De l’Union de Kalmar au traité de Kiel : apogée et déclin de la puissance danoise (1397-1814)
L’Union de Kalmar
De 1397 à 1523 la Norvège, le Danemark et la Suède vont former un seul et même ensemble connu sous le nom de l’Union de Kalmar (Kalmarunionen).
Comme son nom l’indique il s’agit d’une union personnelle, un même monarque dirigeant les royaume de Danemark, de Norvège et de Suède (qui comprenait une bonne partie de la Finlande) auxquelles il fallait ajouter les possessions d’outre-mer de la Norvège (Islande, Groenland, Feroes et les îles du Nord _Orcades, Shetlands_).
Cette union ne fût pas continue avec quelques courtes interruptions. Sur le plan légal les pays restèrent indépendants mais leurs politiques intérieures et extérieures étaient gérées par un même monarque. En 1523 l’élection de Gustav 1er et son entrée triomphale à Stockholm marqua la fin de l’union de Kalmar quand la Suède fit sécession.

Margareth 1ère
A l’origine de cette union figure la volonté des aristocraties scandinaves de contrer l’influence de la ligue Hanséatique mais aussi celle de la reine Margareth 1er de Danemark.
Cette dernière était la fille de Waldemar IV et était mariée au roi de Norvège et de Suède Haakon VI, ce dernier étant le fils du roi de Suède, de Norvège et de Scanie Magnus IV.
Margareth succède à son père en faisant de son fils Olaf l’héritier du trône de Danemark. En 1376 Olaf devient Olaf II de Danemark avec sa mère comme régente. Quand Haakon VI meurt en 1380, Olaf devient également roi de Norvège.
En 1387 Olaf II meurt, sa mère devient régente des royaume de Danemark et de Norvège, son fils étant mort sans héritier. Elle adopta son petit neveu Eric de Poméranie la même année.
En 1388 les nobles suédois appellent à l’aide contre leur roi Albert. Margareth bat Albert en 1389 et son héritier Eric de Poméranie est proclamé roi de Norvège avant d’être roi de Danemark et de Suède en 1396, son couronnement ayant lieu à Kalmar le 17 juin 1397 d’où le nom de l’union.
Tout n’est cependant pas réglé, les noblesses scandinaves restant turbulentes et indisciplinées.
L’Union perd des territoires quand les îles du Nord (Shetlands, Orcades) sont placées en gage pour le paiement de la dote de la fille de Christian 1er, Margareth qui est mariée à Jacques III d’Ecosse en 1468. En 1472 suite au non paiement de la dote ces îles sont annexées par le royaume d’Ecosse.
L’union de Kalmar prend fin quand la Suède se rebelle et devient indépendante le 6 juin 1523 quand Gustav 1er de Suède est élu. Des structures vont rester en place jusqu’en 1527 quand le Danemark entérine la sécession suédoise et permet la formation d’un royaume dano-norvégien.

Gustav 1er Vasa
En ce qui concerne les monarques de l’Union de Kalmar la situation était souvent confuse puisque quand un roi de Danemark était jugé trop autoritaire, la Norvège et la Suède n’hésitaient pas à élire un roi ou un régent concurrent. Voilà pourquoi la liste suivante voit parfois cohabiter plusieurs rois ou régents en même temps.
Pour le Danemark on trouve Margareth 1er de 1387 à 1412, Eric de Poméranie de 1412 à 1439, Christophe III de 1140 à 1448, Christian 1er de 1448 à 1481, Hans de 1481 à 1513 et Christian II de 1513 à 1523.
Pour la Norvège on trouve Margareth 1er de 1387 à 1389, Eric de Poméranie de 1389 à 1442, Christophe de Bavière de 1442 à 1448, le régent Sigurd Jonsson en 1448/49, Karl 1er en 1449/1450, Christian 1er de 1550 à 1481, le régent Jon Svaleson Smor de 1481 à 1483, Hans de 1483 à 1513 et Christian II de 1513 à 1523.
Pour la Suède on trouve Margareth 1er de 1389 à 1412, Eric de Poméranie de 1396 à 1439, Charles VIII de 1438 à 1440, Christophe de Bavière de 1441 à 1448, les régents Bengt et Nils Jönsson Oxenstierna en 1448, Charles VIII à nouveau de 1448 à 1457.
Lui succède deux régents Bengtsson Oxenstierna et Eric Axelsson Tott en 1457 qui cèdent bientôt la place à Christian 1er qui reste au pouvoir de 1457 à 1464 avant que Charles VIII revienne à nouveau au pouvoir de 1464 à 1465.
En 1465 le pouvoir est assuré par un régent Kettil Karlsson Vasa avant que ne lui succède Jöns Bengtsson Oxenstierna (1465 à 1466) puis Erik Axelsson Toot (1466 à 1467). Charles VIII est une dernière fois au pouvoir de 1467 à 1470.
De 1470 à 1497 un régent est au pouvoir (Sten Sture l’ancien) avant que de ne lui succède John au pouvoir de 1497 à 1501. Pendant près de vingt ans on trouve des régents, Sten Sture l’ancien de 1501 à 1503, Svante Sture de 1504 à 1511, Erik Trolle en 1512 et enfin Erik Sture le jeune de 1512 à 1520 avant que ne lui succède Christian II de 1520 à 1521 appelée Kristian II le Tyran.
Revenons un peu plus sur le Danemark stricto sensu. Margareth 1er fille de Valdemar IV et épouse d’Haakon VI profite de la mort prématurée de son fils Olaf II en 1387 pour gouverner les royaumes de Danemark, de Norvège et de Suède sans compter le territoire finlandais et les possessions outre-mer de la Norvège.
Son successeur Eric de Poméranie (roi de Danemark de 1412 à 1439) moins habile que Margareth va provoquer de sérieux troubles dans l’Union de Kalmar en partie parce qu’il lança le Danemark dans une série de guerres avec les comte de Holstein et la ville hanséatique de Lübeck.
Quand la Ligue Hanséatique imposa un embargo sur la Scandinavie, les suédois se révoltèrent ce qui entraîna la déposition d’Eric en 1439.
Son successeur est son neveu Christophe de Bavière qui accède au trône en 1440, parvenant à brièvement réunifié l’Union (1442-1448) même si la noblesse suédoise acceptant de moins en moins la loi danoise fit que cette réunification était plus théorique que pratique.
Les tensions s’accroissent sous les règnes de Christian 1er (1450-1481) et de Hans (1481-1513) provoquant une série de conflits entre la Suède et le Danemark.

Christian II
Christian II (1513-1523) tente de réinstaller l’union de Kalmar par la force, politique marquée notamment par le Bain de Sang de Stockholm de novembre 1520, tragique événement au cours duquel 100 leaders du parti suédois anti-unioniste furent tués.
Au lieu de renforcer l’union cette action fût l’élément déclencheur d’une révolte qui allait aboutir à la fin de l’Union de Kalmar et à la naissance de deux royaumes : le royaume de Danemark-Norvège et le royaume de Suède (qui contrôlait une bonne partie de l’actuelle Finlande).
La Réforme danoise
La fin de l’Union de Kalmar n’est pas le seul bouleversement que connait le royaume nordique. En effet les bouleversements politiques se doublent de bouleversements réligieux avec la Réforme et le basculement du Danemark dans le camp luthérien comme l’ensemble de la Scandinavie (Norvège, Suède).
Comme chacun le sait la Réforme à pour origine l’action d’un moine saxon Martin Luther qui publie en 1517 les quatre-vingt quinze thèses. Il remet en cause les indulgences et plus généralement tout ce qui ne va pas dans l’Eglise catholique apostolique et romaine.
Luther n’est pas le premier à vouloir une profonde réforme de l’Eglise mais il va réussir là ou d’autres ont échoué qu’ils soient cathares ou hussites. Peut-être es-ce une question de contexte qui fait que les idées se diffusent plus vite à cette époque que jadis.
Le Danemark va basculer dans le camp protestant quelques années seulement après l’apparition du moine de Wittenberg. Luther est excommunié en 1521 et dès 1524 deux moines danois Hans Mikkelsen et Christiern Pedersen traduisent le Nouveau Testament en danois, l’ouvrage devenant immédiatement un best-seller.
Autre personnage clé du basculement danois dans la Réforme, un autre moine danois Hans Tausen qui appartenait à l’Ordre des Hospitallers de Saint-Jean.
Le jeudi saint 1525 il profite du pupitre de l’abbaye de Antvorskov pour proclamer les thèses de Luther, scandalisant ses supérieurs qui l’envoie à Viborg où il est en quelque sort assigné à résidence ce qui ne l’empêche de précher depuis la fenêtre de sa cellule, attirant chaque jour un public toujours plus nombreux. Il finit même par convaincre le supérieur de l’abbaye qui décide de le libérer. Viborg devient le centre de la réformation danoise.
Mieux même en octobre 1526 le roi Frédéric 1er de Danemark fait de Tausen son chapelain personnel signe que les idées luthériens ont pu prospérer au pays des Danes parce qu’il y à trouvé un terreau très favorable. Les villes danoises basculent les unes après les autres : Aarhus, Aalborg, Copenhague…… . A l’époque point de conflits mais une cohabitation dans les mêmes édifices religieux des catholiques et des protestants.
Cela commence à dégénérer en décembre 1531 quand l’évêque de Copenhague refuse d’admettre dans la cathédrale Notre Dame de Copenhague ceux qu’il considéré comme des hérétiques. Les protestants provoquent une émeute iconoclaste dans la cathédrale, émeute encouragée par le maire de Copenhague Ambrosius Bogbinder. Cela met fin à la politique conciliatrice de Frédéric Ier politique qui comme souvent provoquait de l’insatisfaction dans les deux camps.
Très rapidement impossible de revenir en arrière. En effet la réforme protestante à entraîné un bouleversement des structures économiques, de puissants intérêts financiers rendant impossible un retour durable à l’ordre ancien.
Les monastères (majoritairement franciscains) sont ainsi fermés non sans parfois des violences entraînant la mort de moines de plus en plus vus au Danemark comme des parasites vivant aux crochets de la société. Ce n’était pas totalement faux mais ce n’était pas totalement vrai, la fermeture des monastères entraînant également la fin d’un certain nombre d’œuvres de charité qui soulageaient la misère d’une partie de la population.
Le roi Frédéric 1er meurt en 1533. L’assemblée de Viborg proclame son fils, le duc Christian de Schleswig roi sous le nom de Christian III. Le conseil d’Etat de Zelande contrôlé par les évêques catholiques refuse de reconnaître Christian III qui à la différence de son père était un luthérien convaincu.
Ils encouragent donc Christophe de Oldenburg à devenir régent du Danemark au nom de son oncle Christian II déposé en 1523. L’affrontement devient militaire, le roi élu et son opposant levant chacun une armée composée de mercenaires venant essentiellement des pays allemands.
C’est le début d’une guerre civile connue sous le nom de Grevens Fejdge (querelle des comtes).
A cet affrontement entre «gens bien nés» va bientôt s’ajouter une rébellion de paysans catholiques dans le nord du Jutland, rébellion menée par Skipper Clément (de son vrai non Klemen Andersen). Cette rébellion va se s’étendre sur tout le pays.
L’armée de Christian III bat une armée de nobles catholiques à Svenstrup le 16 octobre 1534 obtenant le retrait de la ligue hanséatique qui avait fournit des troupes au comte Christophe de Oldenbourg. 2000 rebelles catholiques sont massacrés à Aalbrog en décembre 1534 de lors de la prise de la ville. En 1536 Skipper Clement capturé deux ans plus tôt est exécuté. C’est clairement la fin des espoirs catholiques de rétablir l’ordre ancien.
Au printemps 1536, Christian III bien aidé par Gustav Vasa est parvenu à reprendre le contrôle de son territoire qui devient officiellement luthérien le 30 octobre 1536, le Danemark adoptant la Confession d’Augsbourg en 1537 ce qui entraine la mise sur pied d’une église d’Etat (Folkekirken).
Le triomphe des luthériens entraîne une dure répression vis à vis des catholiques refusant d’abjurer.
C’est ainsi que les évêques catholiques sont mis en prison y restant jusqu’à ce qu’ils acceptent de soutenir la réforme protestante et donc de se marier. Les biens matériels de l’Eglise sont vendus et leurs nouveaux propriétaires prennent peu de gants. Les réactions de l’empereur Charles Quint et de la papauté sont timorées probablement en raison de l’éloignement de la région.
Plus généralement le 17ème siècle sera une période de stricte orthodoxie, le Danemark réprimant aussi bien les catholiques que les calvinistes.