URSS (24) Cuirassés et croiseurs de bataille (2)

Cuirassés classe Sovietsky Soyouz

Classe Sovetsky Soyouz 2

Avant-propos

Dans l’histoire les marines connaissent parfois des périodes noires, une période de descente aux enfers, une période où on touche le fond.

Pour beaucoup ces périodes sont assez espacées mais pour la marine russe elles seront douloureusement rapprochées puis qu’après le traumatisme de la guerre russo-japonaise en 1905 arrivèrent les deux révolutions de 1917 qui fracassèrent les efforts entamés depuis 1907.

Le programme naval de 1907 avait axé la priorité sur le renouvellement du corps de bataille avec la commande de sept navires, quatre de classe Gangut et trois de classe Imperatrista Mariya, des navires mis en service au début ou durant le premier conflit mondial.

Pourtant au 1er janvier 1919 il ne restait plus que deux unités de classe Gangut en service, les autres ayant été désarmées ou détruites notamment durant la guerre civile russe.

Un temps la constitution d’un puissant corps de bataille était vu comme une hérésie _influence de la Jeune Ecole oblige_ mais peu à peu l’idée de construire de nouveaux cuirassés émergea au point que le projet de deuxième plan quinquennal prévoyait une marine à dix cuirassés.

Immédiatement rien ne se produisit faute de tissu industriel suffisant, faute de spécialistes compétents et faute aussi d’un contexte politique favorable.

Tout se débloque à partir de 1936 quand la constitution d’une puissante flotte océanique devient la priorité pour le régime stalinien. De nombreux projets de cuirassés et de croiseurs de bataille sont étudiés, certains provenant de bureaux d’études étrangers comme Gibbs & Cox aux Etats-Unis ou Ansaldo en Italie.

Au final trois projets furent retenus. Le type 21 donnait un cuirassé de 35000 tonnes, 249m de long avec neuf canons de 406mm en trois tourelles triples, le type 23 donnait un cuirassé de 45900 tonnes, 269m de long et neuf canons de 406mm en trois tourelles triples et le type 25 donnait un navire de 26000 tonnes, 250m et neuf canons de 305mm en trois tourelles triples, la vitesse des trois projets étant de 30 nœuds.

C’est le type 23 qui est choisit. Pesant déjà 45900 tonnes, il prit encore de l’embonpoint puisque la protection fût renforcée pour lui permettre d’encaisser l’explosion d’une torpille de 750kg. Au final les Sovietsky Soyouz allaient déplacer plus de 50000 tonnes ce qui en fait les cuirassés rapides les plus lourds en dehors des Yamato (mais ces derniers sont de toute façon à part).

Seulement quatre navires seront construits, les deux derniers prévus par le programme naval de 1947 ne seront jamais mis sur cale.

Carrière opérationnelle

Le Sovietski Soyouz

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Le Sovietsky Soyouz en construction en haut 

-Le Sovietski Soyouz est mis sur cale aux chantiers navals Baltik de Leningrad le 15 juillet 1938 (soit avant même la validation finale des plans !) lancé le 8 mai 1941 et mis en service le 15 mars 1943.

Il est affecté en mer Baltique avec Kronstadt comme port d’attache. Navire-amiral de la flotte de la Baltique, il opère dans le Golfe de Finlande, faisant connaissance avec de nouveaux ports qu’il s’agisse de la base d’Hanko en Finlande ou les ports des anciennes républiques baltes.

Il subit un premier carénage entre juin 1946 et février 1947, une remise en état complète, un renforcement de la DCA et l’embarquement d’un premier radar soviétique guère efficace à tel point que les marins le surnommait le «poids mort» (mertvyy ves).

En septembre 1948 quand le second conflit mondial éclate, le premier cuirassé construit par l’URSS effectue des patrouilles pour éviter que les «marines impérialistes» ne prennent leurs aises en mer Baltique.

Cette guerre relativement tranquille devienne nettement plus corsée à partir du 21 juin 1950 quand les allemands déclenchent l’opération BARBAROSSA.

On aurait pu s’attendre à une RKKF sautant à la gorge de l’Allemagne et de son supplétif finlandais mais au contraire la Flotte des Ouvriers et Paysans resta dans un premier temps relativement prudente, craignant toujours de subir une nouvelle catastrophe comme lors de la guerre russo-japonaise.

Néanmoins face à la rapide dégradation de la situation sur le front terrestre, la marine du engager ses moyens de manière nettement plus importantes.

Endommagé à plusieurs reprises par l’aviation (deux bombes en septembre 1950) et par un sous-marin (une torpille en juin 1951), il succombe lors de l’opération SOUVOROV. Sorti avec trois destroyers pour couvrir l’offensive terrestre, il tire une centaine d’obus de 16 pouces contre les positions allemandes.

Alors qu’il allait se replier à la faveur de la nuit dans sa tanière de Krondstadt, le cuirassé fait détonner deux mines (soviétiques ? Allemandes ?).

Il prend rapidement une gite catastrophique, se stabilise permettant une évacuation d’une partie de l’équipage avant de brutalement chavirer.

A peine un tiers de l’équipage sera sauvé. L’enquête mené après guerre révélera qu’une mine était soviétique et une autre allemande mais le naufrage à été accéléré par un certain nombre d’avaries et de non respect des règles de sécurité.

Le Sovietskaya Ukraina

 

-Le Sovietskaya Ukraina est mis sur cale aux chantiers navals de Nikolaïev en Ukraine le 28 novembre 1938 lancé le 14 juillet 1942 et admis au service actif le 8 novembre 1944.

Affecté en mer Noire, il est stationné à Sébastopol, la grande base navale soviétique dans la région, servant de navire-amiral pour la flotte de la mer Noire.

Il subit un premier grand carénage entre février et septembre 1947 pour une remise en état complète, le renforcement de la DCA et des tests infructueux de radars.

Il participe naturellement au second conflit mondial. Après avoir essentiellement surveillé les mouvements de la flotte turque, le deuxième cuirassé made in URSS eut pour mission de défendre l’Ukraine, la Crimée et les côtes de la mer Noire.

En l’absence de cuirassé roumain ou de croiseur de bataille bulgare, les menaces contre le cuirassé s’appelaient essentiellement vedettes lance-torpilles, mines, sous-marins de poche et surtout l’aviation.

Conçu pour affronter des navires de lignes ennemis, le Sovietskaya Ukraina servit d’escorteur de convois et de navire d’appui-feu, utilisant ses canons de 406mm et de 152mm pour appuyer les troupes au sol. A plusieurs reprises, ses puissants canons stoppèrent une offensive allemande et mieux un début de panique dans les rangs de l’armée Rouge.

Son puissant armement antiaérien pouvait lui permettre de résister efficacement aux avions de la Luftwafe ainsi qu’à ceux du Kriegsmarine FliegerKorps (KFK).

Il est endommagé à de nombreuses reprises. Il l’est dès le 7 juillet 1950 par une bombe de 250kg d’un Lioré et Olivier Léo 451 roumain mais les dégâts sont limités. Il est plus sérieusement touché en décembre 1950 quand deux bombes de 500kg touchent le cuirassé alors au mouillage à Novorossiirsk, la nouvelle «base» de la flotte de la mer Noire.

Indisponible jusqu’en juin 1951, il reprend le combat, étant endommagé à nouveaux à trois reprises par l’aviation (une fois), par une mine (une fois) et par une batterie côtière.

Endommagé à de nombreuses reprises, mal entretenu faute de structures adéquates durant le conflit, le cuirassé est en très mauvais état matériel quand le second conflit mondial s’achève. Il est un temps question de le remettre en état, de le moderniser (en en faisant par exemple le premier cuirassé lance-missiles) mais finalement il est désarmé le 17 mars 1956. Il reste mouillé à Nikolaïev jusqu’à sa démolition menée entre 1974 et 1976.

Le Sovietskaya Rossiya

-Le Sovietskaya Rossiya est mis sur cale aux chantiers navals de Molotovsk (auj. Severodvinsk) le 8 décembre 1939 lancé le 14 juillet 1943 et mis en service le 17 juin 1946.

Affecté en mer Baltique, le cuirassé sert de navire-amiral de la flotte de la Baltique durant l’indisponibilité du Sovietski Soyouz. Il est lui même immobilisé pour son premier grand carénage de juillet 1949 à février 1950. Il n’est donc pas totalement opérationnel quand l’Allemagne déclenche l’opération BARBAROSSA.

Comme son sister-ship Sovietski Soyouz, le cuirassé mène des missions d’appui-feu et de couverture des troupes au sol contre une possible intervention de la Kriegsmarine. Il opère souvent en soutien des unités légères _croiseurs et destroyers_ qui tentent de couper les lignes de communication allemande et de protéger les leurs.

Il est endommagé le 17 mai 1951 par une mine allemande au large de Krondstadt alors qu’il revenait d’une infructueuse mission «recherche et destruction» contre un convoi que l’aviation de la Flotte avait signalé au large de Liepaja.

Réparé, il retourne au combat en septembre 1951 pour des missions d’appui-feu au profit des troupes au sol. Il est endommagé par l’aviation allemande en mai 1952 qui le touche avec deux bombes. De retour au combat en juin, il participe à l’opération SOUVOROV, opération de dégagement de Leningrad fatale à son sister-ship Sovietski Soyouz.

Jusqu’à la fin du conflit, il couvre l’avancée des troupes soviétiques, tentant d’empêcher le ravitaillement de la poche de Courlande mais aussi l’évacuation des réfugiés depuis les ports polonais encore aux mains des allemands. Son succès sera d’estime la faute essentiellement due à une prudence des commandants soviétiques.

Toujours à flot en septembre 1954, il est entièrement remis en état et modernisé entre 1957 et 1960. Il va être constamment modernisé jusqu’à son désarmement survenu en septembre 1975 en raison d’une usure importante. Il à été démoli dans les années quatre-vingt.

Le Sovietskaya Belorussiya

-Le Sovietskaya Belorussiya est mis sur cale aux chantiers navals de Molotovsk (auj. Severodvinsk) le 14 juin 1942 lancé le 8 octobre 1945 et mis en service le 8 octobre 1948.

Déployé dans le Pacifique, il rejoint Vladivostok derrière deux brise-glaces, passant par le détroit de Bering, naviguant au large des côtes de l’Alaska ce qui entraîne la mise en alerte des troupes américaines. C’est naturellement le navire-amiral de la flotte du Pacifique.

Plus que toutes les autres, la flotte soviétique du Pacifique sert de fleet-in-being pour dissuader le Japon de s’en prendre à la Sibérie et à l’Extrême-Orient soviétique. Il effectue de réguliers exercices, multipliant des patrouilles.

Durant le second conflit mondial, elle se montre paradoxalement moins agressive, ne voulant surtout pas provoquer le Japon et donner un prétexte à Tokyo pour mener une véritable invasion ou au moins des raids de représailles.

Il ne connait une guerre vraiment active qu’à partir de juin 1954 lors de l’offensive soviétique en Mandchourie. Un accord à été passé avec les navires de l’opération PHENIX, la plus importante opération aéroportée de l’histoire (cinq divisions engagées) qui bénéficia d’un soutien naval important avec notamment trois porte-avions de classe Essex et un porte-avions léger britannique.

N’ayant pas de cuirassés à affronter, le dernier cuirassé de classe Sovietski Soyouz servit essentiellement de navire d’appui-feu. Il est visé par plusieurs kamikazes mais aucun n’endommage le cuirassé soviétique.

Modernisé entre 1960 et 1962, il sert de navire-amiral pour la flotte du Pacifique jusqu’à son désarmement en 1981. Il semble que sa préservation à été étudiée mais par manque de fonds, incurie ou problème inconnu cela n’à pu se faire. Ayant coulé par petits fonds en 1991, le cuirassé est relevé et démoli.

Caractéristiques Techniques

Classe Sovetsky Soyouz 3.jpg

Déplacement : standard 59150 tonnes pleine charge 65150 tonnes

Dimensions : longueur 269.4m largeur 38.9m tirant d’eau : 10.4m

Propulsion : trois groupes de turbines à engrenages Brown Boveri alimentées par six chaudières à triangle développant une puissance totale comprise entre 201 et 231000ch et entrainant 3 hélices

Performances : vitesse maximale 29 noeuds distance franchissable : 5580 miles nautiques à 14 noeuds

Protection : ceinture de 375 à 420mm orientée à 5° Bulkheads 230 à 265mm Barbettes 425mm Tourelles 495mm Pont : 100 à 150mm pour le principal 25mm pour le premier pont et 50mm pour les autres.

Armement : 9 canons de 406mm modèle 1937 en trois tourelles triples (deux avant une arrière), 12 canons de 152mm modèle 1938 en six tourelles doubles, 12 canons de 100mm modèle 1940 en six tourelles doubles, 40 canons de 37mm 70-K en dix affûts quadruples.

Durant le conflit l’armement évolua avec l’embarquement de canons de 20mm et de canons de 37mm supplémentaires.

Aviation : Deux catapultes et quatre hydravions Beriev KOR-2 (Bériev Be-4)

Equipage : 1750 officiers et marins

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