Vedettes lance-torpilles
Avant-propos
L’apparition de la torpille automobile révolutionna la guerre navale. Pour la première fois un petit navire pouvait en théorie couler un mastodonte flottant. C’était en somme la réalisation concrète de la légende du berger David qui d’une pierre de sa fronde tua le géant Goliath.
Dans la pratique c’est moins évident et la Jeune Ecole, cette école de pensée navale française du rapidement reconnaître que le torpilleur était bien incapable à lui seul de détruire un navire aussi imposant qu’un cuirassé.
Rapidement les torpilleurs prirent du poids, devenant de plus en plus gros, quittant le domaine des côtes et des littoraux pour la haute mer. Le seuil des 1000 tonnes est ainsi atteint dès le début du vingtième siècle, celui des 2000 tonnes l’étant pour ainsi dire dans les années vingt.
Il y à donc de la place pour des navires d’attaque de petite taille. L’invention du moteur diesel permet d’envisager la conception de navires d’un déplacement modeste mais pouvant embarquer des torpilles automobiles et une artillerie légère pour l’autodéfense.

S-Boote au port
Tous les pays majeurs (sauf peut être le Japon) vont s’équiper de vedettes lance-torpilles. Si les MAS italiennes ou les S-Boot allemandes sont célébrissimes, les vedettes américaines, britanniques, françaises et soviétiques sont plus confidentielles vis à vis notamment du grand public.
Pourtant la RKKF disposait d’une importante force de vedettes lance-torpilles avec 121 vedettes en service au début des années quarante et 450 disponibles en juin 1950 au moment du déclenchement de BARBAROSSA. La production se poursuit durant la guerre (cf le programme de guerre).
Ces vedettes qui appartenaient à différents modèles n’étaient pas toutes des réussites mais jouèrent un rôle négligeable dans le second conflit mondial.
Comme toujours dans une guerre les navires conçus pour un rôle précis furent également utilisés pour d’autres missions bien différentes comme l’escorte, le mouillage de mines, le dragage, les raids amphibies….. .
Affrontant les allemands et les finlandais en mer Baltique, les allemands au large des côtes norvégiennes, les allemands, les italiens et les roumains en mer Noire, les vedettes lance-torpilles soviétiques firent ce qu’elles purent mais on ne peut pas dire que les résultats furent à la hauteur du courage des équipages et de l’investissement financier.
Quelques navires ennemis furent coulés et si leur nombre important généra psychose et tension chez l’ennemi, cet impact était moins important qu’un navire coulé avec son chargement.
Il y aura d’ailleurs après guerre la volonté de supprimer ces navires mais un intense lobbying et la présence en Baltique de nombreuses unités légères occidentales poussa la marine soviétique à non seulement conserver ses unités légères mais aussi à les augmenter et à les améliorer.
Les différents modèles
Les 450 vedettes lance-torpilles en service au 21 juin 1950 sont répartis entre différents modèles, cinq en l’occurrence avec le type Sh-4, le type G-5 (probablement le plus connu car utilisé durant la guerre d’Espagne et le plus nombreux), les type D-3 et D-3bis et enfin le type Komsomolets.
-Le Type Sh-4 est le premier modèle «moderne» de vedette lance-torpilles. Il à été conçu par le célèbre ingénieur aéronautique Andrei Tupolev. Produit à 84 exemplaires entre 1928 et 1932, ce modèle moyennement réussi était néanmoins encore en service en juin 1950 à raison de 72 exemplaires.
Douze étaient déployées en mer Caspienne (quatre perdues durant le conflit), vingt-quatre en mer Noire (douze perdues), vingt-quatre en mer Baltique (seize perdues) et douze dans le Pacifique (quatre perdues), laissant à la fin du conflit seulement trente-six vedettes de disponibles. Ces navires usées et dépassées furent rapidement désarmées et démolies. Une vedette à été préservée dans un musée de la Guerre à Astrakhan.
Déplacement : 10 tonnes Longueur 18m Propulsion : deux moteurs Right-Typhon Vitesse maximale 52 nœuds distance franchissable 300 miles nautiques Armement : deux mitrailleuses de 7.62mm et deux torpilles de 450mm.

Une vedette lance-torpilles type G-5 passant devant le croiseur lourd Kirov
-Avec leurs 240 exemplaires, les vedettes lance-torpilles type G-5 constitue le plus gros contingent de la force de vedette lance-torpilles soviétique. Evolution du modèle précédent, elles sont plus grosses, tiennent mieux la mer et surtout sont mieux armées.
Les 240 modèles construits entre 1933 et 1944 sont tous encore en service en juin 1950 et son répartis entre la mer Caspienne (vingt-huit exemplaires), la mer Noire (soixante-quatre), l’Arctique au sein de la Flotte du Nord (vingt-quatre exemplaires), le Pacifique (vingt-quatre exemplaires) et enfin la Baltique qui se taille la part du lion avec quatre-vingt douze exemplaires.
Sur ces 240 navires, soixante-dix ont été perdus sous les coups de l’ennemi ou par accident. Si la flottille de la mer Caspienne ne perd que six navires, la flotte de la mer Noire subit une véritable saignée avec vingt-quatre vedettes perdues.
La Flotte du Nord qui couvre la zone arctique perd douze de ses navires (la majorité en raison de problèmes mécaniques ou d’une météo défavorable), la flotte du Pacifique déplore la perte de huit navires alors que la flotte de la Baltique la plus exposée perd vingt-navires ce qui lui en laisse tout de même soixante-douze.
A la fin du conflit, il reste donc 170 vedettes type G-5 encore en service. La majorité usée est rapidement désarmée mais une partie (32 ou 48 selon les sources) va rester en service jusqu’au début des années soixante. Seize vont être transférée à la marine communiste chinoise après sa victoire sur les nationalistes mais on ignore le sort final de ces navires.
Déplacement : 16.26 tonnes Longueur 19.1m largeur 3.5m tirant d’eau 0.82m Propulsion : deux moteurs essence Mikulin GAM-34BS de 850ch chacun entrainant deux hélices Vitesse maximale 53 nœuds Armement : deux mitrailleuses de 12.7mm en un affût double et deux torpilles de 533mm Equipage : 6-7 hommes.

Vedette type D-3
-Les soixante-quatre vedettes lance-torpilles du type D-3 marquent une rupture par rapport aux vedettes précédentes. Elles sont plus grosses, propulsées par des diesels avec un armement les rapprochant des vedettes occidentales. Elles sont construites entre 1944 et 1949.
Trente-deux vedettes de ce modèle appartiennent à la Flotte de la Baltique (douze perdues), seize à la Flotte de la mer Noire (huit perdues) et seize à la Flotte du Nord (six perdues). Il reste trente-huit vedettes en service à la fin du conflit, navires qui sont désarmés entre 1960 et 1966, remplacés par des navires plus modernes.
Déplacement : 35 tonnes Longueur 25m largeur 4m tirant d’eau 1.20m Propulsion : deux moteurs diesel de 1000ch chacun entrainant deux hélices Vitesse maximale 53 nœuds Armement : un canon de 37mm, deux canons de 25mm, deux mitrailleuses de 12.7mm et deux torpilles de 533mm Equipage : 10 hommes.
-Les quarante-deux vedettes du type D-3bis sont une amélioration, une évolution des précédentes, leur construction ayant lieu parallèlement aux précédentes. Elles sont réparties entre la flotte de la Baltique avec seize unités (huit unités perdues), celle du Pacifique avec seize unités également (quatre unités perdues) et la mer Noire avec dix unités (six perdues), laissant vingt-quatre unités rapidement désarmées.
Déplacement : 37.5 tonnes Longueur 26.5m largeur 4m tirant d’eau 1.20m Propulsion : deux moteurs diesel de 1000ch chacun entraînant deux hélices Vitesse maximale 50 nœuds Armement : un canon de 37mm, deux canons de 25mm, deux mitrailleuses de 12.7mm et deux torpilles de 533mm Equipage : 10 hommes.
-Le dernier modèle de vedette lance-torpilles en service dans la RKKF est le type Konsomolets produit avant guerre à trente-deux exemplaires, vingt-quatre déployés en mer Baltique et huit en mer Noire. Elles sont assez semblables aux précédentes.
Sur les trente-deux vedettes de ce type produites avant guerre, dix sont perdues en Baltique et quatre en mer Noire, laissant ainsi dix-huit navires en service à la fin du conflit. Ces navires sont peu à peu relégués à des missions secondaires avant d’être désarmées à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix.
Déplacement : 36 tonnes Longueur 25.5m largeur 4m tirant d’eau 1.20m Propulsion : deux moteurs diesel de 1000ch chacun entrainant deux hélices Vitesse maximale 50 nœuds Armement : un canon de 37mm, deux canons de 25mm, deux mitrailleuses de 12.7mm et deux torpilles de 533mm Equipage : 10 hommes.
Monitors et vedettes fluviales
Avant-propos
Aujourd’hui dans de nombreux pays, le trafic fluvial est quasi-inexistant ou du moins très secondaire, surclassé, surpassé par le trafic routier. Je dis bien aujourd’hui car jadis le transport fluvial était indispensable aussi bien dans des pays ayant un bon réseau routier (comme la France) que des pays ayant un réseau routier très insuffisant (comme la Russie).
Qui dit transport de marchandise dit protection. En milieu fluvial, il faut des navires ayant un faible tirant d’eau avec un bon armement, la vitesse et le rayon d’action étant des facteurs secondaires.
La Russie dispose de plusieurs flottilles présentes sur des lacs mais aussi des fleuves. Sur le plan de la géographie, plusieurs fleuves sont orientés nord-sud comme le Don ou la Volga ce qui peut faciliter la défense et soutenir les troupes au sol.
Voilà pourquoi les flottilles fluviales de la marine soviétique disposaient de vedettes pour la patrouille et l’escorte, des dragueurs de mines de rivière pour notamment nettoyer les deltas et les estuaires (comme après le second conflit mondial au sein du Corps Naval Belge pour sécuriser les accès au port d’Anvers), des transports blindés et surtout des monitors destinés à l’appui-feu.

Monitor de rivière classe Tayfun
Ces navires étaient comme de grosses péniches blindées munies d’une tourelle de char qu’il s’agisse de celle du KV-1 ou plus souvent du T-34/76 et du T-34/85 soit pour les deux premiers des canons de 76.2mm et pour le dernier un canon de 85mm.
Au début des années quarante on trouvait quatre flottilles fluviales présentes sur le Prinsk, le Danube, la mer Caspienne et l’Amour. Suite à la création d’une flottille navale de la Caspienne, la force fluviale de la marine russe est totalement réorganisée.
C’est ainsi qu’en juin 1950 on trouve une flottille sur le Danube, une flottille sur le Don, une flottille sur le Dniepr, une flottille sur la Volga et une flottille sur le fleuve Amour.
Ces flottilles disposent de vedettes et de patrouilleurs, des transports blindés, des dragueurs fluviaux, des monitors mais aussi une compagnie de fusiliers marins et une escadrille de chasseurs-bombardiers pour assurer la couverture et l’appui rapproché des vedettes.
Durant le conflit des flottilles supplémentaires seront créées en fonction de l’avancée des troupes de l’Armée Rouge. Certaines vedettes seront transférées par voie ferrée pour suivre la progression de l’Armée Rouge à travers l’Europe Centrale et Orientale.
Après guerre, la marine soviétique continuera à disposer de moyens fluviaux mais leur nombre sera sérieusement réduit par rapport aux moyens déployés durant le second conflit mondial.
Vedettes fluviales

Vedette fluviale type BK
Les principaux navires des peka flottiya (flottilles fluviales) étaient les vedettes fluviales. Plusieurs modèles sont dévellopés comme les projets 161 et 186 mais aussi le projet 194 ou encore les vedettes blindées BKA.
Le projet 161 est produit à trente-deux exemplaires. Navires de 163 tonnes, ces vedettes sont armées de deux tourelles de char de 76mm soit des KV-1 ou alors des T-34/76. Ces vedettes fluviales qui sont également armées de deux mitrailleuses de 12.7mm et deux mitrailleuses de 7.62mm sont réparties entre la flottille du Danube, celle du Don, celle de la Volga et celle de l’Amour à raison de huit vedettes chacune.
Sur les trente-deux navires construits, vingt sont perdues. Si la flottille de l’Amour perd quatre vedettes, celle du Danube perd quatre, celle du Don six et celle de la Volga six également, ne laissant que douze navires rapidement désarmés le conflit terminé.
Le projet 186 est produit à vingt-quatre exemplaires. Ces navires sont issus des précédentes mais leur armement est plus puissant avec deux tourelles de chars disposant de canons de 85mm. Quatre sont déployées sur le Danube, quatre le sont sur le Don, quatre sur le Dniepr, huit sur la Volga et quatre sur le fleuve Amour.
Durant le conflit, sur les vingt-quatre navires construits, seize seront perdues, les quatre du Danube, les quatre du Don, les quatre du Dniepr, trois sur la Volga et une sur le fleuve Amour. Les suivantes ont quitté le service actif au début des années soixante.
Les vedettes du projet 194 sont des vedettes de patrouille. Déplaçant 80 tonnes, elles sont armées de deux canons de 37mm, de deux mitrailleuses de 12.7mm et de deux mitrailleuses de 7.62mm.
Soixante vedettes de ce type sont produites réparties équitablement dans les différentes flottilles à raison de douze vedettes par flottille. Peu voir pas protégées, ces vedettes vont subir de très lourdes pertes puisqu’il ne restait qu’une vingtaine en avril 1954.
Enfin les vedettes blindées type BKA ont été produites à vingt exemplaires, chaque flottille disposant de quatre exemplaires.
Les vedettes BKA déplacent 150 tonnes et sont bien armées avec deux tourelles doubles de 37mm, quatre mitrailleuses de 12.7mm et même un mortier de 81mm pour l’appui-feu même si ce n’était pas leur mission première.
Sur les vingt exemplaires construits, douze sont perdues durant le conflit, les huit dernières étant démolies ou coulées comme cible à la fin des années cinquante et au début des années soixante.
Durant la guerre comme nous le verrons plus tard, de nouvelles vedettes et de nouveaux patrouilleurs seront construits pour remplacer les navires perdus.
Transports blindés
Ces transports blindés (projet 1171) sont destinés à transporter des troupes de l’Armée Rouge sur les fleuves sous blindage mais peuvent aussi servir pour le transport de la compagnie de fusiliers marins intégrée à chaque flottille fluviale.
Chaque flottille dispose de transports blindés, la flottille du Danube dispose de trois transports blindés, celle du Don de quatre, celle du Dniepr trois également et si celle de la Volga en possède six, celle du fleuve Amour aligne quatre navires soit un total de vingt navires.
Ces navires d’environ 250 tonnes peuvent transporter jusqu’à quatre-vingt dix hommes et sont armés de deux tourelles doubles de 37mm, quatre mitrailleuses de 12.7mm et six mitrailleuses de 7.62mm.
Sur les vingt navires présents en juin 1950, douze seront coulés, les trois du Danube, les quatre du Don, deux de la flottille du Dniepr, deux sur la Volga et sur le fleuve Amour. Les navires survivants sont détruits immédiatement après guerre.
Dragueux fluviaux (appelées également vedettes de dragage)
Chaque flottille dispose de six dragueurs fluviaux, de petits navires de 30 tonnes destinés à purger les fleuves, les delta et les estuaires de mines et autres pièges explosifs. Ces navires légèrement armés (deux mitrailleuses de 12.7mm) seront rejoints durant le conflit par des navires réquisitionnés plus ou moins adaptés.
Finalement durant le conflit d’autres dragueurs fluviaux spécialement conçus pour cette mission seront produits, le minage étant particulièrement utilisé par les allemands pour perturber les communications soviétiques sur les fleuves et le long des côtes.
Monitors fluviaux
Si certaines vedettes sont lourdement armées, leur mission n’est pas d’assurer l’appui-feu des troupes au sol mais d’assurer le contrôle du fleuve. Pour cette mission d’appui-feu, des navires spécialisés sont nécessaires.
Reprenant des coques de transports blindés, ces monitors fluviaux sont des navires déplaçant environ 300 tonnes, blindés, assez lents mais puissamment armés avec des canons de 122 ou de 152mm, des pièces plus légères de 76.2mm, une DCA composée de canons de 37mm et de mitrailleuses de 12.7mm, certaines unités disposant comme nous le verrons de mortiers.
La Flottille fluviale du Danube dispose de six monitors, trois sont armés d’un canon de 122mm, deux d’un canon de 152mm et le dernier d’un mortier de 120mm.
Tous ces monitors disposent de deux canons de 76.2mm, de six canons de 37mm, de quatre mitrailleuses de 12.7mm. Sur ces six navires, seulement trois (deux armés de canons de 122mm et celui armé d’un mortier de 120mm) survivent au conflit même si leur carrière d’après guerre est courte.
La Flottille fluviale du Don dispose de quatre monitors, deux armés d’un canon de 122mm et deux armés d’un canon de 152mm, ces pièces lourdes sont associées à deux canons de 76.2mm, quatre canons de 37mm, quatre mitrailleuses de 12.7mm. Les quatre navires en question sont coulés durant le conflit.
Les quatre monitors de la Flottille du Dniepr sont armés pour un d’un canon de 122mm, pour deux autres d’un canon de 152mm et pour le dernier de deux mortiers de 120mm. Ces pièces lourdes sont associées à deux canons de 76.2mm, quatre canons de 37mm et six mitrailleuses de 7.62mm.
Sur les quatre navires en service en juin 1950, trois sont coulés durant la guerre, un survivant au conflit avant d’être désarmé après guerre.
Les six monitors déployés sur la Volga sont armés pour deux d’entre-eux d’un canon de 152mm, pour un d’un canon de 122mm, pour un quatrième d’un canon de 107mm et pour les deux derniers de deux mortiers de 120mm. Ces pièces lourdes sont associées à deux canons de 76.2mm, quatre canons de 25 ou de 37mm et six mitrailleuses de 12.7mm. Trois navires sont coulés durant le conflit, trois y survivant.
La flottille déployée sur le fleuve Amour dispose de deux monitors armés d’un canon de 122mm, de deux canons de 76.2mm, de quatre canons de 37mm, de quatre mitrailleuses de 12.7mm. Ces deux navires survivent au conflit et sont désarmées au milieu des années soixante.