Mitteleuropa Balkans (88) Roumanie (18)

L’Armée roumaine dans le premier conflit mondial

Soldats roumains portant une tenue d’inspiration française durant le premier conflit mondial.

En 1914 comme nous l’avons vu la Roumanie décide de rester neutre essentiellement pour des raisons de politique intérieure, une querelle opposant partisans de l’entrée en guerre aux côtés des Empires Centraux (c’est le cas du roi Carol 1er même si celui-ci à évolué sur la fin) et partisans d’une entrée en guerre aux côtés de l’Entente (cas du gouvernement).

En 1915 la Bulgarie courtisée par les deux camps (mais avec plus d’insistance par les Empires Centraux) entre en guerre. Ce n’était donc qu’une question de temps pour que Bucarest se joigne à un conflit passé du stade «frais et joyeux» au stade «immonde boucherie».

La Roumanie franchit le pas en 1916 et choisit d’entrer en guerre aux côtés de l’Entente en août 1916. Problème l’armée roumaine est totalement inapte à la guerre moderne. Son seul conflit véritable remonte à la guerre d’indépendance il y à plus de quarante ans (sa participation aux guerres balkaniques à été symbolique) et l’entrée en guerre va être précipitée.

A cela s’ajoute la crainte de combats fratricides contre les roumanophones de l’armée austro-hongroise. Ces derniers sont d’abord loyaux à la Double-Monarchie (peut être dans l’espoir d’avoir un meilleur sort une fois la guerre terminée) mais peu à peu la désillusion l’emporte. Les désertions vont se multiplier au fur et à mesure que la Roumanie s’approche de l’entrée en guerre.

150000 roumanophones vont mourir sous l’uniforme gris de l’armée austro-hongroise. De nombreux prisonniers reprendront la guerre au sein de légions de volontaires levées dans les camp de prisonniers italiens et russes.

Quand éclate le premier conflit mondial l’armée de terre roumaine dispose de cinq corps d’armée ce qui correspond à une force de combat de quinze divisions d’infanterie, sept brigades de cavalerie, vingt-cinq régiments d’artillerie et deux régiments du génie. A cela s’ajoute naturellement des unités de transmissions et de soutien logistique. A noter que l’échelon armée n’apparait qu’au moment de l’entrée en guerre de la Roumanie en août 1916.

Initialement l’armée roumaine mobilise 658088 hommes répartis en vingt-trois divisions ce qui est tout sauf négligeable. Les premiers combats se passent bien mais tout simplement parce qu’en face il n’y à rien ou presque. Dès que les Empires Centraux vont envoyer des troupes, l’armée roumaine va être sérieusement mise en difficulté.

Sur le plan tactique la guerre sans être une suite de combats echevelés n’est pas aussi figée que sur le front occidental. La manœuvre, le mouvement restent possibles probablement parce que le terrain est vaste et les effectifs ne permettent pas forcément de tenir solidement tout un front surtout pour les pauvres roumains qui doivent combattre sur deux fronts de 1600 km !

La cavalerie par exemple assure l’éclairage, le flanquement et le freinage de l’ennemi pour éviter que la retraite ne tourne à la déroute.

C’est ainsi qu’à la bataille de Robanesti, la cavalerie roumaine charge sabre au clair mais avec moins succès que les cavaliers de Ney à Eylau (NdA qui rappelons le est la plus grande charge de cavalerie de l’histoire avec 11000 hussards, chevaux-légers, lanciers et autres cuirassiers ce qui est déjà énorme ce qui n’empêche pas certains auteurs de parler de 70 à 80000 cavaliers) et les survivants devaient se sentir plus proches de la brigade légère à Baklhava.

La Roumanie aurait pu s’appuyer sur le terrains et les fortifications mais soit l’ennemi allait trop vite ou alors les fortifications étaient tournées vers le mauvais adversaire.

Le général Henri Bethelot

Très vite sur la défensive, l’armée roumaine ne va pas s’effondrer totalement grâce à la présence de troupes russes et surtout de la Mission Berthelot, une mission d’assistance militaire dirigée par le général français Henri Berthelot. On peut y ajouter l’action de la marine roumaine qui en défendait les fleuves et les côtes permettait à l’armée de terre de tenir fermement le terrain.

Après la stabilisation du front l’armée roumaine est totalement réorganisée, une véritable économie de guerre est mise sur pied pour reconstituer une armée digne de ce nom.

C’est ainsi qu’au début de 1917 l’armée de terre de Ferdinand 1er aligne deux armées et cinq corps d’armée ce qui représente quinze divisions d’infanterie disposant de deux brigades d’infanterie, une brigade d’artillerie, un bataillon de cavalerie et un bataillon de pionniers. Les DI numérotées un à dix disposent également d’un régiment d’infanterie de montagne.

A ces divisions s’ajoute deux divisions et deux brigades indépendantes de cavalerie sans oublier l’artillerie qui hors artillerie divisionnnaire dispose de deux régiments d’artillerie de montagne, quatre régiments d’artillerie lourde ainsi que des régiments d’artillerie antiaérienne.

Cela représente 700000 hommes répartis en 207 bataillons d’infanterie, soixante bataillons de marche (Nda infanterie ?), 110 escadrons de cavalerie et 245 batteries d’artillerie.

Les moyens déployés par les belligérants sur le front roumain sont colossaux avec neuf armées, quatre-vingt divisions (974 bataillons), dix-neuf divisions de cavalerie (550 escadrons) et 923 batteries d’artillerie soit des effectifs dépassant 1 million d’hommes.

En dépit de colossales efforts, Bucarest est fragilisé par la défection russe. L’armée roumaine est épuisée et le gouvernement de Ferdinand 1er replié à Iasi n’à d’autres choix que de choisir la voix de l’armistice puis du traité de paix.

A cette époque l’armée roumaine possédait quinze divisions d’infanterie. Les divisions n°11, n°12,n°13,n°14 et n°15 sont immédiatement démobilisées. Sur les divisions d’infanterie restantes, les empires centraux autorisent deux divisions déployées en Bessarabie (ainsi que les deux divisions de cavalerie) sont autorisées à rester à effectifs de guerre.

Les autres divisions d’infanterie doivent revenir à un format du temps de paix avec quatre régiments d’infanterie à trois bataillons, deux régiments de cavalerie à deux escadrons, deux régiments d’artillerie à sept batteries, un bataillon de pionniers et un socle logistique. L’armement en surplus est livré aux austro-hongrois.

Le conflit terminé le bilan est lourd pour l’armée de terre roumaine avec 535 700 militaires hors de combat (335706 tués, 120000 blessés et 80000 prisonniers).

D’une guerre à l’autre

Dans l’immédiat après guerre l’armée de terre roumaine va participer à plusieurs conflits notamment contre la Hongrie avec laquelle elle va partager un long et douloureux contentieux concernant notamment la Transylvanie.

Ce conflit qui éclate à la mi-avril 1919 après plusieurs mois de tension entre la Roumanie et la Hongrie voit l’engagement côté roumain de soixante quatre bataillons d’infanterie, de vingt-huit escadrons de cavalerie, de 160 canons, de 32 obusiers, d’un train blindé, de deux bataillons de pionniers et de deux escadrons d’aviation. Le conflit se termine le 3 août 1919 par l’occupation de Budapest par les roumains ce qui favorise l’arrivée au pouvoir du régent Horthy. La Roumanie va occuper la partie orientale de la Hongrie jusqu’au 28 mars 1920.

L’armée tente de se moderniser mais en ces temps de vache maigre difficile de faire beaucoup surtout pour un pays assez pauvre, disposant de peu de moyens industriels.

Tout juste notons l’acquisition de chars de combat pour équiper notamment une première division blindée, division qui cohabite avec cinq divisions de cavalerie. Certes le terrain roumain peu se montrer ouvert à l’utilisation de la cavalerie mais ce n’est pas vraiment un signe de modernité, le premier conflit mondial ayant montré les limites des unités montées dans la guerre moderne.

Renault FT alias le « petit machin » selon son créateur Louis Renault

Les premiers chars roumains seront 76 Renault FT qui sont livrés en 1919, le «Char de la victoire» formant un premier régiment blindé. Ces chars vont rester en service en 1941, les véhicules encore en état étant réutilisés pour l’entretien et le maintien de l’ordre.

Le AH-IV tchèque à été produit sous licence en Suède

Il faut ensuite attendre les années trente pour que de nouveaux chars soient livrés en l’occurrence trente-six chars légers AH-IV (R-1) qui sont maintenus en service jusqu’en 1945 avant d’être stockés pour être réutilisés en cas de besoin.

Skoda LT vz.35

Ils sont complétés par 126 chars légers Skoda LT vz.35 (S-II) connus sous la désignation de R-2 mais plus connus sous leur nom allemand (Panzer 35(t)), ces chars auraient pu être bien plus nombreux dans les armées roumaines mais la commande de 382 exemplaires est annulée suite au démantèlement de la Tchécoslovaquie.

Renault R-35

En décembre 1937 200 exemplaires du Renault R-35 sont commandés mais en septembre 1939 seulement 41 exemplaires ont été livrés par la France auxquels il faut ajouter 34 chars ayant appartenus à la Pologne. Cela porte le total à 75 exemplaires, la commande restante étant annulée, la Roumanie préférant acquérir des chars plus modernes venant notamment d’Allemagne mais ceci est une autre histoire.

Une loi du 28 avril 1932 précise l’organisation de l’armée roumaine composée de sept corps d’armée, vingt et une division d’infanterie, un corps de montagne représentant soixante-douze régiments d’infanterie auxquels il faut ajouter un corps d’autos blindées, un bataillon de la garde, deux bataillons de garde-frontières, quatre bataillons d’infanterie légère, vingt-deux compagnies divisionnnaires de mitrailleuses. A cela s’ajoute des unités de cavalerie, d’artillerie, du génie et de soutien.

En 1940 peu après la fin de la guerre de Pologne, la Roumanie possède un potentiel mobilisable de 1.1 millions d’hommes (1170000 exactement) soit 8.5% de la population du pays. Ce potentiel va se réduire un peu avec les annexions de territoires qui prive l’armée de recrues.

Sur le plan des unités l’infanterie dispose de dix-neuf divisions à trois régiments d’infanterie et deux régiments d’artillerie regroupés respectivement en une brigade d’infanterie et une brigade d’artillerie. A cela s’ajoute différentes éléments d’appui et de soutien (génie, transmissions, logistiques).

L’infanterie de montagne (Vânători de munte) apparue durant le premier conflit mondial comme entité indépendante aligne quatre divisions ce qui représente vingt-quatre bataillons, quatre groupes d’artillerie et huit batteries d’obusiers de montagne. On peut ajouter également un commandement de montagne à huit bataillons.

Comme dans de nombreux pays ces unités sont devenues très vite l’élite de l’armée roumaine et dont l’efficacité durant le second conflit mondial leur vaudra une dissolution au temps de la période d’occupation soviétique (1953-1960).

La cavalerie dispose de cinq divisions montées et d’une division blindée. Il y eut le projet de créer d’autres unités motocénaniques mais hélas pour les biffins roumains ces projets étaient encore dans l’enfance quand la seconde guerre mondiale éclate.

L’artillerie comprend des unités endivisionnés mais aussi des régiments indépendants au niveau des corps d’armée et des armées à savoir huit régiments d’artillerie lourde, deux régiments d’artillerie antichar et dix régiments antiaériens.

Durant la période de la Pax Armada l’armée de terre roumaine connait une certaine modernisation pour notamment faire face à des phénomènes similaires en Bulgarie et en Hongrie. Toutes les lacunes ne sont pas éliminées loin de là mais Bucarest peut espérer faire bonne figure en cas de conflit.

De nouvelles armes légères dont certaines roumaines sont mises en service, les pièces d’artillerie sont plus nombreuses et plus modernes (les pièces les plus anciennes sont souvent stockées pour être réutilisées en cas de besoin), de nouveaux blindés mis en service qu’il s’agisse de chars, de chasseurs de chars ou canons d’assaut.

En dépit de cet effort cela n’empêchera pas l’Armata Regala Romana de devoir réutiliser des véhicules de prise essentiellement des véhicules soviétiques mais aussi des véhicules occidentaux livrés au titre du Prêt-Bail.

Mitteleuropa Balkans (78) Roumanie (8)

Montée des extrémismes et tournant autoritaire

La constitution de 1923 puis la loi électorale de 1926 avait donné officiellement les mêmes droits politiques aux roumains qu’aux minorités nationales qu’il s’agisse des allemands, des hongrois, des roms ou des juifs.

Cette situation était inacceptable pour une partie des roumanophones qui estimaient que ces gens là bien que citoyens du royaume de Roumanie n’étaient pas de vrais roumains et surtout des traitres en puissance.

Un certain Corneliu Codreanu

Corneliu Codreanu

Cette opposition est symbolisée par le Légion de l’Archange Michel plus connu sous le nom de Garde de Fer, un parti nationaliste, violement xénophobe et antisémite dirigé par Corneliu Zelea Codreanu.

Avant de parler de son mouvement, quelques éléments biographiques concernant celui que ses partisans avaient appelé Capitanul (le capitaine).

Corneliu Zelea Codreanu est né Corneliu Zielinski ,e 13 septembre 1899 à Husi en Bucovine. Il est issu d’une famille germano-roumaine de Bucovine. Il est donc sujet austro-hongrois jusqu’à ses dix-huit ans.

A l’époque il est profondément marqué par la misère des paysans roumains alors que dans les villes les germanophones qu’ils soient allemands ou juifs sont nettement plus à leur aise. Nul doute que cela va jouer un rôle dans sa maturation politique. Il épouse Elena Ilinoiu en 1925.

Bien que n’ayant pas l’âge requis il rejoint à l’âge de seize ans l’armée roumaine. Il est le témoin des exactions de troupes russes débandées qui pillent et incendient les villages roumains de Moldavie et de Bessarabie.

C’est à cette époque que ses convictions politiques se forgent. Il considère qu’une nation est un organisme vivant qui doit être défendu contre les agressions extérieures que sont pour lui le bolchévisme, le cosmopolitisme et l’affairisme. Il dresse une image idéale d’un peuple roumain pétri de culture chrétienne orthodoxe et de valeurs traditionnelles. C’est à cette date qu’il roumanise son nom et qu’il adopte la religion orthodoxe alors qu’il était originellement catholique.

Sa carrière politique va commencer en 1922 quand à l’université de Iasi il prend la tête de la Société des Etudiants de Droit qu’il dissout pour créer l’Association des étudiants chrétiens. Il se fait connaître en se barricadant à l’intérieur de l’université pour protester contre la laïcisation de l’enseignement et réclame un numerus clausus vis à vis des minorités hongroises et germanophones.

Codreanu devient violement anticommuniste et antisémite suivant en cela les traces de son père. Il adhère en 1919 à la Garda Constiintei Nationale (Garde de la conscience nationale), un mouvement anticommuniste destiné à offrir au prolétariat une alternative à l’idéologie bolchévique.

En 1920 il joue les briseurs de grève contre les syndicalistes socialistes dans les Ateliers Nicolina travaillant pour les chemins de fer roumains. Il se rend également à Berlin et à Iena mais aussi en Savoie où il découvre les écrits de Gobineau et de Charles Maurras.

En 1923 il fonde la Liga Apărării Național Creștine (Ligue de défense nationale chrétienne) et en 1924 il assassine par balle devant le tribunal le préfet de police Manciu mais est acquitté car l’instance constate qu’il était en état de légitime défense.

Ne s’entendant plus avec des membres de la Ligue de défense nationale chrétienne, il fonde aux côtés de Ion Mota, Corneliu Georgescu, Ilie Gârneață et Radu Mironovici, la Legiunea Arhanghelului Mihail en français la Légion de l’archange Michel.

Cette organisation allait très vite recevoir le surnom de Garde de Fer en roumain Garda de fier. Cette dernière dénomination provient de son emblème qui représentait six faisceaux noirs (trois verticaux et trois horizontaux) sur fond vert et fut appelé «la Grille en fer» par dérision ce qui poussa Codreanu à transformer ce sobriquet en Garde de Fer.

Ses membres se baptisaient eux mêmes légionnaires car l’autre nom du mouvement était Mouvement Légionnaire (Miscarea Legionara).

Ce mouvement dénonce la démocratie parlementaire, les juifs, les communistes, les francs-maçons mais aussi contre les artistes qu’ils jugent «décadents». Bref tous ceux qui ne soutiennent pas la religion chrétienne et le nationalisme roumain. Il se distingue donc des nationaux-socialistes allemands par l’importance du christianisme dans leur idéologie. Le mouvement légionnaire doit être une école et une armée pour affronter la «puissance juive».

Codreanu est élu député du judet de Neamt en 1931 puis réelu en 1932 dans le district de Tutova.

Le 10 décembre 1933 le gouvernement libéral de ion Duca annule les élections et interdit la Garde de Fer. En réponse des légionnaires assassinent le premier ministre en gare de Sinaia le 29 décembre 1933.

Suite à l’interdiction du mouvement, Codreanu fonde un parti politique baptisé Totul Pentru Tara (Tout pour le pays) et en décembre 1937 ce parti signe un accord électoral avec le parti national-paysan qui remporte les élections de 1937.

Carol II

Le gouvernement réagit et le roi Carol II annule les élections le 13 février 1938, suspend la Constitution et instaure une dictature personnelle que l’histoire à retenu sous le nom de carlisme ou de dictature carliste. Le roi confie les pleins pouvoirs au ministre de l’intérieur Armand Călinescu.

Il est condamné à six mois de prison pour une attaque verbale contre Nicolae Iorga puis en mai 1938 à dix ans de travaux forcés pour sédition. Ses partisans multiplient les attentats contre les personnalités gouvernementales, les partis, les temples maçonniques, les synagogues. Une ambiance de guerre civile s’installe dans le pays.

Dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938, Codreanu est exécuté avec d’autres légionnaires sur ordre personnel du roi même si officiellement il est abattu suite à une tentative d’évasion. Sa mort en fait un martyr pour ses partisans et déclenche une série d’émeutes et d’attentats prémices à des événements bien plus grands qui allaient durablement marquer l’histoire politique roumaine.

La Garde de Fer

Drapeau de la Garde de Fer

La Garde de Fer va donc jouer un rôle crucial dans l’histoire de la Roumanie. Même après son interdiction suite à un coup d’état manqué (doublé d’un pogrom) son influence va être durable au point qu’un célèbre historien roumain à parlé de cancer et de métastases.

Si nombre de ses militants ont été tués ou emprisonnés, certain ont échappé à la police et ont pu continuer à sévir de manière moins voyante. Les plus motivés ou les plus résilients termineront au sein de la Waffen S.S et les survivants du second conflit mondial se sentiront pousser des vocations de mercenaires au point d’alimenter le fantasme d’une «Internationale Noire» largement surestimée et largement instrumentalisée par des journalistes en mal de sensations fortes.

Officiellement baptisé Légion de l’Archange Michel (Legiunea Arhanghelului Mihail), la Garde de Fer à pu compter jusqu’à 23000 membres ce qui n’est certes pas un parti de masse mais suffisant pour constituer une véritable nuisance.

Mouvement proto-politique, la Garde de Fer allait après son interdiction devenir un parti politique (NdA ce qui est ironique pour un mouvement dénonçant le régime des partis) baptisé Totul pentru Tara que l’on peut traduire par «Tout pour le pays».

La Légion ou mouvement légionnaire est créée le 24 juillet 1927 à Iasi par Corneliu Codreanu suite à une scission au sein de la Ligue de défense Nationale chrétienne. Ce mouvement reste comme tout parti extrémiste longtemps minoritaire surtout dans un pays où le régime est pro-occidental.

Il est même un motif de raillerie, le nom de Garde de Fer étant à l’origine un sobriquet attribué par les ennemis de Codreanu (un peu comme le terme intellectuel au moment de l’affaire Dreyfus).

Il séduit essentiellement les étudiants et des jeunes d’origine modeste révulsés par la corruption, la démocratie parlementaire roumaine étant sécouée comme celle de la Troisième République par plusieurs affaires politico-financières.

Ce mouvement va naturellement profiter de la crise de 1929 qui provoque déclassement, pauvreté et misère. Un meilleur niveau d’éducation des minorités juives, hongroises et allemandes favorisait leur ascension sociale au détriment de la majorité roumanophone essentiellement rurale et moins cultivée.

Un vrai fossé se creusait entre les élites urbaines pas toujours roumanophones et les légionnaires qui se considéraient comme de vrais roumains, les premiers considérant les seconds comme des ploucs, les seconds considérant les premiers comme des parasites infectant le «corps national roumain».

La monarchie roumaine compris rapidement le danger posé par la Garde de Fer. Une véritable guerre opposa le gouvernement au mouvement légionnaire, de nombreux militants étant capturés et d’autres abattus, les partisans du Capitanul se livrant à plusieurs assassinats.

Défilé de la Garde de Fer

En mars 1930 une véritable branche paramilitaire est créée. Le 10 décembre 1933, le premier ministre libéral Ion Duca interdit le mouvement. Il paye cette acte de sa vie puisqu’il est assassiné le 29 décembre 1933 en gare de Sinaia.

Son interdiction favorise l’ascension électorale du part issu de la Garde de Fer qui devient le troisième parti au parlement. Il sert d’aiguillon aux partis plus traditionnels et certaines de leurs revendications sont admises comme un numerus clausus dans les universités pour bloquer l’accès aux minorités et favoriser les «roumains de souche», une politique reprochée par les alliés de la Roumanie.

Le 10 février 1938 suite au coup d’état carliste le parlement est dissous, parlement où les légionnaires formaient une minorité de blocage (ils étaient même rentrés au gouvernement deux jours plus tôt).

Deux mois plus tard Codreanu est emprisonné et tué dans la nuit du 29 au 30 novembre 1938 officiellement lors d’une tentative d’évasion en réalité en représailles pour le meurtre d’un ami du ministre de l’intérieur Armand Calinescu.

Ce dernier devient premier ministre mais pour peu de temps car il et assassiné par des légionnaires le 21 septembre 1939. Une quasi-guerre civile secoue le pays.

Dictature carliste et Conducator

Le 10 février 1938 devant la montée des périls, le roi de Roumanie Carol II suspend en pratique la constitution de 1923 et impose une dictature royale faisant rentrer la Roumanie dans l’ère du carlisme ou carlismul en roumain.

Ce mouvement n’est pas né exclusivement de la volonté du fils de Ferdinand 1er mais d’un mouvement plus vaste. A la fin des années vingt émerge le Frontul Renasterii Nationale (FRN) ou front de renaissance nationale qui réclame le remplacement du jeune Michel 1er par son père Carol II qui avait du renoncer au trône en 1925.

Ce mouvement légitimiste (après tout les droits de Carol sont plus légitimes que ceux de son jeune fils) était antiparlementaire et autoritaire, critiquant les autres partis corrompus et facteurs de division face aux nationalistes et aux communistes. En gros si on devait simplifier, le FRN semble vouloir rassembler les «centristes» mais dans une optique autoritaire et pas vraiment «centriste».

Ce mouvement séduit beaucoup la classe moyenne qui ne se retrouve pas comme la jeunesse roumaine dans les mouvements nationalistes (Garde de Fer) et communistes.

En 1930 Carol II devient roi et huit ans plus tard ce même mouvement carliste favorise l’instauration d’une dictature royale qui va mener une véritable guerre contre le mouvement de la Garde de Fer qui subit un impitoyable répression.

Le 10 février 1938 les carlistes organisent donc un coup d’état contre le Parlement, donnant les pleins pouvoir au FRN et donc en pratique à Carol II. La constitution de 1923 est vidée de sa substance, le décret royal prévaut désormais sur la loi. Les opposants sont emprisonnés ou assassinés.

Sur le plan de la politique étrangère c’est un jeu d’équilibre même si le tropisme pro-allié est maintenu. Cependant les décrets discriminatoires du gouvernement Goga ne sont pas abrogés et l’Axe reçoit les mêmes facilités économiques que ceux offertes aux alliés.

C’est ainsi qu’un accord permet à l’Allemagne de pouvoir acheter à un prix modique du carburant issu des raffineries de Ploesti. Le 13 mai 1939 les frontières roumaines sont garanties par les français et les britanniques mais les garanties c’est comme les promesses cela n’engage que ceux qui y croient vraiment.

Durant la guerre de Pologne, la frontière roumano-polonaise est ouverte permettant à des milliers de soldats et de civils polonais d’échapper aux griffes nazies et communistes. Les civils sont pris en charge par ce qu’on appelle pas encore des ONG et les militaires sont brièvement internés avant d’être exfiltrés au Levant et en Egypte pour reconstituer une armée en faveur d’un gouvernement polonais en exil (qui s’installe à Nantes).

En clair la Roumanie se fait désirer, espérant ainsi s’engager pleinement dans le camp lui offrant les meilleures garanties et les promesses les plus alléchantes.

La désillusion sera terrible, la pression allemande et le refus allié de garantir leur aide militaire en cas d’agression soviétique oblige le gouvernement roumain à accepter le démembrement de la Grande Roumanie.


C’est ainsi que suite au deuxième accord de Vienne signé le 30 août 1940 au palais du Belvédère, Bucarest doit céder à son «allié» hongrois la Transylvanie du Nord, la Maramurie et une partie de la Cresava.

Les roumains vont évacuer cette région avec une infinie lenteur générant des frictions et même quelques affrontements militaires mais il s’agissait plus d’escarmouches qu’autre chose. En revanche l’occupation hongroise sera très dure pour les roumanophones restés sur place avec plusieurs massacres dont certains seront punis seulement à la fin du second conflit mondial.

Cette cession entraine le démantèlement d’une ligne fortifiée récemment construite la Ligne Carol II. Elle couvrait la frontière roumano-hongroise sur 300km avec 320 casemates armés de mitrailleuses, des positions d’artillerie entre les casemates, des barbelés, des champs de mines et un fossé antichar. En clair pas vraiment une copie orientale de notre Ligne Maginot. Les hongrois vont un temps la réutiliser mais très vite vont à leur tour l’abandonner et faire sauter les casemates restants.

Après la perte de la Transylvanie du Nord, la Roumanie va perdre au profit de l’URSS la Bessarabie et la Bucovine du Nord suite au refus allemand de défendre les frontières roumaines contre une agression soviétique. L’Armée Rouge occupe ainsi ces anciens territoires de l’empire tsariste entre le 28 juin et le 3 juillet 1940.

La Roumanie boit le calice jusqu’à la lie en cédant le 7 octobre 1940 la Dobroudja du Sud à la Roumanie suite au Traité de Craïova.

Si les légionnaires de la Garde de Fer sont vent debout ce qui n’est pas nouveau mais même la partie modérée de l’opinion lui en veut énormément. Pour ne rien arranger des scandales privés et de corruption ternissent un peu plus l’image d’un roi dont le trône ne tient plus qu’à un fil.

Antonescu et Mussolini lors d’une visite du Conducator à Rome au printemps 1941

Le 5 septembre 1940 Carol II tente le tout pour le tout en nommant le maréchal Antonescu comme premier ministre. Il espérait ainsi se racheter une conduite en nommant un général populaire dans l’opinion mais c’est trop tard beaucoup trop tard. Au lendemain de sa nomination, Antonescu oblige Carol II à abdiquer en faveur de son fils Michel qui redevient roi dix ans après avoir du renoncer au trône.

Deux heures à peine après son abdication, il est discrètement exfiltré en direction de la gare de Bucarest en voiture, une transportant l’ancien roi et deux autres servant de leurres. Sage précaution car les deux voitures leurres sont attaquées !

Arrivé à la gare, il est mis dans le premier train pour Belgrade. Son train est d’ailleurs mitraillé par la Garde de Fer à la frontière roumano-yougoslave. Cela entraine un incident de frontière qui menace de dégénérer en une guerre entre Belgrade et Bucarest. Après un court séjour en Suisse, il se réfugie au Portugal où comme nous le savons il décédera le 4 avril 1953.

Une fois le roi Carol II hors course se pose la question de l’avenir politique de la Roumanie ? Doit-elle rester un royaume ? Devenir une république ?

Il semble qu’un temps Antonescu est songé à devenir régent sur le modèle hongrois mais il préfera garder un semblant de légalisme en proclamant Michel 1er âgé de dix-neuf ans roi de Roumanie.

Sans pouvoir ce dernier n’est pas sans influence. Si il ne s’exprime pas publiquement il manifeste en privé sa mauvaise humeur.

Très populaire auprès d’une partie de l’opinion roumaine, il doit être ménagé par le Conducator. Il couvre également les agissements de son entourage en faveur des juifs persécutés et garde de précieux contacts en Occident à une époque où Bucarest à clairement choisit le camp allemand.

Le 14 septembre 1940 huit jours après l’abdication de Carol II et l’avènement de Michel 1er, l’Etat National-légionnaire (Statul national-legionar) voit je jour. Ce régime est plus qu’un régime autoritaire est un régime totalitaire, le premier de l’histoire de la Roumanie, mettant fin au régime carliste instauré en février 1938.

A la tête de ce régime le maréchal Ion Antonescu appelé la Conducator (titre donné par Michel 1er) qui gouvernait le pays en compagnie de la Garde de Fer. Cette dernière était entrée au gouvernement dès le 28 juin 1940 alors que le roi Carol II était clairement aux abois mais son rôle devint vraiment prégnant qu’à partir du 14 septembre 1940.

Tout comme il est important de savoir qui était Codreanu, le créateur de la Garde de Fer, il est important de savoir qui était le «Guide».

Ion Antonescu est né à Pitesti au nord-ouest de Bucarest le 15 juin 1882. Fils d’officier, il est issu de la classe moyenne. Dès son plus jeune il se destine (ou est destiné) au métier des armes puisqu’il est envoyé à l’Ecole d’infanterie et de cavalerie de Craiova.

Quand il est encore jeune son père divorce puis se remarie avec une femme juive. Ion Antonescu s’entend très mal avec sa belle-mère et certains on voulu y voir la cause originelle de son futur antisémitisme.

Après avoir été diplômé de l’Ecole Supérieure de Guerre de Bucarest, il participe à la deuxième guerre Balkanique puis à la première guerre mondiale où il se fait remarquer par son courage, son énergie et sa maitrise du facteur logistique souvent négligé au profit de la manœuvre (Cela ne l’empêchera pas de commettre de multiples erreurs au moment de mener l’armée roumaine au combat durant l’opération BARBAROSSA).

Chef de la section opérations du grand quartier général, il participe à la guerre roumano-hongroise de 1919 et notamment à l’occupation de Bucarest qui favorisera l’arrivée au pouvoir du régent Horthy.

Lieutenant-colonel, il est décoré de l’ordre Michel le Brave (3ème classe), la plus importante décoration militaire roumaine.

De 1922 à 1926 il est attaché militaire à Paris puis à Londres avant de prendre la tête de l’Ecole Supérieure de Guerre (1927-1930). Il intègre en 1933/34 le Grand Etat-Major.

Général de division le 25 décembre 1937, il occupe pour la première fois le poste de Ministre de la Guerre du 28 décembre 1937 au 30 mars 1938 avant d’être débarqué pour incompatibilité d’humeur avec Carol II.

Il redeviendra ministre de la guerre le 6 septembre 1940 au moment de l’abdication du roi et au lendemain de sa nomination comme président du Conseil des Ministres de Roumanie, poste qu’il va occuper jusqu’au 25 septembre 1953 même si son intitulé va changer au cours de la période et ce à plusieurs reprises (voir plus bas). Du 26 janvier 1941 au 1er janvier 1943 il assume l’interim aux Affaires Etrangères.

A la différence de la Garde de Fer composée de nationalistes roumaines, Antonescu est davantage pro-allemand, persuadé que la seule façon pour la Roumanie de survivre c’est de s’accrocher au wagon allemand.

On sait aujourd’hui que si il avait été débordé par le coup d’état et le pogrom mené par la Garde de Fer le 21 janvier 1941, des troupes allemands seraient intervenues sous la forme de parachutistes largués sur l’aérodrome de Bucarest.

Très populaire au moment de sa nomination, Antonescu parvint comme nous le verrons à marginaliser la Garde de Fer mais l’absence d’un corpus idéologique clair et précis le fragilise. Il est certes un conservateur autoritaire, un nationaliste violement antisémite (il participe à la Shoah et ne condamne pas le pogrom de janvier 1941) mais il est surtout vu comme un opportuniste.

Il engage la Roumanie dans le second conflit mondial, Bucarest effectuant un effort considérable, colossal sur le front russe, un effort pas vraiment récompensé par les allemands.

Après la déroute de l’opération FRIEDRICH, le pouvoir du Conducator est clairement en danger et des tentatives de coup d’état sont déjouées. Certes aucun projet n’était vraiment mûr, aucun projet n’avait une chance de réussir mais c’était autant de signaux inquiétants.

Avec l’accumulation de mauvaises nouvelles, Antonescu hésite, tergiverse. Cela favorise l’action de ses adversaires politiques qui le renverse le 25 septembre 1953. Emprisonné en URSS, il est livré aux roumains en octobre 1954 puis emprisonné à la prison de Jilasa.

A l’issu d’un procès organisé du 7 septembre 1955 au 14 avril 1956 il est condamné à mort en compagnie de douze autres hiérarques du régime déchu. Il semble que jusqu’au bout il à espéré la grâce du roi mais à l’aube le 1er juin 1956 il est fusillé à l’âge de soixante-treize ans.

Sur le plan privé, il se marie une première fois avec Rachel Mendel-Antonescu avec laquelle il à un fils puis se remarie (sans avoir officiellement divorcé !) avec Maria Nicolescu (sans descendance) ce qui fait un poil désordre pour celui qui se présentait comme le défenseur des valeurs chrétiennes.

Encore aujourd’hui le personnage d’Antonescu clive énormément en Roumanie. Certains tentent de le réhabiliter mais ils sont peu nombreux. La majorité des historiens s’accorde à dire qu’il était surtout un opportuniste plus qu’un véritable idéologue.

Le 27 septembre 1940 la Roumanie se retire du Pacte Balkanique puis adhère à l’Axe le 23 novembre 1940.

Dans la soirée du 26 novembre 1940 des légionnaires de la Garde de Fer font irruption dans la prison de Jilava, extraient de leurs cellules soixante-quatre responsables de l’ancien régime (ministres et chefs militaires responsables de la répression contre le mouvement légionnaire) et les abattent sans jugement.

Cet événement va dégrader un peu plus l’image internationale de la Roumanie (déjà passablement entachée par la législation antisémite) et surtout marquer le début de la fin de la coopération entre Antonescu et la Garde du Fer, le premier estimant la seconde incontrôlable et la seconde estimant le premier bien trop mou.

Comment en est-on arrivé là ? A l’origine le futur Conducator voulait juger les responsables des actions légales et illégales contre le mouvement créé par Codreanu. Ces prisonniers étaient gardés par l’équivalent roumain de la S.S en armes (qui allait donner naissance à la Waffen S.S) ce qui était pour le moins ambigüe.

Alors que l’enquête se poursuit, le gouvernement prend la décision de transférer les prisonniers dans un nouvel établissement pour les interroger et si besoin est les inculper. Le préfet de police Stefan Zavoianu, membre de la garde de fer ne peut l’accepter, craignant que le maréchal ne fasse preuve de clémence.

Avertis de ce mouvement d’humeur et craignant pour la sécurité des prisonniers, les autorités roumaines décident de remplacer les légionnaires par des militaires pour assurer le transfert prévu le 27 novembre 1940.

Dans la soirée du 26, un escadron de la mort de vingt personnes pénètre dans la prison de Jilava et exécuta les prisonniers. D’autres assassinats sont menés dans la journée du 27 signe que la Garde de Fer se sent toute puissante.

Ce massacre, cet assassinat de masse à probablement été provoqué par la découverte du corps de Codreanu le 25 novembre 1940. Ce dernier sera réenterré dans le cadre d’une grande cérémonie qui se déroula dans une ambiance de délire mystique qui fit dire à certains roumains que les légionnaires n’étaient qu’un ramassis de fou-furieux bons pour l’asile.

Le massacre de Jilava ne resta pas sans conséquences judiciaires. Six personnes sont commandés à mort et fusillées, treize autres condamnées à mort par contumace.

La législation antisémite est encore renforcée avec l’expropriation des domaines fonciers, des domaines forestiers et de certaines entreprises.

Antonescu devient le chef d’honneur de la légion , Sima devient vice-Premier ministre, cinq «gardiens» deviennent ministres (Affaires Etrangères, Intérieur, Education et Cultes), des préfets issus de la Garde de Fer sont nommés dans les 45 judete. De nombreux secrétaires de ministère sont également issus du mouvement fondé par Codreanu.

Comme nous venons de le voir, les légionnaires trouvent Antonescu trop mou. Les frictions sont de plus en plus nombreuses, frictions qui ne peuvent qu’aboutir à une épreuve de force. Elle se produit en janvier 1941 avec une tentative de coup d’état doublé d’un terrifiant pogrom contre la communauté juive de Bucarest.

Le principal point d’achoppement concerne la question juive. Pas sur leur persécution Antonescu n’est pas philosémite mais sur l’utilisation des richesses spoliées sur la communauté juive qui cherche d’abord à acheter sa protection avant de se rendre compte que cela ne servait rien. On ne compte plus le nombre de juifs qui ruinés furent emprisonnés après avoir naïvement dans l’efficacité de la «protection».

A cela s’ajoute la question de l’accès des juifs aux emplois. La Garde de Fer veut virer tout de suite tous les juifs alors que pour Antonescu il faut le faire progressivement.

Durant les vingt jours séparant la rébellion, la propagande antisémite atteint des sommets inouis en terme d’exagération et de violence. Parallèlement les légionnaires comme Antonescu cherchent à apparaître comme le meilleur allié de l’Allemagne. Cette servilité est difficilement compréhensible car la paix règne en Europe et qu’il y à des incidents de frontière commis par les soviétiques, incidents que ne condamne pas les allemands.

Les allemands ne prennent pas vraiment partie du moins officiellement. Officieusement les allemands craignent l’indiscipline et le jusqu’au-boutisme des légionnaires qui pourrait déstabiliser un état capital pour l’économie allemande.

Le 19 janvier 1941 Antonescu supprime les commissaires de roumanisation, postes influents et bien payés tenus par les légionnaires. Il remercie les ministres et les responsables des actes de terreur commis en Roumanie. Des membres de la Garde de Fer convoqués à Bucarest sont emprisonnés sans ménagement.

Le 20 janvier 1941 des combats éclatent entre la police (essentiellement aux mains des légionnaires) et l’armée. Antonescu lance un appel au calme mais comme la presse est sous contrôle des légionnaires cet appel n’est pas relayé contrairement aux appels à lutter contre le règne des juifs et des francs-maçons.

Les légionnaires saccagent Bucarest mais l’armée et les civils restent fidèles à Antonescu. Pendant deux jours l’armée roumaine est sur la défensive avant de vigoureusement contre-attaquer les légionnaires.

Parallèlement à ce coup d’état, un pogrom frappe les quartiers juifs de Bucarest (Dudesti et Vacaresti). En fait il démarre quelques heures avant la rébellion légionnaire ce qui est signficatif.

Les magasins et les synagogues sont pillés et incendiés, de nombreux juifs sont arrêtés, torturés et assasinés. De nombreuses personnes y participe mais peu de militaires. On trouve des légionnaires, des civils, des criminels, des femmes et même des enfants. Une folie meurtrière semblait s’être emparée des habitants de Bucarest.

Parmi les centres de torture on trouve la préfecture de police, les bureaux de la compagnie «George Clime Engineering», le commissariat de police n°15, le siège de l’union des communautés juive, le Moulin Straulesti, la mairie de Jilava, le siège central de la Légion, le siège de la Légion, 1 rue Circulaire et le commissariat de police n°13.

Dans la forêt de Jilava, 90 juifs sont transférés, mitraillés avant d’être achevés d’une balle dans la tête. Le lendemain quelques légionnaires se rendent dans la forêt pour récupérer bijoux et vêtements, laissant les corps sans sépulture. Le 23 janvier 1941 quinze juifs sont massacrés à l’abattoir de Bucarest.

Le bilan de ce pogrom est lourd : 125 juifs de Bucarest ont été assassinés, 120 corps sont retrouvés et cinq jamais découverts. Le bilan final est incertain, il est possible que certaines victimes n’ont pas été recensées. 1274 ateliers, usines, magasins et appartements ont été saccagés et détruits. Peu de roumains ont eu le courage de s’opposer à ces exactions…… .

Tout comme un Adolphe Thiers au moment de la Commune, Antonescu laisse la situation pourrir avant de passer à la contre-attaque. L’armée est furieuse contre les légionnaires puisque des soldats ont été désarmés, dépouillés de leurs uniformes et pour certains brûlés vifs.

Les troupes de l’Armata Regala Romana placées sous le commandement du général Illie Steflea vont être sans pitié. Trente soldats sont tués et une centaine blessés alors que dans le camp opposé le nombre de mort oscille selon les sources entre 200 et 800 morts.

Environ 30000 légionnaires vont fuir en direction de l’Allemagne ou de l’Italie. 9000 d’entre-eux sont internés dans des camps de travail. Certains s’évaderont et rallieront l’Allemagne où beaucoup s’engageront dans la Waffen S.S. D’autres se réfugieront grâce à des complicités en Espagne et au Portugal. 1842 légionnaires sont jugés et condamnés à des peines allant de quelques mois de prison à la prison à vie. Les chefs de la Garde de Fer s’exilent en Allemagne, certains terminant dans la Waffen S.S.

C’est le coup de grâce de l’Etat National-Légionnaire qui est officiellement abolit le 14 février 1941. Le 22 février 1941, Antonescu devient président du conseil et guide (Conducator) du royaume de Roumanie, titre qui est modifié en mars 1949 au profit de guide et protecteur du royaume de Roumanie (protector și ghid) même si ce titre sera finalement peu utilisé.

Le régime adopte une politique étrangère très germanocentrée ce qui ne fait pas l’unanimité en Roumanie où on garde un très mauvais souvenir de l’occupation allemande du pays durant le premier conflit mondial.

En dépit du contrôle de la presse par les légionnaires nul n’ignore le tolé provoqué par le projet de stationnement de troupes allemandes dans le nord de la Roumanie.

Ce projet sera donc abandonné ce qui n’empêchera pas les allemands d’étudier minutieusement les ressources et les capacités de l’armée roumaine en vue de potentielles actions militaires communes.

On notera tout de même que la mission militaire allemande composée de 750 membres était l’un des plus nombreuses déployée par Berlin à l’étranger, signe de l’importance du pays.

Avec le temps les relations entre Antonescu et le roi Michel 1er se dégradent. Si le jeune roi à approuvé la répression contre la Garde de Fer, il apprécie de moins en moins d’être mis sur la touche surtout qu’il à pu se rendre compte qu’il était vraiment apprécié par l’opinion publique roumaine.

Une partie de la classe politique est plus monarchiste que fasciste (encore qu’Antonescu n’est pas un fasciste «chimiquement pur», la répression impitoyable de la garde de Fer l’ayant démontré) mais les quelques consultations visant à rétablir un régime démocratique en Roumanie se heurtent à des querelles de chapelle et surtout de personnes.

Le 14 mars 1947 le roi Michel 1er est assigné à résidence à Constansa et menacé d’exil. Des manifestations monstres sont durement réprimées par l’armée et des troupes paramilitaires fidèles au Conducator mais Antonescu comprend qu’il doit lâcher du lest.

Le roi est libéré le 4 octobre 1947 mais toujours sans pouvoir, l’entourage du maréchal (mais visiblement par le maréchal lui même) lui ayant fait comprendre que la prochaine fois il sera moins question de conciliation et davantage d’exil et de répression.

Quand le second conflit mondial éclate, Michel 1er devient commandant en chef des forces armées roumaines mais bien entendu c’est un poste purement symbolique, un os à ronger donné pour calmer les éléments monarchistes de l’armée. Il passe en revue des troupes à Bucarest, préside des défilés mais n’est pas associé à la politique diplomatico-miliitaire du ressort exclusif du Conducator.