Mitteleuropa Balkans (75) Roumanie (5)

La Constitution de 1866

Généralités

Le 13 juillet 1866 une assemblée constituante adopte une nouvelle constitution. Inspirée de la constitution belge (considérée comme la plus libérale d’Europe) elle à été néanmoins substantiellement modifiée par Carol 1er mais aussi en 1879 quand sous la pression des puissances occidentales, l’article 7 est modifié même si les non-orthodoxes restent des citoyens de seconde zone.

En 1884 le nombre de collèges électoraux est réduit à trois et en 1917 le système basé sur les collèges électoraux est aboli, le droit de propriété est affaibli pour permettre la mise en place d’une réforme agraire. En 1923 une nouvelle Constitution sera adoptée.

La constitution installe une monarchie constitutionnelle. Elle impose le principe de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté nationale. Le pouvoir législatif est exercé par la Prince et le Parlement (composé de la Chambre des Députés et du Sénat) alors que le pouvoir exécutif est exercé par le Prince et par ses ministres.

Le Prince légue ses pouvoirs constitutionnelles à ses descendants mâmes par ordre de primogéniture et à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. Sa personne est inviolable mais ses actes doivent être contresignés par un ministre.

Le Prince est le chef de l’armée, il nomme et révoque les ministres, sanctionne et promulgue les lois, nomme ou confirme dans toutes les fonctions publiques, il conclut avec les Etats étrangers les conventions de commerce et de navigation, il à le droit d’amnistie, de conférer les grades militaires et le droit de battre monnaie. De plus il ouvre et clôt les sessions du Parlement qu’il peut convoquer d’urgence ou dissoudre.

De nombreux droits et de nombreuses libertés sont reconnues, la peine de mort est abolie en temps de paix et la propriété privée est considérée comme sacrée et inviolable.

L’Église orthodoxe roumaine reçoit un statut supérieur (« la religion dominante de l’État roumain ») , tandis que l’article 7 interdit aux non-chrétiens d’obtenir la nationalité roumaine (ce qui affectait surtout les Juifs).

La Constitution de 1866 : éléments à retenir

Comme toutes les constitutions de l’époque c’est un texte très long avec 132 articles répartis en huit titres (Titre premier. Du territoire de la Roumanie, Titre II. – Des droits des Roumains, Titre III. – Des pouvoirs de l’État, Titre IV. – Des finances, Titre V. – De la force armée, Titre VI. – Dispositions générales, Titre VII. – De la révision de la Constitution et Titre VIII. – Dispositions transitoires et supplémentaires).

Le premier titre comprend quatre articles et concerne les frontières ainsi que l’organisation administrative du pays. Chaque modification doit passer par la loi.

Le deuxième titre va des articles cinq à trente et concernent les droits et les devoirs des roumains qui bénéficient sur le papier de nombreuses libertés. Je dis bien sur le papier car en pratique ce sera très différent. L’article 12 ne reconnaît aucun titre ni privilège nobiliaire alors que l’article 13 garantie la liberté individuelle de chacun.

L’article 18 prévoit que la peine de mort ne sera applicable qu’en temps de guerre alors que l’article 19 reconnaît le droit de propriété et que l’article 21 reconnaît la liberté de conscience et la liberté de culte tout en admettant que «La religion orthodoxe d’Orient est la religion dominante de l’État roumain». L’article 24 reconnaît la liberté de la presse et l’article n°25 la liberté de réunion.

Le titre III va des articles 31 à 107 et concerne l’organisation des pouvoirs de l’Etat. Ces articles organisent le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Les députés au nombre de 58 sont élus au suffrage censitaire dans chaque département, le dit électorat étant divisé en quatre collèges (article 58 à 63) avec le premier collège (individus ayant un revenu foncier de 300 ducats minimum), un deuxième collège (100 à 300 ducats), un troisième collège (commerçants et industriels qui payent une contribution de 80 piastres, certaines catégories étant exemptés comme les professions libérales, les officiers en retraite, les professeurs et les pensionnaires de l’état) et le quatrième collège (les autres contributeurs de l’état).

Pour être éligible (article 66) il faut être roumain de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation, jouir des droits civils et politiques, être âgé de 25 ans et être domicilié en Roumanie. Les députés selon l’article 67 sont élus pour quatre ans.

Les membres du Sénat sont élus pour huit ans (renouvelé par moitié tous les quatre ans) à raison de deux par département auxquels il faut ajouter un sénateur choisit par les professeurs de l’université de Jassy et un sénateur choisit parmi les professeurs de l’université de Bucarest. Pour être élu sénateur il faut avoir au moins 40 ans et avoir un revenu minimal de 800 ducats. L’article 75 prévoir les personnes dispensées du paiement de ce cens, essentiellement des élus et les militaires. Le prince héritier est membre de droit à 18 ans (mais ne peut voter qu’à 25 ans) ainsi que les métropolitains et les évêques diocésains.

Carol 1er de Roumanie, prince de Roumanie de 1866 à 1881 puis roi de Roumanie de 1881 à 1914

Le Prince de Roumanie doit être issue de la descendance directe et légitime de Charles 1er de mâle en mâle. Ses héritiers sont relevés dans la religion orthodoxe. En cas de vacance du trône, les deux assemblées se réunissent dans les huit jours et élisent un prince dans une des dynasties souveraines d’Europe occidentale.

Il exerce le pouvoir exécutif, les ministres sont responsables devant lui et tous les actes du Prince doivent être contresignés par un ministre. Il sanctionne et promulgue la loi, dispose du droit d’amnistie et du droit de grâce. Il est chef des armées et signé des traités avec les pays étrangers.

Le titre IV qui concerne les finances couvre les articles 108 à 117 et précise la percetion de l’impôt et le vote du budget.

Le Titre V (article 118 à 123) concerne les forces armées avec notamment la question de la conscription. Le Titre VI concerne les dispositions générales (drapeaux, capitale….) et couvre les articles 124 à 128. Le titre VII concerne le mécanisme de révision de la constitution (article 129) alors que le titre VIII couvre des dispositions transitoires et supplémentaires (article 130 à 132).

Le Royaume de Roumanie (1) (1881-1918)

Les rois de Roumanie

Carol 1er

Statue de Carol 1er en plein centre de Bucarest

Carol 1er de Roumanie est donc le premier roi de Roumanie. Né le 20 avril 1839 à Sigmaringen sous le nom de Karl Eitel Friedrich Zephyrinus Ludwig von Hohenzollern-Sigmaringen, il est le fils de Karl Anton vont Hohenzollern-Sigmaringen et de Josephine de Bade. Petit-fils d’Antoinette Murat par son père, il descendait du grand maréchal de Napoléon puisqu’Antoinette était la nièce de feu Joachim 1er de Naples.

Il entre à l’Ecole de Cadet de Munster puis en 1857 assiste aux cours de l’école d’artillerie de Berlin. Jusqu’à son élection comme domnitor, il est officier dans un régiment de dragons, participant à la deuxième guerre des duchés contre le Danemark et aux côtés de l’Autriche.

Marié à Elisabeth de Wied à partir de 1869, il n’aura qu’une fille, Marie de Roumanie (1870-1874) ce qui explique que son successeur fût son neveu Ferdinand après les renoncements successifs de son père et de son frère ainé.

Le 20 avril 1866 il est élu prince-souverain (domnitor) des principautés unies de Roumanie après la destination d’Alexandre Jean 1er Cuza. Après quinze ans comme prince-souverain, il est proclamé roi de Roumanie le 26 mars 1881, premier roi de la maison de Hohenzollern-Sigmaringen.

Sous son règne la Roumanie profite de la guerre russo-ottomane (au cours de laquelle il commande lui même son armée) pour devenir indépendante (1877) puis devient un royaume en 1881. Sur le plan politique, un bipartisme libéraux contre conservateurs se met en place mais la différence ne saute pas forcément aux yeux puisqu’ils sont tous issus de la classe des grands propriétaires terriens. En 1888 et 1907 deux jacqueries secouent la Roumanie signe que le problème de la terre reste lancinant dans ce jeune pays.

Quand éclate le premier conflit mondial, Carol 1er veut engager la Roumanie du côté des Empires centraux et ainsi respecter l’alliance conclue avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie en 1883. Oui mais voilà l’opinion publique roumaine est plutôt favorable à l’Entente.

Il finit par choisir la neutralité en raison notamment de l’hostilité viscérale des roumains vis à vis de l’Autriche-Hongrie, la Double-Monarchie contrôlant la Transylvanie où vit une importante minorité roumaine, minorité sans réels droits politiques et soumis à une politique de magyarisation.

Selon certains c’est ce dilemme qui provoqua sa mort le 10 octobre 1914 à l’âge de 75 ans (soit un âge avancé pour l’époque). Son neveu Ferdinand marié à Marie d’Edimbourg lui succède sur le trône de Roumanie.

Ferdinand 1er

Ferdinand 1er

Ferdinand 1er (Sigmaringen 24 août 1865 Sinaia 20 juillet 1927) est le deuxième roi de Roumanie, régnant de 1914 à 1927.

Fils de Léopold (1835-1905), prince de Hohenzollern-Sigmaringen et d’Antonia du Portugal (1845-1913), il est le neveu de Carol 1er et son successeur désigné depuis 1886 en raison du fait que son oncle n’à aucun héritier, son seul enfant Marie de Roumanie étant morte à l’âge de quatre ans.

Le 10 janvier 1893 il épouse Marie d’Edimbourg (1875-1938), fille d’Alfred de Saxe-Cobourg et Gotha, duc d’Edimbourg et de la grande-duchesse Maria-Alexandrovna de Russie. De cette union naissent six enfants, le futur Carol II (1893-1953) roi de Roumanie de 1930 à 1940, Elisabeth (1894-1956), Marie (1900-1961), Nicolas (1903-1978), Ileana (1909-1991) et Mircea (1913-1916).

Agé de 48 ans à son événement, il est moins germanophile que son oncle mais nul doute que l’entrée en guerre de la Roumanie contre son pays natal en 1916 à du être une sorte de cas de conscience. Il semble que le gouvernement de Bratianu l’à poussé à la guerre aux côtés de l’Entente.

Il voit donc son pays d’adoption subir une terrible défaite qu’il encaissera avec dévouement devenant aux yeux des roumains «Ferdinand le loyal».

Néanmoins en 1918 il aurait été proche d’accepter la couronne de Hongrie offerte par la noblesse hongroise dans le candide espoir d’éviter le démantèlement de la Hongrie tel qu’il sera mené par les alliés au traité de Trianon (probablement le traité de paix le plus dur).

Au final ce projet ne vit pas le jour mais les territoires roumanophones de la Hongrie furent rattachés à la Roumanie, donnant naissance à la Grande Roumanie qui allait être démantelé durant la Pax Armada au profit de l’URSS, de la Hongrie et de la Bulgarie.

Mort en 1927, son petit fils Mihail lui succède suite à la renonciation de Carol, son fils ainé connu pour sa vie dissolue qui faisait scandale auprès des roumains.

Carol II

Carol II

Carol II (Sinaia 15 octobre 1893 Estoril 4 avril 1953) est le troisième roi de Roumanie. Fils de Ferdinand 1er et de Marie d’Edimbourg. Il succède et est précédé par son fils Michel 1er pour des raisons que nous allons expliciter par la suite. Il règne du 8 juin 1930 au 6 septembre 1940 soit 10 ans, deux mois et vingt-neuf jours.

Premier roi de Roumanie né au pays (un peu comme George III pour la dynastie hanovrienne), il reçoit cependant une éducation internationale ce qui lui voudra la haine des légionnaires de la Garde de Fer qui le considérait comme un «cosmopolite». Un signe qui ne trompe pas, bien qu’appartenant à une dynastie germanophone, il s’exprimait davantage en anglais et en français.

Alors qu’il était prince héritier, il mena une vie dissolie, la vie d’un jet-setteur. Contre l’avis de son père, il épouse une roturière Iona Valentino le 31 août 1918 mais ce mariage qui donna naissance à un enfant prénomé Mircea (né en 1920) fût annulé en 1919.

Le 10 mars 1921 il épouse Hélène de Grèce, fille du roi Constantin 1er. C’est un mariage guidé par la raison d’état ce qui explique que le futur roi de Roumanie noue une liaison avec Elena Lupescu, une roumaine de confession juive ce qui ne peut qu’aggraver son cas aux yeux de la très antisémite Garde de Fer.

Après une série de scandales, le roi Ferdinand 1er pousse le prince Carol à renoncer à ses droits au trône au profit de son fils Michel né le 25 octobre 1921. Cela va aboutir à une situation toujours périlleuse de remplacer un héritier dans la force de l’âge (32 ans) au profit d’un enfant âgé de 4 ans («Malheur au royaume dont le prince est un enfant»).

La Roumanie étant une monarchie parlementaire, cette demande de Ferdinand 1er est acceptée par le parti libéral, acceptation d’autant plus facile que le prince héritier est vu comme très proche du parti paysan, son grand adversaire. L’ex-prince héritier s’installe à Monaco où il continue une vie dissolue et guère compatible avec l’image d’un futur monarque.

Ferdinand 1er meurt en 1927. Michel 1er n’étant âgé que de six ans, une régence s’installe, une période toujours délicate pour un royaume.

En juin 1930 Carol obtient du Parti paysan au pouvoir l’abrogation de renonciation au trône et son avénement au trône sous le nom de Carol II.

Pour faire face aux problèmes du moment (monté des extrémismes, crise économique) il estime la démocratie parlementaire inadaptée et cherche à mettre sur pied un régime autoritaire comparable à ses homologues yougoslaves (Alexandre 1er) et bulgares (Boris III). Il se heurte à la classe politique, à l’Eglise (qui lui reproche son style de vie) et à la Garde de Fer pour qui il n’est qu’un «parasite étranger de la nation roumaine».

En février 1938 il impose ce qu’on à appelé la dictature carliste. La constitution de 1923 est profondément réformée dans un sens autoritaire.

Il mène une lutte impitoyable contre la Garde de Fer. En dépit de ce tournant autoritaire, le roi de Roumanie reste fidèle à une politique étrangère pro-alliée sans pour autant rompre avec l’Allemagne nazie et l’URSS communiste. Un vrai jeu d’équilibriste.

C’est ainsi que durant la guerre de Pologne, il ouvre son territoire à l’armée polonaise en déroute ce qui permettra au gouvernement polonais en exil installé à Nantes de disposer d’une armée composée en partie d’hommes expérimentés et surtout brûlant de se venger, ignorant qu’à l’époque il leur faudrait attendre quasiment une décennie pour cela.

Avec la fin de la guerre de Pologne, le roi Carol II peut estimer avoir fait le plus dur et espère ainsi être récompensé en retour par l’un ou l’autre camp. La désillusion sera terrible, la pression allemande et le refus allié de garantir leur aide militaire en cas d’agression soviétique oblige le gouvernement roumain à accepté le démenbrement de la Grande Roumanie (perte de la Transylvanie du nord, de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord mais aussi de la Dobroudja du Sud).

Si les légionnaires de la Garde de Fer (le nom officiel de l’organisation fasciste roumaine était «légion de l’archange Saint Michel») sont vent debout ce qui n’est pas nouveau mais même la partie modérée de l’opinion lui en veut énormément. Pour ne rien arranger des scandales privés et de corruption ternissent un peu plus l’image d’un roi dont le trône ne tient plus qu’à un fil.

Ce fil cède le 6 septembre 1940. La veille le roi avait nommé le maréchal Antonescu comme président du conseil. Il espérait ainsi se racheter une conduite en nommant un général populaire dans l’opinion mais c’est trop tard beaucoup trop tard. Au lendemain de sa nomination, Antonescu oblige Carol II à abdiquer en faveur de son fils Michel qui redevient roi dix ans après avoir du renoncer au trône.

L’ancien roi de Roumanie quitte le pays sous les quolibets, les insultes et même les balles puisque son train est mitraillé par la Garde de Fer à la frontière roumano-yougoslave. Cela entraine un incident de frontière qui menace de dégénérer en une guerre entre Belgrade et Bucarest.

Refugié au Portugal il y épouse sa maitresse Elena Lupescu en juin 1947 et meurt triste et amer le 4 avril 1953 à l’âge de cinquante-neuf ans. Durant son exil portugais il rédigea ses mémoires qui ne furent publiées qu’en 2003 lors du retour de sa dépouille en Roumanie.

Dans ce texte de 850 pages il effectue un examen lucide sur sa vie et sur sa personnalité mais ne regrette rien, terminant ses mémoires par cette phrase gravée sur sa tombe :
Sufletul meu către Dumnezeu, trupul meu pentru patrie, onoarea mea pentru mine (Mon âme à Dieu, mon corps à la patrie, mon honneur à moi)

Michel 1er

Michel 1er

Michel 1er (Sinaia,Roumanie 25 octobre 1921 Aubonne, Suisse 5 décembre 2017) est à la fois le troisième et le cinquième et dernier roi de Roumanie, une situation quasi-unique dans l’histoire (NdA le seul exemple que je connaisse est celui de Phillipe V d’Espagne qui abdiqua en faveur de son fils Louis 1er puis qui repris le pouvoir après la mort prématuré de son fils en 1724, un intermède de sept mois). Il règne ainsi du 20 juillet 1927 au 8 juin 1930 et du 6 septembre 1940 à sa déposition survenu le 30 mars 1957.

Fils de Carol II et d’Hélène de Grèce, Michel 1er est arrière-arrière-petit-fils de Victoria, arrière-arrière-arrière-petit-neveu de Léopold 1er de Belgique, cousin au troisième degré d’Elisabeth II du Royaume-Uni (au mariage duquel il allait rencontrer son épouse), des rois Juan Carlos Ier d’Espagne, Charles XVI Gustave de Suède, Harald V de Norvège et de la reine Margrethe II du Danemark. Enfin, sa grand-mère paternelle est la cousine germaine de Nicolas II par son arrière-grand-mère Maria Alexandrovna de Russie.

Le 28 décembre 1925 quand son père renonce à ses droits sur la couronne de Roumanie pour préférer vivre sa vie avec sa maitresse Magda Lupescu, le petit Michel âgé de tout juste quatre ans devient l’héritier du roi Ferdinand 1er de Roumanie, son grand-père.

Il devient roi à l’âge de six ans sous la régence d’un triumvirat composé de son oncle, le prince Nicolas, du patriarche Miron Cristea et de Gheorghe Buzdugan, président de la Cour de Cassation.

Sans avoir pu réellement gouverner (et pour cause), Michel 1er doit renoncer au trône le 8 juin 1930 au profit de son père qui le proclame héritier du trône !

Le 5 septembre 1940 le maréchal Antonescu est nommé premier ministre par un Carol II aux abois qui est poussé à l’abdication le lendemain. Il semble qu’un temps Antonescu est songé à devenir régent sur le modèle hongrois mais il préféra garder un semblant de légalisme en proclamant Michel 1er âgé de dix-neuf ans roi de Roumanie.

Sans pouvoir il n’est pas sans influence. Si il ne s’exprime pas publiquement il manifeste en privé sa mauvaise humeur.

Très populaire auprès d’une partie de l’opinion roumaine, il doit être ménagé par le Conducator. Il couvre également les agissements de son entourage en faveur des juifs persécutés et garde de précieux contacts en Occident à une époque où Bucarest à clairement choisit le camp allemand.

Avec le temps les relations entre Antonescu et le roi se dégradent. Une partie de la classe politique est plus monarchiste que fasciste (encore qu’Antonescu n’est pas un fasciste «chimiquement pur», la répression impitoyable de la Garde de Fer l’ayant démontré) mais les quelques consultations visant à rétablir un régime démocratique en Roumanie se heurtent à des querelles de chapelle et surtout de personnes.

Le 14 mars 1947 le roi Michel 1er est assigné à résidence à Constansa et menacé d’exil. Des manifestations monstres sont durement réprimées par l’armée et des troupes paramilitaires fidèles au Conducator mais Antonescu comprend qu’il doit lâcher du lest. Le roi est libéré le 4 octobre 1947 mais toujours sans pouvoir, l’entourage du maréchal (mais visiblement par le maréchal lui même) lui ayant fait comprendre que la prochaine fois il sera moins question de conciliation et davantage d’exil et de répression.

Quand le second conflit mondial éclate, Michel 1er devient commandant en chef des forces armées roumaines mais bien entendu c’est un poste purement symbolique, un os à ronger donné pour calmer les éléments monarchistes de l’armée.

Le roi effectuera quelques visites sur le front russe jusqu’à ce qu’on Antonescu y mette son véto craignant que la popularité du roi ne pousse le fils de Carol II à tenter l’aventure ô combien risquée du coup d’état.

Suite à la dégradation de la situation militaire, Michel 1er décide enfin de sauter le pas du coup d’état mais avant même que cette exécution soit menée par le général Ion Andreanu, un coup d’état communiste à lieu le 25 septembre 1953 pour tenter de sauver le pays d’une invasion soviétique.

Ce sera peine perdue car l’armistice n’est signé que le 4 octobre 1953 alors que les trois quarts du pays sont occupés par les soviétiques.

Le maréchal Antonescu et son gouvernement sont emprisonnés mais le roi est autorisé à rester dans son palais de Bucarest. Inutile de préciser qu’il est sévèrement gardé par des troupes soviétiques et quelques militants communistes vite expulsés par les soviétiques qui craignaient un «malheureux accident».

A la fin du conflit, officiellement la Roumanie est toujours un royaume mais en réalité c’est déjà un régime communiste. Une résistance politique et armée se dévellope, résistance soutenue mezzo voce par le roi.

Les communistes menace le 19 mars 1957 d’un bain de sang si le roi n’abdique pas. Voulant éviter cela, le roi décide d’abdiquer le 25 mars 1957 et s’exile en Suisse. La monarchie est abolie officiellement le lendemain.

Après une vie d’exil, l’ex-roi devenu citoyen danois (car déchu de sa nationalité roumaine en 1959 pour «crime contre le prolétariat») rentre en Roumanie en 1992 mais est expulsé par le nouveau gouvernement pour «sédition».

Ce n’est qu’en 2003 qu’il sera autorisé à revenir en Roumanie, raccompagnant le corps de son père de son exil portugais. Ce fût le couronnement de négociations âpres qui avaient déjà aboutit au rétablissement de sa citoyenneté roumaine en 1997 pour lui et sa famille. D’anciennes propriétés lui sont même restituées.

Aussi populaire que la classe politique roumaine est impopulaire (avec de nombreuses affaires de corruption dans un pays où le pot de vin est une pratique courante), il fait figure de patriarche, de sage. Il ne s’est jamais exprimé sur le sujet mais il semble qu’il n’à jamais sérieusement songé à rétablir la monarchie.

Vivant entre la Roumanie et la Suisse, l’ancien roi de Roumanie est décédé le 5 décembre 2017 des suites d’un cancer, seize mois après la mort de son épouse Anne de Bourbon-Parme. La Roumanie décrète trois jours de deuil national. Michel 1er est enterré aux côtés de ses prédécesseurs dans une crypte de l’Eglise Notre Dame de Agrea. De son mariage avec Anne de Bourbon-Parme sont nées cinq filles.

Des origines au premier conflit mondial

Le 14 mars 1881 la Roumanie devient donc un Royaume avec Carol 1er comme roi. Jusqu’en 1888 le premier ministre est Ion Bratianu qui mène une politique de modernisation du pays via d’imposants travaux d’infrastructures (routes, ponts, voies ferrées). La constitution est amendée en 1883 avec l’augmentation du nombre d’électeurs et la création d’un troisième collège.

En 1874 Marie Roumanie, fille de Carol 1er et unique enfant du couple royal décède dans l’enfance. Sans aucun autre enfant il fait de son frère ainé Léopold l’hériter mais ce dernier renonce en octobre 1884 en faveur de son fils Guillaume qui lui même renoncera en 1886 en faveur de son cadet Ferdinand.

Sur le plan politique, deux grands partis se structurent, les libéraux et les conservateurs même si on ne peut pas dire qu’il y ait une immense différence entre les deux.

Sur le plan chronologique, le Parti National Libéral est au pouvoir de 1881 à 1888, de 1895 à 1899, de 1901 à 1906, de 1907 à 1910 et de 1914 à 1918 alors que le Parti National Démocrate plus conservateur est au pouvoir de 1888 à 1895, de 1899 à 1901, en 1906/07 et de 1910 à 1914.

Tout n’est cependant pas rose puisqu’une révolte paysanne (jacquerie) éclate en Valachie en avril 1888 suivie en 1907 d’une révolte touchant aussi bien la Moldavie et la Valachie.

Cette dernière à lieu de février à avril 1907 dans un contexte très difficile avec notamment le souvenir de la révolution russe de 1905, souvenir attractif pour les plus humbles et répulsif pour les possédants.

Les paysans roumains avaient été libérés du servage entre 1746 et 1749 mais dans la pratique leur situation dans les grands domaines agricoles n’était guère enviable.

Si le paysan roumain était vu comme docile voir servile, cela ne l’empêchait pas de se rebeller comme en 1888, 1899 et 1900, des années marquées une sécheresse qui mettait en péril leur survie.

Pourquoi en 1907 cette révolte prend une telle ampleur ? Les historiens débattent toujours et ne peuvent émettre qu’une série de conjéctures. Un événement à rarement une origine unique et de plus il ne faut pas oublier l’irrationalité des comportements humains. Ce n’est pas pour rien que les révoltes populaires au temps de l’ancien régime étaient appelées des émotions.

Parmi les causes ont trouve plusieurs mauvaises récoltes successives, la spéculation des grains menés par les intendants des grands domaines, les arendaches, figure détestée par la paysannerie car les boyards et les princes propriétaires des grands domaines étaient inaccessibles au commun, résidant en ville ou à l’étranger.

Il n’est pas impossible que des idées proto ou crypto-communistes aient eut aussi un impact mais cet impact fût bien faible que ne l’à dit la propagrande communiste. Et pour cause à l’époque l’immense majorité était illétrée voir carrément analphabète.

Tout commence le 21 février 1907 dans un village du judet de Botosani dans le nord de la Moldavie. Très vite la révolte s’étend à tout le pays. Des manoirs et des entrepôts sont pillés sont pillés, des postes de gendarmerie sont incendiés.

A la paysannerie se joignent très vite les dockers des ports de Brăila, Constanța, Galați, Giurgiu, Oltenița et Zimnicea. De véritables combats ont lieu entre révoltés et force de l’ordre.

La situation est telle que le 18 mars l’état d’urgence est proclamé alors que les insurgés marchent sur la capitale. L’armée dirigée par le général Alexandru Averescu est mobilisée, utilisant tous les moyens en sa possession y compris l’artillerie. Plus qu’une simple opération de rétablissement de l’ordre c’est une véritable guerre qui déchire le jeune (26 ans) royaume de Roumanie.

Le 24 mars 1907 le gouvernement conservateur démissionne et les libéraux de Dimitrie Sturdza arrivent au pouvoir. A la mi-avril la situation est nettement plus favorable aux autorités.

Le bilan est lourd. 2000 insurgés sont arrêtés. Le nombre de morts est incertain allant de 421 (sources officielles de l’époque) à 11000 (chiffres de l’époque communiste) sans compter des millions de lei de dégâts.

Une fois la répression réalisée, le gouvernement comprend qu’il faut améliorer la situation de la paysannerie au risque que de tels événements se reproduisent.

Plusieurs lois sont ainsi votées pour améliorer la condition paysanne : contrats agricoles obligatoires, interdiction du cumul des affermages et de l’usure, création d’un Crédit Rural. A cela s’ajoute un choc culturel qui dégrade l’image de la Roumanie à l’étranger.

Cette révolte à été naturellement exploitée par les différents courants de la vie politique roumaine que ce soit les communistes («révolution prolétarienne contre l’ordre aristocratique de la monarchie roumaine»), les nationalistes («sursaut de la nation roumaine surexploitée contre ses
parasites ») et ce qu’on pourrait appeler par anachronisme les progressistes (« pogrom d’un peuple intrinsèquement primitif, fruste, intolérant et xénophobe contre les minorités du pays »)

L’approche environnementaliste et sociologique en fait une révolte motivée principalement par la sécheresse, la disette et la désespérance, car les idées socialistes ou nationalistes avaient peu de poids chez les paysans. Il y eu bien des arendaches et des usuriers (camatari) tués mais ils l’ont été par ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils représentaient et non à cause de leurs origines. De plus à peine un sixième de la paysannerie à participé à cette jacquerie.

Sur le plan de la politique étrangère, en 1883 la Roumanie signe une alliance secrète avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, une façon de se protéger contre une potentielle agression russe.

Quand éclate la première guerre balkanique, la Roumanie reste neutre mais quand la Bulgarie se retourne contre ses anciens alliés elle se décide à intervenir.

Ce deuxième conflit éclate le 29 juin 1913 quand la Bulgarie attaque la Grèce et la Serbie. Moins d’une semaine plus tard le 5 juillet l’armée roumaine mobilise. Pas moins de 330000 soldats sont assemblés avec pour principal objectif la récupération de la Dobroudja du Sud aux mains des bulgares.

La guerre est déclarée le 10 juillet. 80000 hommes du 5ème corps d’armée envahissent la Dobrudja sans rencontrer de résistance. Il faut dire que l’armée de Ferdinand 1er à très fort à faire sur d’autres fronts contre les serbes, les grecs et même les ottomans.

Si le 5ème CA bulgare occupe un front allant de Tutrakan à Balchik, le corps de cavalerie occupe la ville de Varna.

Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1913, l’armée du Danube commandée par le prince héritier Ferdinand envahit la Bulgarie occupant les villes de Oryahovo, Gigen et Nikopol. L’armée se sépare ensuite, une partie mettant cap à l’ouest direction la ville de Ferdinand (aujourd’hui Morava) et au sud-ouest direction Sofia, la progression étant précédée d’un écran de cavalerie comme l’exige l’élémentaire prudence militaire.

Le 18 la ville de Ferdinand tombe suivit deux jours plus tard de celle de Vratsa. Le 23 des cavaliers roumains sont à Vrazhdebna à sept kilomètres de Sofia et deux jours plus tard le 25 les troupes serbes et les troupes roumaines font leur jonction à Belogradchik, isolant ainsi la ville de Vidin.

La situation bulgare est clairement désespérée. Sofia rentre même dans l’histoire en étant la première capitale survolée par des aéronefs ennemis. Heureusement pour les habitants de la capitale bulgare, les roumains se contentent de larguer des tracts.

Très vite la Bulgarie cherche à négocier. Elle tente de passer par le canal russe mais sans grand succès. Finalement après de multiples péripéties, les délégations des différents belligérants (sauf les ottomans exclus par les roumains ce qui obligea les bulgares à négocier séparément avec Constantinople) se retrouvent à Bucarest le 30 juillet 1913. Elles s’entendent rapidement sur un armistice de cinq jours qui entre en vigueur le lendemain.

Dès le 19 juillet 1913 la Bulgarie avait accepté de céder la Dobroudja du Sud à la Roumanie ce qui explique que la délégation roumaine porta la voix de la modération à cette conférence qui aboutit à la signature du Traité de Bucarest le 10 août 1913. Si la Roumanie n’à pas perdu de soldats faute de combats, 6000 hommes ont été victimes d’une épidémie de cholera.

Quand éclate le premier conflit mondial la Roumanie préfère rester neutre en raison principalement mais non exclusivement d’une querelle entre un roi plutôt pro-allemand et un gouvernement mais aussi une opinion alliée plus favorable à l’Entente.

Le 10 octobre 1914 deux moins après le déclenchement du premier conflit mondial, Carol 1er meurt. Sans descendance et donc sans descendance masculine, il est remplacé sur le trône de Roumanie par son neveu Ferdinand qui devient Ferdinand 1er de Roumanie.

Deux ans plus tard, en 1916, la Roumanie allait s’engager dans le premier conflit mondial pour le meilleur mais surtout pour le pire.

Mitteleuropa Balkans (74) Roumanie (4)

Réveil et marche vers l’indépendance

Le reveil roumain

Au 17ème et 18ème siècle à lieu un véritable réveil culturel roumain (Renastera culturala Romana) qui va préparer les cœurs et les esprits à l’unification politique qui n’aura lieu qu’au 19ème siècle dans ce siècle où la question des nationalités devient prégnante.

Difficile de dire pourquoi ce réveil à lieu maintenant et pas plus tôt ou plus tard. Nul doute que les facteurs sont multiples et je serais bien présomptueux de répondre de manière définitive à la question.

Ce contexte est d’abord politico-militaro-diplomatique avec le recul ottoman. En 1683 ils assiègent Vienne pour la deuxième fois (1529, 1683 mais échouent dans leur prise de leur ville en raison notamment de l’intervention d’une armée de secours dirigée par Jean III Sobieski, le roi de Pologne.

Cela marquant le début du reflux ottoman, la Sublime Porte s’enfonçant dans un déclin qui semble sans fin au point que l’empire ottoman deviendra «l’homme malade de l’Europe», le pendant européen de la Chine.

De 1685 à 1690 c’est la Hongrie qui est reconquise tout comme la Transylvanie. En 1718 c’est au tour du Banat, un territoire peuplé de roumains et serbes (aujourd’hui à cheval sur les territoires de la Serbie, de la Hongrie et de la Roumanie. Sur le plan de la géographie physique il couvre le sud-est de la plaine de Tisza délimitée par le Danube au sud, la rivière Tisza à l’ouest, la rivière Mures au nord et les Carpathes Méridionales à l’est) de tomber dans l’escarcelle hasbourgeoise.

En 1775 la Bucovine (partie nord de la Moldavie) est annexée par les Habsbourgs. Signe que cette conquête doit être durable et pérenne, une politique de colonisation de peuplement est menée avec des slaves, des allemands et des ukrainiens greco-catholiques ou uniates rite orthodoxe mais suivant les consignes de Rome .

Au 18ème siècle alors que les élites se piquent de philosophie (au point que par snobisme une partie de la noblesse se complaira dans une ignorance crasse) le gros de la population roumaine est non seulement pauvre mais soumise à un servage très strict.

De son côté les ottomans lassés de l’autonomie des voïvodes locaux recrutent de plus en plus chez les Phanariotes, des familles aristrocrates greco-orthodoxes vivant dans le quartier du Phanar à Constantinople.

Si ces hospodars sont fidèles à la Sublime Porte ils ne mènent pas tous la même politique, certains menant une politique inspirée par les Lumières, s’imaginant en despotes éclairés.

La renaissance culturelle roumaine voit donc l’introduction des idées les plus avancées en pays roumanophone.

Cette renaissance passe par l’envoi à l’étranger d’étudiants roumanophones grâce aux efforts des élites grecques et phanariotes. Clairement l’unité roumaine va répondre à la même philosophie que les unités allemandes et italiennes.

Des écoles s’ouvrent notamment les académies de Jassy et de Bucarest. Nul doute que les premiers événements de la Révolution Française ont influencé les partisans de la renaissance culturelle roumaine. Un gros travail sur la géographie, l’histoire et la langue est également mené.

Cette renaissance est aussi favorisée par le projet byzantin. Il s’agissait d’un projet chimérique de Catherine II visant à reconstituer quatre siècles après sa disparition de l’empire romain d’Orient et sa descendance. Cet empire aurait été confié à son petit-fils Constantin, fils du futur Paul 1er.

Ce néo-empire byzantin aurait englobé la Grèce, la Thrace, la Macédoine et la Bulgarie mais pas les principautés roumaines qui auraient formées un Royaume de Dacie confié à l’amant et favori de la Grande Catherine, Gregori Potemkine.

Pour calmer les inquiétudes de l’Autriche, Saint-Pétersbourg lui aurait cédé la Bosnie, la Serbie et l’Albanie alors que Venise aurait récupété la Morée, la Crète et Chypre.

Révoltes et répression

Le 2 novembre 1784 éclate la Révolution Transylvaine. Cette révolte à pour origine des revendications politiques et sociales notamment contre le servage, pratique qui semble appartenir à un autre temps.

La révolte éclate dans la région de Zarand et s’entend très vite dans les monts du Bihors (Carpathes occidentales roumaines). Les insurgés réclament l’abolition du servage, l’égalité politique des différents groupes ethniques.

C’est la révolte de la paysannerie, de la bourgeoisie et de la petite noblesse contre la grande aristocratie. Les insurgés affrontent les hussards des aristocrates magyars. Des châteaux sont pris.

Joseph II

L’élément déclencheur de la révolte c’est la non application d’une révolte de l’empereur Joseph II qui permettait aux paysans s’engageant dans les troupes impériales d’échapper aux corvées et de devenir propriétaires de leur lopin de terre.

Ce premier objectif est vite dépassé. Clairement il s’agit d’une émancipation pleine et entière. Les aristocrates sont chassés de Transylvanie jusqu’à la frontière avec la Valachie. On proclame la République du peuple de Transylvanie.

On abolit le servage et les privilèges, on proclame l’égalité de tous devant l’impôt, le retour des franchises paroissiales et la libération des insurgés prisonniers.

Elle promet la vie sauve et le respect des propriétés à ceux hissant le pavillon blanc alors que les autres c’est la mort et la confiscation.

La révolte s’étend également en Crisana (à l’ouest de la Roumanie à la frontière hongroise) et la Marmatie (au pied des Carpathes, haut-bassin de la rivière Tsiza aujourd’hui à cheval sur la Roumanie et l’Ukraine).

Les 27 et 29 novembre 1794 les insurgés et les garde-frontières ralliés battent les troupes impériales à Lupsa et Râmet mais sont défaits à Mihaileni. On décide de reprendre la stratégique de la guerilla.

Contre-offensive de la noblesse, la tête des chefs est mise à prix, les cols de Moldavie et de Valachie sont surveillés. L’Autriche demande à l’empire ottoman de ne pas accorder l’asile aux chefs insurgés.

Horea et Closca sont pris le 27 décembre 1794, Crisa le 30 janvier 1785. Ils sont condamnés à être roués mais Crisa parvient à se pendre dans la nuit précédent l’exécution qui à lieu le 28 février 1785. Ce mode d’exécution ainsi que la coutume médievale de partager le corps en plusieurs morceaux exposés dans toute la Transylvanie choque et révulse une Europe des Lumières qui se pensait au dessus de cela.

Joseph II comprend qu’il faut rassurer les possédants mais aussi donner des gages aux opprimés pour éviter une nouvelle révolte encore plus dévastatrice. Un décret déporte dans le Banat et la Bucovine les familles des insurgés et le servage est abolit en août 1785.

Un demi-siècle de lutte

Une guerre russo-ottomane une de plus !

L’union des principautés danubiennes (Moldavie et Valachie) va mettre un demi-siècle à aboutir en profitant d’événements extérieurs notamment plusieurs conflits. Il faut dire que les deux tentatives de révolution de 1821 et de 1848 se sont terminées par de sanglants échecs.

Le premier événement est la guerre russo-ottomane entre 1806 et 1812. Ce conflit à pour origine la révolte des Serbes qui éclate en 1804 et qui allait durer jusqu’en 1813. Après une dure répression les serbes reçoivent l’autonomie en 1817 (indépendance en 1878).

En 1805 le traité de Presbourg permet à Napoléon 1er d’obtenir des ottomans le départ des hospodars trop favorables aux russes. Les ottomans ferment les détroits aux navires russes ce qui entraine la réaction d’Alexandre 1er qui ordonne l’occupation des principautés danubiennes.

Mahmoud II décare la guerre à la Russie en novembre 1806. Les britanniques décident d’aider les russes mais ils échouent aussi bien à forcer les détroits et à pénétrer en Egypte et notamment à Alexandrie.

Les russes et les serbes font leur jonction à Vidin le 17 juin 1807. Les ottomans attaquent simultanément les îles Ioniennes, la Serbie et la Valachie, Bucarest étant assiégée.

Lors de la paix de Tilsit (juillet 1807), Napoléon 1er exige l’évacuation des troupes russes des Balkans et les îles ioniennes sont cédées à la France.

Le 24 août 1807 l’Armistice de Slobozia est signé. En échange de la possibilité de traverser à nouveau les détroits, les russes doivent évacuer les principautés danubiennes mais les russes ne bougent pas et la guerre reprend.

En mars 1809 Napoléon 1er lors de l’entrevue d’Erfurt avait promis à la Russie la cession de la Moldavie et de la Valachie.

Les serbo-monténégrins relancent la guerre en liaison avec les russes. Napoléon 1er refuse de soutenir les insurgés serbes. Ces derniers sont proches de l’anihilation mais sont sauvés par l’offensive menée en Moldavie par le prince Pierre de Bagration. Les russes établissent des garnisons en territoire serbe.

A cette époque Alexandre 1er anticipe la rupture avec la France et offre la paix au sultan. Après de multiples péripéties, le Traité de Bucarest est signé en mai 1812. la Russie évacue les principautés roumaines mais annexe la Moldavie orientale et le Boudjak ottoman (sud de la Moldavie entre les bouches du Danube au sud, le liman du Dniestr et la Mer Noire à l’est. Ces territoires forment la Province de Bessarabie). La Russie obtient également des droits de commerce sur le Danube.

Les serbes refusent de détruire les fortifications ainsi que le retour de la souveraineté ottomane (en échange il devaient obtenir l’amnisite générale et l’autonomie interne) ce qui explique que la révolte va durer jusqu’en 1813.

Débute alors une lutte d’influence entre russes et ottomanes sur les principautés danubiennes.

C’est une révolte ? Non sire c’est une révolution !

Neuf ans après la fin de la guerre russo-ottomane, une révolution éclate en Moldavie et en Valachie. C’est la Révolution de 1821 qui est le premier pas vers l’émancipation du peuple roumain de la souveraineté ottomane.

Cet événement va durer plus de six mois de février à août 1821. Cette révolution est à la fois un mouvement populaire et une véritable campagne militaire menée contre les classes dominantes et l’empire ottomane.

A la manœuvre figure une société secrète la Filiki Eteria et des volontaires armés les pandoures (en roumain Panduri). Cette révolution devait initialement être coordonnée avec la guerre d’indépendance grecque mais dans la pratique les deux mouvements vont vite divérger, la méfiance l’emportant sur la confiance.

Paradoxalement les deux voïvodes en place sont favorables aux idées hétaïriques ce qui contredit peut être l’idée d’une révolte populaire contre les possédants.

Le mouvement commence à Galati qui se révolte. Les Eteiristes pénétrent à Jassy le 6 mars 1821.

Alexandre Ypsilantis

Le 14 mars 1821 Ypsilantis chef de la Filiki Eteria quitte Jassy à la tête de 1600 hommes dont 800 cavaliers avec lesquels il marche sur la Valachie. Vivant sur le pays ils se rendent très vite impopulaires et leur arrivée n’est pas forcément vue d’un très bon œil.

Tudor Vladimirescu

En mai, Tudor Vladimirescu s’empare de Bucarest où il détrône le voïvode conservateur en poste. Il est en désaccord avec l’Eteria qui aurait préféré composer avec le voïvode en poste.

Alexandre 1er condamne le déclenchement de l’insurrection. Il limoge Ypislanti de son armée et lui interdit le territoire russe. Le patriarche de Constantinople jette l’anathème sur l’Eteria. Des troupes abandonnent Ypsilantis, le voïvode de Moldavie est déposé par les boyards.

Ypsilantis se retranche alors à Targoviste avec 3000 hommes. Les ottomans réagissent militairement à la fin du mois d’avril. Après avoir repris Galati le 14 mai, les troupes ottomanes s’avancent vers Jassy et Bucarest. Cette dernière est reprise sans combats le 27 mai 1821.

Le 31 mai Tudor Vladimirescu est arrêté et exécuté après avoir été accusé de trahison. Désormais les insurgés qui n’ont pas fuit vont être écrasés par les ottomans.

La seule bataille rangée de la révolte est la Bataille de Dragasni le 19 juin 1821. Bien que largement supérieurs en effectifs aux ottomans, les insurgés mal commandés, mal instruits et indisciplinés sont écrasés par les troupes ottomanes.

Ypsilantis parvient à s’enfuir en Autriche. Il avait obtenu de l’inamovible chancelier Metternich l’autorisation de traverser le territoire autrichien pour rentrer en Russie. Seulement à peine arrivé il est arrêté et jeté en prison. Le nouveau tsar Nicolas 1er qui à succédé à son frère Alexandre 1er en 1825 obtient sa libération fin 1827. Il n’en profite guère puisqu’il meurt à Vienne le 31 janvier 1828.

Les derniers insurgés sont écrasés en août et jusqu’en 1822 les postes voïvodaux sont vacants, les territoires placés sous administration militaire.

Le Réglement organique

En 1826 une nouvelle convention est signée entre les russes et les ottomans. Les principautés deviennent des protectorats russes tout en restant formellement sous souveraineté de la Sublime Porte.

En 1829 la Valachie récupère les ports danubiens de Turnu, de Giurgiu et de Braïla et le 14 septembre 1829 la Russie et l’Empire ottoman signent le Traité d’Andrinople qui rétablit un protectorat russe sur la Moldavie et la Valachie.

Le 13 juillet 1831 en Valachie et le 13 janvier 1832 en Moldavie, le Regulamentul Organic (Réglement Organique), une loi organique quasi-constitutionnelle imposée par les autorités russes.

On reconnaît la séparation et l’équilibre des pouvoirs. Les hospodars sont désormais élus à vie (et non pour sept ans selon un texte plus ancien la Convention d’Akkerman) par une assemblée extraordinaire qui comprenait représentants des marchands et des guildes. L’hospodar nomme les ministres et les fonctionnaires.

Une assemblée de 35 membres est mise en place en Moldavie et une assemblée de 42 membres en Valachie, ces deux assemblées étant élues au suffrage censitaire. Les prémices de la séparation de l’Eglise et de l’Etat apparaissent tandis qu’une réforme fiscale est mise en place.

Suite au début de la guerre de Crimée, les deux principautés sont placées sous l’autorité militaire russe. De 1854 à 1857 elles seront placées sous une administration neutre, celle des autrichiens. Les hospodars sont rétablis dans leurs fonctions.

C’est une révolte ? Non sire c’est une révolution ! (bis)

Vingt-sept ans après les révolutions de Moldavie et de Valachie, les provinces danubiennes sont à nouveau sécouées par une révolution qui s’inscrit dans le contexte plus général du Printemps des Peuples, une contestation profonde de l’ordre du Congrès de Vienne adoté trente ans plus tôt par les vainqueurs de Napoléon 1er.

Si la contribution moldave fût essentiellement intellectuelle, en Valachie ce fût moins intellectuel et plus violent. Comme souvent dans les révolutions, les modérés furent débordés par les plus radicaux.

Le 7 juin 1848 un comité de salut public s’installe à Craïova. Deux jours plus tard les troupes envoyées reprimer le mouvement à Islaz se rallient à la sédition. La Proclamation d’Islaz du 11 juin 1848 devient la nouvelle constitution en remplacement du Réglément organique imposé par les russes au début des années 1830.

La Valachie se divise entre les révolutionnaires et les conservateurs qui bénéficient du soutien de garnisons russes.

Le 13 juin 1848 les russes et les conservateurs quittent Craïova à l’annonce de l’arrivée de troupes révolutionnaires. Une tentative ultérieure de reprise de la ville par les russes échoue. Le lendemain on adopte le pavillon tricolore bleu-jaune-rouge et la devise «Liberté Egalité et Fraternité».

Le drapeau roumain s’est inspiré de notre drapeau français

Le 15 juin 1848, le gouvernement provisoire et son armée quittent Craïova pour Bucarest. La Russie qui sent alors que la situation lui échappe fait pression sur les ottomans pour intervenir. Le lendemain 16 juin, les révolutionnaires de Craïova et de Bucarest font leur jonction.

Le 19 juin 1848 une tentative de coup d’Etat des légitimistes soutenus par les russes échoue mais le même jour un protocole d’intervention est signé entre la Russie (qui doit s’occuper de la Moldavie et l’Empire ottoman qui doit s’occuper de la Valachie.

Pour éviter cette intervention le gouvernement provisoire et l’Empire ottoman signent un compromis reconnu par tous les gouvernements mais sauf par les russes. Cela n’empêchera par les ottomans d’envahir la Valachie le 11 septembre 1848. Deux jours plus tard l’armée révolutionnaire est massacrée, la répression aussi brutale que féroce. Le 30 novembre 1848 la ville de Craïova est reprise par les ottomans qui se livrent à un épouvantable massacre.

Cette révolte s’étend également en Transylvanie (qui n’est pas une province danubienne au sens strict) où les révolutionnaires se divisent d’emblée.

Laszlo Kossuth

En effet si Laszlo Kossuth veut la libération de la Hongrie de la tutelle habsbourgeoise, il est surtout un patriote et un nationaliste hongrois qui n’à aucunement l’intention de corriger le déséquilibre électoral qui fait que la majorité roumanophone était dirigée par un élite magyar, saxonne et sicule.

Le 15 mai 1848 une Assemblée révolutionnaire se réunit à Blaj. Des combats opposent roumains et hongrois. Le 29 mai 1848 la Diète proclame le rattachement de la Transylvanie à la Hongrie mais cette assemblée n’est absolument pas représentative. On assiste alors à une situation incroyable : une partie des troupes de Kossuth combattait les roumains alors que les troupes russes intervenaient pour rétablir l’ordre ancien.

Paradoxalement l’écrasement de la révolution hongroise permettra à la Transylvanie de conserver son autonomie du moins jusqu’en 1867 et le compromis austro-hongrois.

Une ou plusieurs principautés ?

La Roumanie en 1859

L’échec de la révolution de 1848 n’à pas atteint les ambitions d’union et d’émancipation des principautés de Moldavie et de Valachie. Comme souvent c’est un événement extérieur qui va favoriser un processus d’unification en l’occurence la défaite russe dans la guerre de Crimée.

Suite à cette défaite la Moldavie récupère le Boujak russe depuis 1821 et surtout le processus d’unification avec la Valachie est enclenché. Deux assemblées consultatives se réunissent et suite à deux votes favorables, un acte organique est adopté par la Conférence de Paris le 19 août 1858 (7 août calendrier julien) qui autorise la réunion des deux principautés.

Alexandre Jean Curza

Le 17 janvier 1859 le colonel Alexandre Jean Cuza est élu prince de Moldavie et le 5 février suivant prince de Valachie. L’unité est donc réalisée de facto avant d’être réalisée de jure.

La France et la Grande-Bretagne reconnaissent la double élection à la Conférence de Paris, l’empire ottoman l’accepte par le firman le 4 décembre 1861 suivi par l’empire russe.

Le 5 février 1862 les assemblées fusionnent donnant naissance aux Principautés Unies de Roumanie. Alexandre Jean Cuza devient prince souverain (domnitor) de Roumanie.

En 1866 l’empire ottoman reconnaît cette unité comme un seul état mais cette «Petite Roumaine» reste vassale de l’empire ottoman.

Alexandre Jean Cuza est né à Barlad (Moldavie) le 1er avril 1820. Issu d’une famille de boyards, il appartient donc à l’élite politique et intellectuelle moldave.

Francophone et de mouvance libérale, sa famille participe à la révolution de 1821. Lui même participe à un niveau modeste à la révolution de 1848.

Après un court exil à Paris, Vienne et Constantinople, Cuza devient colonel de l’armée moldave mais aussi fran-maçon. Le 17 janvier 1859 il est élu prince souverain de Moldavie et le 5 février 1859 il est élu prince souverain de Valachie.

Curza qui se veut être un despote éclaire multiplie les réformes : sécularisation des immenses domaines ecclésiastiques, réforme agraire (ce qui lui vaut la haine de boyards), nouveau code civil, nouveau code pénal (qui abolit la peine de mort), mise en place d’un enseignement public primaire gratuit et obligatoire, création d’une université à Iasi (1860) et d’une autre à Bucarest (1864), dévellopement d’une armée roumaine, émancipation des Roms.

En multipliant les réformes, en voulant peut être trop en faire, il s’alienne tout le monde sans pour autant se constituer un socle qui le rendrait intouchable.

Un complot mené par la «coalition monstrueuse» (libéraux le jugeant trop mou, conservateurs effrayés par ses réformes radicales) le contraint à l’abdication le 22 février 1866. Il est rapidement expulsé de Roumanie, terminant sa vie à Paris, Vienne et Wiesbaden.

La classe politique cherche un roi permettant au nouvel état de peser ou du moins pouvant être protégé par une grande puissance. On élit dès le 23 février 1866 le comte de Flandre, Philippe, frère de Léopold II de Belgique mais ce dernier refuse de devenir le nouveau hospodar des principautés roumaines comme il avait refusé auparavant la couronne de Grèce.

Carol 1er de Roumanie

C’est finalement le prince allemand Charles de Hohenzollern-Sigmaringen qui est élu le 20 avril 1866 (couronné le 22 mai), adoptant comme nom de règne celui de Carol 1er même si il ne deviendra roi de Roumanie qu’en 1881.

La principauté de Roumanie participe à la guerre russo-ottomane en 1877/78 aux côtés de la Russie. Elle obtient son indépendance qui est proclamée le 21 mai 1877.

Cette indépendance est reconnue par le traité de Berlin le 13 juillet 1878 (Article 43) sous réserve d’abroger l’Article 7 de la constitution de 1866.

Outre son indépendance la Roumanie reçoit des territoires supplémentaires : les bouches du Danube, l’île des Serpents et les deux tiers de la Dobroudja avec le port de Constansa mais perd le Boujak en Bessarabie.

Le 10 mai 1881 la Principauté de Roumanie devient le Royaume de Roumanie. Jusqu’à l’abolition de la monarchie, le 10 mai sera la fête nationale roumaine.