Gloire et misère d’un empire : La Grèce aux temps de l’empire byzantin
Les grandes lignes

De 476 à 1453 l’est de la Méditerranée est dominé par un rejeton du glorieux empire romain. Cet Empire Romain d’Orient va peu à peu s’helléniser, Justinien qui règne de 527 à 565 étant considéré comme le dernier empereur romain au sens ancien du terme, le dernier à parler mieux le latin que le grec, le dernier qui rêvait de reconstituer l’empire d’Auguste à son profit.
Plusieurs dynasties se succèdent, on ne compte plus les coups d’état, les assassinats de couloir, les conflits internes. Ces événements ont troublé et scandalisé les historiens classiques mais allez savoir pourquoi les lecteurs contemporains sont passionnés par ces anecdotes.
A plusieurs reprises Byzance connait des périodes brillantes notamment aux 9ème et 10ème avec la dynastie macédonienne et mon empereur byzantin préféré, Basile II Bulgaroctone («Le tueur de bulgares»).
Il y eut hélas de nombreuses périodes noires comme en 1071 avec la défaite de Mantzikert qui provoque la perte de l’Asie mineure au profit des turcs seljoukides.

Après une période de redressement sous les Comnènes, la quatrième croisade de 1204 met l’empire byzantin par terre qui disparaît pendant plus de cinquante ans. Même après sa restauration en 1261, l’empire est considérablement affaiblit. Sans parler de deux cents ans d’agonie il est difficile de considérer la période 1261-1453 comme une période dorée. Le 30 mai 1453 les troupes ottomanes de Mehmet II rentrent à Constantinople marquant la fin de l’empire byzantin et pour certains la fin du Moyen-Age.
Difficile de résumer rapidement dix siècles d’histoire mais on peut essayer de diviser l’histoire byzantine en plusieurs grandes périodes :

-De 527 à 711 : Justinien et ses successeurs tentent avec plus ou moins de succès de reconstituer l’empire romain tel qu’il existait à l’époque classique. C’est un échec, les temps ont changé et les moyens ont manqué même si Justinien pouvait s’appuyer sur des généraux brillants comme Narsès et Bellisaire
De 711 à 1204 l’empire romain d’orient devient l’empire byzantin, cessant d’être romain pour devenir entièrement grec. De 867 à 1057 la dynastie macédonienne porte la puissance byzantine au pinacle notamment en mettant par terre l’empire bulgare à l’issue d’une longue série de conflits.

Après plusieurs années de lutte les Comnènes s’emparent du pouvoir et tentent de redresser l’empire byzantin mais la quatrième croisade porte un coup à l’empire, coup dont il ne se rélevera même après sa pleine et entière renaissance en 1261.

De 1261 à 1453 ce sont les Paléologues qui sont au pouvoir. Byzance est devenue une puissance de seconde ordre. Elle devient même vassale de l’empire ottoman.
La Grèce sous l’empire byzantin
Je vais maintenant parler de la Grèce dans l’Empire Byzantin c’est-à-dire grosso modo le territoire actuel de la Grèce.
Le Despotat d’Epire est l’un des états ayant succédé à l’empire byzantin en 1204. Fondé par Michel Comnènes Doukas, il se revendiquait comme le successeur de l’empire byzantin, titre que lui disputait l’empire de Nicée présent en Asie mineure et l’empire de Trebizonde qui se trouvait au bord de la mer Noire, deux territoires que je n’aborderai pas là car n’appartenant pas à la Grèce.
Il ne va réintégrer l’empire restaurré qu’en 1323, la région tombant aux mains des ottomans en 1479.
Centré sur la Province d’Epire et l’Acarmanie, au nord-ouest de la Grèce et sur la partie occidentale de la Macédoine grecque. Il s’étendait également en une mince bande sur la Thessalie et de la Grèce continentale jusqu’à Naupacte (Lepante) au sud.
Sous Théodore Comnène Doukas et l’éphémère empire de Thessalonique, le despotat s’étendit pour incorporer brièvement la partie centale de la Macédoine ainsi que la Thrace jusqu’à Uidynotique et Andrinople (aujourd’hui Edirne).
Ce despotat est progressivement créé entre 1205 et 1216. Les années suivantes voit cet état s’affronter avec ses voisins.
Le Duché d’Athènes est un des états mis en place par les croisés de la 4ème croisade au détriment de l’Empire byzantin. Il s’étendait sur l’Attique et la Boétie avec des frontières aussi floues qu’incertaines. La capitale était Thèbes même si l’Acropole d’Athènes était mise en avant.

En 1311 les redoutables mercenaires catalans les Almogavres s’emparent du duché et vont le contrôler jusqu’en 1379 quand ils sont supplantés par d’autres mercenaires venus de Navarre. De 1388 à 1456 (sauf 1395 à 1402 avec les vénitiens) le duché est contrôlé par les florentins.
Athènes et sa région tombent aux mains des ottomans en 1456.
Le Duché de Naxos apparaît en 1205 et disparaît en 1579. C’est un état fondé à l’issue de la 4ème croisade. Il s’étend sur une partie des Cyclades et des îles de la mer Egée. Il est centré sur Naxos.
Ce duché fondé par des vénitiens se place rapidement sous la suzeraineté de l’empereur latin de Constantinople. Le système féodal et le système byzantin cohabitent tout comme le catholicisme et l’orthodoxie. Deux dynasties se succèdent, la dynastie des Sanudi (13ème et 14ème siècles) et celle des Crispi (15ème et 16ème siècle).
En 1537 le duché est attaqué par le pirate barbaresque Barberousse qui le soumet à la suzeraineté ottomane, le duché est dissous en 1617.
L’Empire Latin de Constantinople couvre un quart es terres et s’étend à Constantinople, la Thrace et le nord-ouest de l’Asie mineure.
Le Royaume de Thessalonique à une existence brève (1204-1224). C’est un vassal de l’empire latin de Constantinople. Son existence est éphémère, il se termine par la prise de la ville par le despote d’Epire, Théodore 1er Ange et la création d’un empire de Thessalonique encore plus éphémère (1227-1230) après avoir été vaincu par les bulgares.
La Principauté d’Achaïe appelée également principauté d’Achaye ou Principauté de Morée. Vassale du royaume de Thessalonique jusqu’à sa disparition, la principauté née en 1205 va disparaître en 1432.
La capitale est d’abord Andravida jusqu’en 1249 et Mistra qui n’est autre que l’ancienne Sparte. L’Achaïe est investit par les byzantins en 1417, les latins ne conservant que quelques places fortes, les territoires sont intégrés au despotat de Morée.
En 1460 le Péloponnèse est conquise par Mehmed II. A partir de 1307 le royaume de Naples devient la puissance suzeraine de l’Achaie avec des prétendants de Savoie et d’Aragon.
Le Comté de Céphalonie et de Zanthe est une principauté fondée en 1185 dans les îles ioniennes, comté faisant partie du royaume de Sicile jusqu’en 1479 quand les vénitiens prennent le contrôle de Zanthe alors que les ottomans vont occuper Céphalonie jusqu’en 1500 quand les vénitiens récupèrent ce territoire.
Ce comté est issu de la province d’Achaïe. Ces îles sont assiégées par les normands en 1085, pillées par les vénitiens en 1126 avant d’être conquises par les normands, ce comté étant composé d’îles de Céphalonie, de Zanthe, de Leucade et d’Ithaque.
En 1564 ce comté passe sous l’autorité directe de la République de Venise. En 1797 suite au traité de Campo Formio ce comté passe sous l’autorité de la République française qui organise le territoire en trois départements : Corcyre (chef lieu Corfou; Corofu Paxos Bouthrode et Parga), Ithaque (chef lieu Argostoli; Céphalonie, Leucade, Ithaque, Preveza et Vanitsa) et Mer Egée (chef lieu Zanthe; Zanthe, Cythère et Strophades).
En 1799 les russo-ottomans occupent ce territoire qui devient la République des Sept-Iles sous protectorat russe puis à nouveau sous protectorat français. En 1802 les départements sont supprimés, les îles sont réoccupéées de 1807 à 1814 avant de devenir un protectorat britannique jusqu’en 1864.
La République des Sept-Iles devient République des Iles Ioniennes, un protectorat britannique reconnu par les ottomans en l’échange de la restitution de Parga en 1819. Très rapidement les britanniques souhaitent abandonner ce protectorat ce qui est chose faite en 1864. Le 21 mai les îles ioniennes sont officiellement rattachées au royaume de Grèce.
La Grèce sous le joug ottoman
C’est donc à partir du 15ème siècle que la Grèce va basculer sous l’autorité ottomane. Thessalonique et Ioannina tombent en 1430, Athènes en 1456, le Péloponnèse et la Béotie en 1460, Lesbos en 1462, Samsos en 1475, Rhodes en 1522, Cyclades et Chios entre 1537 et 1566, la Crète en 1669. D’autres territoires comme les Cyclades et la Crète vont mettre nettement plus de temps à basculer.
Si le Péloponnèse est réoccupé par les vénitiens de 1685 à 1715, certaines régions n’ont jamais été occupées par les ottomans (Corfou, Ithaque et l’archipel ionien par exemple).
La Grèce est gérée par le système du millet, les populations étant gouvernées selon leurs religions, le Patriarche de Constantinople devint le responsable aux yeux du sultan. Les chrétiens travaillent dans les timars (domaines agricoles) qui prélevaient l’impôt (kharaddj) et un garçon par famille pour le corps des janissaires (devchirmé).
L’Eglise et le clergé orthodoxe assurent l’édducation, l’entraide et la cohésion des populations ce qui maintien le sentiment national grec et la volonté de se libérer du joug ottoman.
La Crète va ainsi basculer seulement au 17ème siècle, les ottomans s’emparant de l’île alors aux mains des vénitiens au cours de la Guerre de Candie (1645-1665). Les forteresses de Souda, Gramvoussa et Spinalonga sont sous contrôle vénétien en 1715.
Cette conquête se double d’une politique de colonisation avec des colons anatoliens, des autochtones se convertissant à l’islam pour échapper à l’impôt au devchirmé. Néanmoins de nombreux chrétiens hellénophones sont toujours là et vont se révolter à plusieurs reprises.
La Crète ottomane forme un eyalet avec Hanya (La Canée) pour capitale, le territoire étant divisé en trois sandjaks.
Une première révolte majeure à lieu en 1770/1771, sorte de répétition avant la participation crétoise à la Guerre d’indépendance grecque qui éclate en juin 1821. Une armée egyptienne envoyée par Mehmet Ali débarque en mai 1822 mais après une accalmie, une nouvelle révolte éclate en 1823/24.
Après la défaite ottomane à Navarin en 1827 la Crète reste sous administration egyptienne et en 1828 les navires franco-britanniques détruisent une flottille corsaire grecque.
En 1867 la Crète devient un vilayet divisée en six sandjaks. Des révoltes ont lieu à nouveau entre 1866 et 1869 et en 1897/1898.
Le Traité de Constantinople (1897) fait de la Crète un état autonome sous souveraineté ottomane et si la Crète provoque son rattachement à la Crète dès 1908 (enosis), ce n’est qu’en 1913 qu’à l’issue des guerres balkaniques que ce rattachement allait être reconnu par l’empire ottoman.
Sur le continent les ottomans vont commencer la conquête au 14ème siècle. Manuel fils de Jean V Paléologue tente de résister autour du Thessalonique mais c’est très éphémère (1389-1391).
Bayezid 1er pousse vers la Thessalie et le Péloponnèse. L’invasion mongole de l’Anatolie par Tamerlan soulage la Grèce et les grecs, les ottomans devant se retourner contre les cavaliers issus des steppes.
Ce n’est que partie remise. En 1430 les villes de Ioannina et Thessalonique qui sont conquises, Athènes en 1456, le Péloponnèse en 1460 et vers 1500 la majorité de la Grèce est sous domination ottomane.
Le territoire grec se vide de sa population, les élites s’enfuient à l’étranger alors que les plus pauvres abandonnent les plaines pour les zones montagneuses et être ainsi à l’abri de potentielles exactions ottomanes.
Dès le début la résistance s’organise. C’est ainsi que 5000 grecs participent à la bataille de Lepante en 1571.
La Grèce est intégrée avec le reste des Balkans à l’Eyalet de Roumélie dont la capitale est Sofia. La Grèce proprement dite est divisée en six sandjaks.