7-Porte-avions et porte-aéronefs (2)

Le Commandant Teste

Le Commandant Teste comme transport d’hydravions photographié en 1937

Avant-propos

Dès les premiers essais naval de l’avion, un redoutable concurrent est apparu : l’hydravion qui à la différence de son cousin pouvait décoller et amerrir en mer ce qui résolvait en théorie la question de la récupération de l’appareil.

A l’usage, on verra cependant que la récupération en haute mer est difficile voir impossible dès que la mer est un peu formée sans parler de la vulnérabilité du navire qui doit ralentir à trois à quatre noeuds ce qui en fait une cible idéale pour un sous marin et les tapis d’amerissage se révéleront une fausse bonne idée.

Un hydravion comme un avion à besoin d’être ravitaillé et réparé d’où le besoin d’un navire de soutien d’hydravions, un navire que les anglo-saxons connaissent sous le nom de seaplane tender.  Durant la première guerre mondiale, la France nous l’avons vu à mis utilisé des cargos et des paquebots réquisitionnés pour soutenir les hydravions.

Ce besoin n’à pas disparu avec le retour à la paix et la Royale songe en 1923 à se doter d’un «transport d’aviation».

Le cargo Député Charles Nortier, l’un des navires envisagé comme transport d’hydravions

Après avoir envisagé la conversion d’un navire existant et recensé les bâtiments marchands suffisamment grands pour embarquer des hydravions (Député Charles Nortier, Députe Georges Chaigne,Hercule,Michigan,Jacques Cartier), elle prend la décision de construire un navire neuf.

Financé à la tranche 1925 votée le 13 juillet 1925 (avec le croiseur lourd Suffren, le croiseur mouilleur de mines Pluton, les contre-torpilleurs Guépard Bison et Lion, les torpilleurs d’escadre Brestois Boulonnais Basque et Bordelais, sept sous marins de 1ère classe, deux sous marins mouilleur de mines, la canonnière fluviale Francis Garnier et quatre vedettes rapides), le transport d’aviation reçoit le nom de Commandant Teste en référence à un pionnier de l’aéronautique navale en France, pionnier pourtant favorable au porte-avions…………….. .

Construction

Le Commandant Teste à la mer

-Le Commandant Teste est mis sur cale aux Forges et Chantiers de la Gironde à Bordeaux le 6 septembre 1927 lancé le 12 avril 1929 et admis au service actif le 18 avril 1932 au sein de l’Escadre de la Méditerranée.

Basé à Toulon, le Commandant Teste subit un grand carénage de novembre 1935 à août 1936. Basé à Oran à partir de septembre 1937, il participa aux patrouilles destinés à faire respecter la non-intervention dans la guerre d’Espagne.

Modifié encore une fois à Toulon en février 1938 notamment pour adapter ses catapultes à des hydravions plus gros, le Commandant Teste multiplie les rotations entre la France et l’Afrique du Nord pour transporter des avions.

En août 1939, il embarqua six Loire 130 d’observation et huit Latécoère Laté 298 de torpillage et quitte Toulon pour Oran. Il resta dans les eaux nord-africaines jusqu’en décembre 1939 quand il regagna Toulon pour débarquer ses hydravions avant de reprendre ses missions de transport d’avions.

Après une période d’entretien à flot du 7 au 27 janvier 1940, le transport d’hydravions sort pour essais du 28 janvier au 2 février avant remise en condition du 3 au 12 février. Il charge des appareils neufs à destination des Antilles, quittant ainsi Toulon le 15 février 1940.

Il fait escale à Casablanca du 19 au 23 février avant de traverser l’Atlantique et d’arriver à Fort de France le 2 mars 1940. Il débarque ses avions et le matériel embarqué pour les forces armées françaises déployées aux Antilles avant de quitter Fort de France le 12 mars, de faire escale à Casablanca du 19 au 23 mars avant de rentrer à Toulon le 27 mars 1940.

Le Commandant Teste est échoué le 4 avril 1940 dans le bassin n°1 du Missiessy pour un grand carénage. Au bassin jusqu’au 8 août, le transport d’hydravion voit sa coque grattée, sablée et repeinte, ses hélices changées, ses chaudières retubées, ses turbines inspectées et réparées. Deux des quatre catapultes sont débarquées et l’armement modifié avec le débarquement de deux canons de 100mm. Les locaux-vie sont refondus.

Remis à flot le 8 août donc, il subit un mois de travaux à quai soit jusqu’au 10 septembre 1940 quand il est armé pour essais, essais à la mer effectués du 11 au 15 septembre avant remise en condition du 17 au 22 septembre 1940.

Il effectue une mission de transport d’avions à destination du Levant, quittant Toulon le 25 septembre, faisant escale à Bizerte du 28 au 30 septembre avant d’arriver à Beyrouth le 3 octobre où  il débarque son chargement. Il quitte le Liban le 6 octobre pour rentrer à Toulon le 11 octobre 1940.

Il enchaine par une mission de transport d’avions à destination de l’AOF, quittant Toulon le 17 octobre, faisant escale à Casablanca du 21 au 23 octobre avant de gagner Dakar où il arrive le 27 octobre. Les avions sont déchargés en caisse et l’équipage du Commandant Teste participe au remontage ce qui explique que le navire ne quitte le Sénégal que le 10 novembre, relâche à Casablanca du 14 au 16 novembre avant de rentrer à Toulon le 19 novembre 1940.

Les besoins en transport se raréfiant, le Commandant Teste est mis en position de complément le 4 décembre 1940 et mouillé au Brégaillon.

Le Commandant Teste est réarmé le 14 septembre 1941 pour reprendre ses missions de transport d’avion. En bon état matériel, il sort pour essais du 15 au 18 septembre avant de préparer une mission qui doit le conduite en Indochine.

Il quitte Toulon le 24 septembre, fait escale à Casablanca du 28 au 30 septembre, à Fort de France du 5 au 8 octobre, à Panama du 11 au 13 octobre, franchissant le canal de Panama le 14 octobre, se retrouvant dans le Pacifique le lendemain 15 octobre. Il fait à nouveau escale à Hawaï du 22 au 24 octobre puis à Manille du 28 au 30 octobre, arrivant à Saïgon le 5 novembre où il décharge ses avions.

Reprenant la mer le 8 novembre, il fait à nouveau escale à Manille du 14 au 16 novembre, à Hawaï du 22 au 24 novembre, franchit le canal de Panama le 1er décembre, est à Fort de France du 6 au 9 décembre, à Casablanca du 15 au 17 décembre avant de rentrer à Toulon le 20 décembre 1941.

Après une période d’entretien à flot du 21 décembre au 12 janvier, le Commandant Teste sort pour essais du 13 au 17 janvier avant remise en condition du 18 au 27 janvier. Il reprend alors sa mission de transport d’aviation.

Il effectue une nouvelle rotation en direction du Levant, quittant Toulon le 5 février, se ravitaillant à Bizerte le 9 avant de cingler en direction de Beyrouth où il arrive le 13 février 1942.

Il débarque ses avions ainsi que du matériel pour les bases françaises de la région (projecteurs, émetteurs radios, pièces légères de DCA, tracteurs d’aérodrome……..) avant de reprendre la mer le 17 février, direction Toulon qu’il rallie le 25 février après une escale de ravitaillement à Bizerte le 21.

Le 4 mars, le Commandant Teste quitte Toulon pour l’Océan Indien. Il fait escale à Bizerte le 8 mars, à Alexandrie le 12, franchit le canal de Suez le 13 et arrive à Djibouti le 17 mars.

Après avoir déchargé une partie de sa cargaison, il reprend la mer direction Diego Suarez où il arrive le 26 mars après une semaine de navigation.

Ses avions et sa logistique déchargée, il reprend la mer le 28 mars, se ravitaille à Djibouti le 3 avril, franchit le canal de Suez le 7, se ravitaille à Bizerte le 11 avant de rentrer à Toulon le 15 avril 1942.

Le 21 avril 1942,  le transport d’hydravions commandant Teste quitte Toulon direction les Antilles pour un nouveau transport d’avions. Il fait escale à Casablanca du 26 au 30 avril avant de traverser l’Atlantique et d’arriver à Fort de France le 7 mai. Son chargement déchargé, il reprend la mer, traverse l’Atlantique dans l’autre sens, se ravitaille à Casablanca le 17 mai pour rentrer à Toulon le 22 mai.

Après une période d’indisponibilité pour entretien du 23 mai au 15 juillet 1942 (avec passage au bassin du 25 mai au 5 juillet), le Commandant Teste sort pour essais du 16 au 19 juillet avant remise en condition du 20 au 30 juillet 1942.

Le transport d’avions quitte Toulon le 4 août direction la Guyane pour mettre sur place une petite force aérienne dite de souveraineté. Il embarque ainsi douze Morane-Saulnier MS-410 destinés à assurer la défense de la Guyane française et en caisses, huit bombardiers Bloch MB-210, dépassés en Europe mais qui peuvent encore faire l’affaire là-bas.

Le Commandant Teste fait escale à Casablanca du 8 au 10 août, à Dakar du 11 au 14 août pour résoudre un problème technique avant de gagner le port de Cayenne le 21 août. Les avions sont débarqués, remontés et testés.

Il repart le 1er septembre, traverse l’Atlantique en direction Dakar où il arrive le 9 septembre. Il reprend la mer le 11 septembre, se ravitaille à Casablanca le 15 septembre avant de rentrer à Toulon le 20 septembre 1942.

Le 27 septembre 1942, le Commandant Teste appareille de Toulon, fait escale à Bizerte du 1er au 4 octobre avant d’arriver à Beyrouth le 9 octobre. Le matériel et les avions débarqués, il reprend la mer 14 octobre, se ravitaille à Bizerte le 18 octobre avant de rentrer à Toulon le 22 octobre.

Le 26 octobre, le Commandant Teste quitte Toulon, fait escale à Casablanca du 2 au 5 novembre avant d’arriver à Fort de France le 12 novembre. Il repart le 18 novembre, se ravitaille à Casablanca le 23 novembre et rentre à Toulon le 27 novembre 1942.

Le Commandant Teste est mis en réserve le 28 novembre 1942 et mouillé au Brégaillon. Il semble admis à l’époque que le navire finira comme ponton à l’instar du Béarn.

Schéma simplifié de l’organisation de la base navale de Cam-Ranh

L’aménagement d’une grande base en Indochine à Cam Ranh nécessite d’importants moyens d’entretien. La menace japonaise étant plus que crédible, on rechigne à construire d’importantes installations à terre, installations vulnérables.

D’où l’idée d’aménager un navire-atelier. La construction d’un navire neuf étant jugée trop lente, on décide de convertir un navire existant. Le choix se porte sur l’ancien transport d’hydravions alors mouillé au Bregaillon.

Le Commandant Teste est mis au bassin à Toulon le 27 avril 1943 et modifié, des travaux qui l’immobilise jusqu’au 5 décembre 1943 avec le débarquement des catapultes, d’une grande partie de l’armement (six canons de 100mm conservés et embarquement de huit canons Hotchkiss modèle 1939-40 de 25mm), le maintien des grues mais le réaménagement des structures internes.

Il entame ses essais à la mer le 20 décembre sous un nouveau nom, Albert Caquot, un grand ingénieur français, libérant son nom d’origine pour un nouveau porte-avions ce qui rendait justice à Paul Teste, convaincu de la supériorité de l’avion sur l’hydravion.

Les essais à la mer ont lieu du 20 au 31 décembre avant un nouveau passage au bassin du 1er au 15 janvier 1944. Il effectue des essais complémentaires du 16 au 27 janvier avant de préparer son long voyage jusqu’en Indochine.

Le 4 février 1944, il appareille pour l’Indochine avec à son bord huit hydravions de chasse Dewoitine HD780. Il franchit le détroit de Gibraltar le 9 février, traverse l’Atlantique et fait escale à Fort de France du 16 au 18 février 1944.

Reprenant la mer, il franchit le canal de Panama le 24 février et traverse le Pacifique, arrivant à Papeete le 8 mars 1944. Les huit hydravions sont remontés sur place pour former la seule unité de chasse défendant l’île. L’Albert Caquot appareille le 15 mars 1944 direction l’Indochine où il arrive le 25 mars 1944.

Le nouveau navire-atelier est amarré au fond de la baie. Il va ainsi assurer le soutien technique des navires des FNEO. Les petites unités vont ainsi s’amarrer à couple pour des travaux à flot alors que les plus grosses unités comme le croiseur lourd Duquesne ou le croiseur léger Duguay-Trouin sont généralement entretenues à leur poste d’amarrage, les équipes du navire-atelier se déplaçant.

Si dans les premiers mois, le navire-atelier va encore naviguer entre les différents ports indochinois, il s’enkyste peu à peu à son poste d’amarrage où il est la pièce maitresse d’un complexe d’entretien avec des bâtiments en dur, le navire se révélant au final trop petit pour accueillir tous les moyens nécessaires.

La dernière sortie à la mer de l’Albert Caquot à ainsi lieu du 8 au 14 septembre 1946 quand il effectue une rotation entre Cam Ranh et Haïphong où une base avancée à été installée pour surveiller la base japonaise installée à Haïnan. Si au départ sur cette base sont déployés des navires de surface, rapidement seules des unités de type «poussière navale» et des sous-marins y seront stationnés.

Rentré à Cam Ranh le 15 septembre 1946, l’Albert Caquot est amarré à son poste habituel et désarmé le 22 septembre 1946, étant reclassé comme ponton devenant le Centre d’Entretien et de Soutien Albert Caquot.

Caractéristiques Techniques du Commandant Teste/Albert Caquot

Déplacement : standard 10160 tonnes en charge 11500 tonnes en charge maximale 12134 tonnes

Dimensions : longueur hors tout : 167m largeur : 27m tirant d’eau : 6.7m

Propulsion : deux groupes de turbines à engrenages Schneider-Zoelly alimentées par quatre chaudières à surchauffe Loire-Yarrow à petits tubes dévellopant une puissance totale de 23230ch et entrainant deux hélices. Les deux chaudières arrières pouvaient utiliser du fioul comme du charbon.

Performances : vitesse maximale : 21 noeuds (22 noeuds réalisés aux essais); distance franchissable : 2000 miles nautiques à 18 noeuds et 2500 miles nautiques à 10 noeuds.

Protection : ceinture blindée plongeant sous la ligne de flottaison de 50mm d’épaisseur et de 3.76m de hauteur. Bulkheads partiel de 20mm. Les soutes à munitions sont protégés par 50mm sur les parois et de 20mm sur les côtés et le toit. Pont blindé de 24 à 36mm. L’appareil à gouverner est protégé par 26mm de blindage et le bloc passerelle par des parois blindés de 80mm et un toit de 30mm.

Armement d’origine : 12 canons de 100mm modèle 1927 en douze affûts simples (six sur le bloc-passerelle avant, deux entre les catapultes et quatre sur les superstructures arrières). 8 canons de 37mm modèle 1925 en huit affûts simples (deux à l’avant, deux à l’arrière et quatre autour de la cheminée) et 12 mitrailleuses de 13.2mm modèle 1929 en six affûts doubles.

En navire atelier, il embarque six canons de 100mm et huit canons de 25mm Hotchkiss modèle 1939-40

Installations d’aviation

-Hangar de 80m de long sur 26.5m de large, partiellement divisé en deux par un bulkhead qui intégré notament les conduits de cheminée et de ventilation. Il peut embarqué dix hydravions torpilleurs ou vingt hydravions plus petits. Six autres appareils peuvent être en outre emportés démontés.

-Quatre catapultes à air comprimé Penhöet capable de lancer des appareils de 2.5 tonnes débarquées lors de la transformation en navire-atelier.

-Quatre grues.

Comme navire-atelier, il disposait de quatre ateliers de mécanique, trois ateliers d’armurerie et de mécanique de précision, deux chaudronneries, deux ateliers de soudure et de métallisation, deux forges avec une fonderie, un atelier de charpentage, un atelier d’électricité, un atelier radio et radar, une usine de production d’acétylène et d’oxygène.

Equipage : 644 officiers et marins