Le Regio Esercito Italiano dans le second conflit mondial (3) Les différentes opérations
Avant-propos
Quand le second conflit mondial éclate, l’Italie est de loin le belligérant le moins bien préparé à un conflit qui s’annonce long et compliqué. Les raisons sont nombreuses, des raisons structurelles comme des choix douteux du régime fasciste qui semble avoir fini par croire sa propre propagande, une sorte d’auto-intoxication.
Au combat les divisions italiennes mal équipées souvent mal entrainées vont faire ce qu’elles pourront pour retarder l’ineluctable, renonçant rapidement au rêve d’une «guerre parallèle», se contentant de jouer les supplétifs au profit des allemands puis des alliés à partir d’avril 1953, l’armée co-belligérante jouant un rôle limité aux côtés des français, des britanniques et des américains.
Le conflit terminé, Paris voudra punir Rome en lui opposant de sérieuses limitations militaires mais l’influence des anglo-saxons limitera les ambitions de Paris qui obtiendra le démantèlement de fortifications obsolètes et l’interdiction de posséder des armes de destruction massive.
Avec le temps et les débuts de la guerre froide, Paris reviendra sur sa politique d’hostilité vis à vis de Rome, acceptant une contribution importante de l’Italie à la défense de l’Europe occidentale, contribution dont la part majeure étant une armée blindée à quatre divisions.
Opération Scipion : première perte pour l’Italie (octobre-novembre 1948)
Dans un premier temps l’Italie ne voulait pas s’engager immédiatement le conflit, préférant rester neutre. Il semble que Mussolini à voulu imiter le gouvernement italien en 1914 qui fit monter les enchères entre les deux camps avant de s’engager du côté de l’Entente on sait ce qu’il en est advenu…… .
Seulement voilà contrairement à 1939 où la France et la Grande-Bretagne ont tout fait pour maintenir l’Italie en dehors de la guerre, cette fois Paris et Londres se sentent nettement plus à leur aise et vont tout faire pour pousser l’Italie fasciste à la guerre.
Le 7 octobre 1948 l’Italie se déclare en état de guerre avec la France et la Grande-Bretagne. Trois jours plus tard une déclaration de guerre en bonne et due forme est portée par l’Italie et dès le lendemain les alliés déclenchent l’opération SCIPION, l’invasion de la Sardaigne.
La défense de la Sardaigne est assurée sur le papier par deux divisions d’infanterie, la 12ème DI «Sassari» et la 21ème DI «Granatieri di Sardinia» associées à deux compagnies de chars moyens M-15/42, un groupe de canons d’assaut Semovente da 75/18 plus des unités isolées d’artillerie, du génie, des transmissions, de la logistique ainsi que des unités de milice et de carabiniers.

Semovente da 75/18
En face les unités françaises venues d’Afrique du Nord sont motivées et bien entrainées. On trouve trois divisions d’infanterie (4ème Divvision Légère d’Infanterie [4ème DLI], 83ème Division d’Infanterie d’Afrique [83ème DIA] 82ème Division d’Infanterie d’Afrique [82ème DIA]) associées à des unités montées (2ème Régiment Etranger de Cavalerie [2ème REC], 5ème Régiment de Chasseurs d’Afrique [5ème RCA], 82ème et 83ème Groupes de Reconnaissance Divisionnaire d’Infanterie [82ème/83ème GRDI]), deux bataillons de Renault R-35 (64ème et 66ème BCC) et un régiment d’artillerie lourde, le 180ème Régiment d’Artillerie Lourde à Tracteurs (180ème RALT) disposant de canons de 105 et de 155mm.

Renault R-35
Dès le premier jour les têtes de pont sont consolidées, les rares contre-attaques brisées par de violents bombardements aériens et navals, les contre-attaques de la Regia Aeronautica n’étant que de peu d’effets pour des pertes particulièrement lourdes.
C’est ensuite davantage le temps, les problèmes logistiques et le terrain difficile qui va ralentir la conquête française qui s’achève à la mi-novembre.
Quant aux deux divisions italiennes elles sont virtuellement anéanties, seulement quelques éléments parvenant à rallier la Sicile ou l’Italie péninsulaire pour permettre la reconstitution d’unités.
Opération Merkur : quand la menace vient du ciel
Après leur victoire en Sardaigne et leur défaite en Norvège, les alliés décident de se contenter d’harceler les italiens en Méditerranée, de tenter de couper les communications entre l’Italie métropolitaine, l’ASI, le Dodécanèse et Rhodes.
Pour cela les deux marines et les deux aviations vont être les principaux intervenants. Quant aux troupes terrestres elles sont au chômage technique, quelques raids de «commandos» ont lieu mais pas d’opérations majeures.
Ce sont les germano-italiens qui vont relancer la guerre terrestre en Méditerranée. En février 1949, plus précisément le 5 commence l’opération MERKUR. Cette opération est particulièrement ambitieuse puisqu’il s’agit de s’emparer de la Corse et de Malte mais également de récupérer la Sardaigne.
Pour se faire les allemands et les italiens prévoient d’employer assauts aéroportés et débarquements amphibies.
Si les allemands se chargent de la Corse (MERKUR-I), l’Italie reçoit la primauté de MERKUR-II (Sardaigne) et surtout de MEKUR-III (Malte).
Pour le volet sarde, le haut commandement italien engage la 80ème division aérotransportée «La Spezia» alors que la division «Folgore» est engagée à Malte. Si la première parvient à prendre pied sur l’île, les malheureux parachutistes de Folgore sont dispersés sur toute l’île, pourchassés et finissent par se rendre aux troupes britanniques et parfois françaises.
Après le volet aéroporté, des troupes doivent être débarquées en tentant de passer à travers des patrouilles des marines françaises et britanniques.
Grâce au sacrifice de la Regia Marina, la Sardaigne est reconquise par deux divisions venues de Sicile, la 13ème et la 55ème DI qui subissent de lourdes pertes. La 25ème DI est ensuite envoyée pour achever le boulot à une époque où la France à renoncé à envoyer des renforts aux troupes occupant l’île des Sardes.
Opération Bayard : l’ASI à vécue
Au printemps 1949 alors que l’opération MERKUR est quasiment achevée les allemands lancent l’opération FALL GELB (plan jaune), l’offensive à l’ouest visant la conquête du Benelux et la neutralisation de la France et de la Grande-Bretagne.
Les alliés ont les yeux fixés sur les plaines du nord-ouest, sur le Rhin et la vallée de la Moselle. Les italiens espèrent pouvoir en profiter en Méditerranée mais les réactions des alliés sont particulièrement virulentes avec des campagnes de bombardement massives, des raids commandos, rendant le haut-commandement italien pusillanime.
Le 7 juillet 1949 la frontière tuniso-libyenne s’embrase. L’artillerie lourde française ouvre le feu soutenue par l’aviation mais également par les marines françaises et britanniques.
C’est le début de l’opération BAYARD qui voit les français attaquer à l’ouest suivi dix jours plus tard des anglais qui attaquent à l’est, prennant les forces de l’ASI en tenaille.
Les italiens se battent comme des lions mais sans renforts leur résistance est vouée à s’achever rapidement.
Les dernières forces organisées capitulent le 17 septembre 1949 mais jusqu’à la fin du conflit des bandes de pillards et de déserteurs italiens rendront certaines régions dangereuses pour les militaires isolés. Le pays sera considéré comme pacifié seulement en 1960 !
En ce qui concerne les grandes unités elles connaissent des sorts différents allant de l’anéantissement total et complet à une dispersion des forces aboutissant à de nombreux prisonniers.
Sont complètement anéanties les 1ère Division Libyenne et 61ème DI alors que les autres unités subissent de lourdes pertes mais ne sont pas complètement détruites. La 2ème Division de Chemises Noires et la 60ème DI conservent longtemps leur cohésion mais doivent finir par se rendre, la première aux français et la seconde aux britanniques.
La 2ème Division Libyenne, la 62ème DI, la 63ème DI, la 1ère Division de Chemises Noires subissent de plein fouet l’offensive ennemie ou sont victimes d’une aviation alliée mordante voir de marines alliées rendant le transit par la route côtière particulièrement périlleux.
Les 3ème et 4ème Divisions de Chemises Noires ne sont engagées que tardivement au grand dam de leurs combattants qui compensent un manque d’expérience et de pratique militaire par un enthousiasme très idéologique. Quand elles sont engagées au début du mois d’août elles ne peuvent que limiter les dégâts.
La 64ème DI «Catanzano» stationnée à Tobrouk est engagée en catastrophe pour défendre le grand port libyen. Elle subit de lourdes pertes et ne survit qu’en se réfugiant dans la «Forteresse Tobrouk» où elle va résister jusqu’à l’épuisement des munitions. Les britanniques rendront les honneurs militaires aux militaires italiens.
La division cuirassée «Ariete» est engagée non pas comme unité constituée à vocation stratégique mais par groupes indépendants dont l’impact ne peut que limité comme sera limité l’impact de groupements improvisés de chars constitués avec les chars déjà présents sur place.
Le régime parachutiste libyen est engagé non pas comme unité aéroportée mais comme une unité d’infanterie classique, le haut-commandement italien faisant feu de tout bois pour tenter de retarder une défaite chaque jour inéluctable.
Certaines divisions seront reconstituées en Italie qu’il s’agisse de la 60ème DI «Sabratha», de la 63ème DI «Cirène» et donc de la 64ème DI «Catanzano». L’Ariete va être également reconstituée pour être engagée en Russie au sein du CSIR.
Opération Maritsa : ouragan dans les Balkans (juillet 1949-mars 1950)
L’opération Maritsa est lancée par les allemands pour sécuriser le flanc méridional de la future opération BARBAROSSA (dont le lancement est prévu pour mai 1950) mais aussi pour soutenir l’Italie qui plutôt que d’envoyer des renforts en ASI à préféré se lancer dans une véritable aventure militaire en Grèce, voulant trancher une bonne fois pour toute des relations compliquées avec Athènes.
Les troupes engagées sont celles déployées en Albanie à savoir la 3ème Armée (6ème CA et 8ème CA) accompagnée par la 8ème Armée venue du Mezzogiorno (9ème et 11ème CA) soit huit divisions d’infanterie plus la division blindée «Littorio».
Cette offensive se heurte à une farouche résistance des grecs bientôt aides par des troupes françaises, polonaises et britanniques. Face au risque d’une menace contre le flanc méridional du dispositif «BARBAROSSA» les allemands doivent intervenir.
Douze divisions allemandes (trois divisions blindées [1st PzD, 5th PzD et 12th PzD] , une division d’infanterie de montagne [1st GebirgsjagerDivision], une division parachutiste [3rd Fallschirmjager Division] et sept divisions d’infanterie [3ème, 9ème,14ème,25ème,31ème,35ème DI plus 5. Leichte Division]) sont engagées en compagnie de la 2ème Armée italienne venue de Vénétie qui profite de la désagrégation rapide de la Yougoslavie notamment en raison de la défection d’unités croates qui n’avaient pas envie de mourir pour des serbes.
C’est la meilleure opération menée par les italiens qui à défaut de vaincre ce foutu sentiment d’infériorité à rehaussé un moral mis à mal par les mauvaises nouvelles venues d’Afrique du Nord.
En dépit de moyens importants la Grèce ne sera pas totalement vaincue, le Péloponnèse et la Crète seront conservés par le royaume de Grèce.
Quant aux italiens des unités occuperont la Grèce, en l’occurence la 23ème DI «Ferrara» du côté de Thessalonique ou encore la 28ème DI «Aoste» du côté d’Athènes.
Deux autres divisions formant un 9ème CA couvre l’isthme de Corinthe, le «front grec» en l’occurrence les 47ème DI «Bari» et 48ème «Taro» soutenues par des divisions allemandes. La 29ème DI «Piemonte» est stationnée sur l’île d’Eubée tandis que la 30ème DI assure la défense de la côte occidentale de la Grèce.
En Yougoslavie et plus précisément en Dalmatie et au Monténégro, le Regio Esercito va déployer deux divisions mobilisées tardivement en l’occurence la 1ère DI «Superga» et la 2ème DI «Sforzesca».
Opération Catapult : Dodécanèse et Rhodes out
Depuis le début du conflit le Dodécanèse et Rhodes étaient isolés du reste de l’Italie. Il y eut bien quelques sous-marins, quelques navires transportèrent des hommes et du matériel mais c’était bien insuffisant face aux besoins italiens si jamais Rome avait eu la volonté de faire de ces positions une vraie position de résistance.
Très vite le gouvernement fasciste à fait comprendre aux troupes déployées là bas qu’elles ne bénéficieraient pas de renforts importants.
L’opération franco-britannique CATAPULT est déclenchée en février 1950 initialement comme une diversion pour faciliter l’action des alliés en Grèce mais au final la capture de ces îles va solidifier l’alliance alliée avec Athènes qui récupéra enfin des terres sur lesquelles la Grèce lorgnait depuis des années.
La principale «grande unité» déployée là bas était la 65ème DI «Granatiere di Savoia» qui montre de réelles capacités militaires mais dispersées dans de multiples garnisons elle ne peut pas faire grand chose face aux troupes alliées qu’elles soient françaises, britanniques ou même polonaises.
Corpo Speditionario Italiano in Russia (CSIR) : pourquoi ?
Après la stabilisation du front en France, Berlin plutôt que de concentrer ses moyens à l’ouest décide de se retourner vers l’URSS pour des motifs tout autant économiques qu’idéologiques ou raciaux.
Mussolini comprends qu’il va devoir envoyer des troupes en URSS. Il est particulièrement réticent tant il aurait préféré que tous les moyens des germano-italiens soient engagés pour la reconquête de l’ASI. Bref que l’option méditerranéenne soit privilégiée.
Constatant que sa «guerre parallèle» est devenue une chimère, le Duce n’à d’autre choix que d’accepter l’envoi d’une armée en Russie. C’est l’acte de naissance du Corpo Speditionario Italiano in Russia (CSIR), une armée à trois corps d’armée à trois divisions soit neuf divisions et environ 150000 hommes.
Ce CSIR disposait du 21ème Corps d’Armée regroupant la 134ème Division Blindée «Ariete» reconstituée après l’opération BAYARD (partiellement avec du matériel allemand pour compenser les carences italiennes) et deux divisioni celere, deux divisions rapides, la 1ère division de cavalerie «Eugenio di Savoia» et la 3ème division de cavalerie «Emanuele Filiberto» soit l’équivalent toutes proportions gardées d’un PanzerKorps.
Ce «Panzerkorps à l’italienne» est accompagné de deux corps d’armée composées chacun de trois DI, le 22ème Corps d’Armée composé de la 4ème Division Alpine «Cuneense», la 33ème DI «Acqui» et la 10ème DI «Piave» alors que le 23ème Corps d’Armée dispose de la 5ème DI «Cosseria», de la 7ème DI «Lupi di Toscana» et la 52ème DI «Torino».
Cette armée italienne (qui reçoit ultérieurement le n°15) est intégré au groupe d’armées Sud ayant l’Ukraine puis le Caucase pour objectif, un groupe d’armées composé également de trois armées allemandes, d’une armée roumaine, d’un corps hongrois et d’un corps bulgare.
Ultérieurement un 24ème Corps d’Armée sera envoyé en renfort, un corps d’armée composé de deux divisions d’infanterie motorisée, les 103ème DI «Piacenza» et 104ème DI «Mantova».
Ce CSIR combat jusqu’à l’automne 1952 remportant de belles victoires mais subissant également de lourdes défaites dans les plaines d’Ukraine et en Crimée.
En septembre 1952 alors que les allemands ont reculé sur tout le front russe, l’Italie obtient le rapatriement d’un corps expéditionnaire qui avait subit des pertes particulièrement importantes face aux russes.