23-Armée de terre Ligne Maginot (10)

C-La Ligne Maginot en détails

Panorama général des ouvrages de la Ligne Maginot

Casemate CORF de Rountzenheim sud

Casemate CORF de Rountzenheim sud

Avant d’aborder les travaux complémentaires menés durant la guerre de Pologne et poursuivis régulièrement jusqu’au début du second conflit mondial (septembre 1948), il m’à semblé important de réaliser un panorama général des différents types d’ouvrages de la ligne Maginot, des ouvrages ultra-modernes, fierté du CORF et du Service Technique du Génie qui inspirèrent notamment certains ouvrages tchèques construits malheureusement pour eux dans la région des Sudètes.

Qui dit panorama général dit description succinte. Il ne s’agit pas de détailler la conception des ouvrages aussi fidèlement que la remarquable série de livres sur les Hommes et les Ouvrages de la Ligne Maginot mais plutôt de donner un ordre d’idée, un aperçu des ouvrages qui vont jouer un rôle capital dans le conflit à venir.

Les conceptions de base de la ligne Maginot sont comme toutes les lignes fortifiées depuis l’apparition des armes à feu : barrer et appuyer. Barrer les voies d’invasion par des ouvrages fortifiés équipés généralement d’armes légères et appuyer ces ouvrages à l’aide de casemates plus puissants équipés de pièces d’artillerie.

Il faut aussi observer et abriter. Observer les unités ennemies, les unités assaillantes pour permettre aux ouvrages de diriger leur feu à bon escient et renseigner le haut commandement sur l’axe général de la progression ennemie. Abriter les unités mobiles chargées de contre-attaquer et dégager les ouvrages menacés et/ou encerclés.
Tirant la quintescence des fortifications existantes et de l’expérience du premier conflit mondial, les plans dressés par la CORF sont théoriquement cohérents mais la réalisation va gâcher ces beaux plans en raison de l’explosion des coûts et des réductions budgétaires qui vont obliger la CORF à des choix déchirants.

La CEZF tentera bien de corriger le tir mais bien que puissante, la Ligne Maginot de 1948 le sera beaucoup moins que si les plans d’origine avaient été respectés qu’il s’agisse du respect des intervalles pour réaliser des feux croisés ou l’installation de canons longue portée de 145mm d’une portée de 30km.

Les organisations d’intervalles (1) : La Casemate CORF

C’est l’élément de base de la ligne Maginot. Sa date naissance peut être fixée au 3 avril 1929. Elle doit normalement être disposée tous les 1200m, la portée utile des mitrailleuses. La construction s’étalant dans le temps et la géographie aidant, la casemate CORF va connaître plusieurs évolutions et plusieurs variantes.

A l’origine, dans ce qu’on appelle les anciens fronts, la casemate de la Commission d’Organisation des Régions Fortifiés (CORF) se décline en deux versions (notices des 30 juillet 1929 et 23 juillet 1930) :

-Les casemates simples qui voit deux casemates installés en opposition avec une chambre de tir équipée de deux fusils mitrailleurs et une cloche GFM (Guetteur et Fusil-Mitrailleur) équipé donc comme son nom l’indique d’un fusil mitrailleur, ces deux ouvrages sont parfois reliés par une gaine bétonnée souterraine.

Cloche GFM en position

Cloche GFM en position

-Les casemates doubles comprenant comme leur nom l’indique deux chambres de tir équipées chacune de deux mitrailleuses disposées en opposition et une ou deux cloches GFM.

-Un modèle particulier est prévu pour la berge du Rhin (notice du 11 octobre 1929).

-Un deuxième modèle particulier est construit dans le Nord, une casemate à créneaux décalés (notice du 5 mars 1931)

A partir de 1931, le retour d’expérience des premières construction et la mise au point de la cloche pour mitrailleuse impacte la construction des casemates, l’invention de la cloche à mitrailleuse offrant de nouvelles possibilités permettant à une même arme de réaliser des tirs frontaux et de flanquements. Cela nous donc le panorama d’ouvrages suivants :

-Casemates simples à une chambre de tir à deux mitrailleuses et une cloche de mitrailleuses en opposition.

-Casemates simples à une chambre de tir à deux mitrailleuses et une cloche de mitrailleuses en action frontale.

-Casemates simples à une chambre de tir équipée d’une mitrailleuses et une cloche de mitrailleuses en juxtaposition, soit sur l’orillon, soit à côté de la chambre de tir.

-Casemates cuirassés (notices du 28 janvier 1931) équipés uniquement d’une cloche GFM et d’une ou deux cloches de mitrailleuses.

A partir de 1934 dans ce qu’on appelle les Nouveaux Fronts, on réalise des casemates simples, doubles ou cuirassés aux formes plus fuyantes et un armement étoffé par rapport aux casemates de première génération.

L’armement de ces casemates se compose le plus souvent pour une chambre de tir d’un ou deux jumelages de mitrailleuses, d’un canon antichar (37 ou 47mm), d’un créneau FM (fusil mitrailleur) de défense rapprochée et d’une goulotte lance-grenades (ou d’un créneau FM de pied pour les casemates de première génération).

En défense de l’entrée, on trouve un créneau FM, un FM sur porte et une goulotte lance-grenades (ou créneau de pied pour FM) et sur le dessus, différentes cloches.

Créneau JM (Jumelage de Mitrailleuses)

Créneau JM (Jumelage de Mitrailleuses)

Un exemple valant mieux qu’un long discours, le casemate de Tressange (SF de Crusnes) dispose d’un canon antichar de 47mm, de six mitrailleuses MAC 1931 de 7.5mm (quatre sous béton et deux sous cloche), quatre fusils-mitrailleurs MAC modèle 1924/29 de 7.5mm (deux sous créneau de défense rapprochée , un sous-cloche et un de défense de porte), un mortier de 50mm modèle 1935 sous cloche et deux goulottes lance-grenades.

Comme je l’ai indiqué dans la présentation, l’intervalle entre les casemates CORF doit être de 1200m mais avec les restrictions budgétaires vont souvent porter cet intervalle à 2000m soit la limite de portée utile des mitrailleuses.

Ces casemates sont également conçus pour être autonomes. Elles doivent pouvoir continuer le combat même après avoir été encerclées.

On trouve généralement un premier étage dit de combat et un étage situé juste en dessous pour la vie de l’équipage qui dispose de commodités confortables, les conditions de vie épouvantables du commandant Raynal et de ses hommes à Douaumont encerclés par les allemands en 1916 servant de repoussoir à une quelconque négligence dans ce domaine.

Chaque casemate CORF est servit par une trentaine d’hommes commandés par un lieutenant ou un adjudant-chef avec une réserve en munitions abondante avec 600 obus par pièce antichar, 40000 cartouches par jumelage de mitrailleuses, 10000 coups par fusil-mitrailleur installé en cloche GFM et 1000 coups par fusil-mitrailleur pour la défense des entrées, 240 grenades F1 et 1000 bombes de 50mm.

Comme je l’ai mentionné plus haut, aux casemates standards s’ajoute des casemates adaptées aux réalités du terrain.

Le premier exemple est représenté par les casemates spéciales des berges du Rhin. Ces casemates ont d’ailleurs d’abord été conçus par les directeurs du génie de Belfort et de Strasbourg avant que la CORF ne reprennent les choses en main (Décision Ministérielle du 11 février 1931).

On trouve sur la berge, les pieds dans l’eau, des casemates type M 1 P (simples) ou M 2 P (double) ainsi que du type M 1 F (simple) ou M 2 F (double).

Ces casemates non protégés par la rocaille se révéleront très vulnérables aux tirs directs depuis la rive allemande.

Sur la ligne des villages (3ème ligne), outre des casemates type M 2 F, un type de grosse casemate double à un seul étage appelé SFBR ou Secteur Fortifié du Bas-Rhin.

Autre cas particulier, le secteur des Basses-Vosges. Le terrain ne se prêtant pas à l’implantation des volumineux casemates, le CORF dessine un Blockhaus CORF de dimensions plus modestes (notice du 17 mars 1931), ces blockaus étant armés d’une ou deux cloches GFM, un deux voir quatre créneaux pour fusils-mitrailleurs ou mitrailleuses mais huit des dix-sept blockaus construits ne disposent que de fusils-mitrailleurs et les neuf autres sont équipés d’un jumelage muni d’une mitrailleuse de 7.5mm et d’une arme antichar, une……….mitrailleuse de 13.2mm.

Autre cas particulier, le blockaus de Sentzich (SF de Thionville) situé entre le village et la Moselle avec un créneau unique jumelant une mitrailleuse de 7.5mm et un canon antichar de 47mm, ce cas particulier l’étant beaucoup moins en 1948 qu’en 1939.

Les organisations d’intervalles (2) : les abris

Comme je l’ai précisé plus haut, il faut pouvoir disposer de troupes capables de contre-attaquer pour dégager les ouvrages menacés d’être débordés ou encerclés. Il faut aussi pouvoir abriter les poste de commandement.

D’où la réalisation d’abris inspirés de ceux du premier conflit mondial, abris capables d’accueillir un ou deux sections (voir exceptionnellement une compagnie) ou un PC que l’on peut classer en deux catégories, les abris-cavernes situés comme leur nom l’indique sous-terre à des profondeurs variant de -8m en sol rocheux et jusqu’à -20m en sol argileux et les abris de surface appelés aussi abris bétonnés qui se composent d’un gros bloc bétonné à deux entrées.

Comme deuxième ligne de défense de Rhin, on trouve une version très allégée de l’abri bétonné réalisée selon des plans et des moyens locaux.

L’abri A1 peut abriter une section et si il est muni d’une cloche, il reçoit l’appelation A1 CL, l’abri A2 peut abriter deux sections et devient l’abri type A2 CL quand il est muni d’une cloche.

Même chose pour l’abri A3 (trois sections) qui muni d’une cloche devient donc l’abri type A3 CL.

La défense rapprochée de ces abris est assurée soit par des FM en créneaux ou donc par des cloches GFM.

Ces abris entièrement passifs ne s’intègrent donc pas à la ligne de feu même si il existe des exceptions en fonction de conditions locales particulières.

Les organisations d’intervalles (3) : les observatoires

Barrer une voie d’invasion à l’ennemi c’est bien, pouvoir dégager rapidement des casemates menacés c’est bien mais sans capacité d’observation cela ne sert à rien. D’où la réalisation d’ouvrages spécifiquement conçus pour observer les mouvements ennemis.

On trouve deux types d’ouvrages d’observation : les observatoires d’ouvrage dôtés d’une cloche observatoire à vision directe et périscopique et les observatoires d’intervalles implantés sur les hauteurs en retrait de la ligne de feu, équipés d’une cloche observatoire à vision périscopique.

L’observatoire type est un bloc bétonné comportant le plus souvent une cloche d’observation et une cloche GFM, équipé du téléphone pour régler le tir des différents ouvrages du secteur. Un total de dix sept observatoires isolés seront réalisés dont quatorze pour le seul front Nord-Est, reliés à leur ouvrage de rattachement par un poste radio-émetteur.

Comme toujours, il y à des exceptions comme des ouvrages situés très loin en avant de la ligne de feu ou des observatoires mieux armés que d’autres pour participer à la ligne des feux. La construction de certains observatoires ayant été ajournés, on assistera à la construction entre 1935 et 1939 d’observatoires de campagne et à l’équipement de cloches GFM avec des périscopes.