L’armée danoise et le second conflit mondial
Mobilisation et préparation
A l’été 1948 il devint évident que la guerre était proche, une question de semaines au maximum de mois. Copenhague était bien décidé à maintenir sa neutralité au point de signer un pacte avec Oslo et Stockholm pour faire de la Scandinavie une zone libre de tout conflit.

Soldats danois en 1939/40. En septembre 1948 la tenue n’avait pas changé ou alors à la marge
Neutralité ne veut pas dire faiblesse et depuis 1946 le Danemark à augmenté les effectifs de son armée passée en temps de paix de 35 à 50000 hommes et en temps de guerre de 85 à 115000 hommes. Un effort très important pour un aussi petit pays mais qui montre la détermination des descendants des vikings à ne pas se laisser marcher sur les pieds.
Dès le début du mois d’août on assiste à un début de mobilisation avec le rappel de réservistes, la préparation des casernements, le renforcement du Ny Dannevirke. Tout cela se fait le plus discrètement possible pour ne pas heurter l’Allemagne.
A partir du 27 août 1948 de nombreux conscrits qu’ils soient appelés à faire le service ou qui venaient d’être libérés de leurs obligations militaires devancent l’appel et se présentent spontanément dans les casernes suscitant l’embarras de leurs supérieurs.
Le gouvernement informé décide de ne pas décider. En clair on ne s’y oppose pas mais on ne l’encourage pas non plus de peur que l’économie ne soit totalement désorganisée.
Ensuite cela dépendra de l’attitude des chefs de corps. Certains renverrons sans ménagement les jeunes soldats mais la plupart les intégreront et profiteront de ces quelques jours pour améliorer l’entrainement et l’esprit de corps.
Alors que la guerre approche faisons un point sur l’organisation générale de l’armée de terre danoise.
Suite à l’acte de défense de 1943 l’armée de terre danoise est organisée de la façon suivante :
-Un état-major

Soldats danois à l’entrainement au tir
-Une force de défense pour tenir le Ny Dannevirke, une force composée de quatre bataillons d’infanterie
-Deux divisions territoriales, la Sjaelland Division et la Jutland Division, ces deux divisions étant organisées en trois brigades mobiles avec des moyens d’appui et de soutien.
-Une réserve d’artillerie lourde
-Une force aérienne
Selon une étude ultérieure on estime à 72000 hommes les effectifs de la Haerens quand les allemands attaquent. Ils vont un peu augmenter mais ils n’atteindront pas les 115000 hommes prévus en cas de guerre.
La principale raison est la brieveté des combats qui commencent le 5 septembre pour s’achever quatre jours plus tard le 9 alors que les autorités danoises espéraient avoir plusieurs semaines entre le début de la guerre et l’invasion ce qui aurait laissé le temps de mobiliser et d’entrainer.
Combat ! Combat ! Combat !
Le 5 septembre 1948 à 04.45 dans l’aube naissante et frémissante, les bombardiers, chasseurs et chasseurs-bombardiers de la Luftwaffe passent à l’attaque contre les aérodromes, les ponts, les carrefours, les cibles stratégiques du petit royaume nordique.
Ces attaques doivent préparer l’engagement des unités du 31. ArmeeKorps (31ème Corps d’Armée) qui regroupe les unités engagées dans le volet danois de l’opération Weserübung.

Panzer III à canon de 50mm.
On trouve ainsi deux divisions d’infanterie (4.ID et 8. Infanterie Division), un groupement blindé fournit par la 3. Panzerdivision, un groupement parachutiste fournit par la 3. Fliegerdivision auxquels il faut ajouter de l’artillerie, du génie et différentes unités de soutien.

Fallschirmjäger
Simultanément l’artillerie lourde allemande ouvre le feu sur le Ny Dannevirke espérant créer rapidement des couloirs de passage pour le Panzer Kampfgruppe Danmark.
Non seulement les brèches ne peuvent être réalisées _les allemands connaissaient mal cette ligne fortifiée ou la sous-estimait_ mais l’artillerie danoise riposte.
Il va falloir s’employer et c’est la 4ème division d’infanterie qui doit lancer un assaut dans les règles et contrairement à ce que les allemands espérèrent, les soldats danois de la force de défense s’accrochent sachant parfaitement que leur résistance c’était autant de temps de gagner pour permettre aux brigades mobiles de préparer un solide comité d’accueil pour l’envahisseur teuton.
Malheureusement pour l’infanterie danoise, la puissance de l’artillerie (les allemands vont même engager de l’artillerie sur voie ferrée) et de l’aviation permet de créer des brèches rapidement exploitées par l’infanterie qui ouvre la voie aux chars.
Au soir du 5 septembre, la Nye Dannevirke à vécu. Certes les dernières poches de résistance ne seront nettoyées que le 7 au matin mais ces poches étaient davantage une nuisance qu’une véritable menace.
Si majorité des soldats de la ligne seront tués ou capturés, certains parviendront à rallier la Grande-Bretagne sur des bateaux de pêche, bien décidés à prendre leur revanche.
Le Panzer Kampfgruppe Danmark avance vite dans les plaines du Jutland, rencontrant tout de même de la résistance, des unités danoises se faisant littéralement tuer sur place mais cet héroïque sacrifice ne retarde les allemands que de quelques heures.
Parallèlement on tente un coup de main naval sur Copenhague mais les troupes d’assaut de la Kriegsmarine sont repoussées ce qui ne permet pas à la 8.ID d’être mise à terre. Un temps on envisage de débarquer plus au sud mais on préfère reporter l’assaut au lendemain probablement parce qu’on sait la marine danoise incapable de s’opposer à un deuxième assaut.
Dans la nuit du 5 au 6 septembre, les troupes d’assaut de la Kriegsmarine s’emparent des batteries côtières et des accès au port de la capitale. Les danois surpris par cette attaque nocturne n’opposent qu’une faible résistance.
Informés de cette intrusion, le commandant en chef de l’armée envisage de donner l’ordre de contre-attaquer avant de finalement renoncer et de suggérer au roi et au gouvernement d’évacuer vers le nord-ouest.
Le 6 septembre 1948 dans la matinée et en toute discrétion le roi et le gouvernement quittent la ville. La loi martiale ayant été décrétée, la population confinée chez elle ne peut réagir. La capitale est le théâtre de combats violents jusqu’au 7 septembre quand la capitale est entièrement occupée.
Les danois soldats et civils continuent de résister mais il faut se rendre à l’évidence : c’est une résistance qui est vouée à s’interrompre très rapidement. Le même jour le roi et le gouvernement non sans hésitations et remords vont évacuer vers la Grande-Bretagne. C’est le début presque six années d’exil.
Le 8 septembre 1948 au matin les forces venues de Copenhague et celles venues du sud font leur jonction. A cette date 90% du territoire danois est occupé.
Le lendemain à l’aube les Fallschirmjäger sont largués dans le nord-ouest du pays pour tenter de s’emparer du roi et du gouvernement que l’on pensait encore au pays. Cette opération hâte l’occupation allemande et le 9 septembre 1948 à 13.00 l’armée danoise capitule non sans s’être bravement battue.
Les pertes sont lourdes avec 1800 morts et 12500 prisonniers mais de nombreux soldats se sont embarqués pour la Grande-Bretagne tandis que d’autres réfugiés en Suède parviendront non sans mal à rejoindre Londres pour reprendre la lutte.
La renaissance

Soldats anglais vêtus du battledress (veste de bataille). Les soldats danois ont été rééquipés avec ce type d’uniforme avec sur l’épaule droite le nom DANMARK
Dès son arrivée en Grande-Bretagne, le gouvernement en exil souhaite reconstituer un outil militaire pour participer à la lutte contre l’Allemagne nazie. Plus facile à dire qu’à faire car Frédéric IX et son gouvernement se heurtent à plusieurs problèmes.
Le premier c’est que les alliés ont d’autres priorités que de libérer deux pays neutres ayant refusé toute alliance alliée. La seconde c’est que le Danemark à peu d’atouts dans son jeu et le troisième c’est qu’on se querrelle pour savoir quel type d’armée mettre sur pied.
Comme souvent la réalité et la pragmatisme vont aller de paire pour permettre la constitution de la Ny Danske Haerens (NDH), la nouvelle armée danoise.
Celle-ci sa se composer d’un état-major, d’un bataillon logistique, de deux brigades mobiles, d’un régiment de chars et quelques unités indépendantes d’artillerie et du génie. Le tout représentant environ 20000 hommes.
Cette armée va longtemps rester l’arme au pied. Sans que cela soit dit il semble qu’on se méfie de cette armée et qu’on doute de ses capacités militaires. Certains ne supportant pas l’inaction se porteront volontaires pour intégrer des unités commandos britanniques et norvégiennes voir pour le SOE pour encadre la Résistance danoise, résistance qui ne cessait de prendre de l’ampleur.
Finalement après moultes réflexions et hésitations, les alliés décident de combattre en Scandinavie et pour cela de lancer une opération massive : l’opération BOREALIS.
L’armée danoise et l’opération BOREALIS

« Comment le soldat britannique est parti en guerre en 1939 ! » . En 1949 les soldats danois disposaient d’un équipement semblable.
Dans les premières moutures de l’opération BOREALIS il n’était pas prévu de débarquer au Danemark en raison d’une géographie avantageant l’adversaire. Ce ne sont pas les fjords mais la côte du Jutland qui rend difficile tout mouvement dissimulé.
Finalement pour des raisons tout autant politique que militaire, décision est prise de débarquer au Danemark. Il semble qu’un assaut sur Copenhague à été étudié sous la forme d’un raid amphibie de vive force tout comme un débarquement dans le nord-ouest du pays mais finalement c’est le Jutland qui est choisit.
Pour cela on décide d’engager la 31ème division d’infanterie US (qui ironie de l’histoire porte le même numéro que le corps d’armée qui à envahit le pays en septembre 1948), la 1. Danske Brigade mais aussi un régiment d’artillerie et un régiment de chars, le régiment des Dragons du Jutland considéré comme le père de l’armée blindée danoise. A cela s’ajoute un groupe d’artillerie norvégien équipé de canons antichars de 17 livres.
L’opération est déclenchée le 11 octobre 1953 à l’aube. Depuis plusieurs jours des navires américains, britanniques, français mais aussi danois (croiseur-éclaireur Herluf Trolle destroyer Zealand et Bornholm) bombardent les défenses côtières allemandes, leurs points d’appui, les dépôts logistiques, les ponts et les routes.
Ces bombardements sont doublés par l’aviation essentiellement anglo-saxone, la petite aviation danoise (un squadron de chasse et un squadron de bombardement) se réservant pour l’appui des troupes au sol.
C’est la brigade danoise qui est mise à terre en premier en dépit des réserves des officiers alliés qui craignent qu’une unité novice ne fasse pas le poids. A cette défiance les danois répondent que la 31st Infantry Division n’était pas très aguerrie non plus.
Les danois prennent pied les premiers. Les combats sont violents mais rapidement ils submergent par leur hargne les défenses allemandes tenues il est vrai par des troupes moins aguerries qu’en Norvège ou encore jadis sur le Rhin.
Une fois la tête de pont solidement contrôlée, les américains arrivent en renfort pour élargir la tête de pont qui en fin de journée est longue de 5km et large de 3km. Quelques contre-attaques décousues sont menées par les allemands mais celles-ci sont repoussées par les danois et les américains sans oublier l’aviation et la marine qui chatient durement les troupes allemandes surprises à découvert.

M-4 Sherman à canon de 76mm
Le 13 octobre 1953 le Régiment des Dragons du Jutland est mis à terre. Ce régiment est un régiment de chars équipés de M-4 Sherman à canon de 76mm. Un régiment d’artillerie est également débarqué. Des groupements mobiles dano-américains sont mis sur pied pour avancer vers les villes danoises.

Axes généraux de la progression des troupes alliées au Danemark lors de l’opération BOREALIS
On trouve un groupement Nord sous commandement danois comprenant l’essentiel de la 1. Danske Brigade associé à un escadron de dragons et à un régiment d’infanterie américain.
Ce groupe nord va mettre cap sur Herning puis sur Alborg pour sécuriser tout le nord du Danemark. Il va réaliser également des coups de main vers les îles de Laeso et d’Anholt. Il y rencontre peu de résistance et peu ensuite renforcer les deux autres groupes.
Un groupement Centre sous commandement américain comprend un régiment d’infanterie américain, un escadron de dragons, quelques éléments de la 1ère brigade danoise ainsi que le groupe d’artillerie norvégien. Il met cap sur Vejle et Arhus.
Un groupement Sud sous commandement américain comprend un régiment d’infanterie américain, le reliquat du régiment de dragons et des éléments d’appui américains et danois. Ils vont s’emparer d’Odense et de Copenhague qui est libérée le 21 décembre 1953. Les îles de Lolland, Falster et de Mon sont ensuite occupées.
Le régiment d’artillerie équipé de canon-obusiers de 25 livres va dispatcher ses trois groupes entre les différents groupements.
Les deux jours attendus sur la tête de pont ont permis aux allemands de rameuter des renforts qui ne pourront pas rejeter les alliés à la mer mais qui permettent d’éviter un effondrement total.
Voilà pourquoi ce n’est que le 17 janvier 1954 que la totalité du pays est libéré quand les troupes dano-américaines font leur jonction du côté de Flensburg avec les troupes de l’opération ECLIPSE (franchissement du Rhin le 7 février 1953).
Entre-temps la 2ème brigade mobile danoise débarque à Copenhague pour maintenir l’ordre et éviter les débordements liés à la libération. Il y aura quelques lynchages, quelques exécutions sommaires mais dans l’ensemble l’après libération sera nettement plus calme qu’ailleurs.
Ces deux brigades mobiles, la 31ème division d’infanterie et d’autres unités vont participer au nettoyage du pays.
La NDH est dissoute le 17 février 1955. Le même jour l’armée danoise est recrée même si il faudra du temps pour que des unités modernes et bien équipées montent en puissance, montée en puissance facilitée par une aide importante des Etats-Unis conscients comme tout le monde de la position stratégique du pays qui abandonne la neutralité pour une alliance militaire permanente pour contrer la menace soviétique.
Sur le plan de l’organisation, l’armée danoise va disposer de deux divisions d’infanterie, d’une division blindée, d’une brigade parachutiste et de différentes unités d’appui.