Les avions militaires soviétiques (2) : les avions d’attaque et les bombardiers
Avant-propos
Les premiers avions étaient utilisés pour la reconnaissance, l’observation et le réglage des tirs de l’artillerie.
Très rapidement des avions ont lancé des projectiles notamment en 1911 quand un Enrich Taube piloté par deux italiens lancent des fléchettes sur des troupes turques surprises.
Immédiatement, les fléchettes sont remplacées par des grenades, des obus plus ou moins modifiées, lancées à la main.
Les progrès sont fulgurants et durant le premier conflit mondial soit à peine quinze ans après le premier vol d’un plus lourd que l’air les premiers bombardiers lourds apparaissent. Ces premiers bombardiers sont russes et l’oeuvre d’un ingénieur appelé à un grand avenir : Igor Sikorsky.

Le bombardier géant Illya Murometz
Ces bombardiers sont engagés contre le front et non contre les villes allemandes comme le seront les bombardiers lourds allemands contre Londres voir les bombardiers anglais et français (si le Vickers Vimy à connu une expérience opérationnelle, le Farman Goliath n’à connu comme carrière que le transport de passagers).
Après la révolution d’Octobre et la naissance de l’URSS les bombardiers soviétiques sont essentiellement des bombardiers tactiques destinés à l’appui-feu des troupes au sol dans le cadre de l’art opératif.
Ce n’est que dans les années trente que des bombardiers lourds sont mis au point d’abord pour un but de propagande (on se souvient du Mayim Gorky à sept moteurs !) puis pour des missions plus militaires.
Si ces appareils vont être développés, il n’y aura pas de véritable stratégie anti-cités de la part des soviétiques, aucun plan concerté de bombardement des villes, des industries et des points stratégiques sous contrôle allemand.
Outre l’absence de culture stratégique on peut ajouter la crainte de représailles allemandes (le Heinkel He-179 pouvait atteindre l’Oural et ses industries militaires) et surtout le manque de temps avec un régime et un pays jouant sa survie.
Les bombardiers lourds utilisés vont donc l’être essentiellement dans un cadre opératif pour frapper les arrières de l’ennemi en liaison avec des bombardiers tactiques, l’appui rapproché étant du ressort de chasseurs bombardiers et surtout de l’Illiouchine Il-2 Sturmovik, un véritable «tank volant» qui avec le T-34 symbolise la puissance de l’Armée Rouge sur la Wehrmacht.

Illiouchine Il-2 Sturmovil
Comme pour d’autres catégories de matériels, l’URSS va recevoir des appareils étrangers essentiellement américains dans le cadre du prêt-bail. On va ainsi trouver des Douglas A-20 Havoc et des North American B-25 Mitchell. D’autres modèles de bombardiers vont être utilisés mais il s’agissait d’appareils internés après des atterrissages d’urgence.
Tupolev TB-3
Le Tupolev TB-3 (TB = Tyazholy Bombardirovschik bombardier lourd), également connu sous la désignation de Tupolev ANT-6 est un bombardier lourd quadrimoteur mis au point au début des années trente.
Rapidement déclassé comme bombardier, le Tupolev TB-3 va connaître une seconde carrière comme avion de transport (parachutistes et chars légers) mais aussi comme «avion-mère» en transportant des chasseurs légers (projet Zveno).
C’est en 1925 que les autorités militaires soviétiques approchèrent l’institut TsAGI pour mettre au point un bombardier lourd disposant d’une puissance propulsive supérieure à 1970ch et la possibilité de disposer soit d’un train d’atterrissage ou de flotteurs.
Le bureau d’étude Tupolev se met au travail en 1926 et finalise son projet en 1929. La maquette du Tupolev TB-1 est approuvée le 21 mars 1930 et le premier prototype est achevé le 31 octobre 1930. Le premier vol à lieu le 22 décembre 1930 et après la réussite des tests, la décision de produire l’appareil en masse est prise le 20 février 1931.
Le premier appareil de présérie baptisé TB-3 4M-17 vole pour la première fois le 4 janvier 1932 et la mise en service à lieu à la fin de la même année. 818 appareils ont été produits.
Officiellement il est retiré du service en 1939 mais en pratique l’appareil reste en service, lui permettant de participer à la bataille de Khalkhin-Gol mais aussi à la guerre d’Hiver contre les finlandais où l’appareil subit de lourdes pertes.
Au printemps 1943 le Tupolev TB-3 est retiré des unités de bombardement remplacé essentiellement par le Petlyakov Pe-8. Il est relégué à des missions de transport, une centaine de TB-3 étant modifiée pour le transport de parachutistes ou pour le transport de chars légers au profit des troupes aéroportées.
D’autres Tupolev TB-3 furent modifiés pour le projet Zveno, l’ancien bombardier lourd servant d’avion porteur pour des chasseurs notamment des I-15 et des I-16. Ces projets ne dépassèrent pas le stade de l’étude théorique.
En juin 1950, 64 Tupolev TB-3 sont encore disponibles mais uniquement dans des unités de transport. De nombreux appareils sont détruits au sol et à la fin de l’année il ne reste que seize appareils qui vont être utilisés pour le transport de parachutistes mais aussi pour des largages sur l’arrière du front voir quelques rares attaques de nuit au succès d’estime.
A la fin du conflit il restait encore six appareils en service. Quatre sont feraillés et deux préservés dans un hangar en vue d’une utilisation au sein d’un musée mais malheureusement en 1961 le hangar en question est détruit dans un incendie. Voilà pourquoi aucun Tupolev TB-3 n’à survécu au second conflit mondial.
Caractéristiques Techniques
Type : bombardier lourd quadrimoteur multiplaces
Masse à vide 11200kg en charge 17200kg maximale au décollage 19300kg
Dimensions : longueur 24.4m envergure 41.80m hauteur 8.50m
Motorisation : quatre moteurs en ligne Mikulin M-17F de 705ch chacun
Performances : vitesse maximale 212km/h à 3000m distance franchissable 2000km plafond opérationnel 4800m
Armement : six à huit mitrailleuses de 7.62mm DA avec 100 chargeurs de soixante-trois cartouches charge de bombes supérieure à 5000kg
Equipage : huit à dix hommes. En configuration transport, l’appareil peut embarquer trente-cinq passagers
Bolkhovitinov DB-A
Le Bolkhovitinov DB-A (Dahl’niy Bombardirovshchik-Akademiya/bombardier à long rayon d’action de l’Académie) à été conçu pour remplacer le Tupolev TB-3. Il à été dessiné par le chef du bureau d’études de l’Académie de l’air Zhukovsky.
A l’époque le Bolkhovitinov DB-A était avancé avec un revêtement en aluminium travaillant, un train d’aterissage entièrement rectractable, des commandes pneumatiques rechargées par les compresseurs des quatre moteurs.
Le vol inaugural du premier prototype eu lieu le 2 mai 1935. Les performances sont remarquables avec la possibilité de voler à 2500m avec seulement deux moteurs, un rayon d’action très appréciable de 4500km.
Le premier appareil disparaît le 12 août 1937 au cours d’un vol sans escale entre Moscou et Fairbanks en Alaska, un vol de 8440km pour lequel l’appareil est entièrement modifié. Après 14h32 de vol, l’appareil envoie un message radio signalant un moteur hors service puis disparaît. Encore aujourd’hui le sort final de l’appareil reste un mystère.
Le deuxième appareil plus lourd avec une structure modifiée, un nez redessiné et une puissance propulsive accrue effectue son premier vol en mars 1936 sous la désignation de DB-2A.
Seize appareils sont commandés mais seulement douze son achevés, les soviétiques préférant commander le Tupolev TB-7 qui devient le Petlyakov Pe-8 après la mort de Vladimir Petlyakov dans un accident d’avion en 1942.
Outre ces douze bombardiers il y à eu un projet de croiseur lourd destiné à l’escorte des bombardiers, un appareil baptisé TK-1 TK qui aurait disposé d’un équipage de onze hommes (trois de plus que le bombardier) avec pour armement trois mitrailleuses ShVAK de 12.7mm avec 3000 cartouches, cinq mitrailleuses ShKAS de 7.62mm avec 11000 cartouches, des roquettes. Ce projet ne dépassa par le stade de la planche à dessin.
Les DB-2A sont encore en service en juin 1950. Huit appareils sont déployés dans le district de Liepaja en Lettonie soviétique. Ils sont utilisés pour des missions de reconnaissance après le déclenchement de BARBAROSSA où quatre des huit appareils sont abattus. Deux autres sont détruits au sol par la Luftwafe et les deux derniers sont incendiés à Smolensk avant la prise de la ville par les allemands de sorte qu’il ne reste aucun appareil de ce type aujourd’hui.
Caractéristiques Techniques
Type : bombardier lourd quadrimoteur
Masse à vide 16150kg en charge 22000kg
Dimensions : longueur 24.4m envergure 39.5m hauteur : nc
Motorisation : quatre moteurs en ligne M-34FRN avec turbo-chargeurs de 900ch chacun
Performances : vitesse maximale 316km/h distance franchissable 4500km plafond opérationnel 7730m
Armement : cinq mitrailleuses de 7.62mm ShKAS, un canon de 20mm ShVAK, 5000kg de bombes en soute interne
Equipage : huit hommes
Tupolev SB
Appelé également Tupolev ANT-40, le Tupolev SB (Skorostnoi Bombardirovschik bombardier à grande vitesse) est un bombardier bimotteur triplace qui effectua son premier vol le 7 octobre 1934 avant d’être mis en service en 1936.
Le Tupolev SB est un bimoteur à aile haute propulsé par deux moteurs en ligne Klimov aux faux airs du Glen Martin 167F bien connu par notre armée de l’air. Produit en très grand nombre (2980 exemplaires) en URSS et aurait du être produit sous licence en Tchécoslovaquie.
L’appareil est engagé au combat dans la guerre d’Espagne, dans la deuxième guerre sino-japonaise sous les couleurs chinoises, en Mongolie lors des incidents de frontière entre l’URSS et le Japon, durant la guerre de Pologne, durant la guerre d’Hiver contre la Finlande.
Toujours en service en juin 1950, il était totalement obsolète ce qui explique les lourdes pertes subies par cet appareil relégué au printemps 1951 à l’entrainement voir à quelques missions de bombardement de nuit jusqu’à ce que la Nachtjagd, la chasse de nuit soit pleinement opérationnelle côté allemand.
Il quitte définitivement le service actif en 1954, la majorité des appareils survivants étant ferraillés mais quelques uns ont été préservés dans des musées ou sur des mémoriaux.
A l’origine de ce rapide bimoteur figure un appel à projet lancé par le ministère de l’Air soviétique (UVVS) pour un bombardier rapide. Le développement commence en janvier 1934 au sein de l’OKB dirigé par Andrei Tupolev et plus précisément par l’équipe dirigée par Arkhangelski.
Deux version sont envisagées, la première propulsée par des moteurs radiaux Wright Cyclone (ANT-40RT) et la seconde propulsée par des moteurs en ligne Hispano-Suiza 12Y (ANT-40 IS). Le premier prototype décolle pour la première fois le 7 octobre 1934, le second effectue son vol inaugural le 30 décembre 1934, les performances du second étant supérieures à celles du premier mais tout n’était pas réglé pour autant.
Si le premier appareil de série sort des chaines de montage fin 1935 ce n’est qu’en 1936 que la production de masse est véritablement lancée dans l’usine d’Etat n°22 implantée à Moscou et dans l’usine n°125 à Irkutsk.
En une année, 400 appareils sont livrés aux VVS mais une partie est détournée vers l’Espagne pour renforcer l’aviation républicaine (et aussi tester l’appareil au combat). En 1937 la Tchécoslovaquie commande des appareils et acquiert la licence de fabrication en échange de l’achat par l’URSS de la licence de production du canon de montagne Skoda modèle 1936 de 75mm.
Baptisée Avia B-71, cette version «tchéquisée» disposait de moteurs Hispano-Suiza produits par Avia, une mitrailleuse de 7.92mm Zb-30 en remplacement des deux mitrailleuses dans le nez, des Zb-30 remplaçant également les autres mitrailleuses embarquées.
Malheureusement pour la Československé letectvo si soixante appareils furent livrés par l’URSS, aucun Avia B-71 ne fût produit en raison de la crise des Sudètes et surtout du démantèlement de ce qui restait de la Tchécoslovaquie au printemps 1939.
Le développement du Tupolev SB se poursuivit durant la production de l’appareil en tirant les leçons de la guerre d’Espagne.
Une version d’entrainement baptisée Tupolev USB fût ainsi produit à partir de septembre 1937 pour réduire le fossé entre les avions d’entrainement et les bombardiers opérationnels. Le nez était ouvert pour permettre d’accueillir un instructeur et un système à double commandes est installé.
Parmi les modifications menées on trouve le remplacement du poste de tir dorsal par une tourelle fermée, la modification du poste de tir ventral pour améliorer le champ de tir, le remplacement des moteurs d’origines par des moteurs plus puissants et plus aérodynamiques.
L’appareil est produit de 1936 à 1945, 2980 Tupolev SB en différentes versions sortant des deux usines de production. Néanmoins dès 1942, le Petlyakov Pe-2 le relève progressivement ce qui n’empêche pas certaines unités de le conserver jusqu’en juin 1950 avec le résultat que l’on sait.
Comme je l’ai dit plus haut, le Tupolev SB connait son baptême du feu bien loin de son pays natal en l’occurrence l’Espagne. Le 17 juillet 1936 un pronunciamento manqué dégénère en guerre civile, guerre qui allait purger des décennies de tensions entre deux Espagne qui vont s’engager dans une lutte à mort.
Le gouvernement légal soutenu par l’URSS va bénéficier d’une aide militaire massive, aide qui ne sera pas toujours bien utilisée. Parmi cette aide figure l’envoi de chars et d’avions. Alors qu’au 1er juillet 1936 seulement 54 Tupolev SB avaient été livrés aux VVS, 31 appareils sont envoyés au mois d’octobre, appareils pilotés par des soviétiques qui peuvent connaître l’expérience du combat et surtout tester l’appareil en conditions réelles.
L’arrivée du bombardier soviétique surprend désagréablement le camp nationaliste dont les chasseurs (Fiat CR-32 et Heinkel He-51) étaient surclassés. Cela entraina le déploiement des premières versions du Messerschmitt Me-109, appareil avec lesquels les Nationalistes purent acquérir définitivement la maitrise de l’air.
31 appareils supplémentaires arrivent à l’été 1937 à une époque où l’arrivée du Me-109 ne permettait plus au bombardier soviétique de distancer les intercepteurs ennemis par sa vitesse.
Les pertes vont donc augmenter ce qui entraine la livraison de 31 appareils supplémentaires en juin 1938. Au final sur les 93 appareils livrés, 73 ont été perdus dont 40 sous les coups de l’ennemi.
Dix-neuf Tupolev SB vont continuer à voler au sein de la nouvelle armée de l’air espagnole jusqu’à leur remplacement en 1945 par des Junkers Ju-88.
Alors que l’appareil délivrait le feu de Wotan en Espagne, d’autres Tupolev SB vont combattre à plusieurs milliers de kilomètres de la péninsule ibérique en l’occurence en Chine. Ce sont pas moins de 222 appareils qui ont été livrés à la Chine, appareils pilotés par des équipages soviétiques volontaires.
Suite à la signature du pacte de non-agression entre l’URSS et le Japon, les équipes soviétiques ont laissé leurs bombardiers aux chinois qui ne les utilisèrent qu’à faible échelle, manquant de pilotes et de mécaniciens compétents. Au cours du second conflit mondial ils furent remplacés par des bombardiers américains et relégués à des missions d’entrainement.
Après avoir participé aux combats entre soviétiques et japonais au printemps 1939, le Tupolev SB va participer à la guerre de Pologne puis à la guerre d’Hiver. Si pour les deux derniers conflits l’opposition aérienne présente limita les pertes, face aux Nakajima Ki-27 nippons, le bombardier soviétique souffrit de son faible armement défensif ce qui poussait les équipages à bombarder de plus haut mais avec une efficacité moindre.
Le Tupolev SB participa aux premières opérations du second conflit mondial à une époque où l’appareil était obsolète mais face à l’avancée des troupes allemandes, le haut-commandement des VVS envoyait tout ce qui pouvait larguer des bombes pour stopper l’avance ennemie. De nuit les pertes furent moindres mais la mise en place d’unités spécialisées poussa les VVS à retirer l’appareil des unités de combat, retrait facilité par l’arrivée massive d’appareils modernes.
Outre la variante améliorée baptisée Arkhangelsky Ar-2 des projets sont étudiés mais sans production en série qu’il s’agisse de l’ANT-41 (bombardier-torpilleur un prototype), de l’ANT-46 (chasseur bimoteur armé de canons sans recul de 100mm, un prototype), l’ANT-48 un avion de sport grande vitesse (projet), l’ANT-49 (avion de reconnaissance projet)
Outre les pays déjà cités, d’autres pays ont utilisé le Tupolev SB qu’il s’agisse de la Bulgarie (qui récupéra des Avia B-71 en construction au moment du démantèlement de la Tchécoslovaquie en 1939, trente-deux appareils livrés, quatre survivent au conflit et un préservé), la Finlande (appareils capturés directement ou via les allemands), l’Allemagne (quelques appareils capturés utilisés pour des tests), la Pologne (appareils d’entrainement de 1955 à 1960) et la Slovaquie.
Caractéristiques Techniques (Tupolev SB-2M103)
Type : bombardier bimoteur médian triplace
Masse à vide 4768kg en charge 6308kg maximale au décollage 6308kg
Dimensions : longueur 12.57m envergure 20.33m hauteur 3.60m
Motorisation : deux moteurs en ligne Klimov M-106 de 960ch
Performances : vitesse maximale 450km/h à 4100m distance franchissable 2300km plafond opérationnel 9300m
Armement : quatre mitrailleuses de 7.62mm ShKAS (deux dans le nez, une en tourelle dorsale et une en position ventrale) six bombes de 100kg ou six de 50kg en soute avec deux bombes de 250kg sous les ailes.