L’histoire médiévale de la Roumanie est particulièrement riche et complexe. Je vais donc essayer de ne pas perdre les quelques lecteurs qui ont échappé aux problèmes de la Mésie et de la Dacie.
Basile II Bulgaroctone
Entre 971 et 1020 une terrible que dis-je une terrifiante guerre oppose les byzantins menés par Basile II Bulgaroctone et les bulgares.
Cette guerre sans merci se termine par la destruction du premier empire bulgare. Des slaves et des valaques se réfugient au nord du Danube et se placent sous la protection du Royaume de Hongrie.
En 1186 les Valaques participent au sud du Danube à la fondation d’un Royaume des bulgares et des valaques (Regnum Bulgarorum Valaqum) appelé également Second Empire Bulgare.
Ce deuxième empire bulgare couvre un vaste territoire allant de l’Albanie à la mer Noire et du Pinde aux Carpathes méridionales. Il va durer soixante ans ce qui n’est pas négligeable mais n’est pas non plus extraordinaire.
Au sud du Danube il est remplacé par les tzarats bulgares d’Ohrid, Vidin et Tarnovo alors qu’au nord du fleuve par les banats valaques vassaux de la couronne de Hongrie (Severin, Litovsi, Arges et Muscel).
Vers 1256 les valaques se concentrent au nord du Danube alors qu’au sud le territoire est dominé par les slaves et par les turcs ottomans.
Au beau des temps des voïvodies : entre résistance et collaboration avec l’empire ottoman
Le futur territoire roumain est sous domination ou sous influence hongroise notamment en Transylvanie. La noblesse orthodoxe se heurte à des hongrois catholiques romains. Ils doivent donc soit se convertir ou se réfugier au delà des Carpathes. Les roumains de Transylvanie devront attendre 1918 pour accéder à la pleine égalité des droits avec les magyars et les germanophones.
La Transylvanie est conquise par les hongrois au 12ème et au 13ème siècle. Cette conquête est un savant mélange d’opérations militaires et de stratégies matrimoniales pour arrimer la noblesse transylvaine à la noblesse magyare.
Véritable région pionnière du royaume de Hongrie, la Transylvanie est militairement organisée avec des comitas (comtés) et des cnézats (duchés), véritables marches militaires pour protéger le cœur du pays des invasions extérieures. L’un de ces comitas, le comita de Barsa est un fief des Chevaliers Teutoniques (1211 à 1225).
Au final la Transylvanie va être organisée en voïvodat autonome, vassal du royaume de Hongrie ce qui ne l’empêche pas d’être ravagée par les Tatars en 1241.
Au final seule une minorité de nobles roumains s’intègrent dans la noblesse des ispans magyars avec comme famille la plus célèbre celle des Corvin qui donnera excuser du peu un roi à la Hongrie, le célèbre Mathias Corvin.
Matthias Corvin
Jusqu’au 15ème siècle la Transylvanie était gérée de manière conjointe par quatre nations : les magyars, les saxons, les sicules (d’origine turque) et les valaques. S’estimant maltraités les valaques se révoltent d’avril 1437 à février 1938 (révolte de Bobalna) ce qui entraine la mise en place d’un pacte des trois nations (Pacte Unio Trium nationum), pacte qui réserve le pouvoir politique aux saxons, aux magyars et aux sicules, faisant des valaques des sujets de seconde zone.
Comme dans de nombreux pays à l’époque moderne on peut voir qu’une minorité de langue et de religion différente domine une majorité de langue et de confeions différente.
Pour changer cette situation certains «roumains» se rallient aux Habsbourgs en abjurant l’orthodoxie au profit du catholicisme romain. Avec le siècle des Lumières les roumains vont peu à peu prendre conscience de leur spécificité.
Après un temps d’exil dans les Carpathes, la noblesse roumaine va créer le voïvodat de Moldavie à l’est des Carpathes et le voïvodat de Valachie au sud de cette ténébreuse chaine de montagne.
Une troisième voïvodie voit le jour, la Voïvodie de Bessarabie dont l’origine du nom est incertaine ou du moins contestée et débattue par les historiens.
La Valachie s’emancipe de la tutelle hongroise en 1330 après la Bataille de Posada (9-12 novembre 1330). La Moldavie elle doit attendre 1359 après la Bataille de Baïa. Un temps la Dobrojee/Dobrouja fût indépendante (1341 à 1402) mais fût finalement absorbée par la Valachie.
Cette émancipation est au final brève car la menace ottomane ne cesse de grandir. En 1396 les derniers tzarats bulgares ont succombé marquant la fin d’une résistance organisée (si l’on peut dire).
La Moldavie et la Valachie doivent accepter la vassalité et payer un tribu aux ottomans. Elles doivent céder aux turcs la Dobrouja (1421) et le littoral moldave (1484). La Mer Noire devient un lac turc, les génois qui y étaient très présents (c’est de leur comptoir de Caffa qu’est partie l’épidémie de Peste Noire) sont expulsés.
La Valachie et la Moldavie ne deviennent pas des provinces turques puisqu’elle conservent leurs lois, leurs assemblées (sfat), leurs voïvodes, ambassadeurs, armées et politiques autonomes. Ces territoires sont appelés par les ottomans Dar el Ahd (territoire/maison du pacte).
Vlad III Tepes dit Vlad l’Empaleur
Les relations sont ambivalentes et conflictuelles. Au 15ème siècle soit à la fin du Moyen-Age, les voïvodes de Moldavie Etienne III le Grand (1438-1457-1504) et de Valachie Vlad III Tépès dit l’Empaleur (1431-1476 règne en 1448, de 1456 à 1462 et en 1476) résistent et battent à plusieurs reprises les troupes de la Sublime Porte.
A la chute de Constantinople (1453), les deux voïvodes cherchent des appuis du côté de la Pologne et du côté de la Russie.
En 1526 la Transylvanie devient vassale de l’empire ottoman suite à la défaite de Mohacs où Louis II de Hongrie meurt.
Jusqu’au 19ème siècles la Valachie, la Moldavie et la Transylvanie vont louvoyer entre puissances rivales.
Michel 1er le Brave
Vers 1600 le prince valaque Michel 1er dui le Brave (1558-1593-1601) tente d’unir les trois principautés mais échoue et fût assassiné par ses propres alliés. Aux côtés de Décebale, Michel 1er le Brave devint une figure importante du panthéon national roumain et ce quelque soit le régime politique au pouvoir à Bucarest.
Ce n’est en effet jamais bon d’être trop en avance sur son temps car si dès le 16ème les valaques comme les moldaves et les roumains de Transylvanie ont le sentiment de partager quelque chose de commun de là à imaginer un Etat unitaire……. .
Le territoire actuel de la Roumanie est précocement peuplé puisque les plus anciennes traces de peuplement remontent à l’an 8000 avant notre ère.
Et encore il s’agit uniquement des premières traces d’agriculteurs d’origine anatolienne qui entretiennent des relations ambivalentes avec les chasseurs-cueilleurs qui occupaient à l’époque le bassin inférieur du Danube.
Plusieurs civilisations préhistoriques vont se succéder mais les traces archéologiques qu’elles ont laissés sont très faibles ce qui explique qu’on les désigne par le nom générique de Pélasges en suivant ainsi Hérodote et Homère.
Vers l’an 1200 avant notre ère une crise climatique frappe la région comme ailleurs en Europe. Des sites moins favorables qu’auparavant sont ainsi abandonnés au profit d’autres.
Roumains à l’Antique
Durant la période antique le territoire est peuplé par les Thraces selon un territoire grossièrement délimitée ainsi : partie orientale de la péninsule des Balkans, bassin du bas Danube au nord du fleuve jusqu’au Boug méridional.
A l’est des Carpathes les populations sont plus mélangées avec à la fois des Thraces et des Scythes mais au nord du Danube les tribus qui y vivent sont appelées les Gètes par les auteurs grecs et Daces par les auteurs romains.
Le Thraces sont refoulés vers l’est et coupés de l’Adriatique par les illyriens puis par les macédoniens. A partir du 6ème siècle l’influence grecque devient prépondérante. Les côtes de la mer Egée au sud et de la mer Noire à l’est sont colonisées par les grecs. Elles sont conquises par les perses de Darius 1er en -515 mais reprises par Philippe II de Macédoine en -342. En -153 une confédération Gète avait été vaincue par la Darius le Grand lors de sa campagne contre les Scythes.
Au 4ème siècle avant notre ère les celtes (Scordisques, Bastarnes) s’installent dans la région. Les auteurs grecs les baptisent du nom de Galates.
Au 1er siècle avant notre ère la civilisation thrace connait son apogée avec le Royaume des Odryses au sud du Danube et le royaume de Burebista au nord du plus grand fleuve d’Europe (hors Volga).
Le royaume des Odryses est apparu au début du 5ème siècle et très rapidement était devenu une puissance importance puisqu’il s’allia à Athènes durant la guerre du Péloponnèse contre Sparte. Ensuite ce fût une alternance de déclins et de périodes glorieuses.
Colonisation et domination romaine
A partir du 1er siècle avant notre ère les romains vont progressivement latinier les population qui vivent dans la région à savoir les Illyres, les Celtes, les Daces et les Thraces. Cela ne se fera pas sans mal avec son lot de frictions et de conflits.
Cela commence au 1er siècle avant notre ère au sud du Danube puis au 2ème siècle de notre ère au nord. L’empire romain étend sa domination sur la région. De nombreux transferts de populations et l’installation de colons romanisent les populations locales au nord d’une ligne appelée Ligne Jirecek.
Cette ligne à été définie au 20ème siècle par l’historien tchèque Konstantin Jirecek dans son livre Histoire des Serbes. Selon lui une ligne nette et précise séparait les régions sous influence grecque et les régions sous influence latine mais cette façon de voir est aujourd »hui remise en cause par les historiens qui l’estime trop sommaire.
De -82 à -44 règne Burebista, un roi dont ont sait peu de choses si ce n’est qu’il dirige une confédération dace. Il fédère les Thraces du Nord à cheval sur le bas Danube jusqu’aux monts Haemos (Gran Balkan). Il implante sa capitale à Sarmizégetuse dans monts d’Orastie en Transylvanie.
Sculpture de Décébale près d’Orsova
Cet état dace centralise va s’opposer clairement aux romains. Apparait alors un personnage que l’on peut considérer comme le «Vercingetorix roumain» à savoir Décébale qui règne de 87 à 106. C’est le plus célèbre mais aussi le dernier roi dace.
Si la Gaule et les gaulois sont considérés comme les ancètres des français, la Dacie et les Daces sont considérés comme les ancètres des roumains ce qui est un raccourci propice à toutes les exagérations et les exploitations politiques et idéologiques.
En l’an 29 avant notre ère, la Thrace septentrionale le long du Danube passe sous domination romaine formant la province de Mésie.
Cette province est aujourd’hui partagée entre la Serbie, la Bulgarie, la Macédoine du Nord et la Roumanie (Doubrodja). Elle est limitée au nord par l’Istros (Danube), à l’est par le Pont Euxin (Mer Noire), au sud par l’Haemos (Gran Balkan) et à l’ouest par les pentes orientales des Alpges Dinariques dans l’actuelle Serbie.
En l’an 45 le Royaume des Odryses allié de Rome est finalement intégré à l’empire romain. De nombreux Thraces deviennent gladiateurs comme un certain Spartacus qui fit trembler l’empire romain sur ses bases.
En l’an 87 l’empereur Dominitien divise cette province en deux avec une Mésie Supérieure et une Mésie Inférieure.
L’empereur Dioclétien (seul empereur romain ayant abdiqué de son plein gré) réorganise totalement la région pour tenter d’améliorer la gestion et surtout la défense d’un ensemble gigantesque.
C’est ainsi que la moitié ouest de la Mésie fût incluse dans les diocèses des Mésies appartenant à la préfecture du prétoire d’Illyrie et placée sous l’autorité de l’empereur d’Orient.
Elle est divisée en une Province de Mésie Première (qui regroupe l’essentiel de la Mésie supérieure) et la Province de Dacie Aurélienne (formée entre 271 et 275).
Cette dernière comprend la partie orientale de la Mésie supérieure et la partie occidentale e la Mésie inférieure. Elle est ensuite scindée par Dioclétien entre la Dacie Méditerranéenne et la Dacie ripuaire.
La moitié est de la Mésie est intégrée au diocèse de Thrace qui appartient à la préfecture du prétoire d’Orient et placée sous l’autorité de l’empereur d’Orient ou Auguste. Rappelons que selon la Tétrarchie mise en place par Dioclétien, l’empire romain était gérée par quatre personnes, deux Augustes (un Auguste en occident et un Auguste en orient) chacun assistés par un César censé en théorie lui succéder.
Elle est subdivisée en une Mésie seconde (partie centrale de la Mésie inférieure) et la Scythie inférieure (cette dernière est formée par la parie oriental de la Mésie inférieure Dobrudja) donnant sur la mer Noire. (NdA si vous n’avez pas tout compris sachez que moi non plus).
Du 2ème au 6ème siècle de notre ère l’Empire romain d’Orient (séparation définitive entre Orient et Occident en 395) va lutter contre les Goths, les Huns et divers autres peuples germaniques et turcs.
En 238 la Mésie est dévastée par les Goths qui sont suivis par les Wisigoths en 378 et les Huns en 441.
Constantin 1er divise le diocèse des Mésies en diocèse de Macédoine au sud (Mésie seconde et Scythie inférieure) et en Diocèse de Dacie au nord (Mésie première et les deux Dacies).
Les Daces inquiètent les romains par leur puissance militaire et leurs campagnes hivernales de pillages en Mésie, les guerriers daces profitant d’un Danube pris par les glaces.
Buste de Trajan
C’est l’empereur Trajan (98-117) qui décide de régler définitivement le problème dace mais il faudra pour cela deux guerres, la première guerre dacique de 101 à 102 et la deuxième guerre dacique en 105/106. Signe que la menace n’était pas vaine les effectifs engagés par les romains augmentent d’un conflit à l’autre passant de 150 à 200000 hommes contre 40 puis 15000 guerriers daces.
La 1ère guerre dacique voit l’engagement de la moitié de l’armée romain avec des légions mais aussi des unités auxiliaires. Après deux ans de durs combats, les romains l’emporte et un traité est signé.
Ce traité impose aux Daces de fournir des troupes auxiliaires à l’armée romaine et surtout de démanteler leurs fortifications. Ces deux promesses ne sont pas tenues et Rome doit repartir au combat pour cette fois vaincre définitivement les Daces et leur chef.
A l’issue du conflit Décébale soit se serait suicidé pour éviter la capture ou alors se serait donné la mort dans son cachot pour ne pas y être étranglé comme Vercingetorix. Figure longtemps oubliée, elle est redécouverte et va jouer pour les roumains le même rôle que le chef Arverne ou qu’un Arminius.
Le Royaume Dace ainsi vaincu devient la Province de Dacie Romaine (Dacia Trajana), une province dirigée par un légat impérial de rang consulaire soutenu par les légats de la légion dirigeants les deux légions qui en assure la défense.
Un procurateur s’occupe des finances. Province riche en or, bois et sel, elle est dirigée depuis une nouvelle capitale installée à Ulpia Traiana Sarmizégetusa, ville créée à 40km de l’ancienne capitale dace.
Pour être précis (sic), la Mésie inférieure s’étend sur l’actuel sud de la Moldavie, la Muretenie (appelée Grande Valaquie) et l’Olténie (Petite Valachie sud-ouest de l’actuelle Roumanie) alors que la province de Dacie couvre l’Olténie occidentale, la Transylvanie et le Banat.
La Dacie romaine est entourée à l’est et au sud par les deux provinces de Mésie, la province supérieure ayant sa capitale à Singindunum (vestiges situés dans le centre-ville de Belgrade) et la province inférieure à Tomis (aujourd’hui Constansa).
A l’ouest la Dacie est exposée à la Plaine de Pannonie d’où partent les raids des lazyges, une tribu sarmate. A l’est dans l’actuelle Moldavie septentrionnale on trouve les Bastarnes, les Roxolans et Carpes alors que le nord-est est peuplé de Dace non soumis à Rome.
Les romains doivent investir énormément de temps et d’argent pour dévelloper et exploiter cette nouvelle province.
Cela n’empêchera pas le successeur de Trajan, Harien d’abandonner certains territoires. C’est sous son règne que des territoires qui dépendaient jadis de la Mésie inférieure mais situés au nord du Danube forment la Province de Dacie inférieure, l’ancienne Province de Dacie devenant la Province de Dacie supérieure.En 124 est créée la Province de Davie Porolissensis au nord de la Dacie supérieure dans la région de Transylvanie.
Sous le règne d’Antonin le Pieux (138-161), on assiste à une révolte en 158 ce qui entraine une réorganisation. La Dacie Porolissensis ne change pas mais la Dacie supérieure est rebaptisée Dacie Apulensis avec Apulum comme capitale alors que la Dacie inférieure devient la Davie Ralvensis (capitale Ranula).
Sous les Sévères la situation s’améliore mais pour peu de temps car à la mort du dernier rejeton de la dynastie sévérienne en 235 Alexandre Sévère, l’empire romain bascule dans une période connue sous le nom d’Anarchie Militaire.
De nombreux raids barbares frappent la région ce qui entraine une chose jadis impensable : les villes s’enferment dans des enceintes fortifiées. Vraisemblablement la Dacie est abandonnée car trop difficile à défendre entre 271 et 275. C’est ainsi qu’Aurélien va recréer au sud du Danube la province de Dacie aurélienne. Cette province dont la capitale est Sardica (qui à Sofia ce que Lutèce est à Paris) occupe un territoire correspondant aujourd’hui à la Serbie orientale et à la Bulgarie.
Dioclétien divise la Dacie aurélienne en deux provinces : la Dacie Méditerranée autour de Sardica et la Dacie ripense («Dacie des berges du fleuve» en l’occurence le Danube) autour du Ratiaria.
Ultérieurement ces deux Dacies formeront avec les provinces de Dardanie, de Mésie inférieure et de Prévalitaine, le Diocèse de Dacie qui disparaitra au 7ème siècle lors de l’installation en masse des Slaves et des Bulgares qui remplacent l’autorité impériale et submergent les Thraces romanisés locaux, ancêtres des Valaques.
La Dacie à clairement souffert de sa position trop exposée. Néanmoins il semble que des positions militaires ont été maintenues au nord du Danube jusqu’au 4ème siècle mais clairement la volonté de s’y maintenir à tout prix n’est plus là. On assiste à une dernière incursions de Constantin 1er en 336 et la dernière incursion romaine connue en Dacie remonte à 367.
Désormais non seulement les romains ne peuvent plus passer le Danube à leur guise mais en plus sous la pression des Huns des peuples germaniques s’installent dans l’Empire. En 37 l’empereur Valens qui s’était opposé à l’installation des Goths au sud du Danube est vaincu et tué à la bataille d’Andrinople.
Slaves et héllènes
Au 6ème siècle les Slaves vont s’installer dans la région avec notamment les bulgares qui vont étendre leur emprise sur les territoires actuels de la Serbie, de la Roumanie, de la Moldavie, de la Macédoine et naturellement de la Bulgarie. Ce royaume va adopter la langue slavone et le christianisme.
Les provinces de Mésie disparaissent au milieu du 7ème siècle. Le Traité de Constantinople (681) marque la naissance du Premier Empire Bulgare qui outre les territoires au nord du Danube englobe la Mésie Moyenne, la partie occidentale de la Mésie supérieure (actuelle Serbie) et la partie orientale et maritime de la Mésie inférieure (Scythie mineure). Le reste reste byzantin mais pour seulement décennies.
Cet état appelé également Bulgarie danubienne n’est pas homogène sur le plan de la population avec les Romans (futurs roumains) dans les piémonts montagneux, les plaines sont slaves et les côtes grecques.
Au 7ème siècle les Romans sont aussi appelés Valaques. Jusqu’au 17ème siècle ils vont utiliser le slavon comme langue officielle liturgique et diplomatique.
Les historiens roumains ont défini un foyer national roumain (Vatra Straromana) comme un vaste territoire à cheval sur le Bas-Danube qui dépasse largement les frontières actuelles des Etats et notamment de l’Etat roumain. Cela s’explique par le fait que les valaques sont présents au nord et au sud du Danube.
Une histoire militaire de la Bulgarie (1) : aux temps jadis
En guise d’introduction
Je ne dévoile aucun mystère si je vous dis que l’armée bulgare n’est pas née avec l’autonomie de la principauté de Bulgarie en 1878. L’histoire militaire bulgare est bien plus ancienne remontant au Haut-Moyen Age avec deux empires qui possédaient de puissantes armées craintes et respectées par leurs adversaires.
Plusieurs chroniques byzantines confirment que certains de leurs généraux faisaient demi-tour plutôt que d’affronter les bulgares en terrain ouvert.
Leur état était d’ailleurs très lié à celui des états qu’elles servaient. Un roi fort et puissant et l’armée bulgare était au sommet de son art mais un roi faible entouré d’une noblesse pas toujours disciplinée avec des ennemis multiples et l’armée connaissait d’importants problèmes en terme de tactique et aussi d’effectifs.
Cette armée à longtemps privilégié la cavalerie lourde à la fois parce que les ennemis byzantins possédaient une remarquable cavalerie lourde, véritable ancètre de nos chevaliers (les cataphractes) mais aussi parce qu’il s’agissait de l’héritage d’un peuple longtemps nomade qui sacralisait le cheval comme d’autres sacralisent les vaches.
Avec le temps l’armée devint plus équilibrée avec notamment une part croissante pour l’infanterie qui à la différence de la cavalerie était plutôt une infanterie légère plus à l’aide dans l’embuscade et le coup de main que dans la bataille rangée.
Dans les moments glorieux les archers bulgares étaient tout autant réputés que les archers gallois quelques siècles plus tard et quelques milliers de kilomètres plus à l’ouest. A cela s’ajoutait des armes de siège qui permettaient aux bulgares d’affronter des armes conventionnelles et de ne pas se limiter à la guerilla, l’embuscade et le coup de main.
Aux troupes bulgares s’ajoutent également des mercenaires et des contingents étrangers dont la part et l’importance tactique ne cessèrent de croitre.
En 1371 une armée bulgaro-serbe est défaite à Cherronen. Cette défaite marque clairement le début de la fin de la Bulgarie indépendante de son armée. Les villes tombent les unes après les autre, Tarnovo la capitale historique étant assiégée et prise en 1393. La résistance armée bulgare ne va cependant cesser qu’en 1422.
Création et évolution
Si pour l’armée bulgare moderne on peut trouver une date précise de création (22 juillet 1878), pour l’armée bulgare médievale impossible à savoir.
Il faut dire que la conception d’une force armée permanente ne va s’imposer en Europe qu’au cours du Moyen-Age avec notamment les compagnies franches de Charles VII ou l’armée noire en Hongrie.
Longtemps les armées se composaient le plus souvent d’un noyau autour du chef, une garde personnelle qui lui était théoriquement dévouée, des unités dont la fidélité allait plutôt à leur chef direct et enfin des contingents de mercenaires à l’efficacité avérée (après tout ce sont des professionnels de la guerre) mais à la fidélité variable et changeante surtout dès qu’ils n’étaient pas payés.
L’armée bulgare médievale ressemble à ce schéma grossier. Les effectifs vont beaucoup varier entre 10000 et 60000 hommes (ce qui était considérable pour l’époque).
A sa tête se trouvait un khan qui s’appuyait sur des hommes issus de l’aristocratie avec de bas en haut de l’échelle des bagain, des bagatur, des loil et des kavkhan.
Sur le plan tactique l’armée bulgare en dépit de son appétance pour la cavalerie et des origines nomades et pastorales ne pratiquait pas uniquement le raid, l’assaut et l’esquive mais des tactiques et des stratagèmes très élaborés qui rendaient leurs ennemis très méfiants. Certains estimaient qu’ils voyaient la nuit comme en plein jour.
Sur le plan de l’armement les bulgares suivent grosso modo les Avars avec comme armes principales le sabre ou l’épée, une longue lance et un arc. On trouve également des masses et un lasso appelé arkani. Pour se protéger les soldats bulgares possédaient un bouclier rond, un casque, une cote de maille ou une armure en plaques de métal. Les chevaux étaient également cuirassés.
Si la cavalerie était composée de bulgares l’infanterie des premiers et seconds empires étaient composée essentiellement de slaves. C’était une infanterie légère disposant d’épées, de lances, d’arcs et de boucliers en bois et en cuir. Ces unités étaient moins disciplinées et moins efficaces que la cavalerie.
Aux 9ème et 10ème siècle, Simeon le Grand pouvait mobiliser une armée de 60000 hommes. Il portait le nom de khan était donc le commandant en chef de l’armée. En son absence il était remplacé par le Khavkan puis par l’ichirgu-boil qui en temps de paix commandait la garnison de la capitale.
En bataille l’armée bulgare était classiquement déployée en un centre, une aile droite et une aile gauche. Le centre était commandée par le khan, le flanc gauche par le khavkan et le flanc droit par l’ichirgu-boil.
Au dessus de ce trio on trouvait des tarkhan comparable aux strategos byzantins ainsi que des bogains.
Au milieu du 10ème siècle le pays est épuisé. L’hérésie bogomile freine clairement le recrutement au profit de l’armée. L’affaiblissement de l’armée bulgare favorise l’irruption des magyars mais aussi des russes à travers le territoire bulgare.
Ce déclin est aussi liéu à celui de la noblesse bulgare. Les effectifs importants et surtout sa redoutable cavalerie lourde appartiennent au passé. Il reste des unités de cavalerie mais elles sont davantage du type cavalerie légère à savoir parfaites pour le flanquement, le harcèlement et l’éclairage mais moins pour le choc.
Faute de mieux l’infanterie occupe désormais une place centrale tout en adaptant ses tactiques privilégiant l’embuscade et le harcèlement. Comme nous l’avons vu plus haut les archers bulgares avaient une réputation de redoutables combattants. En clair si l’armée bulgare était affaiblie elle n’était pas devenue une armée d’opérette. Les byzantins de Basile II Bulgaroctone s’en sont vite rendus compte. A la fin de ce terrible conflit l’armée bulgare pouvait difficilement aligner plus de 36000 hommes.
En 1185 le 2ème empire bulgare voit le jour sous l’impulsion de la dynastie Asen. Une armée bulgare est reconstituée, armée très influencée par les byzantins, les titres étant à consonance byzantine comme le velik voïvoda (grande voïvode) qui remplace l’empereur à la tête de son armée. Il s’appuie sur des voïvode ou strator.
A la fin du 12ème siècle les effectifs étaient proches des 40000 hommes mais selon certaines chroniques de l’époque les bulgares pouvaient mobiliser 100000 hommes ce qui représente des effectifs considérables pour l’époque.
Cette armée reconstitue une puissante cavalerie essentiellement composée de mercenaires Cuman et possèdent des armes de siège qui n’ont rien à envier à celles réalisées à l’étranger.
Avec cette nouvelle armée les bulgares remportent une série de victoires contre les byzantins, les latins, les hongrois et même les redoutables mongols battus en 1241 au début de leur grand raid qui fit trembler l’Europe.
A la fin du 13ème siècle les effectifs sont tombés à moins de 10000 hommes. La situation s’améliore au début du 14ème siècle, les effectifs remontent et de nouvelles victoires militaires montrent que l’art de la guerre, les bulgares maitrisent cela.
Néanmoins quand les ottomans attaquent l’armée bulgare n’est plus que l’ombre de sa gloire passée. L’empire se divise en différentes entités concurrentes qui se querrellent et se chamaillent au lieu de s’unir.
Les différentes place-fortes auraient pu gêner la conquête ottomane mais il aurait fallu pour cela une coordination et une cooération. Elles tombent les unes après les autres.
En 1371 donc à Cherronen une armée bulgaro-serbe est écrasée par les ottomans. Les villes et les place-fortes tombent les une après les autres notamment Tarnovo en 1393 la capitale historique de la Bulgarie. Vidin la dernière ville majeure tombe en 1396. Certains considèrent que c’est là que cesse l’existence de la Bulgarie mais en réalité la résistance va continuer jusqu’en 1422.
La noblesse à été anéantie ou exilée, les civils ne pouvant porter d’armes, les ottomans se préservant ainsi d’une potentielle révolte. L’armée bulgare disparaît donc pour plus de quatre siècles.