Scandinavie (40) Danemark (11)

Reconstruire une marine

Comme nous venons de le voir sans l’intervention de la marine néerlandaise, le royaume de Danemark-Norvège aurait été bien en peine face à la marine suédoise. Cette leçon est tirée et le roi Frédéric III décide de concentrer du temps, de l’énergie et surtout de l’argent à la marine.

Frédéric III (1648-1670) 23

Frédéric III

Dès 1655 l’Amirauté est mise sur pied pour coordonner la politique navale d’un royaume devenu absolutiste.

En 1663 un norvégien Cort Sivertsen Adeler est rappelé de Hollande pour prendre la tête de la marine dano-norvégienne. C’était un marin expérimenté ayant servit la marine vénétienne et la marine hollandaise. Avec l’aide de conseillers néerlandais il va reconstruire une marine inspirée de ce qui se fait de meilleur à l’époque, la marine néerlandaise disposant de navires modernes maniés par des marins redoutable.

La marine dano-norvégienne avait pour mission de protéger les lignes de communication entre le Danemark et la Norvège mais aussi le commerce néerlandais dans les eaux danoises contre les corsaires anglais.

Cela entraîna un court conflit avec l’Angleterre entre 1666 et 1667, un épisode peu connu de la deuxième guerre anglo-néerlandaise (1665-1667).

Le seul affrontement eu lieu à Marstrand le 17 mai 1667 quand deux navires dano-norvégiens venus de Bergen pour rallier Copenhague se heurtèrent à une frégate anglaise mais sans résultats probants.

Suite aux victoires néerlandaises, les dano-norvégiens se sentirent pousser des ailes et décidèrent d’équiper une flotte pour récupérer les Orcades, un archipel mis en gage par Christian 1er pour fournir une dote à sa fille mais comme l’argent ne fût jamais versé, l’archipel devint écossais. Cette expédition n’eut cependant jamais lieu, la paix intervenant avant tout début d’exécution.

Niels Juel

Niels Juel

Cet effort de modernisation est encore accru sous le règne de Christian V (1670-1699) avec deux grands marins, Cort Adeler et Niels Juel. Cette volonté de posséder une puissante marine s’expliquait par la volonté des dano-norvégiens de récupérer les territoires cédés en 1660.

Entre 1675 et 1679, la marine danoise participe à la guerre de Scanie, un conflit l’opposant à la Suède, un épisode d’un conflit européen dans lequel la France et la Suède étaient opposés aux Provinces-Unies, à l’Espagne, au Saint Empire et au Brandebourg, le Danemark ayant formé une alliance avec les Provinces-Unies et l’Espagne en 1674.

Suite à ce dernier traité le Danemark-Norvège doit entrer en guerre quand en décembre 1674 des troupes suédoises avancent dans le Brandebourg. Le nom de guerre de Scanie s’explique par le fait que les danois voulaient récupérer les territoires situées à l’est de l’Oresund (ce qui correspond au sud-ouest du territoire actuel de la Suède).

Une flotte combinée dano-hollandaise patrouille en mer Baltique mais sans engager le combat contre la marine suédoise, cette dernière ayant été tardivement équipée. Une épidémie se déclare à bord des navires suédois décimant les équipages. La marine dano-norvégienne fût également touchée au point qu’en 1676 le roi Christian V fit de l’amiral néerlandais Cornelis Tromp amiral général de la marine danoise.

Cornelis Tromp

Cornelis Tromp

Le 1er juin 1676, les deux flottes se rencontrent dans une violente bataille au large d’Oeland. Cela se termine par une victoire dano-hollandaise qui élimine la menace posée par la marine suédoise, permettant dans la foulée à l’armée danoise d’envahir la Scanie.

Hélas pour les dano-norvégiens, les combats à terre se passèrent nettement moins bien et après une défaite près de Lund, l’armée de terre est obligé de se replier sur Landskrona.

Début 1677, la marine reprend la mer après un hiver passé dans ses ports comme de coutume à l’époque. En mai, la flotte dano-norvégienne commandée par Niels Juel prend position dans le Great Belt pour attendre les suédois qui tentaient de rassembler leur flotte pour retrouver le contrôle de la Baltique.

Les danois remportent une brillante victoire lors de la bataille de Fehmarn le 31 mai 1677. Cette bataille qui eut lieu entre Fehmarn et Warnemünde voit les danois bloquer une escadre suédoise à Göteborg. Les deux pays envoient des renforts navals dans l’espoir de remporter une victoire décisive en mer.

Les navires suédois commandés par Erik Carlsson Sjöblad tombent sur une escadre danoise commandée par Niels Juel. La bataille commence le 31 au soir et va se poursuivre jusqu’au matin.

C’est un triomphe danois, de nombreux navires suédois étant capturés, un autre s’échoue et doit être incendié pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi.

Le 1er juillet 1677 à lieu la bataille de la baie de Koge près de Copenhague. Les suédois avaient rassemblé une escadre de trente-six navires pour détruire la marine danoise qui sous le commandement de Niels Juel avait rassemblé vingt-quatre navires.

La marine suédoise dispose au final de quarante-sept navires, la marine danoise disposant de trente-quatre navires soit 1624 canons et 9200 hommes pour les suédois et 1422 canons et 6700 hommes pour les danois.

La bataille débute à 05.30 du matin et va durer près de dix heures. Les suédois doivent se replier après avoir perdu de nombreux navires. Les néerlandais étaient proches d’intervenir mais ils sont arrivés trop tard. Cette victoire repose donc uniquement sur le talent des marins danois et de son chef qui devient internationalement célèbre. C’est aussi la fin de la dépendance danoise aux néerlandais, la marine danoise retrouvant confiance dans ses capacités.

La paix est finalement négociée entre la France alliée de la Suède et le Danemark, négociations qui aboutissent au traité de Fontainebleau signé le 23 août 1679. Le Danemark doit rendre les territoires conquis, décision qui est confirmée par le traité de Lund signé entre le royaume de Danemark-Norvège et la Suède. La Suède paye certes des dommages de guerre mais les marins danois (qui sont essentiellement norvégiens en réalité) ont du trouver la pilule bien amère à avaler.

Le conflit à été en réalité plus profitable au Brandenbourg qui récupère les évêchés de Brême et de Verden ainsi que la Poméranie Suédoise à l’ouest de l’Oder.

En Scanie, une guérilla danoise appelée Snapphane est brutalement réprimée par les autorités suédoises qui se réinstallent dans la région.

Christian V réorganise à nouveau la marine et fait aménagé en 1680 une nouvelle base et de nouveaux chantiers navals à Refshalen, chantiers navals qui ne vont fermer qu’en 1996 et qui après une période de friche sont réhabilités pour devenir un quartier branché de la capitale danoise.

Pour améliorer la résilience de la marine danoise en mer Baltique, une base est établie sur l’île d’Ertholm à 20km au nord-est de Borholm. Le 4 octobre 1684, le roi ordonne de baptiser le fort défendant la nouvelle base Christiansø.

Depuis 1671, la marine royale dano-norvégienne avait en Norvège une petite base à Glückstadt et un chantier naval à Frederikshald (aujourd’hui Halden). Ce dernier chantier est déplacé vers Christiansand en 1687.

A l’hiver 1682/83 le Danemark-Norvège se prépara pour une nouvelle guerre contre la Suède. La marine fût donc équipée. Cette fois la Suède était alliée avec les Provinces-Unies alors que le royaume de Danemark-Norvège était allié à la France.

Une flotte française arrive dans le Sound le 26 juin 1683 et se joint à la marine danoise même si les opérations n’avaient pas encore commencé. En août la flotte dano-française lève l’ancre et pénètre en Baltique mais rien ne se passe, la guerre n’éclatant jamais et en octobre les français rentrent.

En 1684, Christian V ordonne des réductions d’effectifs et de budgets des armées de terre et de la marine.

En 1697, Niels Juels meurt. Il est remplacé par un Ulrik Christian Gyldenløve âgé de seulement 19 ans. En 1700 la marine danoise est à nouveau sur le pied de guerre pour affronter la Suède, le tout dans le contexte d’une guerre générale en Europe, la guerre de succession d’Espagne.

Seulement voilà la Suède était alliée des Provinces-Unies et de l’Angleterre qui envoyèrent sur zone de puissantes escadres pour renforcer les forces navales de Stockholm. A l’été Charles XII transfert une armée à Sealand, transfert couvert par la flotte anglo-néerlandaise. En juillet une flotte ennemie bombarde Copenhague mais les dégâts sont assez limités.

La crainte de voir la Suède contrôler les détroits menant à la Baltique va pousser Londres et La Haye à imposer la paix entre Copenhague et Stockholm. Le Danemark doit respecter les droits du duc de Gottorp et abandonner l’alliance avec la Russie et la Pologne.

Suite à la paix et pour faire des économies, la marine dano-norvégienne réduit sérieusement la voilure en ne conservant armé qu’une petite partie. Pendant près de dix ans, le royaume de Danemark-Norvège était une enclave de paix dans une Europe secouée par la guerre.

Tordjenskold

Tordenskjold

Au début du 18ème siècle la marine dano-norvégienne aligne 19000 marins dont 10000 venaient de Norvège. En 1716, l’amiral Tordenskjold effectue un raid sur Dynekil et ses effectifs sont essentiellement composés de norvégiens (environ 80% des marins et 90% des soldats).

Comme la guerre n’est pas permanente et que les monarchies de l’ancien Régime étaient perpétuellement à court d’argent, de nombreux marins militaires danois opéraient dans la marine marchande.

Le point positif c’est que cela allégeait le budget de la marine et permettait aux marins de continuer à naviguer (à cette époque on apprenait le métier sur le tas) mais le point négatif c’est que cela empêchait la marine royale dano-norvégienne d’être toujours pleinement opérationnelle.

En ce qui concerne les noms de navires ont utilisa d’abord des noms de lieux puis rapidement des noms issus de l’histoire danoise et de la mythologie nordique.

De 1707 à 1720 à lieu la Grande Guerre du Nord, une guerre qui va durer treize ans, guerre marquée notamment par l’affrontement titanesque entre Charles XII de Suède (NdA je vous recommande la chanson «Carolus Rex» du groupe suédois Sabaton) et le tsar Pierre le Grand, conflit qui voit la Russie devenir une puissance européenne majeure même si il faudra attendre Catherine II pour que les autres puissances admettent que Saint Pétersbourg est une puissance européenne et non plus une puissance asiatique semi-barbare.

Le Danemark va participer à ce conflit toujours dans l’espoir de récupérer la Scanie en dépit du fait que les grandes puissances ne pouvaient accepter qu’un pays contrôle les détroits du Skagerrak et du Kattegat.

Le royaume de Danemark-Norvège profite du fait que la Suède était occupée à l’est contre la Russie et la Pologne pour déclarer la guerre à Stockholm en 1707, la marine royale dano-norvégienne étant immédiatement équipée pour combattre. C’est le dernier conflit opposant le Danemark à la Suède.

Une armée de 16000 hommes est débarquée à Raa au sud de Helsingborg sur la rive suédoise du détroit de l’Oresund en 1709. Une bataille navale à lieu en baie de Koge le 10 juillet 1710 mais contrairement à ce qui s’était passé en 1677 l’affrontement se termine de manière indécise.

On peut néanmoins attribuer une victoire aux points de la marine dano-norvégienne puisqu’elle parvient à rentrer à Copenhague sans trop de difficultés. En 1711 la flotte tout comme le Royaume de Danemark-Norvège est frappé par la peste.

Émerge alors une figure illustre de l’histoire maritime scandinave, Peter Jansen Wessel plus connu sous le nom de Tordenskjold, un nom qu’il prend en 1716 suite à son anoblissement.

Cadet en 1709, il parvient en seulement onze ans à devenir vice-amiral soit à l’âge de 30 ans, une chose naturellement inimaginable aujourd’hui. Mort en Allemagne en 1720 il s’illustre par ses méthodes de combat hétérodoxes et une capacité à saisir la moindre occasion. Cela lui vaut le respect de ses pairs.

Tordenskjold n’est pas le seul artisan des succès de la marine danoise durant cette guerre. Si la marine dano-norvégienne est aussi efficace c’est aussi grâce à l’action de l’amiral Ulrik Christian Gyldenløve.

Ce dernier parvient à détruire et à incendier 80 navires de transport suédois en 1712 ce qui empêcha Stockholm de renforcer ses forces à Stralsund dans le nord de l’Allemagne.

Le 11 décembre 1718 le roi Charles XII est abattu lors du siège de Frederiksstens en Norvège. Les anglais et les hollandais se retirent de la guerre. Les dano-norvégiens et les suédois se retrouvent seuls. La paix est finalement signée le 3 juillet 1720 et si le Danemark-Norvège apparaît comme gagnant les gains sont modestes surtout en comparaison des efforts réalisés.

Pendant plus d’une décennie, la marine dano-norvégienne est sous employée faute de guerre. En 1726/1727 elle opère avec une escadre britannique en mer Baltique pour surveiller une marine russe aussi jeune (elle à été officiellement créée en 1692) qu’agressive.

En 1735 le comte Frederik Danneskiold-Samsøes devient commandant en chef de la marine dano-norvégienne. Il agrandit Nyholm et améliore les capacités de l’artillerie navale par la construction de nouvelles fonderies de canons.

Ces années de paix sont pauvres en opérations avec néanmoins des patrouilles dans le Sound et le Great Belt, des croisières d’entrainement avec des cadets, des croisières destinés à tester de nouveaux navires. Ces croisières sont l’occasion de montrer le pavillon en Islande, au Groenland et dans des colonies d’outre-mer plus exotiques qui sont présentes dans les Caraïbes, en Afrique et aux Indes.

La marine dano-norvégienne va également envoyer des escadres en Méditerranée pour protéger son commerce alors que la piraterie endémique dans la Mare Nostrum connaissait un pic d’activité en cette fin de 18ème siècle.

Cette piraterie était menée par les Etats de la Barbarie, des princes d’Alger, de Tunis et du Maroc enfin pas officiellement mais comme ils touchaient un part du butin c’était tout comme.

Régulièrement les marines européennes envoyaient des escadres pour maintenir la piraterie à un niveau raisonnable. En 1770, une force dano-norvégienne attaque Alger mais l’événement majeur de cette action c’est un raid mené contre Tripoli en 1797 pour libérer des prisonniers danois.

En 1762 le tsar Pierre III de Russie arrive au pouvoir à Saint-Petersbourg. L’époux de la future Catherine II était un descendant de la maison Gottorp et en cela un ennemi mortel pour le royaume de Danemark-Norvège.

Il envoie aussitôt une armée dans le Holstein provoquant la mobilisation du Danemark tant sur les plans terrestres que naval, la marine danoise envoyant une escadre de vingt-deux navires. Avant même toute opération, Pierre III fût renversé et la crise se résolut d’elle même.

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