Le Conflit (204) Balkans (38)

A l’aube, les evzones des 1er et 8ème bataillons prennent pied sur les rives des Golfes de Patras et de Corinthe. Ils doivent neutraliser les sonnettes déployées sur les rives pour faciliter le débarquement de l’infanterie grecque.

Embarqués sur des canots pneumatiques et des vedettes motorisées, les fantassins légers grecs tentent de surprendre les fante italiens. Selon les secteurs la réussite est variable, certains postes sont neutralisés à l’arme blanche et à la grenade, d’autres se défendent et rejettent à l’eau les evzones.

L’espoir de voir ces bataillons tenir quelques heures pour éviter un affrontement majeur dès le franchissement s’évanouit très vite.

Les alliés déclenchent sur les coups de 06.30 un terrifiant tir de barrage mêlant pièces d’artillerie lourde, pièces d’artillerie de campagne, lance-roquettes multiples et même canons antiaériens lourds en tir direct.

Les italiens courbent l’échine même si ici et là des cas de panique et de désertion sont signalés. Cela n’entame pas vraiment la combativité des troupes italiennes qui sont bien décidé à empêcher les grecs de libérer leur pays.

L’artillerie alliée pilonne le front de 06.30 à 09.15 sans discontinuer rendant justice aux logisticiens qui avaient prévu des stocks très abondants de munitions là où certains opérationnels pensaient qu’ils exagéraient alors qu’ils sont souvent les premiers à réclamer toujours plus de munitions !

Sous la protection de l’artillerie de campagne et des canons antiaériens lourds (l’artillerie lourde à allongé son tir), les fantassins grecs commencent à franchir le Golfe sur des embarcations rapides.

Ces ομάδες διέλευσης (omádes diélefsis) (groupes de franchissement) comprennent des fantassins de ligne, des evzones, des sapeurs, des observateurs d’artillerie et des sapeurs-transmetteurs.

Pour laisser les italiens dans l’incertitude, les différentes divisions vont toutes franchir en même temps les golfes mais avec un léger décalage pour également empêcher une division d’aider sa voisine.

Pour ne rien arranger la Force Ouest va bombarder la rive du Golfe de Patras et l’île de Céphalonie et simuler un débarquement soit sur l’île voisine de celle de Zakynthos ou alors sur la rive occidentale de la Grèce.

C’est la 1ère DI (H) qui ouvre le bal sur les coups de 09.30 en profitant d’un barrage d’artillerie flash et de l’usage de roquettes fumigènes. Les alliés espèrent beaucoup de ces écrans fumigènes à la fois pour un impact militaire (empêcher les troupes ennemies de repousser la traversée) et psychologique (créer une panique).

Les soldats hellènes retrouvent certains avant-postes occupés par les evzones du 1er bataillon qui s’accrochaient comme des diables sur la rive appuyés par l’artillerie et l’aviation en résistant aux contre-attaques de la 23ème division d’infanterie appuyés par des chars P-26. Fort heureusement les blindés italiens se coordonnent très mal avec l’infanterie ce qui sauve la mise des evzones.

Dire que les grecs étaient motivés était un doux euphémisme. Voilà plus de deux ans qu’ils attendaient cela, libérer leur territoire.

En face les italiens résistent espérant l’intervention de la 20ème DI venue d’Albanie voir de la Division Blindée «Littorio» mais ces deux divisions sont laissées sans ordre, devant se débrouiller par elles mêmes ce qui est tout sauf une bonne idée.

A la fin de la journée, les grecs sont solidement accrochés sur la rive nord du Golfe de Patras mais la situation est jugée toujours trop instable pour permettre la construction des ponts flottants destinés à favoriser le passage des véhicules, du matériel et de l’artillerie pour faciliter l’avancée de la division grecque.

Parallèlement donc les autres divisions grecques passent à l’action bien décidées à faire aussi bien que la 1ère DI. La 4ème DI (H) entame son franchissement à 10.15 avec l’appui de l’artillerie. Ne disposant pas de la présence d’evzones, ils doivent combattre dès qu’ils ont mis le pied sur la rive nord.

Les affrontements sont violents, se faisant au pistolet, au couteau et à la grenade plutôt qu’à l’arme longue ! La 28ème DI italienne réagit avec vigueur et jusqu’au lendemain matin peut espérer renvoyer les grecs chez eux.

Malheureusement pour l’Aosta, le repli de la 23ème DI l’oblige à se replier pour ne pas être attaquée de face et sur les côtés. Le repli se fait en bon ordre en profitant de la fatigue des troupes grecques.

Le 23 septembre 1952 les italiens tentent une nouvelle et ultime contre-attaque mais elle est durement chatiée par l’aviation et par l’artillerie dont une partie à passé le golfe de Patras pour augmenter sa portée.

Pourtant les transalpins avaient engagé l’artillerie, l’aviation et même des chars de la division Littorio. Les italiens se replient en bon ordre, les grecs ne les poursuivant en dépit de la volonté de certaines unités qu’il faut freiner pour des questions de «cohérence tactique».

Les grecs soutenus par le génie britannique lancent dès le 24 les premiers ponts flottants pour faciliter l’arrivée du carburant, des munitions et du matériel sans oublier bien entendu le reste des 1ère et 4ème DI (H) qui peuvent passer plus tranquillement le Golfe de Patras.

En fin de matinée, les deux divisions d’infanterie du 2ème corps d’armée grec franchissent à leur retour le Golfe de Patras et le Golfe de Corinthe (même si dans les rapports de bataille, le Golfe de Patras s’étend jusqu’à l’isthme de Corinthe). Ils bénéficient de l’aide du 8ème bataillon d’evzones qui se sont emparés de la majorité des avant-postes.

Certains vont même réussir à atteindre la Ligne Principale de Résistance (LPR) mais ils sont rapidement repoussés par l’infanterie italienne qui fait preuve d’un mordant qui surprend des alliés persuadés que les italiens informés de la situation en Italie ne pouvaient que mener un simple baroud d’honneur avant de se rendre.

Reste à savoir pourquoi se battent-ils encore ? Solidarité de groupe ? Peur de décevoir les copains ? Répression et représaille en direction des familles ? Cynisme et désespoir ? Probablement un mélange de tout cela.

La 2ème DI grecque se heurte à la 29ème DI considérée comme la plus solide des divisions italiennes en Grèce.

Il lui faut pas moins de quatre assauts pour déborder le dispositif italien qui se replie en bon ordre en profitant de l’affaiblissement de la division grecque que reçoit comme une bénédiction l’intégration du 8ème bataillon d’evzones pour compenser les pertes au grand dam des fantassins légers grecs qui aimaient leur autonomie d’action.

La 5ème DI grecque est moins en difficulté face à la 30ème DI. Utilisant des tactiques plus hétérodoxes et moins classiques que sa consoeur, elle prend très vite le contrôle d’une tête de pont solide et quasiment impossible à réduire sauf en mettant des moyens que les italiens ne possédaient plus si tant est qu’ils les ont possédé un jour sur le front grec.

Les italiens contre-attaquent néanmoins le 22 et le 23 septembre. Les grecs se content de repousser sans avancer vers l’avant en utilisant une puissance de feu largement supérieure. Les italiens comprenant qu’ils n’auront ni gain de cause ni renforts allemands décident de se replier sur une nouvelle ligne de défense.

Le 24 septembre, les ponts flottants sont mis en place mais dans le secteur du 2ème Corps d’Armée, le mauvais temps et visiblement des problèmes de construction entrainent plusieurs ruptures. On soupçonne un temps un sabotage avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un manque d’expérience de jeunes pontonniers.

Le 26 septembre 1952, les deux têtes de ponts forment un bloc unique impossible à réduire sauf à mobiliser toute l’armée italienne. Les grecs décident de réorganiser leur dispositif avant d’entamer l’exploitation qui doit être menée notamment par le 3ème CA qui s’impatientait sur la rive sud du Golfe de Patras.

De toute façon les grecs devaient attendre que les britanniques et les sud-africains percent et s’ébrouent sur une zone nettement plus difficile que deux golfes larges et profonds ce qui laisse songeur.

Initialement l’axe principal de l’offensive alliée devait avoir lieu dans l’isthme de Corinthe en laissant aux grecs le soin de tenir le Golfe de Patras et le Golfe de Corinthe.

Pour des raisons politiques on transféra l’axe principal côté grec en laissant aux britanniques et aux sud-africains le soin de fixer les troupes germano-italiennes pour empêcher un transfert de forces vers l’ouest.

Quand les grecs attaquent le 21 septembre 1952, les unités du Commonwealth fixent les 47ème et 48ème DI qui tiennent solidement l’isthme. La zone est fortifiée et minée, les fante ayant travaillé d’arrache pied pour tenir le plus longtemps possible.

En ce qui concerne la 8ème Armée britannique, on compte en première ligne la 1ère division d’infanterie sud-africaine (1st SAAC), la 66th ID (13th AC), la 3ème division d’infanterie sud-africaine (2nd SAAC) et la 56th ID (14th AC), les autres unités (respectivement 2ème division d’infanterie sud-africaine, 4th Independent Armoured Brigade pour le premier corps d’amée sud-africain, 7th Armoured Division pour le 13ème corps d’armée, 6ème division blindée sud-africaine pour le 2ème corps d’armée sud-africain, 7ème division d’infanterie pour le 14ème corps d’armée) sont placés en arrière.

Pour faire face à toute éventualité, le 15ème Corps d’Armée (53rd Welsh Division et 12th Infantry Division) est placé en réserve générale, son engagement par exemple pour envahir l’île d’Eubée étant du domaine du possible.

Avec de tels moyens nul doute que les britannico-sud africains ont du regretter de ne pas avoir eu le premier rôle, probablement persuadés qu’ils auraient pu emporter facilement le dispositif ennemi bien plus facilement en tout cas que les grecs.

On retrouve le même débat qu’il y avait vu à propos de l’opération AVALANCHE sur le front occidental, certains officiers planificateurs militant pour un axe principal entre Paris et le lac Léman plutôt qu’entre Paris et l’estuaire de la Seine.

Du 21 au 24 septembre les unités du Commonwealth multiplient les coups de sonde contre les italiens qui résistent bien mieux que prévu. C’est d’ailleurs une désagréable surprise pour les état-majors alliés : les italiens se battent bien et sont loin de céder au désespoir.

Les combats sont violents entre unités de choc des deux camps, l’artillerie du Commonwealth et l’artillerie italienne se rendant coup pour coup. Dans les airs l’aviation italienne tente de disputer la maitrise du ciel aux britanniques et autres unités du Commonwealth mais doit très vite courber l’échine. A cela s’ajoute l’engagement d’unités aériennes de la Luftwaffe qui couvrent l’arrivée de renforts allemands.

Le 25 septembre 1952, les troupes des deux armées reçoivent l’ordre d’enfin avancer. Les italiens qui savent devoir se replier combattent de manière vigoureuse et profite de la désespérante lenteur des troupes britannico-sud africaines pour ne pas être trop «agressées». Le repli se fait par étapes avec quelques vigoureuses contre-attaques pour obliger les troupes du Commonwealth à baisser la tête et ce malgré un solide appui aérien et un appui-feu naval.

Il faut attendre le 28 septembre pour qu’enfin les 8th et 10th Army soient en mesure de véritablement avancer.

Le 1er octobre 1952, les sud-africains du 1st South African Army Corps prennent contact avec les grecs du 2ème Corps d’Armée. Le front occupe les rives nord des golfes de Patras et de Corinthe ainsi que le plan, n’étant qu’à 90km d’Athènes. Le plus dur est-il fait ? Humm pas vraiment.

Du 1er au 15 octobre 1952 le front balkanique est calme au moins à terre. Dans les airs et sur mer (voir la partie concernée) c’est moins le cas, les deux camps ayant néanmoins des objectifs différents : s’emparer du contrôle total de l’espace aérien pour les alliés et retarder l’inéluctable pour l’Axe.

En ce qui concerne les combats sur mer, les alliés sont totalement dominants, les navires de l’Axe étant rarissimes et surtout incapables de renverser la vapeur d’une domination absolue depuis au moins le printemps 1950 et une certaine bataille du Golfe de Zanthe.

Le front terrestre n’est pas non plus totalement congelé. On assiste à des duels d’artillerie et à des coups de main où on cherche à maintenir l’ennemi sous pression. Quelques raids sont menés par les evzones et signe qui ne trompent pas des prisonniers sont sommairement exécutés des deux côtés. Pour la «guerre de Gentleman» on repassera.

Le dispositif allié est réorganisé pour préparer à terme l’engagement des troupes yougoslaves dont la montée en puissance est d’une lenteur désespérante.

D’ouest en est, on trouve d’abord l’Armée Grecque Libre (AGL) qui aligne ses trois corps d’arrmée avec le 3ème CA qui s’insère entre les 1er et 2ème CA pour la simple raison qu’il dispose de l’unique division blindée grecque qui doit être la pointe de diamant du dispositif hellène.

Ensuite on trouve la 8th Army [UK] qui comprend tout d’abord le 1er Corps d’Armée sud-africain (1ère et 2ème divisions sud-africaines, 4th Independent Armoured Brigade) et le 13th Army Corps britannique (66ème division d’infanterie et 7ème division blindée).

Enfin on trouve la 10th Army [UK] qui comprend le 2ème Corps d’Armée sud-africain (3ème division d’infanterie sud-africaine et 6ème division blindée sud-africaine) et le 14ème Corps d’Armée (56ème et 7ème division d’infanterie).

A noter que le 15ème corps d’armée (53ème division galloise et 12ème division d’infanterie) est placé sous le commandement direct du Groupe d’Armées Allié des Balkans (GAAB) pour des opérations non liées directement à la libération de la Grèce. Le fait qu’il s’entraine intensivement aux opérations amphibies semble indiquer qu’on à des projets importants pour lui….. .

Très vite l’état-major du GAAB installé à Heraklion renonce à un coûteux combat frontal dans l’Attique pour un débordement du dispositif en Thessalie, une sorte de coup de faux version balkanique.

On essaye de déborder également à l’est. Le 15th Army Corps [UK] tente de débarquer le 16 octobre sur l’île d’Eubée mais échoue devant se replier sur le continent ! Heureusement pour les alliés et malheureusement pour l’Axe ce sera la dernière défaite alliée sur le front balkanique.

En janvier 1953 le 15ème Corps d’Armée débarque sur l’île d’Eubée suite à la chute d’Athènes mais ne rencontre que fort peu de résistance, les allemands se contentant de quelques combats retardateurs pour donner le change.

Le corps d’armée britannique reste sur l’île même si il sait qu’à terme il va devoir abandonner cette garnison plutôt agréable, l’île ayant été relativement épargnée par la guerre et la population se montrant accueillante.

Reste également la question des Cyclades. Les allemands hésitent ? Les conserver ou les abandonner ? La pression alliée rendant l’évacuation compliquée pour ne pas dire impossible.

En dépit de l’action des aviations et marines alliées, des troupes allemandes et des collaborateurs grecs parviennent à rallier la Grèce occupée pour renforcer les unités déployées, nombre d’entre-eux formant la garnison du Festung Athens.

Les Cyclades sont évacuées en novembre 1952. Les grecs manquant de troupes, ces îles ne vont pas être toutes occupées mais vont servir de bases aux unités de choc alliées qui pouvaient à la fois dissuader l’Axe d’une action militaire et permettre à ces soldats d’élite de se reposer.

C’est ainsi que la Bataillon Sacré s’installe à Amorgos, le Corps Franc des Balkans (CFB) à Anafi, le Bataillon des Hoplites de la Mer à Andros, le Bataillon d’infanterie de marine yougoslave à Folégrandros, le Special Boat Service (SBS) à Ios, le Special Air Service (SAS) à Kéa alors que le 10ème commando interallié est réparti entre les îles de Kimolos, Polyaigos, Milo et Sifnos.

Naturellement ces casernements sont des bases arrières, très vite ces soldats d’élite vont rallier le continent pour de nouvelles opérations de combat.