Une nouvelle armée hongroise
Les années qui suivent la fin de la première guerre mondiale sont particulières agitées pour les hongrois. Les régimes politiques se succèdent avant que finalement les monarchistes ne l’emporte.
Le 9 août 1919 l’amiral Horthy unifie sous sa férule différentes unités anti-communistes pour former une armée nationale de 80000 hommes (Magyar Nemzeti Hadsereg). Cette armée va combattre aux côtés des roumains contre le régime communiste de Béla Kun qui disposait de sa propre force militaire.
Suite au traité de Trianon signé le 9 juin 1920, l’armée hongroise doit être limitée à 35000 hommes sans chars, sans avions et sans artillerie lourde et ce à l’instar des armées allemandes, autrichiennes et bulgares.
On espère ainsi les dissuader d’attaquer leurs voisins mais nul doute que cela n’à fait que renforcer le ressentiment de payer une note très (trop ?) salée.
Signe de l’instabilité et du chaos hongrois, cette armée va changer de donner à deux reprises puisque l’armée nationale hongroise devient en 1920 l’armée nationale hongroise royale ou Magyar Királyi Nemzeti Hadsereg puis tout simplement en 1922 l’armée royale hongroise ou Magyar Királyi Honvédség.
Le 11 mai 1922 une nouvelle organisation est officialisée avec sept districts militaires défendus chacun par une brigade mixte (Vegyesdandár). A cela s’ajoute deux brigades de cavalerie et trois bataillons du génie.
C’est une armée de volontaires avec des contrats de de trois ans. Il peut être précédé par un entrainement prémilitaire assuré par une organisation de jeunesse baptisée Levente fondée en 1921. A cela s’ajoute la possibilité pour un garçon de dix ans se destinant à une carrière d’officier d’intégrer un collège militaire.
Les futurs officiers étaient formés à l’Académie Militaire Ludovicienne à Budapest (infanterie et cavalerie) ou au Collège Militaire Technologique Janos Bolyai pour l’artillerie, le génie et le renseignement.
Dès 1923 des cours clandestins sont donnés pour former de futurs officiers d’état-major et ainsi relever les anciens officiers de l’armée commune qui paradoxalement étaient majoritairement germanophones.
Pour contourner cette limitation des effectifs, le gouvernement hongrois utilisait différents subterfuges comme la présence d’une gendarmerie (Csendőrség) qui comme sa cousine française était une force de police militarisée.
Elle était placée sous le contrôle du ministère de l’Intérieur et intervenait quand l’engagement de l’armée était excessif par rapport à la menace.
La Hongrie utilisait également la police, les douanes, les gardes-frontières et la garde du Trésor pour camoufler des effectifs et surtout disposer d’un vivier de cadres entrainés le jour où un réarmement au grand jour sera possible.
Si la Hongrie est devenue un pays enclavé et dit adieu à une marine de haute mer (Blue Water Navy), elle à maintenu une composante fluviale avec une police fluviale (Folyamőrség) qui avec huit patrouilleurs surveillait le Danube. Ce corps disposait également de trois régiments de sécurité.
Dépendant du ministère de l’Intérieur, elle passe sous le contrôle du ministère de la Défense en janvier 1939 ce qui entraîne un changement de nom, la police fluviale devenant un corps de troupes fluviales (Magyar Kiralyi Honved Folyami Erök).
Le 31 mars 1927 la commission de contrôle alliée chargée de surveiller les forces armées hongroises cesse ses travaux. Cela va permettre à Budapest d’entamer son réarmement d’abord clandestinement en attendant de le faire aux yeux de tous.
L’armement qui avait été hérité de l’Autriche-Hongrie et donc passablement obsolète commence à être modernisé puis accru mais toujours clandestinement, le contexte politico-diplomatique n’étant pas encore favorable à un réarmement aux yeux de tous.
Le 5 mars 1938 le premier ministre Kalman Daranyi annonce un programme de réarmement dit programme de Györ puis-qu’annoncé dans cette ville. Ce programme prévoit d’investir un milliard de pengö sur cinq ans pour accroître la puissance de l’armée hongroise.
La réorganisation de l’armée hongroise commence officiellement le 1er octobre 1938. Dans les sept districts militaires les brigades mixtes sont groupés en corps d’armées de trois brigades, brigades qui deviennent en 1942 des divisions légères (divisions à deux régiments contre trois ou quatre pour une division de ligne). Ces sept corps d’armée représentent un effectif global de 80000 hommes.
En novembre 1938 suite au premier accord de Vienne, la Hongrie occupe de nouveaux territoires en Slovaquie et en Ukraine Subcarpathique. Cela entraîne la mise sur pied d’un huitième corps d’armée.
Toujours en 1938 le service militaire est rétablit et une nouvelle loi exclu les officiers ayant des ascendants juifs de l’armée. Les juifs sous-officiers et hommes du rang sont relégués avec d’autres minorités et des «politiques» au sein d’unités de travailleurs non armées.
En mars 1940 alors que la paix est provisoirement revenue en Europe, trois commandements de campagne (Armeeoberkommando) sont mis sur pied, commandements engerbant trois corps pendant que le corps rapide Gyroshadtest restait indépendant. Ces Armeeoberkommando deviennent des armées numérotées 1, 2 et 3 en septembre 1942.
Un chef d’état-major général est officiellement nommé prenant le relais du ministre de la Défense. Le chef nominal de l’armée aurait du être le roi de Hongrie mais en absence de monarque c’est le régent qui assurait ce rôle de Reichsverweser.
L’occupation de la Transylvanie du Nord en septembre 1940 entraîne la création d’un neuvième corps d’armée. Les grandes structures de l’armée de terre magyare ne vont pas changer jusqu’au second conflit mondial. Tout juste signalons la transformation des brigades mixtes en divisions légères.
Des unités d’artillerie lourde et du génie sont également créées pendant que l’aviation de l’armée de terre (créée en 1928 mais publiquement révélée en 1938) devient indépendante le 1er janvier 1939 avant de revenir dans le giron de l’armée de terre en mars 1942 avant que finalement en septembre 1947 l’armée de l’air hongroise redevienne pleinement indépendante.
La nouvelle armée hongroise au combat
Avant même la guerre de Pologne, l’armée hongroise va être engagée au combat. En effet du 23 mars au 4 avril 193 la Hongrie s’attaque à la Slovaquie nouvellement indépendante suite au démantèlement de la Tchécoslovaquie par Hitler.
Cette guerre peu connue en dehors des pays concernés est le premier conflit armé dans lequel la Hongrie est engagée depuis le premier conflit mondial et ses suites.
Ce conflit fait suite au démantèlement de la Tchécoslovaquie les 14 et 15 mars. La Bohème-Moravie devient un protectorat allemand pendant que la Slovaquie et la Ruthénie subcarpathique déclarent leur indépendance. La seconde est immédiatement occupée par les troupes hongroises (15 au 18 mars 1939).
Le 22 mars 1939, une commission slovaquo-hongroise fixe la frontière commune entre les deux états pendant que les derniers soldats tchécoslovaques se retirent en Bohème-Moravie.
La Hongrie estimant qu’il n’y à plus aucune force militaire en Slovaquie envahit son petit voisin le 23. Il faut dire que dès le 15 une partie de la Slovaquie avait été occupée par les hongrois qui n’ayant vu aucune réaction décidèrent de pousser leur avantage plus loin.
Les slovaques sont d’abord surpris mais elles contre-attaquent le 24 mars soutenues par les troupes tchèques encore présentes en Slovaquie. Les combats sont cependant essentiellement aériens. Les bombardements hongrois causant des pertes civiles, ils n’améliorent pas la popularité de Budapest dans la région. Une trêve est négociée le 24 mais les combats vont continuer jusqu’au 31.
Comme un traité de protection à été signé entre l’Allemagne et la Slovaquie, le chef du nouvel état slovaque, Jozef Tiso demande une assistance en armes et matériel de la part de son protecteur qui refuse mais propose une intervention militaire allemande directe. Cette fois c’est le chef slovaque qui refuse de crainte que les alliés occidentaux ne prennent le parti de la Hongrie et ne décident d’entrer vraiment en guerre.
Au début du mois d’avril les deux pays entament des négociations qui s’achèvent par la signature d’un traité à Budapest le 4 avril.
La Hongrie reçoit un territoire dans l’est de la Slovaquie, un territoire de 1697km² peuplés de 69930 habitants, territoire où il n’y avait aucune population hongroise.
L’armée de terre hongroise est clairement supérieure à l’armée slovaque récemment créée. Cela s’explique par le fait que l’impossibilité de larges effectifs à cause du traité de Trianon à donné naissance à une armée réduite mais bien équipée et bien entraînée. Certes le service militaire avait été rétablit mais il n’avait pas encore eut un impact sur l’efficacité de la Honved.
Sur le plan de l’équipement il était plus moderne avec notamment des unités motorisées rééquipées grâce aux allemands et aux italiens.

tankette italienne L-3/35 conservée au musée militaire de Belgrade
L’armée royale hongroise engage à cette occasion son 7ème corps d’armée sous le commandement du Major Général Andras Littay. Ce corps d’armée comprend une partie du 9ème bataillon indépendant, le 7ème bataillon indépendant, le 24ème bataillon indépendant, le 8ème bataillon de la Honved, les 1er et 2ème bataillons de cavalerie disposant chacun de vingt-quatre tankettes Ansaldo 35M ainsi que le 2ème bataillon motorisée qui disposait de cinq chars légers Fiat 3000B (cousin transalpin du Renault FT), de vingt-deux Ansaldo 35M et de trois autos blindées Crossley 29M.

Fiat 3000B
A cela s’ajoute des moyens aériens qui font défaut à la Slovaquie avec vingt-sept chasseurs Fiat CR.32, neuf avions de reconnaissance Manfred Weiss WM-16, neuf avions de reconnaissance Manfred Weiss WM-21 et dix-huit bombardiers Junkers Ju-86K-2.

Guerre d’Espagne : Fiat CR-32 escortant des Savoia-Marchetti SM-81 en mission de bombardement
L’autre conflit ne concerne pas directement l’armée hongroise mais j’ai décidé de l’aborder. Il s’agit des volontaires hongrois qui ont participé aux côtés des finlandais à la guerre d’Hiver contre l’URSS.
On à donc trouvé des soldats hongrois, des soldats d’un pays allié à l’Allemagne qui elle même était lié à l’URSS par un pacte de non-agression. La décision du gouvernement hongrois d’accepter l’envoi de volontaires en Finlande s’explique aussi par une affinité linguistique finno-ougrienne, le hongrois comme le finnois appartenant à un groupe de langue commun.
Nul doute également que l’anticommunisme à été un moteur puissant sans oublier que la Finlande avait été l’un des rares pays à soutenir la Hongrie après le traité de Trianon. Quand Helsinki est agressée par les soviétiques nul doute que Budapest à voulu renvoyer l’ascenseur.
Naturellement le gouvernement hongrois ne pouvait pas officiellement envoyer de l’aide militaire à la Finlande. Elle le fit donc via des associations et différentes sociétés écrans mais nul doute que cela ne trompait personne. Cela fait partie de ces zones grises de la diplomatie qui arrangent tout le monde.
La Croix-Rouge hongroise envoya de l’aide humanitaire à la Finlande aux côtés d’une association hongro-finlandaise. Le prix Nobel Albert Szent-Györgyi offre l’argent de son prix à la Finlande.
Le gouvernement hongrois va envoyer de l’armement et du matériel de guerre pour une valeur d’un million de pengös hongrois, matériel livré via des navires britanniques et italiens.
Cela incluait 36 canons antiaériens avec 10250 obus, seize mortiers avec 32240 projectiles, 300 fusils avec 520000 cartouches, trente fusils antichars ex-polonais avec 3300 cartouches, 300000 grenades à main, 3654 mines antipersonnelles, 93680 casques, 223 émetteurs-récepteurs militaires et 26000 bandoulières.
Le recrutement des volontaires commence le 16 décembre 1939. 25000 hongrois postulèrent ce qui à permis un sévère écrémage, une sélection stricte pour écarter têtes chaudes et personnes inaptes. On n’acceptait que les hommes célibataires, ayant réalisé leur service militaire, qui n’avait pas de casier judiciaire et qui n’était pas des sympathisants communistes.
Au final seulement 350 candidats furent acceptés. Venant principalement de Budapest, Nagykanizsa et Debrecen, ils avaient entre 18 et 30 ans pour la plupart. La formation militaire commença le 10 janvier et durant presque un mois.
Formant un bataillon il se composait de 24 officiers, de 52 sous-officiers, de 2 médecins, de 2 aumôniers et de 256 soldats.
Les volontaires entamèrent une véritable odyssée puisqu’ils durent passer par la Yougoslavie, l’Italie, la France, le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède pour rallier la Finlande. Le bataillon n’arriva en Finlande que le 2 mars soit moins de dix jours avant la fin du conflit. Autant dire que l’impact militaire du bataillon hongrois à été pour le moins limité.
Du 17 avril au 19 mai le bataillon hongrois servit en Carélie le long de la nouvelle frontière finno-soviétique. Le lendemain 20 mai, le bataillon embarqua pour Turku direction Stettin en Allemagne, première étape vers leur retour au pays, les volontaires arrivant à Budapest le 28.
Aux côtés de ce bataillon d’autres volontaires ont combattu à titre individuel notamment dans l’aviation.
Cette histoire des volontaires hongrois à été magnifiée jusqu’à la fin du second conflit mondial où les dits volontaires étaient assimilés à de véritables chevaliers des temps modernes mais sous la période communiste cette histoire à été oubliée. Il faudra attendre la chute de la république populaire hongroise pour que cette histoire soit remise au goût du jour.