Reconnaissance Observation et Coopération
Avant-propos
Si la Belgique à longtemps hésité à s’équiper de bombardiers, en revanche dans le domaine de la reconnaissance, de l’observation et de la coopération, aucune hésitation probablement parce qu’on ne peut pas accuser un pays de «provoquer» en s’équipant d’avions destinés à ces missions.
Un point sémantique tout d’abord. Comment différencier la reconnaissance de l’observation et de la coopération. Ce n’est pas une chose facile à faire car ces missions peuvent se chevaucher. Je vais donc tenter moi simple fana mili de définir ses différentes missions.
Je classerai ainsi les missions de reconnaissance au niveau opératif (intermédiaire entre la tactique et la stratégique), les avions utilisés pouvant aller vite et loin (ce qui peut aboutir à des avions de reconnaissance stratégique comme le Bloch MB-178) pour surveiller le front, ses arrières immédiat et même l’arrière lointain par exemple les routes, les ponts, les chemins de fer pour détecter une concentration anormale qui annonce une offensive prochaine.
Ces informations qui peuvent être recueillies par la vue mais surtout par la photo sont recoupées avec des renseignements d’origine électronique, des interceptions radios, des informations d’agents infiltrés pour permettre au haut-commandement de définir la meilleure stratégie qu’elle soit offensive ou défensive.
L’observation en revanche dépend davantage selon moi de la tactique, des opérations. Les appareils utilisés sont généralement petits et maniables comme le Henschel Hs-126 allemand, le Renard R-31 belge ou encore les différents modèles produits par la firme ANF-Les Mureaux.
Ils opèrent surtout dans le feu de l’action pour diriger les feux amis que ce soit de l’artillerie ou de l’aviation.
C’est là que ce concept se chevauche avec la coopération, un concept flou et souvent utiliser par les différentes armées de terre pour entraver la mise en place d’armées de l’air indépendantes.
En septembre 1939 quand éclate la guerre de Pologne, l’Aéronautique Militaire Belge dispose d’avions de reconnaissance, d’observation et de coopération.
Le 1er régiment dispose de six groupes avec quatre d’entre-eux équipés de Fairey Fox et deux équipés de Renard R-31 alors que le 3ème régiment chargé de missions de reconnaissance et de bombardement dispose d’un groupe de Fairey Fox et d’un groupe mixte volant à la fois sur Fairey Battle et sur Fairey Fox.
En septembre 1948, la situation à changé au niveau de l’équipement et de l’organisation avec deux régiments, les 5ème et 6ème régiments de l’AMB.
Le 5ème régiment dispose de trente-deux bimoteurs de reconnaissance tactique Bréguet Br694, un groupe d’avions d’observation Renard R-31B et un groupe d’avions de reconnaissance Renard R-40B.
Le 6ème régiment dispose de trente-deux Renard R-40B et de trente-deux Dewoitine D-720 de coopération.
Au moment de sa reconstitution, un Escadron de reconnaissance est mis sur pied, escadron volant d’abord sur Bloch MB-176bis puis à la fin du conflit sur des De Havilland Mosquito même si ces derniers n’ont réalisé que quelques missions avant la capitulation allemande.
Fairey Fox
Le Fairey Fox est un biplan initialement conçu pour la Royal Air Force (RAF) pour des missions de chasse et de bombardement léger mais qui allait être utilisé par la Belgique essentiellement comme avion de reconnaissance et d’observation (NdA d’où sa présence dans cette catégorie).
Le Fairey Fox est un petit biplan à train fixe qui effectue son vol initial le 3 janvier 1925 après deux ans de développement. Il est mis en service en juin 1926 au sein de la Grande-Bretagne en attendant l’exportation en Belgique, en Suisse et au Pérou.
A noter qu’il s’agissait d’une initiative de Fairey Aviation et non d’une demande officielle qui intervint plus tard. Le Fairey Fox va être retiré du service en 1931 après son remplacement par le Hawker Hart, quelques appareils servant jusqu’en 1933 pour l’entrainement.
En 1928, un concours est organisé en Belgique pour remplacer les Bréguet 19 ainsi que les Airco DH.4 et DH.9. Ce concours ne débouche pas immédiatement
Il faut attendre 1931 pour que les choses bouges après la présentation du Fairey Fox II, un appareil conçu par un ingénieur aéronautique belge Marcel Lobelle.
Douze appareils sont commandés directement à la Grande-Bretagne et sont suivis par 31 appareils produits dans la filiale belge de Fairey à Gosselies, deux d’entre-eux étant des Fairey Fox IIS à double-commande pour l’entrainement.
C’est le début d’un formidable développement, la Belgique se dotant de plusieurs versions du Fox qui va devenir le «bon à tout faire» de l’Aéronautique Militaire.
Ce n’est pas vraiment un choix mais plutôt en raison de contraintes financières et politiques (les fournisseurs traditionnels de la Belgique privilégient leur propre réarmement et non l’exportation vers un pays neutre à l’attitude incertaine en cas de conflit).
Les modifications concernent l’armement et la radio mais aussi le moteur. Certains appareils reçoivent une verrière pour améliorer le confort pour le pilote.
Au total le Fairey Fox à été produit en différentes versions, le Fox I (25 exemplaires dont le prototype parfois connu sous le nom de Fairey Felix), le Fox IA (trois exemplaires plus huit Fox I convertis avec un nouveau moteur), le Fox IIM (un prototype), le Fox II destiné pour la Belgique (43 exemplaires dont deux IIS, le Fox III et sa variante d’entrainement Fox IIIS (61 exemplaires pour la Belgique), le Fox IV (un démonstrateur plus six en version hydravions pour le Pérou), le Fox VIR (26 exemplaires dont 24 pour la Belgique et deux pour la Suisse), le Fox VIC un chasseur biplace produit à 52 exemplaires, le Fox VII un chasseur monoplace produit à deux exemplaires et enfin le Fox VIII (douze exemplaires).
Le Fairey Fox est progressivement retiré du service à partir du printemps 1941 après avoir équipé aussi bien des unités de reconnaissance, de bombardement ou de chasse. Les derniers appareils quittent les unités de première ligne en juin 1943.
Quelques appareils volent encore pour des missions secondaires (entrainement, liaison, remorquage de cibles…..) pendant encore quelques années, le dernier vol d’un Fox belge ayant lieu le 14 février 1946. Tous les appareils sont ferraillés.
Caractéristiques Techniques
Type : biplace biplan de reconnaissance et de bombardement léger
Masse à vide 1327kg en charge 2350kg
Dimensions : longueur 9.38m envergure 11.56m hauteur 3.52m
Motorisation : un moteur en ligne Hispano-Suiza 12 Ybrs de 860ch
Performances : vitesse maximale 361 km/h à 4000m distance franchissable 1020km plafond opérationnel 10000m
Armement : deux mitrailleuses tirant vers l’avant et une mitrailleuse en poste arrière 100kg de bombes
Renard R-31
Comme nous avons pu le voir dans la partie historique ou encore dans la partie consacrée au Renard R-36M, les autorités belges avaient un comportement schyzophrène vis à vis des concepteurs d’avions nationaux.
Tout en voulant développer des avions nationaux, les autorités belges se montraient sceptiques voir intraitables vis à vis des problèmes de développement, préférant commander des avions étrangers.
Cette attitude changera un peu au cours des années quarante mais majoritairement les avions de l’Aéronautique Militaire Belge furent étrangers.
Parmi les avions de conception et de fabrication belge en service figure le Renard R-31, un monoplan parasol biplace à train fixe qui effectua son vol inaugural le 16 octobre 1932. En mars 1934, une première commande de vingt-huit appareils est passée entre la firme Renard (six appareils) et la SABCA qui se charge du reliquat.
Une nouvelle commande de six exemplaires est passée en août 1935 portant la production totale à trente-quatre exemplaires.
Un projet de R-32 avec un moteur Lorraine Pétrel fût étudié mais comme les performances n’étaient pas accrues de manière significatives, le R-31 utilisé revint à sa configuration initiale.
L’appareil n’était pas vraiment populaire parmi les équipages mais il n’avait pas d’autre choix et faisaient donc contre mauvaise fortune bon cœur.
Une partie de la flotte est modernisée en 1940/41 avec quelques modifications de structure, un moteur Rolls-Royce plus puissant, un armement renforcé et surtout un cockpit entièrement fermé pour rendre les longs vols de reconnaissance moins pénibles pour le pilote et l’observateur-mitrailleur.
Ces seize appareils deviennent des Renard R-31B et sont toujours en service en septembre 1948 au sein du 5ème régiment. Inutile de préciser qu’à l’époque l’appareil est totalement obsolète, obsolescence dont les belges sont conscients puisque son remplacement par des R-40B était dans les tuyaux avec une lettre d’intention de commande mais aucune commande ferme.
Au 10 mai 1949, il ne restait plus en métropole que quinze appareils opérationnels, un R-31B ayant été abattu par la chasse allemande alors que l’avion engagé dans une mission de reconnaissance à la frontière belgo-allemande s’était visiblement perdu. Les deux pilotes n’ont malheureusement pas survécu.
Les frappes menées à l’aube par les bombardiers et les chasseurs-bombardiers allemands détruisent cinq appareils ne laissant que dix avions qui peuvent décoller pour répérer les troupes allemandes et informer l’état-major.
Comme souvent dans ce genre de situation, les R-31B doivent jouer au chat et à la souris avec la chasse tant l’écart de performances est grand entre un Renard R-31B et un Messerschmitt Me-109 ou un Focke-Wulf Fw-190.
Résultat à la capitulation belge, il restait seulement deux appareils qui vont être un temps réutilisés par la Belgian Training Unit jusqu’au printemps 1951 quand les avions sont retirés du service et ferraillés.
Huit appareils cédés à la Force Publique au Congo vont être utilisés jusqu’au printemps 1950 quand ils sont définitivement remplacés par des Dewoitind D-720B. Deux appareils vont continuer à voler pour des opérations de police coloniale jusqu’à la fin du second conflit mondial quand leur usure impose leur retrait du service pour des raisons de sécurité.
Caractéristiques Techniques
Type : biplace monoplan monomoteur d’observation et de coopération
Masse à vide 1330kg en charge 2130kg
Dimensions : longueur 9.2m envergure 14m hauteur 2.92m
Motorisation : un moteur en ligne Rolls-Royce Kestrel IIS (Hispano-Suiza 12Y-09 pour le R-31B de 480ch (650ch pour l’Hispano-Suiza) entrainant une hélice bipale à pas fixe
Performances : vitesse maximale 294 km/h à 4000m (315km/h pour le R-31B), vitesse de croisière 238km/h (250km/h pour le R-31B), plafond opérationnel 8750m distance franchissable 650km
Armement : une mitrailleuse Vickers tirant vers l’avant une Lewis tirant vers l’arrière. Les R-31B disposaient de deux mitrailleuses Vickers tirant vers l’avant et de deux mitrailleuses identiques tirant vers l’arrière.
Bréguet Br694

Bréguet Br693. Le 694 est pour simplifier son évolution triplace
En septembre 1939, la Belgique ne possède pas d’avion de reconnaissance tactique capable de voler sur l’arrière du front et récupérer des renseignements d’ordre opératif. Cela s’explique probablement par la volonté de ne pas «provoquer» les allemands, une véritable obsession pour les autorités belges des années trente surtout après le retour à la neutralité en 1936.
Cela change à l’état 1940 avec la décision de commander des bimoteurs triplace de reconnaissance Bréguet Br694. Cet avion comme sa désignation l’indique était un rejeton de la prolifique famille initiale par le Bréguet 690. Je reviendrai pas sur le développement que j’ai déjà abordé dans la partie consacrée au chasseur lourd Bréguet Br700C2.
A l’origine du Bréguet Br694 figure une demande de la Suède qui cherchait un avion de reconnaissance tactique. Le vol inaugural du Bréguet Br694 à lieu le 20 juin 1940. La Flygvapanet se montre satisfaite et passe commande de douze appareils qui sont livrés à la fin de l’été, un délai court car visiblement Bréguet avait anticipé l’acceptation suédoise.
Ce succès entraîna un intérêt de la Belgique qui passa commande de six appareils plus une licence de fabrication pour vingt-six autres exemplaires soit un total de trente-deux appareils.
Initialement l’Armée de l’Air n’était pas intéressée par le 694 estimant ses besoins couverts par les Bloch MB-174, MB-175,MB-176 et MB-178. Elle change cependant d’avis et commande un deuxième prototype qui décolle le 4 août 1940. 227 appareils (165 Br694 et 54 Br697) vont être ainsi livrés pour équipés des Groupes Indépendants de Reconnaissance destinés au Corps de Cavalerie et aux Corps d’Armées Cuirassées.
L’Aéronautique Militaire Belge va donc recevoir trente-deux appareils pour équiper deux groupes du 5ème régiment. Les six appareils sont livrés à l’automne 1940 et les appareils produits sous licence au printemps 1941.
En septembre 1948, trente-deux appareils sont disponibles même si parmi ces bimoteurs on trouve quatre appareils commandés en juin 1945 pour remplacer des avions perdus au cours d’entrainement ou réformés suite à une usure trop prononcée.
Au 10 mai 1949, il restait trente appareils, deux avions ayant perdu durant la drôle de guerre, un dans un accident et un autre visiblement abattu par la Flak alors qu’il survolait la frontière côté belge.
Les bombardements à l’aube détruisent dix appareils, réduisant la flotte à vingt. Ces appareils vont être utilisés aussi bien pour la reconnaissance que pour le bombardement. Les pertes sont importantes mais au 27 juin 1949 il reste tout de même huit appareils.
Deux appareils vont être utilisés pour l’entrainement entre mars 1950 et décembre 1952, les autres appareils usés et/ou en mauvais état vont être cannibalisés pour maintenir deux avions en état de vol (la France à aussi fournit des pièces issus de ses stocks). Ces deux avions ont été ferraillés une fois le conflit terminé.
Caractéristiques Techniques du Bréguet Br694 et 697
Type : bimoteur triplace de reconnaissance tactique
Poids : à vide 2980kg en charge 4750kg
Dimensions : envergure 15.36m longueur 10.30m hauteur 3.19m
Motorisation : deux Gnôme-Rhône 14M-6 de 725ch entraînant des hélices tripales. Le Bréguet 697 disposait de Gnôme-Rhône 14N de 1100ch
Performances : vitesse maximale 490km à 5000m (520 pour le 697) Plafond 9500m (10200m pour le 697) Autonomie 2000km
Armement : deux mitrailleuses de 7.7mm dans le nez et une mobile arrière pour le 694, quatre mitrailleuses de 7.7mm dans le nez et deux mobiles arrières pour le 697.
Bloch MB-176

Bloch MB-174 en vol
Le Bloch MB-176 est un élégant bimoteur de reconnaissance tactique, «The French Mosquito» comme l’ont appelé certains pilotes anglais francophiles.
A l’origine de cet appareil figure un projet lancé par une équipe d’ingénieurs de la SNCASO (Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest) issu de la compagnie «Avions Marcel Bloch» pour un bimoteur bi ou triplace destiné à combler l’espace séparant les bombardiers du programme B4 (Amiot 351, Lioré et Olivier Léo 451) et des bimoteurs légers qu’il s’agisse du triplace de chasse Potez 631 ou des biplaces d’assaut Bréguet Br691.
Il s’agissait d’un élégant bimoteur à ailes bases cantilever pouvant accueillir un équipage de deux ou trois hommes sous une large verrière placée très avant d’un fuselage ovoïde.
La soute à bombes était réduite et l’armement composé d’un canon de 20mm à l’avant gauche du fuselage, deux mitrailleuses d’ailes et deux autres de défense arrière, une en poste supérieure et une dans une coupole ventrale.
Deux prototypes du MB-170 furent réalisés, le premier effectuant son premier vol le 15 février 1938 mais fût perdu le 17 mars 1938, le second restant seul en piste, un second prototype à la configuration modifiée (suppression de la coupole ventrale notamment).
Les besoins officiels ayant changé, les projets MB-171/172/173 ne dépassèrent pas le stade la planche à dessin et seul resta en piste, le MB-174 conçu pour la reconnaissance stratégique, le premier prototype quittant le plancher des vaches la première fois le 5 janvier 1939.
Après la production de seulement cinquante Bloch MB-174, l’Armée de l’Air préféra miser sur le Bloch MB-175.
En septembre 1939, les plans officiels prévoyaient pour l’armée de l’air la commande de 814 MB-175 et de 323 MB-176.

Pratt & Whitney Twin Wasp
Ce dernier modèle était identique en tout point au MB-175 à une exception mais importante les moteurs. Aux Gnôme et Rhône 14N, il préférait les Pratt & Whitney Twin Wasp. Ce plan fût révisé en février 1940 avec 660 MB-175 et 1550 MB-176 à livrer entre avril 1940 et juillet 1941.
Au sein de l’armée de l’air française, les Bloch MB-175 et MB-176 (les MB-174 ont été rapidement retirés des unités de première ligne pour l’entrainement) vont à la fois remplacer des unités équipées de Potez 63.11 mais aussi permettre la création de nouvelles unités.
Quand le second conflit mondial éclate en septembre 1948, le Commandement de Reconnaissance et de Coopération (CRC) dispose de quatre escadres à quatre groupes de quatre escadrilles de neuf appareils soit 576 appareils en ligne. A cela s’ajoute pour le MB-175, les seize appareils destinés aux GCRO (Groupes Coloniaux de Reconnaissance et d’Observation) d’Indochine, les huit pour le GRCO (Groupe de Reconnaissance, de Coopération et d’Observation) de Corse et les MB-175T de la marine (144 appareils).
Au final le Bloch MB-175 va équiper douze des trente-six GAO (Groupes Aériens d’Observation) destinés aux Corps d’Armées soit un total de 96 appareils, les deux GCRO d’Indochine soit 16 appareils et la 33ème escadre de reconnaissance soit 144 appareils. A cela s’ajoute 296 appareils stockés portant le total à 550 appareils, les appareils étant livrés entre mai 1940 et septembre 1943.

Potez 63-11
En mars 1944, les Potez 63-11 des deux groupes de reconnaissance de la Force Aérienne Polonaise Libre (FAPL) équipés de seize appareils chacun sont remplacés par des Bloch MB-175 réduisant le stock à 264 avions.
Son demi-frère Bloch MB-176 va équiper les vingt-quatre autres GAO soit un totla de 192 appareils sans oublier les trois autres escadre de reconnaissance tactique et le GRCO de Corse soit un total de 440 appareils.
On arrive à 624 appareils en ligne et avec les appareils en réserve, le nombre passe à 1248 ! Les MB-176 sont livrés entre septembre 1943 et septembre 1948 à raison d’une vingtaine d’appareils par mois ce qui représente une cadence plus qu’honorable.
En juin 1944, deux groupes indépendants de reconnaissance composés de pilotes tchèques remplacent leurs Potez 63-11 par vingt-quatre Bloch MB-176 soit douze appareils par groupe, réduisant le stock à 600 avions.
On est donc en légère baisse par rapport au contrat initial qui prévoyait 2200 appareils. Le total final est donc de 1798 appareils dont seulement 936 appareils en ligne. Ce fort taux de réserve s’expliquant par les craintes d’une saignée dans les unités de reconnaissance.
Quand le second conflit mondial éclate en septembre 1948, ces avions sont toujours en service mais le stock de MB-175 est tombé à 248 et celui du MB-176 est passé de 600 à 540 entre les accidents, l’usure et la réforme d’appareils victimes de problèmes structurels.
La production n’est pas reprise mais des versions améliorées sont produites avec des moteurs plus puissants et un armement défensif renforcé avec quatre mitrailleuses dans les ailes.
Si le Bloch MB-175bis et le Bloch MB-175ter ne dépassent pas le stade du prototype pour l’Armée de l’Air (la marine développe un Bloch MB-175TBS _Torpilleur Bombardier Surveillance_ l’équivalent du Bloch MB-175bis), en revanche le Bloch MB-176bis est produit en série alors que le Bloch MB-176ter qui aurait du être produit à l’été 1954 ne verra jamais le jour en raison de la fin du conflit.
Le Bloch MB-176bis est toujours propulsé par des moteurs Pratt & Whitney dont une chaîne de montage est montée en France. Cette chaîne fournissait aussi bien l’industrie aéronautique française mais aussi l’USAAF pour remettre en état des avions endommagés mais réparables.
Les premiers MB-176bis sont produits au printemps 1949 et mis en service à la fin de la Campagne de France (dont la fin est traditionnellement datée au 17 octobre 1949 avec l’opération HUBERTUS).
La Belgique qui cherche à reconstituer ses unités de reconnaissance aurait visiblement voulu conserver le Bréguet Br694 mais l’appareil n’étant plus produit elle va se rabattre sur le MB-176bis, vingt appareils étant livrés entre février et mai 1950 pour équiper l’Escadron de Reconnaissance n°4 unité également connue sous le nom de N°451 Squadron (Belgium). A ces vingt appareils de première ligne vont s’ajouter vingt autres appareils comme volant de réserve.
Les pilotes belges qui pour beaucoup étaient des vétérans du Bréguet Br694 sont opérationnels sur la petite merveille française à l’été 1950. Ils vont mener des opérations de reconnaissance au dessus de la France pour surveiller l’évolution du dispositif allemand qui à cette époque est passé en mode défensif avec de nombreuses lignes de défense, des lignes baptisées ALARIC, ATTILA, LOTHAR,WOLFANG, GOTHIC et WAGNER.
Le 18 juin 1951, l’opération AVALANCHE est déclenchée. Les unités belgo-néerlandaises restent en réserve stratégique ce qui permet aux pilotes de l’escadron de reconnaissance n°4 de souffler, de récupérer des pilotes et des avions neufs. A l’époque le stock belge de MB-176bis est tombé à trente appareils, dix appareils ayant été perdus au combat ou accidentellement.
Quand l’ABL est engagée au combat, l’escadron de reconnaissance belge est naturellement engagé pour l’éclairer et la renseigner.
Ce renseignement était néanmoins plus opératif que tactique bien qu’à plusieurs reprises certains officiers belges agressifs et audacieux n’ont pas hésité à profiter de la situation en exploitant immédiatement un renseignement brut. Cette attitude était cependant à double tranchant et pouvait aboutir à de sérieuses déconvenues.
Les missions sont dangereuses, les pertes en hommes et en matériel très lourdes. En octobre 1953, il ne reste plus que vingt-quatre appareils disponibles soit vingt appareils en ligne et quatre de réserve.
Le gouvernement belge qui anticipe sur l’après guerre et veut éviter d’être à la remorque de la France décide de rééquiper son unité de reconnaissance avec des De Havilland Mosquito. Les autorités françaises se contentent de prendre acte de la décision belge mais on imagine que cela n’à pas du faire que des heureux.
Les derniers Bloch MB-176bis belges sont retirés du service en mars 1954 même si dès janvier, le Mosquito avait mené des missions au dessus de l’Allemagne. Ces missions seront peu nombreuses ce qui fait dire à certains pilotes belges nostalgiques du MB-176bis «tout ça pour ça».
Caractéristiques Techniques du Bloch MB-174/75
Type : bimoteur de reconnaissance et de bombardement triplace
Poids : à vide 5600kg maximal 7150kg
Dimensions : Envergure 17.80m Longueur 12.15m (12.30m pour le MB-175) Hauteur 3.50m. Le MB-176 affichent les dimensions suivantes : 17.95m d’envergure, 12.25m de longueur et 3.55m de hauteur
Motorisation : deux moteurs Gnôme-Rhône 14N-48 (gauche) N-49 (droite) 14 cylindres en étoile, refroidis par air et développant 1140ch au décollage. Les MB-176 disposaient des Pratt & Whitney Twin Wasp R-1830 SC 3G de 1050 ch
Performances : vitesse maximale 530 km/h autonomie maximale 1800km plafond pratique 11000m
Armement : deux mitrailleuses MAC 34 de 7.5mm dans les ailes (1000 coups chacune), un jumelage de deux MAC en défense arrière, une puis trois MAC 34 en défense inférieure arrière (une orientée vers l’avant, deux vers l’arrière) 400 kg de bombes (500kg de bombes pour le MB-175)
Les MB-176bis disposaient eux de mitrailleuses de 7.7mm Browning en remplacement des MAC 34.
De Havilland Mosquito
Dans les années trente, la construction aéronautique abandonne progressivement le bois et la toile pour le métal et différents alliages légers. Comme ces matériaux pouvaient être difficiles à retrouver on continua à travailler sur des avions fabriqués avec des «matériaux non-stratégiques».
Parmi ces avions figurent le De Havilland Mosquito, un élégant et rapide bimoteur destiné à la reconnaissance non-armée en utilisant sa vitesse pour échapper à la chasse.
Cinq prototypes sont commandés le 15 avril 1940 (deux en version bombardier, un en version chasse lourde, un en version reconnaissance et un en version bombardement-torpillage).
Le prototype du bombardier rapide vole pour la première fois le 14 janvier 1941, celui de la chasse lourde le 5 février 1941, celui de bombardement-torpillage quittant pour la première fois le plancher des vaches le 14 mars 1941.
Le deuxième prototype en version bombardier rapide décolle pour la première fois le 27 juin 1941 suivit du deuxième prototype en version reconnaissance le 4 juillet 1941. Les test intensifs sont menés jusqu’à l’automne 1942 quand décision est prise de passer à la production en série.
La version bombardier rapide est abandonnée, la priorité de production étant donnée aux versions reconnaissance et chasse lourde (même si pour cette seconde mission le Beaufighter était prioritaire).
Les belges s’intéressent à l’appareil à la fin du second conflit mondial pour prendre la relève des pourtant très modernes Bloch MB-176bis. Ce choix comme nous l’avons vu plus haut est clairement politique pour éviter une trop grande dépendance politique vis à vis de la France.
En octobre 1953, le gouvernement belge installé depuis quelques semaines à Paris en attendant de revenir en Belgique prend la décision de remplacer ses MB-176 par des Mosquito. Les premiers «moustiques» arrivent en novembre et les équipages commencent leur transformation. Les premiers missions sont menées dès janvier 1954.
Au total trente-six De Havilland Mosquito sont livrés à la Belgique et six perdus avant la capitulation allemande, essentiellement en raison de la Flak même si un appareil est abattu par un chasseur allemand en février 1954.
L’appareil reste en service une fois le conflit terminé, volant sous les cocardes belges jusqu’en 1960 quand il est retiré du service est remplacé par une version adaptée du Bréguet Vautour, un bombardier biréacteur français également utilisé pour la reconnaissance et la guerre électronique.
Caractéristiques Techniques du De Havilland DH.98 Mosquito PR. Mk VII
Type : bimoteur biplace de reconnaissance
Masse à vide 5942kg avec armement 8210kg maximale au décollage 10150kg
Dimensions : envergure 16.52m longueur 13.57m hauteur 5.3m
Motorisation : deux moteurs en ligne Rolls-Royce Merlin XXXIII de 1480ch chacun
Performances : vitesse maximale 612 km/h rayon d’action 2301km plafond opérationnel 10520m
Armement : quatre canons de 20mm Hispano-Suiza dans le nez et quatre mitrailleuses de 7.7mm Browning dans les ailes. Appareils photos dans la soute à bombe, pods de fusées éclairantes sous les ailes
Dewoitine D-720
Le Dewoitine D-720 est dans la terminologie française un «triplace de travail», un avion léger destiné à des missions de liaison, d’observation, de coopération et de bombardement léger. En 1937, le programme est lancé avec un Dewoitine D-700 à train fixe remplacé par un Dewoitine D-720 avec un train rétractable, de nouveaux moteurs et une pointe avant vitrée.
Le premier vol à lieu le 10 juillet 1939. l’appareil est mis en service au printemps 1941 au sein de l’armée de l’air qui passe des commandes régulières pour aboutir à un total de 846 appareils (528 en ligne, 36 pour l’entrainement sur multimoteurs et 282 en réserve).
A cela s’ajoute le Dewoitine D-720M pour la Marine (42 exemplaires) et le D-720bis, une version du D-720M pour l’armée de l’air (172 exemplaires) soit un total de 1060 exemplaires avant même les commandes de guerre !
La Belgique s’intéresse à l’appareil au printemps 1946 en recevant trente-deux appareils dont les premiers sont prélevés sur les stocks français pour accélérer les livraisons.
L’appareil doit être utilisé pour la reconnaissance tactique, l’observation, le repérage des cibles et le réglage des tirs de l’artillerie mais aussi le transport léger, les liaisons voir le bombardement léger.
Au 10 mai 1949, l’Aéronautique Militaire Belge possède encore trente Dewoitine D-720, un appareil ayant été perdu lors d’un entrainement au nord des Pays-Bas (perdu dans le brouillard il s’est écrasé dans le sud des Pays-Bas ne laissant aucun survivant) et un autre victime d’une sortie de piste est ferraillé après récupération des pièces encore utiles.
Les frappes allemandes menées à l’aube du 10 mai 1949 prélèvent également leur part sous la forme de dix appareils détruits au sol. La flotte va finalement tomber à neuf appareils à la fin de la Campagne de Belgique.
Sur ces neuf appareils, deux vont être réutilisés par l’AMBL pour l’entrainement au sein de la Belgian Training Unit. Es-ce la fin de la carrière de première ligne du petit bimoteur de Dewoitine sous les couleurs belges (Huit appareils vont servir pour l’entrainement)?
Non mais elle va s’inscrire loin de l’Europe. En effet la Force Publique disposait de moyens aériens regroupés au sein du Service Aéronautique de la Force Publique (SAFP).
Au sein de la SAFP on trouvait une escadrille de douze Brewster Buffalo, une escadrille de huit Renard R-31 et une escadrille de huit Fairey Battle. Ce total de vingt-huit appareils était jugé suffisant pour protéger le Congo Belge mais allaient devoir être renforcés pour l’opération GIDEON.
C’est ainsi que les Renard R-31 furent remplacés par des Dewoitine D-720B, une version améliorée du D-720 semblable au D-720C (C pour Canada), un appareil disposant de moteurs plus puissants, d’une protection améliorée, d’un armement renforcé et de différents modifications tirées du retour d’expérience des pilotes.
Les Dewoitine D-720B (B pour Belgique bien entendu) sont livrés à partir de décembre 1949 en caisses et remontées à Léopoldville (Kinshasha) par une équipe d’ouvriers de la firme Dewoitine et des ouvriers belges. On trouve également quelques «indigènes» dont on ignore la réaction quand ils virent quelques «évolués» _des indigènes jugés aptes par les autorités coloniales belges_ prendre en main les appareils montés par leurs soins.
Ce choix qui ne s’est pas fait sans discussion répond non pas vraiment à une volonté politique mais plutôt à un constat : on manque de pilotes européens. Il faut donc faire appel à ceux qu’on appelait les indigènes. C’est ainsi que parmi les pilotes indigènes de la SAFP on trouvera le premier président, le premier premier ministre et le premier chef d’état-major général du Congo indépendant.
La Belgique reçoit vingt-quatre appareils de ce type. Douze appareils volent au sein de l’escadrille et douze appareils sont stockés prêts à remplacer les appareils détruits.
Après quelques semaines à s’entraîner, les Dewoitine du SAFP vont rallier en vol le Kenya en plusieurs étapes et chose extraordinaire sans perdre un appareil ! Un exploit qui vaudra aux pilotes concernés plusieurs décorations militaires (dont la croix de guerre belge) et surtout ce qui est le plus important le respect de leurs homologues français, britanniques et sud-africains.
L’escadrille d’observation n°1 est engagée dans l’opération GIDEON déclenchée en juillet 1950 contre l’Africa Orientale Italiana (AOI). Outre de classiques missions de reconnaissance et d’observation, les D-720B vont mener des opérations de largage et de harcèlement en liaison avec les troupes irrégulières abyssiniennes qui semaient la discorde chez l’ennemi.
Bien que la menace aérienne et antiaérienne soit faible, des appareils sont perdus en l’occurrence quatre appareils remplacés par des avions stockés au Congo Belge. Ces derniers sont démontés et convoyés par voie maritime jusqu’en Afrique de l’Est.
Quand le conflit se termine en Europe (avril 1954), l’escadrille d’observation n°1 de la SAFP est encore en Erythrée à appuyer les troupes belges qui doivent pacifier le pays. L’escadrille rentre au Congo mais sans ses avions qui sont cédés en guise de cadeau diplomatique à l’empire d’Abyssinie.
Les pilotes vont néanmoins recevoir de nouveaux Dewoitine D-720B venus de France (il s’agit de D-720F reconditionnés) qu’ils vont utiliser jusqu’à l’indépendance du Congo Belge. Ce dernier récupère les appareils et va les utiliser jusqu’à la fin des années soixante-dix mais ceci est une autre histoire.
Caractéristiques Techniques du Dewoitine D-720C
Type : bimoteur léger de transport, d’entrainement et de liaison
Poids : en charge 5200kg
Dimensions : Envergure 14.90m Longueur 13.70m Hauteur 3.73m
Motorisation : deux moteurs en ligne Renault V-12 R00/03 de 750ch entraînant des hélices tripales
Performances : vitesse maximale 380 km/h autonomie 1530km autonomie 8400m
Capacité : six passagers ou 700kg de charge
Armement : deux mitrailleuses de 7.7mm avec 1000 cartouches dans le nez et une mitrailleuse de 7.7mm tirant vers le bas à l’arrière du fuselage avec 500 cartouches (manoeuvré par le pilote)
Points d’appui sous les ailes pour emporter deux bombes de 100kg ou des fusées éclairantes ou des conteneurs chargés de matériel
Equipage : pilote, copilote et mitrailleur-observateur à l’avant