La Belgique d’une guerre mondiale à l’autre (1914-1948)
La Belgique et la première guerre mondiale (1914-1918)

Le général Schlieffen auteur du plan qui porte son nom
Depuis 1839, la neutralité belge est garantie par les grandes puissances via le traité dit des XXIV articles. Seulement ce traité s’oppose au plan allemand, le plan Schlieffen qui prévoit un vaste mouvement tournant via les plaines belges pour contourner le dispositif français concentré dans l’est du pays, l’itinéraire traditionnel des invasions et surtout le plus court chemin pour récupérer l’Alsace et la Lorraine pour laquelle la France se prépare depuis sa défaite de 1870.
Albert 1er et même son prédécesseur sont conscients de cet état de fait et cherchent à moderniser l’armée non sans mal. Cela passe par un investissement massif dans les fortifications, la réforme du service militaire mais cela ne suffira pas pour faire face à l’offensive allemande lancée en août 1914.

Les fameuses mitrailleuses belges remorquées par des chiens
Le roi Albert 1er se place aussitôt à la tête de ses troupes et refusera toujours de quitter le territoire national, restant derrière l’Yser dans son quartier général de La Panne alors que le gouvernement s’était installé à Sainte-Adresse près du Havre.
En théorie toute action du roi à la tête de ses armées devait être contresignée par le ministre de la Défense mais en pratique le roi passera outre. Après négociations, un compromis sera trouvé : le roi prendra seul les décisions militaires mais consultera les ministres et notamment le ministre de la Guerre.
Ce poste est occupé par le premier ministre Charles de Broqueville (novembre 1912 à août 1917) puis par un militaire, le baron Armand de Ceuninck en poste du 4 août 1917 au 22 novembre 1918.
Avant de parler du conflit en lui même, une présentation rapide de l’armée belge en août 1914.
Cette armée est naturellement modeste non seulement parce que la Belgique est un petit pays en comparaison avec les géants allemands et français (qui pourraient être tentés d’utiliser son territoire pour déborder l’ennemi) et parce que sa neutralité lui impose une certaine «modestie» en matière d’effectifs et d’équipement.
L’aspect même du soldat belge est assez désuet avec un shako et une lourde capote noire mais aussi des affûts de mitrailleuses tractés par des…..chiens.
En 1912, l’armée belge à entamé un processus de réorganisation, de rééquipement et de modernisation, un processus qui doit s’achever en 1926 avec un total de 350000 hommes (150000 actifs, 130000 dans les garnisons de forteresse et 70000 réservistes et auxiliaires). Ce processus est donc dans l’enfance quand le 4 août 1914, l’armée du Kaiser viole la neutralité belge pour attaquer la France par sa frontière du nord-ouest.
Le territoire est divisé en six circonscriptions, chacune possédant des régiments d’infanterie (ligne, carabiniers, grenadiers ou chasseurs à pied), de cavalerie (lanciers, guides ou chasseurs à cheval) et d’artillerie. On trouve également des unités cyclistes.
La 1ère circonscription (QG : Gand) dispose de trois régiments de ligne et de deux régiments de lanciers.
La 2ème circonscription (QG : Anvers) dispose de quatre régiments de ligne, d’un régiment de lanciers et d’un régiment d’artillerie
La 3ème circonscription (QG : Liège) dispose de trois régiments de ligne, d’un régiment de lanciers et d’un régiment d’artillerie
La 4ème circonscription (QG : Namur) dispose de deux régiments de ligne, d’un régiment de chasseurs à pied, d’un régiment de lancier et d’un régiment d’artillerie.
La 5ème circonscription (QG : Mons) dispose d’un régiment de ligne,de deux régiments de chasseur à pieds et d’un régiment de chasseurs à cheval.
La 6ème circonscription (QG : Bruxelles) dispose d’un régiment de grenadiers, de deux régiments de carabiniers, d’un régiment de ligne, de deux régiments de chasseurs à cheval, de deux régiments de guides,un bataillon de carabiniers cyclistes et deux régiments d’artillerie.
A la mobilisation, l’apport de réservistes permet de dédoubler les régiments d’infanterie qui passe à six bataillons. Les trois nouveaux bataillons forment un nouveau régiment, les deux régiments ainsi mis sur pied forment une brigade mixte avec deux batteries d’artillerie à quatre pièces chacune mais également la compagnie de mitrailleuses du régiment d’active (six pièces).
Ces brigades mixtes sont intégrées dans des divisions d’armées comprenant trois brigades mixtes, un régiment de cavalerie, un régiment d’artillerie et diverses unités de transport et de soutien.
Sur le papier, la DA dispose de 25 à 32000 hommes, dix-huit bataillons d’infanterie, un régiment de cavalerie, dix-huit mitrailleuses et quarante-huit canons (sauf les 2ème et 3ème divisions qui disposent de soixante canons).
On trouve également une division de cavalerie composée de deux brigades à deux régiments de cavalerie chacun, trois batteries d’artillerie à cheval, un bataillon de cyclistes, une compagnie de pionniers-pontonniers cyclistes et des unités de support soit une force de 2500 sabres, 450 cyclistes et 12 canons.
Ces divisions sont réparties sur le territoire belge dans les régions elles sont levées à la fois pour des raisons pratiques mais probablement aussi pour des raisons linguistiques même si la langue de commandement au grand dam des flamingants les plus farouches est le français.
La 1ère Division est installée dans les provinces de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale, la 2ème Division est installée dans la Province d’Anvers, la 3ème Division couvre les Provinces de Liège et du Limbourg, la 4ème Division est déployée dans la Province de Namur, la 5ème Division est déployée dans la Province du Hainaut, la 6ème Division dans la Province du Brabant alors que la Division de Cavalerie est stationnée à Bruxelles.
A ces troupes mobiles s’ajoutent des unités de forteresse installés dans les forts d’Anvers, de Liège et de Namur.
La première guerre mondiale éclate le 28 juillet 1914 quand l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, Vienne accusant Belgrade d’avoir été l’instigateur de l’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914, attentat qui avait coûté la vie à l’héritier du trône, François Ferdinand et à son épouse. Le mécanisme d’alliance faisant le reste ce n’est qu’une question de temps avant que les autres pays européens ne s’engagent dans le conflit.
Le 31 juillet 1914, le roi Albert 1er demande la mobilisation générale qu’il obtient de la part du gouvernement. Le 2 août les allemands adressent un ultimatum à la Belgique réclamant le libre passage de ses troupes. Après avoir étudié toutes les possibilités (laissé faire, accepter tout en protestant et résister), le gouvernement belge décide de résister.
Le 4 août 1914, l’armée allemande viole la neutralité belge en envahissant le royaume dans le cadre du plan Schlieffen. A ceux qui s’offusquent de cette violation du Traité des XXIV Articles (Article VII), le chancelier Theobald von Bethmann-Hollweg parle de «chiffon de papier». Traduction : circulez il n’y à rien à voir.
Les allemands veulent aller vite. Pays continental soumis au blocus, l’Allemagne de Guillaume II ne peut s’en remettre qu’à des guerres courtes et brutales, une guerre où on est persuadé qu’il suffira d’une bataille décisive ( Entscheidungsschlacht) pour décider du sort de la guerre.
Cette guerre brutale ne fait pas de sentiments y compris vis à vis des civils qui sont pourtant protégés par des conventions internationales. Suite à l’expérience traumatisante de la guerre de 1870 où les français ont continué la guerre en combinant batailles rangées et opérations de guérilla, les allemands auront tendance à voir des francs-tireurs partout ce qui provoquera un grand nombre d’exactions que la propagande alliée se fera un malin plaisir à exploiter.
Guillaume II et son Grand-Quartier Général sont persuadés soit que la Belgique la laissera passer en protestant pour la forme ou qu’en cas de résistance celle-ci sera symbolique. En réalité, dès le début et en dépit d’une infériorité manifeste, les soldats belges résistant de manière farouche.
Ils sont en cela animés par le discours énergique de celui qui n’est pas encore le «Roi-Chevalier» qui s’adresse ainsi devant les Chambres «Un pays qui se défend s’impose au respect de tous ; ce pays ne périt pas. Dieu sera avec nous dans cette cause juste. Vive la Belgique indépendante».
Les allemands vont donc devoir s’employer. La résistance belge à certainement contribué ultérieurement à la victoire française sur la Marne en donnant du temps aux généraux français. C’est effectivement difficilement quantifiable mais ce qui est sur c’est que la résistance troupes d’Albert 1er n’à été ni symbolique ni inefficace.
Liège tombe le 7 août sans résistance, la ville elle même n’étant pas fortifiée. La population civile se montre attentiste ce qui torpille la légende colportée par les allemands de milliers de francs-tireurs attaquant les allemands ce qui justifiera les terribles représailles contre la population civile.
La résistance belge est telle qu’il faut envoyer des renforts pour compenser les pertes (!). Ce sont 60000 hommes supplémentaires et de l’artillerie qui doivent être envoyés.
La vitesse clé essentielle de la réussite du plan Schlieffen est clairement entravée rendant sa réalisation parfaite peu probable, les généraux allemands pourtant intellectuellement bien formés ayant oublié cette maxime du penseur maison Clausewitz «A la guerre la première victime c’est le plan !».
Les forts de la ligne de Liège ne sont ainsi réduits au silence que le 18 août. Pire encore les troupes belges parviennent à se replier en bon ordre vers l’ouest échappant ainsi à l’encerclement et à la captivité. Près de 5000 soldats allemands ont été tués en seulement quinze jours de combat ce qui inquiète les généraux allemands mais confortent les alliés, la France décorant la ville de Liège de la Légion d’Honneur.
Sur la rivière Gette, les allemands sont battus lors de la bataille de Haelene, une bataille où les uhlans du Kaiser sont décimés par les feux de l’infanterie et de l’artillerie, faisant douter certains de la pertinence de la cavalerie dans la guerre moderne. Après une contre-attaque lancée par les lanciers, les allemands doivent se replier. Cette victoire hélas pour les belges est locale et tactique, un nouveau contre-temps pour l’armée allemande.
Entre août et octobre 1914, les allemands assiègent la place d’Anvers avec ses trois ceintures successives. L’immobilisation de 150000 hommes et d’une artillerie de siège conséquente (avec notamment les célèbres mortiers lourds Krupp de 420mm surnomés «Grosse Bertha») va être fatale aux troupes allemandes en France car nul doute que la contre-offensive lancée sur la Marne aurait eu du mal à avoir un vrai impact si ces 150000 hommes avaient été présents en France et non immobilisés en Belgique. De plus la menace sur Anvers va définitivement convaincre les britanniques d’entrer en guerre aux côtés de la France.
La presse française ne s’y trompe pas, l’Echo de Paris déclarant que «Nous,français, nous devons aux Belges plus que de l’admiration, nous leur devons une inoubliable reconnaissance».
Certains journaux comparent même la résistance belge à celle du roi spartiate Léonidas dans les Thermopyles ! (pas besoin d’être grand clair pour savoir qui sont les perses).
Cette résistance comme nous l’avons vu enrage les allemands qui multiplient les vexations, les humiliations et hélas trois fois hélas les exactions vis à vis de la population civile, le soldat allemand voyant dans tout civil belge un franc-tireur.
Des massacres ont ainsi lieu dans les provinces du Limbourg, du Brabant, du Hainaut, de Namur et du Luxembourg soit les provinces traversées par les troupes d’invasion.
La Flandre sera ultérieurement touchée (probablement en raison de la résistance d’Anvers) en attendant les départements des Ardennes, de la Meuse et la Meurthe-et-Moselle.
Ces atrocités vont tellement marquer l’opinion internationale que le recrutement des soldats américains en 1917 se fera avec le slogan Remenber Belgium.
On peut aussi estimer que le comportement relativement correct des troupes allemandes en 1949 (je dis relativement parce qu’il y aura aussi des exactions contre la population civile lors de la campagne de Belgique) est une conséquence de ces atrocités trente ans plus tôt tout comme l’exode des populations civiles vers le sud et sans qu’il y ait de règle établie, une résistance plus farouche des soldats wallons par rapport à celle des soldats flamands, les flamingants extrémistes retenant du premier conflit mondial la légende des soldats flamands envoyés au massacre par des officiers arrogants ne parlant que français.
Si vraiment cela avait le cas, l’armée belge se serait désintégrée et tout le territoire du royaume d’Albert 1er envahit par les armées de Guillaume II.
Les allemands tenteront bien de provoquer la désertion des soldats flamands par la propagande mais cela sera un échec. Cela sèmera cependant les graines d’un esprit flamands revanchard dont les défenseurs n’hésiteront à embrasser l’idéologie nazie.
Après la contre-offensive française sur la Marne, les allemands doivent reculer de 200km. Débute alors un nouvel épisode de la première guerre mondiale à savoir la course à la mer, les allemands cherchant à priver les alliés d’accès aux côtes alors que ces derniers cherchaient à conserver le contrôle des ports pour permettre l’arrivée des renforts britanniques.
Si Anvers, Zeebrugge et Ostende vont tomber aux mains des allemands, en revanche Dunkerque restera sous le contrôle allié. A l’issue de cette phase marquée notamment par la bataille de Dixmude où les fusiliers marins de l’Amiral Ronarc’h s’illustrent, le front va se figer pendant près de quatre ans dans un double-système de tranchées courant de 700km de la mer du Nord à la frontière suisse. Si les ¾ du territoire belge sont occupés par les allemands, une petite partie derrière l’Yser reste sous souveraineté belge.
Les soldats belges après avoir réalisé trois sorties entre le 21 septembre et le 4 octobre se replient le 15 octobre derrière l’Yser après avoir ouvert les vannes permettant l’inondation par la mer du Nord de la plaine flamande. Si le gouvernement se replie à Sainte-Adresse près du Havre le 13 octobre 1914, le roi lui va rester derrière l’Yser, installant son quartier général à La Panne.
La Belgique va également combattre au Congo contre les colonies allemandes du Cameroun et de l’Afrique orientale aux côtés des forces coloniales françaises, britanniques et portugaises. C’est la Force Publique qui mène les opérations.
La première guerre mondiale est marquée par la Flamenpolitik menée par l’occupant allemande qui cherche à diviser Flamands et Wallons. Le 21 juin 1917 par décret, le chancelier Bethman-Hollweg sépare la Belgique en deux régions administratives, la Flandre et la Wallonie plus différentes redécoupages des provinces.
La même année, le Conseil de Flandre prononce la déchéance d’Albert 1er considéré comme illégitime à monter sur le trône.
Contrairement au second conflit mondial, il n’y à pas vraiment de résistance active mais plutôt une résistance passive, une aide au renseignement et à l’évasion sans oublier une presse clandestine qui maintien la foi et l’espérance dans une libération proche.
Il y à également des collaborateurs et comme dans tous les pays des profiteurs de guerre, certains d’entre-eux étant fusillés à la libération pendant que certains «résistants» avaient payé de leur vie leur activisme.
Bien que les alliés mènent l’offensive en Flandre avec les meurtrières batailles de Messine, d’Ypres et de Passenchdaele, les belges restent à l’écart des opérations ce qui permet à la petite armée d’Outre-Quiévrain de limiter ses pertes (C’était d’autant plus important que ces pertes ne pouvaient pas être compensées).
La guerre de mouvement reprend au mois d’août 1918 et la Belgique participe à l’offensive de 100 jours menée sous le commandement du maréchal Foch, les troupes belges libérant la ville de Gand.