La fin de l’empire : Abyssinie, Erythrée, Corse
Mussolini rêvait de reconstituer l’empire romain, dominer à nouveau le bassin méditerranéen mais ce rêve totalement chimérique, ce rêve caressé par tant de conquérants se fracassa sur le mur d’une terrible réalité : l’Italie n’à jamais eu les moyens de ses ambitions.
Un auteur italien de l’époque comparera la chute de l’empire italien à un lépreux, l’empire tombait en lambeaux sans qu’il n’y ait le moindre espoir de rémission.

Carte de l’Africa Orientale Italiana (AOI)
Le premier «lambeau» à tomber est naturellement l’Africa Orientale Italiana (AOI) totalement isolée depuis la perte de l’ASI. Il faut attendre l’été 1950 pour que les alliés (français, britanniques, belges) lancent l’opération GIDEON afin de sécuriser définitivement le passage entre l’Extrême-Orient et la Méditerranée.
Cette opération va durer plusieurs semaines jusqu’au début du mois de novembre moins à cause de la résistance italienne qu’à cause du manque de moyens, de difficultés logistiques et d’un terrain guère propice à de grandes chevauchées.
Les unités italiennes notamment la 64ème DI se battent bravement tout comme les unités coloniales pour lesquelles pourtant le haut-commandement italien avait de sérieux doutes concernant leurs capacités militaires et leur fidélité.
Les prisonniers italiens choisiront pour certains de s’engager dans la Légion Etrangère, combattant sous le drapeau français, sur le front allemand ou le front balkanique mais surtout pas sur le front italien où on craignait des fraternisations et un manque de mordant. Inutile de préciser que ces «légionnaires» subissaient un sort peu enviable si ils étaient faits prisonniers par leurs anciens frères d’armes.
La Corse considérée comme une terre irrédente est reprise en août/septembre 1951 (7 août-19 septembre 1951). C’est l’opération MARIGNAN doublée d’une opération de diversion dans les Alpes (opération ARCOLE).
Cette opération MARIGNAN voit l’engagement côté italien de trois divisions, la 60ème DI «Sabratha», la 14ème DI «Isonzo» et la 11ème DI «Brenero», des divisions qui ne sont qu’à 65% de leurs capacités.
Si la première division combat de manière admirable et se montre un adversaire redoutable, les deux autres démotivées, mal entrainées et mal équipées vont vite se débander, générant paradoxalement plus de problèmes que quand elles étaient en ligne.
Acolade, Husky, Dragon…..de mal en pis
Après la chute de la Corse l’Italie était dans une situation dramatique. La défaite était une question de temps et la propagande fasciste avait de plus en plus de mal à masquer la réalité des choses.
Même l’argument de «le sol sacré de l’Italie est encore préservé de la souillure étrangère» tombe quand est déclenchée l’opération ACOLADE, la prise de Pantelleria et de Lampedusa, deux îles dans le détroit de Sicile.
Leur prise était considérée comme capitale pour définitivement sécuriser le passage de convois entre le détroit de Gibraltar et le canal de Suez.
Déclenchée le 11 mars 1952, cette opération voit l’engagement de trois divisions alliées contre des garnisons démotivées, mal équipées et isolées par un blocus sévère.
Après deux semaines de combat, les deux divisions concernées _la 54ème DI «Napoli» à Pantelleria et la 56ème DI «Casale» à Lampedusa_ finissent par se rendre permettant la sécurisation définitive de cette voix de communication vitale pour les alliés.

Carte du relief de la Sicile
Le 15 juillet 1952 les cuirassés et les croiseurs français et britanniques (les navires américains sont rares) ouvrent le feu sur des objectifs côtiers en Sicile. C’est le début de l’opération HUSKY la conquête de la Sicile.
Face aux divisions alliées, les italiens alignent la 11ème Armée, une armée disposant initialement de deux corps d’armée à deux divisions, le 13ème CA (13ème et 53ème DI) et le 15ème CA (50ème et 55ème DI).
Cette armée dispose bientôt d’un 30ème CA composée de deux divisions d’infanterie reconstituées, les 63ème DI «Cirène» et 64ème «Catanzano» soit six divisions d’infanterie sans compter les divisions littorales aux capacités limitées tout comme la brigade cuirassée Ariete sans compter quatre divisions allemandes (dont une blindée).

La brigade blindée « Ariete » disposait de chars P-26/40
Les combats sont violents, féroces, Palerme étant pris à la mi-novembre et Messine en octobre, coupant la retraite d’une partie des troupes germano-italiennes même si une part non négligeable parvient à rallier la péninsule italique.
Pour ne rien arranger le 3 août 1952 les alliés lancent l’opération DRAGON, la reconquête de la Sardaigne. L’île des sardes est défendue par trois divisions régulières, la 12ème DI Sassari, la 21ème DI «Granatieri di Sardegna» et la 80ème DI «La Spezia» sans compter de plus petites unités.
Ce dispositif apparemment puissant est obéré par la démotivation des troupes, le manque de ravitaillement, le manque de munitions, le manque d’entrainement, le manque de tout quoi, les rares convois de ravitaillement étant impitoyablement attaqués par l’aviation, les sous-marins, les mines marine……….. .
Les combats vont durer deux semaines, le Comando Supremo Sardinia capitulant le 19 août 1952, 12500 soldats italiens étant faits prisonniers. Conservés sur place ils vont faire tourner les mines et les usines au profit des alliés. Ce choix était facile puisque c’est ça ou un séjour prolongé dans le désert libyen.
Skylock et le basculement
Le coup de grâce est porté le 10 janvier 1953 quand les alliés débarquent du côté de Tarente, surprenant le haut-commandement italien qui s’attendait à un débarquement du côté de Naples ou de Salerne. C’est l’opération SKYLOCK qui allait porter le coup de grâce au régime fasciste.
Le Gruppo Armati del Mezzogiorno aligne une nouvelle 8ème armée avec les 30ème et 31ème CA avec quatre divisions complètes composées en grande partie de survivants des divisions détruites en Sicile à savoir respectivement les 13ème et 55ème DI ainsi que les 50ème et 53ème DI.
La 10ème Armée aligne toujours ses deux corps d’armée, le 10ème CA qui dispose des 25ème DI «Bologna» et 32ème DI «Marche» alors que le 12ème CA aligne la 27ème DI «Brescia» et la 38ème DI «Puglie».

Panzer V Panther dans un camouflage tardif. Les Panther déployés en Italie lors de Skylock portaient un camouflage sable et vert
Ces divisions subissent le choc allié de plein fouet en compagnie de troupes allemandes (un PanzerKorps à deux divisions blindées et deux corps d’armée à deux divisions d’infanterie) avec lesquelles la défiance règne, Berlin craignant non sans raison le basculement de son allié italien.
Les combats sont particulièrement violents. En dépit d’une puissance de feu supérieure, d’une maîtrise quasi-totale de l’espace aérien les alliés n’avancent pas aussi rapidement qu’ils espéraient ce qui explique peut être pourquoi le théâtre d’opérations italien restera longtemps secondaire dans la stratégie globale des alliés.
La chute de Naples le 21 mars 1953 est la défaite de trop pour le régime fasciste. Mussolini est renversé puis sommairement exécuté. Encore aujourd’hui on ignore ce qui est exactement arrivé au Duce, des versions contradictoires circulent allant de l’accident maquillé en suicide en passant par une véritable tentative d’évasion et une riposte musclée de ses geôliers.
Le 7 avril 1953 un armistice est signé entre l’Italie et les alliés, les allemands occupent une partie de la péninsule. C’est l’opération Asche, une opération prévue de longue date. Les troupes italiennes connaissent des sorts différents.
Certaines résistent avec bravoure, attendant vainement un message du roi réfugié dans les Pouilles ou plus prosaïquement une aide militaire des alliés mais rien ne vient. Des unités se liquéfient complètement, se laissant désarmer ou massacrer par les allemands tandis que d’autres unités se rallient aux allemands pour continuer la lutte.
C’est ainsi que le Regio Esercito Italiano va se diviser entre partisans du roi et partisans du Nouvel Etat Fasciste réfugié dans le nord du pays, régime étroitement surveillé par Berlin échaudé par la trahison de son allié. Une guerre conventionnelle va se doubler d’une guerre civile et tout le monde sait qu’une guerre civile est rarement une guerre en dentelles, une guerre de gentleman.
Une guerre fratricide : italiens contre…..italiens
Deux «armées de terre» vont donc se faire face, des armées jouant un rôle mineur que ce soit pour les alliés ou pour les allemands.
Pour Berlin il est hors de question de reconstituer une puissante armée italienne et de toute façon l’Allemagne manquait déjà un an avant sa propre capitulation d’armes, de munitions et de véhicules alors équiper un allié en quel il n’ont pu confiance……. .
Pour les alliés les réticences sont différentes. Pour la France c’est une hostilité de principe à voir des unités italiennes combattre à leurs côtés alors que pour les anglo-saxons ces réticences étaient militaires (sérieux doutes sur les capacités militaires) et économiques (coût du rééquipement).
Finalement pour faire à une pénurie de troupes les alliés se résolurent à mettre sur pied une armée co-belligérante.
Si le terme de Regio Esercito Italiano est souvent utilisé le terme officiellement choisit est Corpo Italiano de Liberazione (CIL), un nom qui parait-il fit tousser du côté des officiers les plus monarchistes.
De l’autre côté l’armée du régime pro-allemand était baptisée Esercito Nazionale Repubblicano (ENR), armée nationale républicaine, un choix tout sauf innocent, marquant une nette rupture avec la monarchie et la maison de Savoie.
L’ENR qui récupéra des armes saisies par les allemands auprès d’unités italiennes désarmées disposait de quatre divisions et des unités autonomes.
On trouvait ainsi la 1ère DI «Italia» composée de bersaglieri, la 2ème DI «Littorio» qui était une division de ligne alors que la 3ème DI «San Marco» était officiellement une division d’infanterie de marine et que la 4ème Division «Monterosa» est une division alpine.
A côté de ses quatre divisions on trouve des unités autonomes, deux légions de chemises noires, deux bataillons de chars légers, deux régiments d’artillerie lourde, des unités de soutien.

Les deux bataillons de chars légers de l’ENR étaient équipés de M-15/42 totalement dépassés. Les allemands ont promis des Panther mais ces chars ne seront jamais livrés.
C’était donc une petite armée qui aurait bien eu du mal à réaliser le rêve de reconquérir l’Italie et de «châtier les traitres».
D’ailleurs cette armée fût essentiellement utilisée pour des missions de sécurité et de lutte contre les partisans. Les rares occasions où l’ENR fût engagée contre les alliés elle ne se montra guère à son avantage.
Comme toutes les armées liées à l’Allemagne nazie, l’ENR disparu dans les convulsions de la fin du conflit, le taux de désertion ne cessant d’augmenter, nombre de recrues étant à la fin du conflit des recrues forcées qui désertaient dès qu’elles en avaient l’occasion.
L’ENR se rendit coupable de nombreux crimes de guerre, menant une guerre sans pitié contre les partisans. Ceux-ci qu’ils soient royalistes ou communistes ne montrant aucune pitié vis à vis de leurs ennemis, confirmant le caractère abominable d’une guerre civile.
Le Corpo Italiano de Liberazione (CIL) est donc l’armée co-bélligérante, l’armée de terre italienne combattant aux côtés des français, des britanniques et des américains.
Dès le début des négociations secrètes menées dès décembre 1952 via différents canaux la question d’une armée italienne alliée se posa. Les français ne voulaient pas en entendre parler mais les anglo-saxons soucieux de limiter leur propre «note de boucher» déclarèrent n’avoir rien contre.
Les premiers projets étaient particulièrement ambitieux avec une armée de vingt divisions dont quatre blindées mais très vite pour ne pas dire immédiatement le nouveau gouvernement italien du réduire la voilure et ses ambitions, Londres et Washington faisant comprendre au gouvernement italien que le futur CIL était une armée d’appoint étroitement tenue en laisse par les alliés.
Le CIL est officiellement créé le 14 avril 1953. Les premières recrues sont rassemblées en Sicile. On trouve des monarchistes ralliés dès le début au nouveau gouvernement, des exilés italiens de longue date mais aussi des prisonniers de guerre qui trouvaient là un moyen d’échapper à la détention (inutile de préciser que pour ces derniers un tri particulièrement strict était assuré pour éviter l’infiltration d’éléments indésirables).
Avant de crééer des unités autonomes, le CIL mit sur pied des groupes de combat équivalents à des brigades soit à 3 à 5000 hommes. Huit groupes de combat (Raggrupamento di combate) sont mis sur pied.
Ils sont baptisés du nom d’anciennes divisions du Regio Esercito Italiano en l’occurence «Superga», «Cremona» «Friuli» «Legnano» «Mantova» «Piceno» «Isonzo» et «Calabria» et rattachés à des divisions britanniques et américaines.
Ces groupes de combat auraient du aboutir à la création de divisions mais le conflit en Europe s’arrêta avant que cela ne soit possible militairement ou politiquement. Une brigade blindée «Centauro» est bien créée avec du matériel américain mais elle est opérationnelle en avril 1954 donc trop tard pour être militairement efficace.

La brigade blindée « Centauro » était équipée de M-4 Sherman
A ces huit groupes autonomes qui se montrèrent efficaces s’ajoutèrent également des «divisions auxiliaires» ou divisioni ausiliare, des unités comparables à nos unités de travailleurs.
Regroupant des effectifs bien plus importants que le Raggrupamento di combate ils sont chargés de la logistique et de travaux de l’arrière, ces six divisions construisant des kilomètres de route, de ponts, de voies ferrées, des dépôts de carburant et de munitions, des bases aériennes. Une œuvre de l’ombre qui ne sera que tardivement appréciée à sa juste valeur.
Enfin on trouvait également deux divisions de sécurité, divisions dépendant directement du gouvernement italien et sur lesquelles le haut-commandement allié n’avait aucun droit de regard.
A la fin du conflit l’armée co-belligérante est présente dans le sud de l’Autriche et pour certaines unités en Bavière, une situation assez ironique mais les historiens estiment que ce CIL à joué un rôle majeur dans la renaissance militaire de l’Italie.
En ce qui concerne l’équipement il était initialement composé d’armes italiennes récupérées mais progressivement des armes américaines et britanniques ont remplacé les armes italiennes d’origine non sans poser des problèmes logistiques.
Le traité de Paris : une grande ou une petite armée pour Rome
Le conflit s’achève en septembre 1954 par la capitulation du Japon. L’Italie à suggéré l’envoi d’unités italiennes dans le Pacifique mais cette suggestion à été poliment écartée.
Le gouvernement italien avait de toute façon bien plus urgent à faire à savoir pacifier le pays, le reconstruire et éviter qu’une nouvelle guerre civile s’ensanglante un pays épuisé, ruiné, ravagé.
Humbert II abdique bien en faveur de son fils Victor-Emmanuel mais Victor-Emmanuel IV ne règne que du 17 janvier au 4 mars 1956.
La veille un référendum voit les italiens voter en faveur de la république mettant fin à quatre-vingt quinze ans de monarchie (1861-1956). Quand à la maison de Savoie elle est envoyée en exil, exil qui ne sera levé qu’en 2012 pour les hommes mais dès 1995 pour les femmes.
Logiquement le Regio Esercito Italiano devient l’ Esercito Republicana Italiana. Elle ne tardera pas à devenir une puissante armée pour défendre l’Europe occidentale contre la menace soviétique.
Le Traité de paix avec la France signé à Paris le 14 septembre 1957 voit l’Italie céder le Val d’Aoste et payer de lourdes indemnités financières qui seront notamment utilisées pour reconstruire et dévelloper la Corse.
Sur le plan militaire la France aurait voulu de sérieuses limitations militaires mais les anglo-saxons n’ont pas suivit Paris dans son intransigeance.
Si le gouvernement français à obtenu le démantèlement de toutes les fortifications et l’interdiction des armes de destruction massive, il n’à pu obtenir l’interdiction des porte-avions ou la limitation des effectifs ainsi que de leur équipement.
De toute façon l’évolution du contexte géopolitique aurait vite rendu obsolète toutes les limitations. Peu à peu le temps fit son œuvre et les relations entre militaires français et italiens s’apaisèrent au point que les manœuvres franco-italiennes sont désormais très régulières.