La Hongrie : régime autoritaire et rapprochement avec l’Allemagne
Un certain Miklos Horthy
Le personne majeure de la période qui nous intéresse est donc l’amiral Miklos Horthy (Kenderes, Autriche-Hongrie 18 juin 1868 Estoril Portugal 9 février 1957) qui va rester au pouvoir de 1920 à 1953, régent d’un royaume sans roi.
Issu d’une famille aristocratique et calviniste (cinquième enfant de Istvan Horthy et de Paula Halassy), Miklos Horthy entre à l’Académie Navale de Fiume en 1882 influencé par les récits de son frère ainé Bela mort deux ans plus tôt d’une septicémie.
Parlant déjà le hongrois et l’allemand, il apprend l’italien, le croate, l’anglais et le français mais ses résultats sont médiocres. Il s’illustre néanmoins en sport et dans les matières techniques. On l’à compris le futur régent de Hongrie sera un officier de combat et pas un théoricien ou un penseur de la chose navale.
Diplômé en 1886,il voyage beaucoup en profitant ses différentes affectations qui comme on dit lui font voir du pays. Il alterne entre postes à la mer et affectations dans les bureaux.
Il est enseigne de vaisseau de première classe en 1896, lieutenant de vaisseau en 1900 et obtient à trente-deux son premier commandement, le torpilleur SMS Sperber. Le 22 juillet 1901 il épouse Magdolna Purgly de Joszashely originaire elle aussi de la noblesse transylvaine. Ils auront quatre ans (deux fils et deux filles).
Capitaine de corvette en 1909, il devient aide de camp de l’empereur François-Joseph le 1er novembre 1909, occupant ce poste pendant cinq ans. Capitaine de frégate en 1911, il est capitaine de vaisseau en novembre 1913.
Il va participer à la première guerre mondiale ce qui ne l’enchante guère tant il est conscient par ses affectations à Vienne des faiblesses de la marine austro-hongroise. En novembre 1914 il perd son frère cadet Szabolcs.
Contre-amiral en 1918 il devient le dernier commandant en chef de la Koningliche und Kaiserliche Kriegsmarine (KüK Kriegsmarine). Ne pouvant plus commander une flotte composée majoritairement de marins croates, il laisse les navires au nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes.
Ce n’est pas un acte de mutinerie ou de désobéissance puisqu’il en à reçu l’ordre de l’empereur Charles 1er.
Nationaliste, il refuse le traité de Trianon et s’engage en politique, devenant ministre et chef des forces armées du gouvernement de Szeged qui lutte contre la république des conseils de Bela Kun.
Le 14 novembre 1919 les troupes romaines quittent Budapest deux jours plus tard le futur régent de Hongrie pénètre dans la capitale. Les troupes françaises quittent la Hongrie le 25 février 1920.
En mars 1920, l’Assemblée nationale de Hongrie confirme le rétablissement de la monarchie mais rejette l’hypothèse d’un retour de Charles IV sur le trône de Saint-Etienne. Le 1er mars, l’amiral Horthy («amiral sans flotte et régent d’un royaume sans roi») est élu régent du royaume.
Le régime mis en place par Horthy est un régime autoritaire à forte connotation antisémite (en partie lié au fait que nombre de juifs étaient présents parmi les chefs de la république des Conseils), un régime parfois considéré comme une semi-dictature. Il y à bien des élections mais le mode de scrutin est tel que l’alternance est quasiment impossible.
Se rapprochant de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie, Horthy obtient la récupération de territoires perdus en 1920 en profitant notamment du dépeçage de la Tchécoslovaquie et des pressions diplomatiques allemandes sur une Roumanie bien mal récompensée de son choix de tourner le dos à la traditionnelle alliance avec la France.
La politique antisémite se durcit à la fin des années trente : numerus clausus, mariages mixtes interdits….. . La franc-maçonnerie est également interdite. Cela n’est visiblement pas suffisant pour certains puisqu’un parti pro-nazi, le parti des Croix Fléchées est créé le 23 octobre 1937.
Durant la Pax Armada on assiste à un relatif relâchement du régime qui se montre plus souple à condition que l’opposition comprenne les limites.
Suite à une tentative d’assassinat menée contre le régent en mars 1944, une rafle décapite le parti communiste clandestin et le parti social-démocrate qui était toléré. Ce dernier finira par être interdit.
Plusieurs milliers de militants, d’intellectuels et d’universitaires prennent le chemin de l’exil. Encore aujourd’hui cette tentative d’assassinat fait débat, certains y voyant une invention de la police secrète pour justifier une répression aux yeux de l’opinion internationale.
En septembre 1948 la Hongrie ne bouge pas suite à l’invasion du Danemark et de la Norvège par les allemands. L’amiral Horthy est à l’époque âgé de 80 ans et s’appuie de plus en plus sur son fils Miklos vice-régent de Hongrie depuis 1942.
Sans le conflit il est probable qu’il aurait renoncé à un poste qu’il occupait depuis vingt-huit ans mais avec le déclenchement du second conflit mondial son caractère lui interdit tout renoncement.
Il engage la Hongrie dans l’invasion de la Yougoslavie en juillet 1949 puis dans l’opération BARBAROSSA à partir de juin 1950.
Le régime aiguillonné par le parti des Croix Fléchés se durcit mais devant la dégradation de la situation militaire tente de sortir du conflit en imitant ainsi la Finlande. Seulement voilà les allemands sont moins coulant qu’avec Helsinki.
Cela s’explique par la position stratégique de la Hongrie qui couvre un voie d’accès directe à l’Allemagne. Une chute de la Hongrie offrirait la possibilité pour les alliés venant des Balkans et les soviétiques venant de l’est de prendre à revers les Ostkampfer.
Un coup d’état militaire appuyé par les allemands provoque la chute du régent Horthy le 17 mai 1953. Le régent et son vice-régent sont emmenés en Allemagne plus précisément en Bavière près de Munich.
Libérés par les alliés il est un temps interné au bord du lac de Constance. Suite à des négociations entre le nouveau gouvernement hongrois (social-démocrate et communistes) et les alliés, l’ancien régent du royaume de Hongrie est autorisé à partir en exil s’installant au Portugal où il meurt le 9 février 1957.
Enterré au Portugal, ses cendres ont été ramenées en Hongrie en 1993. Si le retour du corps à fait consensus, le personnage du régent fait toujours l’objet de débats passionnés.
Un nouveau régime pour la Hongrie
Dès son arrivée au pouvoir l’amiral Horthy déclare nulles et non avenues tous les lois et décrets passés durant les deux époques républicaines que venait de connaître la Hongrie.
Le nouveau régime montre très vite sa poignée en rétablissant la peine de mort et en imposant des quotas concernant les juifs. Une réforme agraire permet la redistribution de 385000 hectares.

Charles 1er était également Charles IV de Hongrie
A deux reprises, l’ancien roi de Hongrie Charles IV va tenter de récupérer le trône de Saint-Etienne.
Le 13 novembre 1918, Charles IV rend publique une proclamation dans laquelle il renonce au trône de Hongrie. Détail important, il ne parle pas d’abdication, une façon comme une autre de préserver l’avenir si jamais la population hongroise le rappelle.
Cela aurait pu être possible mais il fallait prendre en compte les pressions des alliées qui pouvaient refuser tout Habsbourg sur le trône de Hongrie. Après le renoncement de l’archiduc Joseph-Auguste cousin de Charles IV c’est l’amiral Horthy qui devient régent de Hongrie le 1er mars 1920.
La première tentative débute le 26 mars 1921. C’est un samedi, la diète n’est pas en session, le corps diplomatique n’est pas présent et le régent Horthy veut profiter de sa famille.
Charles abusé par un entourage avide et opportuniste est optimiste en dépit des avertissements lancés par un certain nombre de ses supporters et par le régent lui-même.
Il espère un soutien du président du conseil français Aristide Briand. Il peut également espérer le soutien d’une diète à majorité royaliste mais royaliste ne veut pas dire habsbourgeoise.
Il arrive à Szombathely le 26 mars et rassemble ses partisans dès le lendemain, l’information circulant très vite dans les milieux autorisés.
Le premier ministre le comte Pal Teleki est informé, appelle Charles IV mais tente de le dissuader en lui disant que c’est prématuré en raison de la possibilité non seulement d’une intervention des troupes de l’Entente mais aussi du déclenchement d’une mortifère guerre civile.
Dans l’après midi l’ancien roi de Hongrie se présente sans s’être fait annoncer au domicile de Miklos Horthy. L’entretien dure deux heures et l’ancien commandant en chef de la marine austro-hongroise dit clairement au dernier empereur d’Autriche-Hongrie que c’est trop tard pour reprendre le pouvoir.
Le 28 mars les tchécoslovaques et les yougoslaves annoncent qu’une restauration de Charles IV serait considérée comme un casus belli.
Le 1er avril la Diète (où les légitimistes s’abstiennent) soutient la fermeté de Horthy. Le 3 avril, Aristide Briand affirme qu’aucun accord n’à été signé avec l’ancien roi Habsbourg.
Le 5 avril Charles IV prend le train pour rentrer en Suisse où le gouvernement décide de limiter son activité politique.
Charles IV ne renonce pas en dépit du fait que les démonstrations populaires ont été pour le moins tièdes. On le respecte mais il n’y à aucune effusion.
En juin 1921 les légitimistes hongrois relancent leur action pour ramener Charles IV sur le trôle de Hongrie. Des négociations ont lieu avec le gouvernement mais la question du retour du roi se heurte à l’opposition des alliés notamment des français.
En octobre Charles IV se rend illégalement en Hongrie dans l’espoir de provoquer un électrochoc et d’accélérer son retour au pouvoir. Son calcul était le suivant : mettre l’Entente devant le fait accomplit en misant sur le fait qu’ils ne pourraient attaquer en un ou deux jours. Un gouvernement provisoire est même mis sur pied.
Des troupes sont rassemblées dans des trains le 21 octobre 1921, troupes informées qu’elles devaient se rendre à Budapest pour restaurer l’ordre après un coup de force communisme. Le convoi démarre mais se rend à Budapest à un train de sénateur. Pour la surprise et le choc on repassera…… . Cela à permis à Horthy de regrouper ses forces pendant que la Petite Entente et les alliés réaffirmaient leur opposition à toute restauration.
Le 23 octobre 1921, la Hongrie semble sur le point de basculer dans une guerre civile. L’armée favorable à Charles se situe à 30km du centre de Budapest. La loi martiale est déclarée pendant que Prague annonce qu’elle mobilise ses troupes pour faire à toute éventualité. Une attaque décidée des partisans de Charles IV aurait vraisemblablement balayé le régime Horthy. Il y eut bien quelques escarmouches mais pas des combats importants.
Le 24 octobre 1921 des négociations ont lieu mais n’aboutissent pas à un accord. Le gouvernement reprend le dessus en rétablissant l’ordre et en arrêtant les plus compromis. La situation est pourtant toujours tendue, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie refusant de démobiliser les troupes déployées à la frontière.
Le 29 octobre 1921, Edouard Benes, ministre des affaires étrangères de la Tchécoslovaquie lance un ultimatum en menaçant la Hongrie d’une invasion si le dernier des habsbourgs n’était pas définitivement détrôné.
Le 1er novembre 1921 alors que l’invasion tchécoslovaque semble imminente, le gouvernement hongrois annonce qu’il se met dans les mains des grandes puissances et qu’il se conformera à ses décisions.
Le même jour Charles et Zita quittent la Hongrie et le 3 novembre embarquent à bord de la canonnière HMS Glowworm direction Madère où l’ex-Charles IV allait décéder peu après (1er avril 1922).
Le 7 novembre est votée par le parlement la loi XLVII-1921 dite loi de détrônement. Elle rétablit le caractère électif du trône de Hongrie. Elle annule les dispositions de la pragmatique sanction de 1713 fait de la Hongrie un royaume sans roi.
La première tentative de restauration menée par Charles IV provoqua la division du camp conservateur entre ceux qui y étaient favorables et ceux qui y étaient opposés. Ces derniers étaient tout aussi monarchistes mais avant tout nationalistes et réclamaient donc un roi hongrois.
Leur leader István Bethlen réussit à convaincre deux partis à fusionner pour peser davantage à la Diète.
C’est ainsi que le Parti de l’Unité naquit de la fusion de l’Union Nationale Chretienne et du Parti des Petits Propriétaires. Cela permis à István Bethlen de devenir premier ministre, poste qu’il occupa du 14 avril 1921 au 24 août 1931.

István Bethlen
Il mena une politique autoritaire en purgeant son parti des agrariens, en manipulant les élections dans les zones rurales, en offrant des emplois publics à ses supporter et en ramenant l’ordre dans le pays notamment en intégrant les milices qui multipliaient les campagne de terreur contre les communistes et les juifs.
La même année il passe un accord avec les sociaux-démocrates et les syndicats pour légaliser leur action et libérer les prisonniers politiques. Bien entendu cette action était soumise à de sérieuses limitations.
En mai 1922, le parti de l’Unité remporte une large majorité à la Diète. La principale préoccupation de István Bethlen était de faire réviser le traité de Trianon. Pour cela il veilla à renforcer la position du pays par une économie saine et par le soutien des puissances étrangères.
Cela avait l’avantage de faire taire les critiques sur la politique intérieure, les choix économiques et sociaux car il est probable que pas un seul hongrois quelque soit son orientation politique ne pouvait accepter le traité de Trianon.
Hélas pour István Bethlen son seul succès en matière de politique étrangère fût la signature d’un traité d’amitié avec l’Italie en 1927, traité dont l’impact ne pouvait être que limité. Entre-temps en 1924 la Hongrie fût admise à la Société des Nations (SDN) ce qui lui permis d’obtenir un prêt de cinquante millions de dollars.
Sur le plan économique, la Hongrie du quasiment repartir de zéro en raison de la perte d’une partie de son industrie et surtout de ses ressources minières.
Pour cela le tout-puissant premier ministre hongrois mena une politique protectionniste pour stimuler l’industrie et rendre l’agriculture hongroise non seulement autosuffisante mais aussi exportatrice pour récupérer de précieuses devises et ainsi importer ce que le pays ne pouvait pas (encore) produire.
A la fin de la décennie la politique de réindustrialisation avait porté ses fruits non sans générer une forte inflation et une baisse du PIB. La stabilité du pays rassurait cependant les investisseurs qui n’hésitaient pas à prêter à Budapest qui bénéficiait également des prix élevés des produits agricoles notamment dans le domaine des grains.
Es-ce que cela profitait à tout le monde ? Pas vraiment puisque les ouvriers vivaient moins bien de leur travail qu’avant la première guerre mondiale.
Aucun loi réglementant le travail n’existant, on peut imaginer que régnait dans les usines et les entreprises le règne de l’arbitraire.
Le sort des paysans n’était guère meilleur et nombre d’entre-eux ralliaient les villes dans l’espoir de vivre mieux qui faisait pression sur les salaires et les conditions de travail. Le cercle vicieux quoi.
Le mécontentement ne cesse de grandir mais István Bethlen fait la sourde oreille aux demandes de réforme agraire. Il multiplie les emplois publics pour absorber les jeunes diplômés mais tout le monde sait qu’un état obèse où les emplois ne sont là que pour le clientélisme politique n’est pas un gage d’efficacité.
Quand le mécontentement devient trop fort, on offre en pâture un bouc-émissaire ce qui explique le fort antisémitisme régnant dans le pays à l’époque.
Comme tous les pays la Hongrie est durement frappée par la crise économique provoquée par le krack de Wall Street survenu le jeudi 24 octobre 1929. La fermeture des marchés exports prive la Hongrie de devises et les investisseurs ont tendance à retirer leurs fonds des pays étrangers pour les rapatrier au pays. Le stock d’or et le stock de devises de la Banque Nationale de Hongrie (Magyar Nemzeti Bank) fondent comme neige au soleil.
Une politique de rigueur est menée ce qui aggrave les conséquences de la crise : repli des productions agricoles sur les cultures vivrières, chute de la production industrielle, faillites en cascades, chômage qui explose et pour ceux qui gardent leur emploi de sérieuses baisses de salaire. En 1933 le chômage est de 36% (contre 5% en 1928) et la part de la population de Budapest vivant dans la pauvreté est de 18%.
Cette crise est fatale à István Bethlen qui démissionne en août 1931 mais ces successeurs ne font pas mieux. Comme souvent dans ce genre de situation, les partis extrémistes et populistes sont favorisés par rapport aux partis de gouvernement.
Après Gyula Karolyu au pouvoir du 24 août 1931 au 1er octobre 1932 on trouve comme premier ministre Gyula Gömbös au pouvoir du 1er octobre 1932 à sa mort le 6 octobre 1936. On trouve ensuite Kálmán Darányi du 12 octobre 1936 au 14 mai 1938, Béla Imrédy, du 14 mai 1938 au 16 février 1939 et un revenant Pal Teleki au pouvoir du 16 février 1939 au 14 septembre 1945. Béla Imrédy lui succède et va rester au pouvoir jusqu’au coup d’état militaire de 1953.
Ce dernier profite d’une amélioration de la conjoncture économique sans qu’il y soit pour grand chose. En 1936 un traité de commerce est signé avec l’Allemagne ce qui favorise la sortie de la crise pour Budapest mais va rendre la Hongrie terriblement dépendante de l’Allemagne avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le plan de la politique extérieure.
On peut dire que cela n’à pas vraiment d’importance car la politique étrangère hongroise est axée sur un rapprochement avec l’Italie et l’Allemagne toujours dans le but de réviser le traité de Trianon. C’est d’ailleurs Gyula Gömbös qui inventa le terme d’Axe qui sera ensuite repris par Rome et par Berlin.