URSS (54) Armée de Terre (2)

Une histoire militaire de la Russie

Les origines

Même si le sujet concerne la RKKA (Rabochny Kres’ynaskaya Krasnaya Armiya), l’Armée Rouge des Ouvriers et des Paysans impossible si on veut être rigoureux de passer sous silence l’histoire militaire de la Russie.

Premier argument, vous commencez à me connaître chers lecteurs, j’aime le temps long, j’aime inscrire mon article, mon uchronie dans un contexte plus large pour montrer les permanences et les mutations (au risque je le confesse de me perdre dans les détails et d’ennuyer le lecteur).

Deuxième et dernier argument, tout simplement parce que malgré sa volonté de créer un homme nouveau, les bolcheviks ont du tenir compte du fait que l’homme n’est pas un être interchangeable mais un être né au milieu d’une société et d’une culture pour le meilleur et pour le pire.

Dans le domaine militaire plus précisément, les bolcheviks vont s’inscrire dans la tradition martiale russe tout en essayant de créer leur propre route leur propre chemin. En intégrant comme «experts» et comme «spécialistes» d’anciens soldats, sous-officiers et officiers de l’armée tsariste, cela était inévitable.

Dans cette partie je vais donc balayer rapidement plusieurs siècles d’histoire militaires, devenant un peu plus détaillé à l’époque de Pierre le Grand et ce pour deux raisons : l’ouverture vers l’Occident et la transformation de la Russie d’un état semi-barbare en puissance incontournable dans l’équilibre européen et parce que c’est véritablement à cette époque qu’une armée professionnelle et mise sur pied, une armée qui suit naturellement les canons européens.

La Russie émerge tout d’abord sous la forme d’un grand duché centré autour du Kiev (d’où les relations toujours compliquées entre la Russie et l’Ukraine) puis d’une principauté ayant Moscou pour capitale.

Cette organisation étatique en première ligne face aux tatars (mongols) n’est pas la seule organisation étatique de l’époque sur le territoire actuel de la Russie puisqu’on trouve aussi la république de Novgorod.

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Aleksandr Nevski

Cette dernière voit l’émergence d’un personnage devenu un héros national russe, Alexandre Iaroslavitch devenu Alexandre Nevski (de la Neva) après sa victoire sur les suédois.

Prince de Novgorod de 1236 à 1252, grand prince de Vladimir de 1252 à 1263 et prince de Kiev de 1249 à 1263, Alexandre Nevski est surtout connu pour deux victoires militaires qui ont eu un impact très important dans l’histoire russe.

Le 15 juillet 1240, il défait les suédois sur les rives de la Neva (le fleuve qui arrose Saint-Petersbourg) ce qui lui vaut son surnom (le manque de sources pousse certains historiens à remettre en cause l’existence de cette bataille) et surtout en avril 1242 sur la glace du lac Peïpous (aujourd’hui en Estonie), les chevaliers teutoniques.

Ordre de chevalerie comparable aux templiers et aux hospitaliers, les teutoniques aux chaleurs du Levant préféraient les plaines et les forêts de l’Europe orientale où on trouvait encore des populations réfractaires au christianisme.

Cette poussée vers l’est (Drag Nacht Osten) fait de l’ordre un proto-état qui se heurte bientôt aux «états russes» comme la principauté de Novgorod. Sentant le danger, Alexandre Nevski conclut une trêve avec les tatars de la Horde d’Or pour stopper l’avancée des chevaliers teutoniques.

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Chevaliers teutoniques dans le film de Serguei Eisenstein (1938)

Cette célèbre bataille à été magnifiée par le chef d’oeuvre d’Eisenstein qui bénéficia de la musique de Serge Prokofiev en 1938.

Face à une armée russo-mongole, les chevaliers teutoniques appuyés par des fantassins estoniens décident de traverser le lac ce qui est particulièrement audacieux. Alexandre Nevski décide de maintenir coûte que coûte les assaillants sur la glace.

Les archers mongols font pleuvoir une pluie de flèche sur les germano-estoniens (il y avait aussi quelques danois) ce qui provoque la panique et la désertion des miliciens baltes. La situation des russo-mongols n’est pas pour autant idéale car les lourds chevaliers teutoniques font très mal à une infanterie russe très légèrement protégée.

Alexandre Nevski doit engager sa cavalerie pour l’emporter. Les pertes chez les germano-estoniens sont lourdes mais contrairement à une légende tenace la glace du lac ne s’est pas brisée et l’armée teutonique n’à pas disparu dans le lac Peïpous.

Cette légence s’explique aisément : il s’agit d’une confusion entre l’histoire et le film d’Eisenstein.

Cette victoire est cependant une victoire à la Pyrrhus. Non seulement les principautés russes doivent accepter d’être les vassaux des tatars mais de plus la puissance militaire teutonique est à peine entamée. Simplement les chevaliers vont se tourner vers la Prusse Orientale, restant une puissance dominante jusqu’en 1410 quand ils sont défaits par les polono-lituaniens.

Il faudra attendre 1462 pour qu’Ivan III ne jugule le joug tatar. Son petit-fils Ivan IV le Terrible ira plus loin en s’emparant de Kazan et d’Astrakhan et ouvrant la porte de la colonisation à la Russie.

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Deux streltsy

 

A cette époque il n’y à pas vraiment d’armées permanente mais quelques unités stipendiées comme les célèbres streltsy (mousquetaires) créé par Ivan IV. Tout comme jadis les gardes prétoriens dans la Rome antique, ces unités auront un rôle tout autant politique que militaire ce qui entraînera leur disparition au cours du XVIIIème siècle sous l’impulsion du premier empereur de Russie, Pierre le Grand.

Créés entre 1545 et 1550, les streltsy sont initialement recrutés dans le milieu commercial ou la paysannerie. Ils devaient d’abord servir un certain temps puis laisser leur place aux autres mais peu à peu ces unités deviennent le théâtre de dynasties de streltsy.

Portant de chatoyants uniformes (manteaux rouges, bleus ou verts, bottes oranges), armés d’une arquebuse mais aussi de piques, de haches ou de sabres, ces unités se comportent initialement brillamment sur le champ de bataille mais leur niveau décroit faute d’un entrainement et d’une solde suffisante.

Leur rôle politique s’accroît au point qu’en 1689 leur révolte menace le trône de Pierre le Grand qui doit rentrer précipitamment pour les châtier.

Initialement il était prévu de dissoudre immédiatement toutes ces unités (on comptait 55000 streltsy en 1681) mais devant les difficultés de la guerre du Nord, on préfère faire preuve de mesure et de clairvoyance. Les derniers régiments de ce type disparaissent au cours du XVIIIème siècle. Ils sont remplacés par les régiments de la Garde Impériale dans leur mission de protection du tsar.

La Russie ne fait donc pas exception dans l’Europe du temps avec des armées de volontaires du type mercenaires et des cavaliers issus du «système féodal». On complétait aussi les effectifs en cas de conflit avec des paysans plus ou moins bien formés, plus ou moins motivés.

Pierre le Grand et la nouvelle armée impériale russe

Pierre le Grand (1682-1725) 21

Pierre le Grand

C’est donc sous le règne de Piotr Veliky que naît une armée moderne russe. Il serait cependant abusif de penser que Pierre 1er est parti de zéro et que du jour au lendemain la Russie est passée du néant à l’excellence militaire.

Comme souvent il y à eut des prémices mais ces préliminaires ont été éclipsés soit par une propagande habile ou par le magnétisme, le charisme d’un homme aussi gigantesque par son physique que par sa personnalité.

C’est dans la première moitié du XVIIème siècle que l’on peut dater les prémices d’une armée russe organisée à l’occidentale avec les régiments de l’ordre nouveau ou du Nouvel ordre, des unités régulières, des unités de reître et des unités de dragons.

Deux régiments réguliers sont ainsi créés à Moscou en 1631 et durant la guerre russo-polonaise dit guerre de Smolensk entre 1632 et 1634, six autres régiments réguliers, un régiment de reître et un régiment de dragons sont levés mais dissous immédiatement après la fin du conflit.

D’autres régiments dit du nouvel ordre sont cependant créés pour une nouvelle guerre russo-polonaise (1654-1667). En 1681, on trouve trente-trois régiments réguliers (environ 61000 hommes), et vingt-cinq régiments de dragons et de reître (soit environ 29000 hommes).

Cela représente plus de la moitié des effectifs de l’armée russe à l’époque et c’est sur cette base que Pierre le Grand (qui introduit la conscription en décembre 1699) va construire l’armée qui va vaincre la Suède de Charles XII et permettre à la Russie de retrouver le débouché maritime perdu sous Ivan le Terrible lors de la guerre de Livonie (1558-1583).

Proximité géographique oblige c’est le modèle allemand qui est suivit pour l’organisation, la discipline et les tactiques. Si les officiers sont majoritairement nobles, les roturiers talentueux peuvent espérer accéder aux plus hauts échelons et bénéficie d’un anoblissement. Cette politique sera abandonnée à la fin du 18ème siècle sous Catherine II dans un contexte général de «réaction aristocratique».

En ce qui concerne la conscription, chaque territoire est tenue de fournir un certain nombre de conscrits chaque année. Si le service est à vie au 18ème, il est progressivement réduit passant à 25 ans en 1793, à 20 ans (plus cinq ans de réserve) en 1834, à douze ans plus trois ans de réserve en 1855.

A la différence du «Roi Sergent» Frédéric-Guillaume 1er, Pierre le Grand va utiliser son armée pour réaliser ses objectifs politico-militaires.

De 1687 à 1689 à lieu une guerre entre la Russie et l’empire ottoman. Cette guerre à pour origine la volonté russe d’envahir le khanat de Crimée _vassal de la sublime porte_ pour obtenir un accès à la mer d’Azov et donc une fenêtre sur la mer. C’est un échec et cela va accélérer l’arrivée au pouvoir effective du futur Pierre le Grand.

La grande guerre du règne de Pierre le Grand est naturellement la Grande Guerre du Nord, un conflit qui va durer de 1700 à 1721, opposant la Suède (aidée par l’empire ottoman en 1710/11) à une coalition composée de la Russie, du Danemark-Norvège et de la Saxe-Pologne, coalition renforcée par la Prusse et le Hanovre en 1715.

Dans un premier temps les suédois l’emportent, l’armée suédoise, une armée de volontaires disciplinée étant considérée comme la meilleure armée d’Europe. L’armée russe est ainsi écrasée à la première bataille de Narva en novembre 1700.

Profitant d’un choix discutable de Charles XII qui se retourne contre la Saxe et la Pologne-Lituanie, Pierre 1er reconstitue son outil militaire, bien décidé à passer à l’offensive dans les provinces baltes.

Les victoires d’Erastfer et de Nöteborg permettent aux troupes russes de s’emparer de l’Ingrie, de s’installer sur les côtes baltes.

Dès 1703 est créée dans l’estuaire de la Neva, la «ville de Saint Pierre», Saint-Pétersbourg. Ce site n’était pas un site entièrement neuf puisque cité à proximité de l’ancienne forteresse suédoise de Nyenskans. En revanche l’offensive en direction des territoires baltes fût un échec et ces territoires restèrent sous l’autorité suédoise.

En 1707, la Suède envahit la Russie. Comme souvent l’envahisseur se heurta au «Général Hiver», les conditions climatiques sapant la belle armée suédoise qui devait tenir compte des tactiques de la terre brûlée utilisées par Pierre 1er.

Une première armée suédoise est écrasée à Lesnaya suivit d’une seconde à Poltava (8 juillet 1709). Les restes de l’armée suédoise se rendirent aux russes pendant que Charles XII s’enfuyait en direction de l’empire ottoman.

Si le conflit va encore durer dix ans, Poltava est un tournant décisif. Si la victoire suédoise devient impossible, la victoire de la coalition menée par la Russie n’est pas pourtant gravée dans le marbre. En 1710 les troupes russes parviennent à s’emparer des provinces baltes mais l’année suivante sont mises en échec sur le Prut par les troupes ottomanes.

Les combats se poursuivent sur les rives baltes et en Allemagne. La paix est signée entre Stockholm et Saint-Pétersbourg le 30 août 1721 à Nystad. La Suède récupéra la Finlande mais du céder l’Estonie, la Livonie, l’Ingrie, le Kexholm et une large part de la Carélie.

C’était la fin du siècle d’or suédois, la Suède redevenant une puissance européenne secondaire alors qu’à l’inverse la Russie devenait une puissance incontournable en Europe de l’Est.

En 1722/23 à lieu une guerre entre la Russie et la Perse (auj. Iran). L’objectif de Pierre le Grand est d’étendre l’influence russe en mer Caspienne et dans le sud du Caucase. Comme la dynastie séfévide est sur le déclin, Saint-Pétersbourg craint que les ottomans n’en profitent pour s’emparer de ces régions.

Pour cette guerre, le tsar de Russie peut s’appuyer sur des alliés locaux, le roi géorgien Vaktang VI de Karthlie et le catholicos d’Arménie Asdvadzadur.

En juillet 1722, 22000 hommes embarquent à Astrakhan sur les premiers navires construits pour la flotte de la mer Caspienne de l’amiral Fiodor Apraxine. C’est une véritable opération combinée puisque 22000 hommes (essentiellement des cavaliers et des cosaques) prennent parallèlement le chemin du Caucase par la route depuis la ville de Tsaritsyne (future Stalingrad).

Le 23 août 1722, la ville de Derbent (sud du Daghestan) est prise mais à l’automne l’armée russe doit se replier à Astrakhan, laissant des garnisons à Derbent et Sviatoï Krest.

En septembre, une armée géorgio-arménienne se joint à l’expédition russe, permettant la prise en décembre de Rast puis de Bakou en juillet 1723.

Entre-temps les turcs ont voulu profiter de la situation en envahissant les possessions perses dans le sud-Caucase (printemps 1723). Les perses choisissent de faire la paix avec la Russie, le traité de Saint Petersbourg le 12 septembre 1723 qui permet à la Russie de s’emparer de Derbent, de Bakou ainsi que des provinces perses du Chirvan, du Gilan, du Mazandaran et d’Astrabad.

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