à la mobilisation de septembre 1948 puis quinze au printemps 1949 avec des véhicules américains et français.

22-Armée de terre : armement et matériel (48)

Les camions de 3.5 tonnes

Les camions appartenant à cette catégorie sont tous des camions routiers 4X2, des camions civils à peine adaptés aux besoins militaires avec un équipement de remorquage à l’avant et à l’arrière, une caisse en bois avec des ridelles pour protéger le compartiment à marchandises et des aménagements intérieurs notamment pour l’armement des conducteurs (mousqueton puis ultérieurement fusil ou pistolet-mitrailleur). Quand à la peinture, elle est vert olive pour l’armée de terre et gris clair pour l’armée de l’air.

On aurait pu s’attendre à des véhicules tout terrain mais la qualité du réseau routier français (réputé depuis le 18ème sous l’impulsion du Corps des Ponts et Chaussées) permet à l’armée de se passer de ce type camion peu courant dans l’industrie et l’économie civile.

Avec leur caisse de 3.60m (4m pour les camions à cabine avancée) de long sur 1.80m de large, ces camions peuvent transporter 3500kg de chargement ou 16 à 22 soldats équipés soit grosso modo deux groupes de combat voir des systèmes d’armes comme des canons de 25mm ou des systèmes logistiques comme des cuisines roulantes.

Comme les camionnettes, les camions sont regroupés en section de vingt véhicules (dix-sept disponibles et un volant de réserve de trois exemplaires), chaque compagnie regroupant quatre ou cinq sections soit 80 à 100 camions, une capacité de transport non négligeable.

Comme dans toutes les autres catégories, on trouve plusieurs modèles fournis par les constructeurs de l’époque.

-Camion bâché de 3.5 tonnes Panhard K 101

-Camion bâché de 3.5 tonnes Latil M2B3D

-Camion bâché de 3.5 tonnes Berliet VDCA

-Camion bâché de 3.5 tonnes Citroen Type 45

Renault AGR 2

Renault AGR 2

-Camion bâché de 3.5 tonnes Renault AGR 2

-Camion bâché de 3.5 tonnes Delahaye type 103

Les camions de 5 tonnes

Ce sont les camions standard les plus gros de la flotte militaire. Au delà de ce tonnage, les militaires estiment que le véhicule serait impropre à l’utilisation en campagne. Les camions plus lourds que ceux que nous allons voir maintenant sont rares et utilisés pour un usage bien particulier.
On trouve plusieurs variantes dans cette catégorie de véhicules en l’occurence des camions ordinaires ou non aménagés, les camions de transport spéciaux destinés au transport à longue distance sur route des chenillettes de ravitaillement et les camions de transport toute nature (TTN).

Comme dans toutes les autres catégories, on trouve plusieurs modèles fournis par les constructeurs de l’époque.

-Camion bâché de 5 tonnes   Latil FB 6 et FSPB 4

-Camion bâché de 5 tonnes Matford F 917-WS

-Camion bâché de 5 tonnes   Berliet GRDA

-Camion bâché de 5 tonnes Renault AGK

-Camion bâché de 5 tonnes Rochet-Schneider 420 VLES

-Camion bâché de 5 tonnes Saurer 3 CT1 M1

Les Transports de Toute Nature (TTN)

Ce concept de camion à été définit le 17 février 1930 après plusieurs essais. Ce concept répond à la variété des type de chargement d’une armée qui combine éléments motorisés et éléments hippomobiles.

Comme les unités de train peuvent avoir à transporter aussi bien des munitions, des hommes, des cuisines roulantes que des chevaux (pour les déplacements stratégiques), l’idée d’un camion pouvant transporter tout type de chargement sans modifications s’impose à tous.

Ces camions sont semblables à ceux que nous venons de décrire mais ne possèdent pas de passage pour les roues (utile pour transporter des pièces légères d’artillerie), une caisse munie de hayons démontables et d’arceaux à bâche, de crochets pour attacher les chevaux sans oublier des bancs amovibles pour ne transport de personnel et de cloisons amovibles pour le transport de munitions.

Cette première configuration était cependant perfectible et en 1939, le lieutenant colonel Dutertre-Delamarcq commandant le centre mobilisateur du train n°23 (Paris) met au point une configuration TTN plus simple, une qualité appréciée en temps de guerre où il faut produire vite et en grand nombre. Cette configuration va être adaptée sur tous les camions de 3.5 ou 5 tonnes progressivement et sans empressement.

Le seul modèle de camion spécifiquement conçu TTN est le Panhard K 125 à cabine avancée,un dérivé du K91 à cabine classique.

Les camions bâchés d’importation

Avant guerre ,l’armée s’était refusée à acheter à l’étranger à la fois pour protéger les intérêts de notre industrie mais également pour ne pas laisser partir à l’étranger des devises précieuses car rares.

Les immenses besoins révélées par la mobilisation et une industrie surchargée de commandes pousse l’armée à faire taire ses pudeurs initiales pour multiplier les commandes à l’étranger notamment en direction du pays où l’automobile est reine : les Etats-Unis

Parmi les modèles achetés, on trouve ainsi des camions bâchés de 2.5 tonnes GMC ACK 353 et ACKWX 353, des camions bâchés de 2.5 tonnes Dodge H 203, des camions bâchés de 5 tonnes Studebaker K25, White 704S, Dodge VH 48 et VK 62, Chevrolet YS 4103 et GMC ACX 504.

L’Italie  va également fournir des camions à l’armée française en l’occurence un camion de 2.5 tonnes, le Fiat-SPA 38 et un camion de 3.5 tonnes le Fiat 626N qui lui était propulsé au diesel.

Si dans un premier temps ces camions auraient du servir l’armée, il vont finir par équiper des entreprises du BTP qui trouveront à bon compte le moyen de moderniser leur flotte, flotte appelée à être réquisitionnée en cas de guerre.

Les poids lourds d’usage général

Généralement dans cette catégorie de camions allant de 5 à 15 tonnes, on ne trouve que de véhicules spécialisés comme des porte-chars. Néanmoins la réquisition offre à l’armée des véhicules d’usage général dépassant les 5 tonnes de charge utile.

Ces réquisitions gênant l’économie du pays, le ministère des Travaux Publics demande le retour à la «vie civile» de ce type de camions. Dès le mois d’octobre, les camions à gazogène qui se sont révélés impropres au service en campagne sont rendus à leurs propriétaires mais pour les véhicules les plus lourds, il faudra souvent attendre le printemps 1940.

De nombreux constructeurs ont ainsi fourni par l’intermédiaire de la réquisition des véhicules de ce type comme Berliet et Renault. Néanmoins les principaux constructeurs sont Willème avec un camion de 7.5 tonnes de charge utile, le DU-10 de 10 tonnes et le DU-12 de 12 tonnes ainsi qu’Unic et son SU 75-4MN de 7 tonnes de charge utile.

Les camions à gazogène

Si la France ne motorisa pas totalement son armée, ce n’est pas faute de volonté mais en l’absence de ressources pétrolières nationales. On chercha donc dès la fin du premier conflit mondial à développer un «carburant national» en utilisant les ressources disponibles en métropole en l’occurence le charbon ou le bois.

C’est l’acte de naissance du gazogène. Trois modèles vont être retenus pour la réquisition en temps de guerre en l’occurence le Gohin-Poudenc à charbon de bois ou charbon minéral, le Imbert-Berliet à bois et le Panhard au charbon de bois.

A l’usage néanmoins, les gazogènes se révéleront d’un usage malaisé en campagne ce qui entrainera la rapide dé-réquisition des véhicules et une restitution sans regrets à leur propriétaire.

Des contrats longue durée passés avec le Moyen Orient, le Caucase, le Venezuela, le Mexique et le Texas et surtout la découverte du pétrole dans le Sahara algérien entrainera une plus grande confiance dans l’utilisation du pétrole comme combustible.

Le seul modèle conçu spécifiquement comme véhicule gazo est le camion bâché de 3.5 tonnes à gazogène Panhard K 128. Les autres véhicules à gazogène sont en fait une adaptation de véhicules existants, un exemplaire par contrat ce qui montre le très relatif intérêt de l’armée pour le «carburant national».

Autobus et autocars de transport de personnel

En temps de paix, l’armée de terre utilise peu d’autocars tandis que le plan de mobilisation prévoit un appel important à la réquisition pour la constitution des compagnies de transport de personnel.

En temps de paix, quelques véhicules de ce type sont commandés pour l’administration centrale, les écoles et les établissements. Préparée de longue date, la réquisition ne réserve aucune mauvaise surprise en septembre 1939.

Lors de la mobilisation partielle de septembre 1938, la STCRP avait mis sur pied six compagnies à quatre sections de vingt autobus soit 480 véhicules plus l’armement, les munitions, les cuisines roulantes, les taxis de réquisition et motos de liaison.

Un an plus tard, la STCRP reçoit l’ordre de mettre sur pied neuf GTP (Groupe de Transport de Personnel) soit dix-huit compagnies, 1440 autobus, 4500 hommes et 110 officiers.

Outre ses GTP, une partie des autobus seront transformés en véhicules de soutien. Les autobus ainsi modifiés seront progressivement déréquisitionnés au printemps 1940, les GTP étant dissous en juin 1940 et les autobus rendus au service commercial.

L’armée de l’air utilise elle aussi des autocars en plus grand nombre pour le transport de personnel et des rôles spécifiques (plus d’informations dans la partie idoine).

Les véhicules sahariens ou adaptés à l’outre-mer

La France possède en septembre 1939 le deuxième empire colonial du monde, essentiellement centré sur l’Afrique ce qui nécessite pour en assurer la surveillance des véhicules adaptés aux conditions climatiques particulières notamment en terme de chaleur, de temps sec……. .

Ces véhicules bénéficient d’une capacité de refroidissement plus importante pour compenser le manque d’eau et d’une capacité tout-chemin pour compenser l’état médiocre des routes d’outre-mer.

Ces véhicules sont soit conçus spécifiquement pour ce rôle ou l’adaptation de véhicules de série à ce milieu particulier.

Le seul camion spécifiquement conçu pour le Sahara est le Panhard K 113 (5 tonnes  de charge utile), produit à 150 exemplaires pour le Maroc et l’Algérie. D’autres exemplaires seront ultérieurement produits pour équiper les régiments portés de tirailleurs sénégalais.

On trouve également des camions citernes Latil M2B1 et des camionnettes Berliet VDAK de 2.7 tonnes.