De la marine impériale à la marine soviétique
Guerre civile et refondation d’une marine de guerre
Le 10 novembre 1917 Lénine décide de démobiliser l’armée ce qui entraîne la dissolution du ministère de la Marine et du conseil supérieur qui sont remplacés par un commissariat à la marine confié à un simple marin Dybenko.
Cette situation ne dure pas car le 12 février 1918 Lénine signe un décret créant la «Flotte des Ouvriers et des Paysans».
Cette nouvelle marine conserve un caractère éminemment révolutionnaire avec le pavillon rouge à la place du pavillon blanc à croix de Saint-André bleu, les épaulettes et les grades sont supprimés, les officiers élus.
Cette situation ne dura pas, la guerre civile contre les Blancs imposa le retour à une marine plus «normale» : suppression de l’élection des officiers, conscription, rappel des anciens officiers les «spécialistes» étroitement surveillés et contrôlés par les commissaires politiques.
Si pendant le conflit les pertes de la marine russe furent plutôt légères durant la guerre civile les pertes sont très importantes tant sur le plan matériel que sur le plan humain. La situation est-telle que les marins doivent revendre tout ce qu’ils peuvent pour se nourrir !
Au 1er janvier 1919 la Flotte Rouge disposait de deux cuirassés, deux croiseurs, vingt-deux torpilleurs et dix sous-marins, une misère……… .
Durant le conflit contre les Blancs, il y eut peu d’affrontements majeurs en haute mer mais des flottilles fluviales furent mises sur pied par les Rouges sur le Dniepr, la Volga, les lac Onega et Ladoga, des flottilles légères étant également déployées sur la mer d’Azov, sur la mer Noire et en Caspienne.
Alors que la guerre civile russe n’est pas encore terminée les marins de la flotte de la Baltique se révoltent le 1er mars 1921. Ils se soulèvent contre l’autoritarisme bolchevique et informés des exactions du communisme de guerre par leurs familles dans les campagnes ils souhaitent un retour aux idéaux premiers de la révolution.
Krondstadt est une base navale située sur l’île de Kotline à 25km de Saint-Petersbourg. Elle en assure la défense via les navires de la flotte de la Baltique mais aussi par la présence d’une puissante forteresse construite dès la fondation de la ville en 1703.
Comme nous le savons les marins, soldats et ouvriers de Kronstadt (environ 50000 personnes) ont été à l’avant-garde de la révolution mais trois ans plus tard ils sont déçus. Ils exigent des élections libres au sein des soviets, la liberté de la presse et de réunion pour toutes les forces socialistes, la suppression des réquisitions et le rétablissement du marché.
Cette révolte va durer dix-sept jours du 1er au 18 mars à une époque où Lénine conscient de l’épuisement du pays décide d’une «pause» en remplaçant le communisme de guerre par la Nouvelle Politique Economique (NEP).
Les révoltes contre les bolcheviques se multiplient, le pays ravagé, ruiné par les combats. Une famine fait cinq millions de morts, le typhus et autres maladies font des ravages sur des organismes affaiblies.
Face à cette situation les marins de Krondstadt ne supportent plus l’autoritarisme des bolcheviques et vont se révolter, alimentant des grèves dans les usines de Petrograd, gréves à laquelle les bolcheviks avaient répondu par la loi martiale, le lock-out et des arrestations par la Tchéka.
Un comité révolutionnaire provisoire est créé le 1er mars c’est le début officiel de la révolte. Face à cette révolte les bolcheviks choisissent la fermeté et en attendant la répression militaire une propagande cherche à dénigrer et à disqualifier le mouvement en cours.
Le 4 mars 1921 le blocus de Krondstadt est effectif, Zinoviev réclame la reddition inconditionnelle des insurgés, se faisant menaçant. Le lendemain les révoltés sont accusés d’être à la solde du contre-espionnage français voir alliés aux Blancs.
Le 7 mars 1921 à 18.45, 50000 soldats de l’Armée Rouge attaquent les insurgés qui sont 15000. A la tête des forces soviétiques se trouve un ancien officier tsariste, le général Mikhaïl Toukhatchevski qui n’hésitera pas quelques mois plus tard à utiliser des gaz de combat à Tambov pour liquider une révolte paysanne. Les combats vont être acharnés et au bout de dix jours la révolte est écrasée avant que la glace ne fonde et ne redonne à Krondstadt son statut d’île.
Un premier assaut mené le 7 mars est repoussé. En dépit de l’encadrement par des troupes spéciales de la Tcheka, des unités se débandent voir passent dans le camp insurgé. Des unités refusent même d’avancer.
Une nouvelle attaque menée le 10 mars est repoussée mais une semaine plus tard un troisième assaut parvint à s’emparer de l’île et à écraser la révolte. 6528 «rebelles» sont arrêtés, 2168 exécutés, 1955 condamnés au travail obligatoire (la majorité pour cinq ans) et 1272 libérés. Les familles des rebelles sont déportées en Sibérie.
Sur les 8000 marins s’étant enfuis en Finlande, ceux qui reviendront un an plus tard sous la promesse d’une amnistie seront envoyés au Goulag. Du côté des Rouges, 10000 hommes auraient été tués.
Dans ces conditions difficile pour la marine de pouvoir justifier la (re)constitution d’une puissante marine de guerre.
Au delà de la situation politique avec la révolte des marins de Krondstadt, la situation matérielle est apocalyptique. Les chantiers et les arsenaux ont été abandonnés (350000 tonnes de coques inachevées !), les stocks sont inexistants, l’entretien nul, le personnel qualifié manquant quand il n’était pas tenu en très haute suspicion par le pouvoir en place.
En 1925 la marine soviétique aligne trois cuirassés, deux croiseurs, dix-sept destroyers, treize sous-marins et trente petites unités. Entre 1924 et 1926 une réforme entraîne la suppression du Commissariat à la Marine remplacé par un Commissariat aux forces armées, l’armée de terre prend clairement le dessus sur une marine clairement affaiblie.
Comme un savoureux retour en arrière la marine soviétique est clairement influencée par les idées de la «Jeune Ecole», le règlement de 1930 attribue à la marine un rôle défensif, c’est un simple organe supplétif de l’armée.
La marine est sévèrement purgée, les officiers sérieusement encadrées par des commissaires politiques. Nouvelles purges en 1930 et ceux réintégrés n’échappèrent pas forcément aux Grandes Purges de la fin des années trente. Les partisans d’une Grande Flotte sont mis sur la touche…… .
La volonté du système d’innover à tout prix dans tous les domaines et le manque de cadres compétents suscitèrent de nombreux problèmes techniques et politiques mais pour Staline tout cela était la faute des «traîtres» et de «saboteurs».
En dépit d’une profonde méfiance vis à vis de l’étranger l’URSS se tourne vers la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis pour obtenir une aide technique. Moscou n’obtient pas grand chose, des plans de destroyers (France,Italie), de sous-marins (Italie,Allemagne), de cuirassés (Etats-Unis,Italie), seule l’Italie livra un destroyer, des dragueurs, du matériel divers….. .
En 1932, le projet de deuxième plan quinquennal prévoit 369 sous-marins, 10 cuirassés,49 destroyers,10 conducteurs de flottille, 8 croiseurs, des dragueurs de mines et des patrouilleurs soit un total de 503 bâtiments de surface, 143 auxiliaires et 25 unités pour la surveillance des côtes.
Ce plan grandiose évolua et lors de l’adoption du 2ème plan quinquennal il se composait de 759 bâtiments avec 298 sous-marins, 11 croiseurs, 62 destroyers,267 vedettes et 47 dragueurs.
Couvrant la période 1933-1938 il n’était réalisé qu’à 37% en 1936. Les Grandes Purges n’allaient pas améliorer la situation en privant la marine soviétique d’un certain nombre d’ingénieurs talentueux mais jugés dangereux par le Vojd.
Sentant le contexte international évoluer, Staline renoua vers l’idée de posséder une flotte océanique capable de faire autre chose que simplement protéger les côtes et appuyer l’armée de terre.
Signe de temps les commissaires politiques sont supprimés, le commandant des forces navales est directement subordonné au commissaire à la Défense, un nouveau pavillon bleu et blanc mis en place, les anciens grades rétablis.
Surtout de nouveaux plans de construction colossaux sont mis sur pied pour permettre à l’URSS de faire face à des attaques des «puissances capitalistes». Comme souvent en URSS avoir raison hier c’est avoir tort aujourd’hui. C’est ainsi que tous les partisans d’une flotte défensive furent liquidés.
Des plans délirants mais pour quoi faire ?
L’évolution du contexte géopolitique mondial pousse Staline à revenir vers la conception d’une «Blue Water Navy», une marine océanique avec cuirassés, croiseurs de bataille, croiseurs, destroyers et sous-marins. J’omet volontairement le porte-avions car Staline comme Mussolini est resté un sceptique jusqu’à une date très tardive.
La logique, la prudence, le bon sens aurait du pousser le Vjod à prendre son temps, à aller par étapes mais pour cela il aurait fallu que Josef Staline ne soit pas Josef Staline. Comme jadis avec l’industrialisation et la collectivisation l’expansion de la «Flotte des ouvriers et des paysans» va se faire à marche forcée.
Les résultats seront certes impressionnants (huit navires de ligne et deux porte-avions d’escadre en service en juin 1950) mais le coût technique, humain, les gâchis sont absolument colossaux, un gaspillage que seul un régime dictatorial, totalitaire pouvait se permettre car les opposants un peu trop critiques savaient qu’au mieux ils finiraient au goulag et au pire avec une balle dans la nuque.
Les discussions concernant la marine océanique commencèrent en 1936, le premier projet prévoyait pour 1946 une marine de 1727000 tonnes et 576 bâtiments. En ajoutant ultérieurement six porte-avions pour faire face à une inquiétante menace japonaise, le tonnage globale passait à 1868000 tonnes.
De nombreuses discussions eurent lieu sur les capacités des différents navires. C’est ainsi que pour les cuirassés ont hésita sur différents calibres tout comme sur leur configuration, le bureau d’études américain Gibbs & Cox après autorisation du président Roosevelt vendit des plans d’un cuirassé porte-avions armé de canons de 406mm.
Pour les croiseurs on étudia des projets de heavy cruiser armés de canons de 250mm soit bien au delà des limites fixées par le traité de Washington de 1922 même si Moscou n’avait pas signé le traité en question.
Les porte-avions furent écartés, Staline préférant le croiseur de bataille au porte-avions, partageant le même scepticisme qu’Hitler et Mussolini probablement par ignorance des capacités mais aussi parce que la géographie rendait délicate l’utilisation d’une force importante de porte-avions.
La Baltique était une mer fermée où l’aviation basée à terre pouvait faire le travail, la mer Noire était interdite aux porte-avions à moins de faire construire les dits navires en Ukraine. Il ne restait que l’Océan Glacial Arctique et le Pacifique.
Dans la première zone les cibles manquaient alors que dans la seconde que pourraient faire une poignée de porte-avions inexpérimentés face à une force aéronavale qui ne cessait de progresser depuis des années……. .
Pourtant en juin 1950 la marine soviétique possédait deux porte-avions, l’Orel et l’Ulianovsk, des porte-avions d’une classe comparable à celles des Essex, le premier étant stationné à Mourmansk _seul port soviétique libre des glaces toute l’année_ et le second à Vladivostok, une réassurance contre un Japon potentiellement agresseur de l’Extrême-Orient soviétique.
Ce changement est difficile à expliquer tout comme nombre de décisions de Staline. Brusque révélation christique ? Influence des marines alliées et ennemies ? Encore aujourd’hui on ignore la réponse exacte.

Les croiseurs lourds soviétiques se distinguaient par leurs canons de 180mm
En ce qui concerne les croiseurs, l’URSS se distingue avec le choix d’un calibre différent, le 180mm, un calibre unique au monde, à mi-chemin entre le 152 et le 203mm. Néanmoins après la construction de six croiseurs lourds à canons de 180mm, l’URSS va construire des croiseurs légers à canons de 152mm.
Finalement Staline arrête le programme avec 24 cuirassés, 20 croiseurs légers, 145 destroyers et 334 sous-marins soit 533 bâtiments de combat pour 1307300 tonnes auxquels il fallait ajouter environ 400000 tonnes de patrouilleurs, de dragueurs et d’auxiliaires. Le plan prévoyait 1849 tonnes.
Ce plan était totalement irréaliste, hors de portée d’une industrie soviétique en plein développement. Pour ne rien arranger les «Grandes Purges» de 1936/40 vont priver la marine et l’industrie soviétique de cadres et de spécialistes compétents victimes de la paranoïa du Vjod qui voyait des «saboteurs» et des «espions» partout.
Sur le plan de l’organisation, un commissariat à la marine est créé le 30 décembre 1937, un commissariat indépendant de l’armée, rattaché directement au Politburo et au comité de défense et donc dépendant de Staline.

Buste de l’amiral Kuznetsov
En novembre 1938 l’amiral Kuznetsov est nommé commandant en chef de la marine et commissaire du peuple à la marine.
Sans aucune expérience réelle du commandement (un croiseur en mer Noire et conseiller de l’amiral espagnol républicain Ubieta), c’est un exécutant docile des volontés de Staline ce qui ne l’empêchera de prendre énergiquement la défense de certains de ses subordonnés menacés par le NKVD.
Avec le temps il obtiendra un peu plus d’autonomie mais dès qu’il fera preuve d’un peu trop d’indépendance, Staline lui rappellera qu’il lui doit tout et que le Goulag peut être sa prochaine destination.
Après quatre années où la marine est victime d’une véritable chasse aux sorcières, après quatre années où on voit des «ennemis du peuple» partout, la «Flotte des ouvriers et paysans» retrouve un peu de calme et de sérénité au détriment de la réflexion et de l’esprit d’initiative.
Sans le dire ouvertement, Staline se rend compte que son programme de construction est totalement irréaliste et hors de portée des capacités industrielles soviétiques.
Bien sur la propagande continue à magnifier la grandeur bientôt retrouvée de la marine soviétique, une marine capable de défaire toutes les marines «impérialo-capitalistiques» (sic) réunies et ainsi protéger le «paradis socialiste des travailleurs».
Evolution de la marine soviétique 1939-1950
Avant-propos
Quand éclate la guerre de Pologne, la marine soviétique aligne trois cuirassés, aucun porte-avions, quatre croiseurs anciens, aucun croiseur lourd, un croiseur léger, dix-sept destroyers anciens, vingt-deux destroyers «modernes», huit sous-marins anciens et cent-soixante douze sous-marins modernes.
La majorité des unités sont anciennes voir très anciennes pour la plupart issues de feu la marine impériale russe. Les (rares) constructions neuves sont souvent de mauvaise qualité, percluses de défauts, le résultat d’un manque flagrant d’expérience associé à une volonté du «toujours plus» même si pour Staline il s’agit de l’oeuvre de saboteurs et non une conséquence de ses choix.
On comprend aisément que la «Flotte des ouvriers et paysans» aurait été incapable de jouer un quelconque rôle en cas de conflit impliquant l’URSS. Les navires sont anciens, mal entretenus, les équipages pas toujours bien formés et les officiers terrorisés à l’idée qu’une mauvaise décision ne les envoient à la Loubianka ou au goulag.
Les relations avec l’armée de terre sont mauvaises, cette dernière n’acceptant que la marine devienne une force aussi importante qu’elle, n’acceptant pas que la marine ait repris la mission de défense côtière, n’acceptant pas que la flotte rouge ne se limite pas à protéger ses lignes de communication.
En septembre 1939 le programme soviétique est encore délirant avec 31 cuirassés, 2 porte-avions (encore à l’étude, aucune décision ferme n’était précise, Staline «porte-avionosceptique» hésitant énormément sur ce type de navire, alternant entre le refus de toute construction et des plans incroyables), 27 croiseurs, 176 destroyers et 296 sous-marins. A cela il faut ajouter quelques navires de soutien et toute la «poussière navale».
Neuf ans plus tard en septembre 1948, la marine soviétique à fière allure avec trois cuirassés de classe Sovietsky Soyouz plus un en construction, deux croiseurs de bataille (plus deux en construction), un porte-avions plus un second en construction, six croiseurs lourds, huit croiseurs légers (plus quatre en construction), soixante-huit destroyers (vingt-quatre en construction) et deux-cent quarante sous-marins (soixante en construction) sans compter les navires de soutien et la poussière navale (patrouilleurs, dragueurs……).
La répartition des moyens traduit les préoccupations géopolitiques et géostratégiques du moment avec des forces principalement concentrées en Baltique et dans le Pacifique, l’Océan Glacial Arctique et la mer Noire étant des théâtres secondaires ce qui ne les empêchent pas de posséder des unités de premier rang.
A ces navires modernes s’ajoute une aviation de coopération composée de chasseurs, de bombardiers-torpilleurs, d’avions de patrouille maritime et des hydravions.
Le contrôle de cette aviation à fait l’objet d’une lutte homérique entre la VMF et les VVS qui prétendait vouloir regrouper tout ce qui volait. Finalement Kuznetsov et son adjoint (et futur successeur) Gorchkov ont obtenu du Vjod que l’aviation de la marine dépende de la marine.
A cela s’ajoute des unités d’infanterie de marine, les célèbres fusiliers marins au maillot rayé qui allaient écrire avec leur sang une page glorieuse. Unités initialement à la défense côtière, elles furent ensuite engagées dans des opérations amphibies qui ressemblaient davantage aux «descentes» de jadis qu’aux débarquements amphibies menés par les alliés occidentaux.
Le 21 juin 1950 quand les allemands déclenchent l’opération BARBAROSSA, la marine soviétique dispose de quatre cuirassés, de quatre croiseurs de bataille, de deux porte-avions, de six croiseurs lourds, de dix croiseurs légers (deux en achèvement à flot), quatre-vingt destroyers (douze en construction) et deux-cent soixante-dix sous-marins (trente en construction).
Bien que le programme décidé en 1940 ne soit pas encore achevé, un nouveau plan est «voté» en 1947 pour renforcer la marine. Il prévoyait la construction de deux cuirassés, de quatre croiseurs de bataille, de huit croiseurs lourds, de seize croiseurs légers, de quarante-cinq destroyers, de seize croiseurs sous-marins ainsi que de nombreuses unités légères.
En dépit de progrès techniques, tactiques et technologiques indéniables on peut difficilement imaginer l’URSS trouvant le personnel spécialisé pour utiliser cette marine au maximum de ses capacités d’autant que l’armée de terre et l’armée de l’air ont besoin de personnel qualifié.
En juin 1950, les deux derniers croiseurs légers de classe Tchapaev ont été remorqués de leur chantier de Nikolaïev à Novorossirsk pour être mis à l’abri des allemands. Ils ne seront jamais achevés, ayant été endommagés par différents bombardements et par un manque d’entretien.
Sur les douze destroyers en construction au 21 juin 1950, huit seront achevés durant le conflit non sans mal avec l’usage d’un système D comme la réutilisation de canons issues d’unités trop endommagées pour pouvoir être réparées. Les quatre autres encore sur cale seront sabotées pour ne pas tomber aux mains des allemands.
Sur les trente sous-marins encore en construction, seulement dix seront achevés, les vingt restant qui n’étaient d’ailleurs pas tout sur cale ne seront jamais achevés.
En ce qui concerne le programme de 1947, les deux cuirassés n’ont pas encore été mis sur cale (c’était prévu pour l’automne 1950), les quatre croiseurs de bataille ont été mis en chantier mais des doutes subsistent sur leur mise sur cale.
Sur les huit croiseurs lourds dérivés des Kirov, deux ont été mis sur cale mais les six autres n’ont pas dépassé le stade de l’approvisionnement en matériel.
Les deux navires mis sur cale aux chantiers navals Amirauté de Saint-Petersbourg ont été sérieusement endommagés par des bombardements allemands et à la fin du conflit les éléments encore sur cale ont évacués pour de nouvelles constructions.
La situation est un peu meilleure pour les seize croiseurs légers. Quatre sont achevés durant le conflit, quatre autres sont toujours en construction à la fin du conflit et sont finalement achevés selon un plan modifié après guerre, les huit autres étant abandonnés.
Sur les quarante-cinq destroyers prévus, douze sont mis sur cale avant l’invasion allemande mais seulement quatre seront achevés durant la guerre, quatre autres le seront immédiatement après selon un schéma différent tirant les leçons du conflit, les quatre derniers étant sabotés avant évacuation des chantiers constructeurs (deux à Liepaja en Lettonie et deux à Odessa en Ukraine).
Quant aux seize croiseurs sous-marins aucun n’à été mis sur cale avant le 21 juin 1950, leur construction étant abandonnée en 1952, le matériel accumulé étant utilisé pour des sous-marins plus conventionnels ou pour réparer des unités en service.
En revanche pour ce qui est des patrouilleurs et des dragueurs, le programme décidé en 1947 sera achevé durant le conflit.
Durant le conflit il n’y aura pas de grands affrontements avec la marine, pas de Jutland en mer Baltique mais la «flotte des ouvriers et paysans» à joué un rôle non négligeable en dissuadant la Kriegsmarine de faire peser tout son poids en Baltique.
Si les cuirassés et croiseurs de bataille ont essentiellement servit de batteries antiaériennes de luxe et de navires d’appui-feu, les croiseurs et les destroyers ont payé de leur personne tout comme les sous-marins, rendant quasiment impossible l’évacuation de la poche de Courlande de ses nombreuses troupes qui de toute façon n’auraient pas changé grand chose au sort de la guerre.
A la fin du conflit la marine soviétique à encore fière allure et peu capitaliser sur une précieuse expérience d’autant qu’elle se tient relativement à l’écart des luttes de pouvoir qui suivent la mort de Staline.
Quand Khrouchtchev accède au pouvoir suprême, il privilégie les sous-marins et les navires lance-missiles. De nombreuses grandes unités sont désarmées, les plus anciennes feraillées ou coulées comme cible.
Il faudra attendre le début des années soixante-dix pour que peu avant sa chute Khrouchtchev ne relance une politique de grands navires avec de nouveaux porte-avions, des croiseurs et des destroyers lance-missiles mais ceci est une autre histoire………..
Cuirassés et Croiseurs de Bataille

Le cuirassé Oktuabrskaya Revolutisya (ex-Gangut)
En septembre 1939 la marine soviétique ne dispose que de trois cuirassés, trois unités de classe Gangut, les Oktyabrskaya Revolutsiya (ex-Gangut), Marat (ex-Petropavlosk) et Parizhskaya Kommuna (ex-Sevastopol), les deux premiers étant stationnés en mer Baltique et le troisième en mer Noire, le «Commune de Paris» étant d’ailleurs navire-amiral de la flotte de la mer Noire.
Ces navires sont totalement dépassés en septembre 1939. Des travaux de modernisation ont bien été menés mais ils ne remplacent pas un cuirassé neuf et moderne capable d’affronter les dernières réalisations allemandes ou japonaises.
De nouveaux navires sont donc nécessaires. De nombreuses études sont menées non sans mal en raison du changement de priorité, des arrestations qui privent l’URSS d’ingénieurs compétents à une époque où elle manque de personnel qualifié !
Finalement le projet 23 est adopté le 13 juillet 1939. C’est l’acte de naissance de la classe Sovietsky Soyouz. Ce sont des navires de dépassant les 50000 tonnes, une vitesse de 29 nœuds et un armement principal composé de neuf canons de 406mm en trois tourelles triples (deux avant et une arrière).
Six navires sont envisagés mais au final seulement quatre seront achevés, les deux derniers prévus dans le plan de 1947 ne seront jamais mis sur cale et à ma connaissance jamais officiellement baptisés, les noms qui circulent étant visiblement des souhaits, des idées de passionnés.
Le Sovietski Soyouz (Union Soviétique) construit aux chantiers navals Amirauté de Leningrad est mis en service le 14 mars 1943 mais ne sera considéré opérationnel qu’en 1944/45, le navire connaissait un certain nombre de défauts sans compter qu’il fallait former les officiers et entraîner l’équipage. Il est le navire-amiral de la flotte de la Baltique.
Le Sovietskaya Ukraina (Ukraine soviétique) construit aux chantiers navals de Nikolaiev en Ukraine est mis en service le 8 novembre 1944. Affecté en mer Noire, il en est le navire-amiral tout comme son sister-ship.
Le Sovietskaya Rossiya (Russie soviétique) construit à Molotovsk (auj. Severodvinsk en Russie) est mis en service le 17 juin 1946. Il est lui aussi affecté en Baltique.
Enfin le dernier navire de cette classe le Sovietskaya Belorussiya (Bielorussie soviétique) construit également à Molotovsk est mis en service le 8 octobre 1948. Il est affecté dans le Pacifique avec Vladivostok comme port d’attache.
La mise en service de ces navires permet le désarmement des vétérans de classe Gangut, l’Oktyabrskaya Revolutsiya est désarmé en mars 1944, le Marat en octobre 1945 et le Parizhskaya Kommuna en mai 1948.
Pour compléter les cuirassés, Staline décide de faire construire des croiseurs de bataille ce qui peut sembler un poil anachronique à une époque où les autres marines privilégiaient le cuirassé rapide mais le faire remarquer au Vjod et vous pouviez être sur de recevoir une visite amicale du NKVD.
Les quatre navires en question forment la classe Krondstadt. Ils sont respectivement Krondstadt, Sevastopol,Stalingrad et Arkangelsk. Ce sont des navires de 35000 tonnes (soit un tonnage comparable aux nouveaux cuirassés rapides) mais leur armement se compose de neuf canons de 356mm en trois tourelles triples (deux avant et une arrière).
Le Krondstadt construit aux chantiers Amirauté de Leningrad est mis en service en mars 1944. Il est affecté en mer Baltique alors que le Sevastopol construit aux chantiers Nikolaïev est affecté en mer Noire dès sa mise en service en juin 1945.
Le Stalingrad construit aux chantiers Amirauté de Leningrad n’est mis en service que le 17 mars 1949. Il est affecté en mer Baltique à la différence du Arkangelsk construit aux chantiers navals de Molotovsk mis en service le 8 janvier 1950 avec le Pacifique pour horizon.
En juin 1950, le corps de bataille soviétique à fière allure avec huit navires modernes et puissants, la répartition trahit les préoccupations de Staline qui concentre quatre navires dans un cul de sac (la Baltique), ne laissant que deux navires en mer Noire (pour dissuader la Turquie) et deux navires dans le Pacifique (pour dissuader le Japon). Aucun navire de ligne n’est en revanche affecté dans l’Océan Glacial Arctique par exemple depuis Mourmansk, seul port soviétique libre des glaces toute l’année.