URSS (2) Histoire et Géopolitique (1)

HISTOIRE DE LA RUSSIE ET DE L’URSS

Les origines

La Rus’ de Kiev : grandeur et décadence

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Si des traces de peuplement ont été identifiés dès l’an 200000 avant notre ère, il faut attendre le IXème siècle pour qu’un état «russe» voit enfin le jour. C’est la Rus’ de Kiev née en 862 sur un territoire qui correspond au territoire actuellement couvert par l’Ukraine, la Biélorussie et une partie de la Russie occidentale.

Cet état n’est pas créé par des populations autochtones mais par des hommes venus de l’actuelle Scandinavie, les Varègues. Ces hommes célèbres pour avoir fourni les meilleurs mercenaires à l’empire byzantin (les fameux «gardes varègues») mettent en place une première dynastie, celle des Riourikides de son premier chef, un personnage semi-légendaire appelé Rurik.

Cet état est un proto-Etat, peu structuré avec des populations diverses. Cet état est un acteur clé sur les routes commerciales reliant la Baltique, la Caspienne et la Mer Noire via le Dniepr et la Volga.

La première capitale est la ville de Novgorod mais dès 882 Oleg le Sage déplace la capitale de l’état à Kiev, expliquant la place particulière de la capitale ukrainienne dans l’histoire qu’elle soit russe ou soviétique.

Partenaire de premier plan de l’empire byzantin, la Rus’ de Kiev est tantôt son allié tantôt son adversaire contre les nombreux peuples qui s’intéressent aux richesses de l’ancien empire romain d’orient (Khazars, Petchenègues, Coumans……).

Au Xème siècle les bulgares représentent la menace majeure pour Byzance. La Rus’ de Kiev s’allie avec Byzance en 907, signant un accord commercial en 911. Le conflit terminé, la Rus’ de Kiev se retourne contre Byzance, s’alliance avec les bulgares. Byzance l’emporte à nouveau et Kiev doit se retirer des Balkans. Elle se tourne vers la Caspienne et le Caucase mais se heurte à la puissance des Khazars.

Ce sont ensuite les Petchenègues qui inquiètent les grands princes de Kiev, s’installant entre les Carpates et la boucle du Don, dominant les rives de la mer Noire pendant près d’un siècle, menaçant même l’empire byzantin.

En 941, Igor de Kiev tout comme jadis Oleg le Sage s’attaque à l’empire byzantin après s’être réconcilié avec les Petchenègues. L’expédition russe contre Byzance est un échec, le terrifiant feu grégeois _une substance incendiaire à la composition exacte inconnue_ repoussant les russes comme jadis les arabes.

La paix entre la Rus’ de Kiev et Byzance aboutit en 988 à la conversion de Vladimir et de son peuple au christianisme orthodoxe, l’orthodoxie devenant un facteur d’unification de la nation russe.

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Statue équestre de Vladimir le Grand

C’est le début de l’âge d’or avec les règnes de Vladimir le Grand (980-1015) et de Iaroslav le Sage (1019-1054). Le premier état russe de l’histoire se structure, le principe dynastique s’impose, des codes juridiques comme le Rousskaia Pravada sont rédigés.

Bien avant Pierre le Grand, la principauté de Kiev fait son apparition dans le domaine des relations internationales quand Anne de Kiev, une princesse kievienne épouse Henri 1er, roi de France qui introduisit en France le prénom Philippe, prénom porté par cinq rois de France dont deux des plus grands (Philippe II Auguste et Philippe IV le Bel).

Hélas cet âge d’or ne dure pas. Comme jadis en Europe occidentale, la principauté de Kiev plus vaste état d’Europe à l’époque (allant de la Pologne et de la Lituanie jusqu’aux rives de la mer Noire et de la Volga) connait un morcellement en de multiples principautés rivales, pas moins de soixante-quatre se succédant, cohabitant entre 1054 et 1224.

En 1204 la quatrième croisade aboutit à la prise de Byzance par les occidentaux. Les circuits commerciaux avec la principauté de Kiev sont coupés, aggravant la crise que connait la future capitale ukrainienne.

A cela s’ajoute la poussée des populations venues d’Asie centrale qui accompagnent le mouvement centrifuge propre à la grande principauté de Kiev. Une quinzaine de principautés vont devenir pérennes notamment la principauté de Moscou créée en 1276, la ville en elle même voyant le jour en 1147.

Avec la Moscovie, la République de Novgorod devient un état majeur de la région, repoussant les suédois sur la Neva (1240) et les chevaliers teutoniques sur le lac Peïpous (5 avril 1242), deux victoires remportées par Alexandre Nevski, un personnage mythique et majeur de l’histoire russe.

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Icone de l’Eglise Saint Alexandre Nevski de Sofia

Néanmoins qui veut dire puissance ne veut pas dire surpuissance car à l’époque ce qui n’est pas encore la Russie est sous domination de puissances étrangères, les Tartars venus d’Asie Centrale mais aussi les polonais venus de l’ouest.

Le joug tartaro-mongol

En 1226, les mongols (appelés tartaro-mongols par les russes) attaquent les différentes principautés de la Rus’ kievienne.

Batou Khan le petit-fils de Gengis Khan ravage la principauté, détruisant toutes les villes, massacrant ou réduisant en esclavage les populations, seules Novgorod et Pskov trop éloignés pour ces guerriers nomades résistent mais sont incapables de chasser les envahisseurs steppiques (si du moins ils en avaient vraiment eu envie).

Manquant de forces, les mongols n’assurent pas une occupation pérenne mais se contentent d’exiger des tribus au profit d’un état implanté au sud de la Volga, la Horde d’Or, cet sujétion va durer deux siècles.

Cet affaiblissement puis cette disparition de la principauté kievienne entraîne également une expansion du grand-duché de Lituanie à l’ouest, occupant le sud-ouest de la Rus’. Pskov forme également une république indépendante par rapport à celle de Novgorod.

La Moscovie ou la naissance de la Russie

Comme nous venons de le voir, la ville de Moscou est née en 1147 sur les rives de la Moskova. La principauté de Moscou souvent appelée Moscovie voit le jour en 1276, cinquante ans après les premiers raids tartaro-mongol.

Les premiers souverains moscovites se montrent habiles pour agrandir peu à peu leur territoire mais il faut attendre 1380 pour que le prince Dimitri Donskoï ne batte les mongols à la bataille de Koulikovo.

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Dimitri Donskoï

Cette victoire est cependant sans lendemain. Non seulement les potentats rivaux ne se laissent pas faire mais la tradition du partage entre les fils perturbe ce processus d’unification, générant une guerre civile entre 1425 et 1453.

En 1462, Ivan III monte sur le trône de Moscovie. C’est lui qui libère la principauté du joug mongol, l’empire mongol étant d’ailleurs à l’époque fragmenté en plusieurs khanats rivaux. Il absorbe les principaux de Novgorod (1478) et de Tver (1485). La même année il prend le titre de «souverain de toute la Rus’» ce qui est tout sauf un hasard. Quand il meurt en 1505, le territoire de la Moscovie à été quadruplé.

Son fils Vassili III qui règne de 1505 à 1533 poursuit l’oeuvre de son père en annexant la cité-état de Pskov (1510), Smolensk (1514) et la principauté de Riazan (1521). Lui succède son fils Ivan IV plus connu sous le nom du Terrible, un personnage qui ne laisse personne indifférent.

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Ivan le Terrible

N’ayant que 3 ans quand meurt son père, il vit dans une ambiance viciée et malsaine, une ambiance de complots et de meurtres politiques qui n’ont pu qu’avoir une influence dramatique sur sa personnalité. A l’instar de celui qui plus tard l’admira tant _Josef Staline_ Ivan le Terrible se montre aussi brillant que cruel, aussi intelligent que paranoïaque.

En 1547 il prend le titre de tsar (dérivé du latin caesar et qui à donné aussi kaiser en allemand), s’emparant de Kazan en 1552 puis d’Astrakhan en 1556.

Ces gains orientaux ne peuvent faire oublier les pertes à l’ouest, une coalition suédo-lituano-polonaise privant la Russie d’un accès à la mer Baltique à l’issue de l’interminable guerre de Livonie (1558-1583). De plus le khanat de Crimée pille régulièrement les frontières russes et se permet même de prendre de brûler Moscou en 1571,étant battus l’année suivante à la bataille de Molodi.

Il faudra attendre le XVIIIème siècle et les guerres de Pierre le Grand pour que la Russie retrouve un débouché maritime. Pire encore, Ivan IV qui se réclame de Vladimir le grand ne possède pas la ville de Kiev aux mains de la dynastie des Jagellon.

Pas étonnant que dans ces conditions la Russie regarde davantage à l’est qu’à l’ouest. Le bassin de la Volga et l’Oural _limite traditionnelle du continent européen_ commencent à être colonisés à cette période, colonisation qui ne rencontrent pas d’obstacles sérieux.

Cette colonisation voit la naissance des peuples cosaques. D’un mot turc signifiant évadé, cette populations étaient des paysans fuyant l’extension du servage (système mis en place pour compenser le manque de main d’oeuvre). Ils s’organisent en républiques autonomes, républiques tolérées car elles favorisent in fine les intérêts des différents tsars.

Ils forment des marches frontalières, servant de point de fixation et de point de départ pour de futures expéditions de colonisation et de peuplement dans l’Oural, le Caucase et surtout la Sibérie, un immense territoire quasiment vide d’hommes.

Ivan IV meurt en 1584. Lui succède son fils Fedor 1er qui n’est pas vraiment à la hauteur de son terrible père. Pire que tout il n’à pas d’héritier quand il meurt en 1598. Avec lui s’éteint la dynastie de Riourikides et annonce le début du temps des troubles.

Le Temps des Troubles : sale temps pour la Russie

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Boris Godounov

Après la mort de Fedor 1er, sa femme assure un pouvoir transitoire, laissant la place à son frère Boris Goudonov élu tsar en 1598. Cette élection marque le début du «Temps des Troubles» même si Boris Goudonov va régner jusqu’à sa mort imprévue en 1605.

Cette période est comparable au «Grand Interrègne» que connu jadis le Saint Empire Romain Germanique (1250-1273) avec des souverains contestés, des rivalités entre Grands, des classes populaires souffrant de la faim et de conditions économiques dégradées, d’usurpateurs, de menaces étrangères. C’est l’Etat russe qui est menacé dans son essence même.

A noter que les limites de ce «Temps des troubles» ne font pas consensus. Si la majorité des historiens estiment que cette période couvre les années 1598 à 1613 (de la mort de Fedor 1er à l’élection de Michel 1er Romanov), d’autres incluent également le règne de Fedor 1er (1584-1598), période où le pouvoir central était dans les faits déjà exercé par Boris Godounov.

La période 1598-1613 couvre donc le règne de Boris Godounov (1598-1605), celui de son fils Fedor II (un mois de règne en 1605), celui de l’usurpateur Dimitri qui prétend être le fils d’Ivan IV assassiné en 1591 (1605-1606), le règne de Vassili IV Chouiski (1606-1610) issu d’une branche cadette de Riourikides et enfin l’interrègne de 1610 à 1613.

En 1598 donc Boris Godounov est élu tsar par le Zemski sobor (Congrès de la terre russe, sorte d’assemblée regroupant les Grands du Royaume pour prendre des décisions importantes).

C’est un boyard ce qui enrage l’oligarchie russe notamment la famille Romanov. Dès le début le pouvoir de celui qui gouvernait réellement par rapport à un Fedor 1er inapte à régner est contesté, les complots et autres conspirations sont légions.

A cela s’ajoute un contexte socio-économique particulièrement compliqué avec une terrible famine (1601-1603), une épidémie de peste (dont l’impact est accru sur des organismes affaiblis) et des brigands pillant le pays.

Les Grands attisent le mécontentent des classes populaires face à un gouvernement incapable de faire face aux problèmes du moment. Comme souvent dans ces moments troublés, le messianisme est en vogue, la rumeur d’un retour du tsarévitch Dimitri, dernier fils d’Ivan IV le Terrible officiellement mort poignardé à Ouglitch en 1591 (accident ? Sur ordre de Boris Godounov ?) se propage.

En 1603 un homme prétend être le fils d’Ivan IV. Il se fait couronner tsar sous le nom de Dimitri II mais il s’agit d’un imposteur prénommé Grigori Otrepiev qui sera pourtant reconnu par la république polono-lituanienne et par les Etats Pontificaux sans que l’on sache si se soutien reposait sur une véritable croyance ou par simple intérêt.

Une armée de 4000 hommes (polonais, lituaniens, exilés russes, mercenaires allemands, cosaques du Don et du Dniepr) franchit la frontière russe, s’emparant de Moscou à la mort de Boris Godounov (1605) mais après à peine un an au pouvoir, une conspiration menée par Vassili Chouiski entraine son assassinat et le massacre au Kremlin de 2000 alliés notamment des polonais.

Vassili IV Chouiski s’empare du pouvoir, étant élu par une assemblée composée de ses alliés. Ce changement de tsar mécontentent les boyards, une nouvelle guerre civile éclate, obligeant le nouveau star à s’allier avec la Suède.

Le roi polonais Sigismond III qui avait désapprouvé la guerre mené contre Boris Godounov se décide cette fois à intervenir. C’est le début officiel de la guerre polono-russe.

Cette guerre va durer treize ans jusqu’en 1618, se terminant par le traité de Deulino qui voit la Pologne s’emparer des voïvodies de Smolensk et de Tchernihiv. Comme souvent à l’époque les alliances n’ont pas toujours été pérennes.

Elle peut être divisée en quatre périodes distinctes. La première voit des membres de l’aristocratie polonaise soutenus par des boyards russes intervenir sans l’accord de Sigismond III pour profiter de la faiblesse de la Russie en soutenant notamment deux imposteurs prétendant être le tsarevitch Dimitri, fils d’Ivan IV le Terrible et mort poignardé en 1591.

Cette première période débute en 1605 et se termine en 1606 avec la mort comme nous l’avons vu du premier «faux dimitri» et ses alliés polonais massacrés au Kremlin.

La seconde commence en 1607 et s’achève jusqu’en 1609 quand Vassili IV conclut une alliance militaire avec la Suède, chose que le roi de Pologne ne peut admettre. Il déclare la guerre à la Russie pour obtenir des concessions territoriales.

Moscou est prise par les polonais en 1610 et le fils de Sigismond III, le prince Ladislas est élu tsar de Russie en remplacement du «Tsar-Crapule». Sigismond III décide de prendre la couronne ce qui constitue une vraie faute politique car si Ladislas était modéré, son père était foncièrement catholique et hostile à la religion orthodoxe.

Les polonais sont chassés de Moscou en 1612 par un soulèvement populaire mené par Kouzma Minime et Dmitri Pojarski. Ils s’emparent néanmoins de l’importante ville de Smolensk.

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Michel 1er

En 1613, Michel Romanov est élu tsar. C’est le début de la dynastie Romanov qui allait régner sur la Russie pendant trois siècles soit jusqu’en 1917.

Les deux belligérants sont cependant incapables de l’emporter en raison de troubles intérieurs qui empêchent une mobilisation totale des forces.

En 1617, Sigismond III effectue une dernière tentative mais échoue. Le traité de Deulino signé en 1618 voit certes la Pologne agrandir son territoire mais la Russie préserve son indépendance.

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