Le Conflit (192) Balkans (26)

Comme nous l’avons vu plus haut les gouvernements grecs et yougoslaves en exil ont espéré une reprise rapide des combats, certains politiciens grecs visiblement peu au fait des questions militaires espéraient même une attaque à l’été !

Très vite pour ne pas dire immédiatement, le haut-commandement allié dans la région en la personne du général britannique Jeremy Oldcastle tempère l’enthousiasme ou l’irréalisme grec et yougoslave.

Les divisions alliées en ligne sont dans l’incapacité de repasser immédiatement à l’offensive tant physiquement que matériellement ou moralement.

De plus le général Oldcastle craint qu’une attaque prématurée et donc mal préparée ne fasse plus de mal que de bien.

Il faut ajouter également la question des autres fronts. Au printemps 1950 la situation n’est absolument pas stabilisée en France et les SR sentent que les allemands sont sur le point d’attaquer l’URSS.

Tant que l’armée allemande n’est pas engagée en URSS impossible de faire quoique ce soit. Les alliés craignent enfin un scénario catastrophe : une offensive mal montée, mal conçue, mal pensée, exécutée par des divisions usées qui entrainerait le redéploiement rapide de cinq à dix divisions allemandes qui pourraient facilement repousser l’ennemi et pire obtenir la percée tant recherchée.

Le haut-commandement soutenu par les gouvernements français et britanniques font donc comprendre aux gouvernements en exil qu’une offensive majeure est exclue pour 1950 et que pour 1951 la priorité sera donnée au front occidental. Dès la fin de la Campagne de Grèce (1949/50) il est évident qu’une contre-offensive d’ampleur ne pourra pas avoir lieu avant 1952.

Es-ce à dire que les unités terrestres vont se tourner les pouces pendant que les aviateurs et les marins font tout le boulot ? Non bien entendu car il faut toujours maintenir l’ennemi sous pression.

Au programme des coups de main locaux pour rectifier un front ou éliminer une position ennemie avantageuse, des opérations dans la profondeur plus ou moins liées aux maquis locaux.

Pour cela différentes unités de type commando vont être engagées comme le 10ème commando interallié, le Bataillon Sacré grec ou encore le Corps Franc des Balkans (CFB). On trouve également un Bataillon de Marines…..sud-africain.

D’autres unités vont également être engagées comme des bataillons d’evzone ou encore le bataillon parachutiste yougoslave même si ce dernier sera davantage utilisé comme unité d’infanterie légère que comme unité parachutiste. Le bataillon d’infanterie de marine yougoslave et son compère grec vont développer une saine et fructueuse rivalité dans leurs opérations.

Toutes ces opérations se font avec l’appui de la marine et de l’aviation notamment pour le transport et le soutien logistique, certaines unités nomadisant derrière les lignes ennemies et étant ravitaillées par air ou par de discrètes livraisons sous-marines.

Quelques exemples valant mieux qu’un long discours, citons ici quelques opérations menées dans les eaux grecques.

Le 8 juillet 1950 le 1er bataillon d’evzones est la première unité de l’Armée Grecque de Libération (AGL) à être engagé. Il s’agit de mener un raid dans la profondeur du dispositif allié même si officiellement les evzones ne sont pas véritablement considérés comme des commandos.

Son objectif est la ville de Messolongi, la ville située sur la rive nord du Golfe de Patras.

Les huit bataillons d’evzones (quatre sont créés et opérationnels en 1950, deux en 1951 et deux en 1952) sont organisés en un etat-major, une compagnie de commandement et de soutien, trois compagnies de combat (trois sections de combat et une section d’armes lourdes) et une compagnie d’armes lourdes.

Le bataillon au complet est engagé mais sous la forme de groupes tactiques avec comme axe les trois compagnies de combat, la compagnie d’armes lourdes étant disloquée pour renforcer chaque compagnie en puissance de feu.

Débarquant discrètement par des vedettes au nord de la ville et des caïques à l’est, les evzones attaquent de manière agressive bousculant les troupes italiennes. Ils résistent fermement, tiennent bon, l’artillerie italienne ouvrant rapidement le feu.

Les dégâts sont importants sur les infrastructures de la ville, le port et un petit aérodrome de campagne. 42 soldats grecs sont tués par les combats, 24 blessés et 8 faits prisonniers soit des pertes plutôt importantes ce qui s’explique essentiellement par une agressivité des troupes grecques qui voulaient montrer leur valeur au combat.

Ce premier raid sera méthodiquement étudié pour en tirer de précieuses leçons pour les prochains coups de main sur l’ensemble du front même si la géographie dictait parfois la tactique à employer.

Les hommes du 1er bataillon bientôt surnommés «Les Immortels» vont servir pour certains d’instructeurs, transmettant leur expérience aux nouveaux bataillons pour éviter qu’ils ne commettent les mêmes erreurs

Jusqu’à la fin de 1951, le 1er bataillon va mener une douzaine de raids en Thessalie parfois en liaison avec certains maquis.

Le 2ème bataillon opérationnel en août 1950 va réaliser dix raids, le 3ème bataillon opérationnel à l’automne va mener une dizaine de raids dans l’Attique alors que le 4ème bataillon opérationnel en décembre 1950 va mener une demi-douzaine de raids souvent en liaison avec le bataillon des Hoplites de Mer.

Le 14 octobre 1950, le Bataillon Sacré connait son baptême du feu lors d’un raid sur Naxos, les «thébains» sont débarqués par des vedettes rapides pour une fois privées de leurs torpilles.

Il est accompagné par le croiseur léger HMS Manchester qui doit assurer la couverture antiaérienne et l’appui-feu.

Le débarquement des 78 commandos grecs se passe sans problème. Les sentinelles sont neutralisées tout comme les premières pièces de défense côtière. L’alarme finit par être donnée mais le croiseur léger ouvre le feu ce qui calme bien des témérités.

Des batteries côtières, un poste de commando et un radar sont détruits au prix de quatre soldats grecs tués. Des volontaires grecs sont rembarqués pour rejoindre l’Armée Grecque Libre (AGL).

Les 2 et 3 février 1951, le Corps Franc des Balkans (CFB) effectue un raid sur l’île de Milo, la cible principale étant l’aérodrome présent sur l’île.

Ils sont transportés par le croiseur auxiliaire Côte d’Albatre et appuyés par le contre-torpilleur Duperré, le croiseur léger De Grasse et le croiseur lourd Charles Martel.

Les commandos sont mis à terre pendant que les deux croiseurs bombardent les batteries côtières et que le Duperré assure la protection antiaérienne et anti-sous-marine.

L’aérodrome est bien défendu, les français doivent s’employer, le De Grasse manque de s’échouer pour tirer à hausse 0 avec ses canons de 100mm.

Douze avions sont détruits (quatre Fieseler Fi-156, deux Focke-Wulf Fw-190, quatre Ju-52/3m et deux d’un modèle non cité dans les rapports) pour le prix de six commandos tués et huit blessés.

Le 25 août 1951, le 3ème bataillon de fusiliers marins commandos mène un raid contre les batteries côtières présentes sur l’île de Milo. Quatre commandos sont tués et le croiseur léger De Grasse sera sérieusement endommagé sur le chemin du retour par l’aviation.

D’autres missions ont eu lieu mais de moindre importance, de vrais coups de mains menés par des moyens réduits. Il s’agissait de maintenir la pression sur l’ennemi, de le maintenir dans l’incertitude et de remonter le moral des populations occupées qui au péril de leur vie aidaient parfois les commandos (ce qui générait de terribles représailles).