Le Regio Esercito Italiano dans le second conflit mondial (1)
Avant-propos
A partir du printemps 1948 les tensions deviennent telles en Europe que la question n’est pas de savoir si la guerre allait éclater mais quand.
L’Italie bien que liée à l’Allemagne hésite à s’engager, craignant probablement de ne pas pouvoir suivre son allié allemand n’en déplaise à Benito et à ses coups de menton.
Berlin d’ailleurs n’informe pas son allié de son projet d’opération en Scandinavie craignant tout autant les fuites que sachant parfaitement qu’une partie des élites italiennes sont hostiles ou du moins très réservées à une guerre contre la France et la Grande-Bretagne.
Aussi quand les premières bombes allemandes tombent sur Oslo, Rome est surprise et très mécontente. Elle proteste vigoureusement mais on peut douter que cela ait beaucoup chagriné Himmler et Heydrich.
L’Italie choisit une position de non belligérance mais cela ne va pas durer suite à de multiples vexations franco-anglaises en Méditerranée. Le 7 octobre 1948, l’Italie se déclare en état de belligérance et la France répond en bombardant l’île de Sardaigne, objectif de l’opération SCIPION.
La mobilisation est lancée dès le mois de septembre 1948 non sans mal, les plans de mobilisation n’ayant pas été mis à jour depuis l’après guerre !
Et si il n’y avait que cela, l’armée italienne manque de tout d’armes, de munitions (trois à six mois de réserve au mieux), d’uniformes, d’équipements.
C’est un vrai dénuement que ne peux compenser le système D à l’italienne voir l’aide allemande, une aide chichement comptée à la fois parce que l’armée allemande est prioritaire mais également parce que nombre d’officiers allemands estiment qu’aider l’armée italienne est un véritable tombeau des Danaïde.
La situation va très vite se dégrader, l’épuisement de stocks qui ne pouvaient être reconstitués, le blocus franco-anglais, une industrie insuffisamment développée et mal organisée empêche le soldat italien de donner le meilleur de lui même.
Sur le plan humain, les techniciens et les spécialistes manquent, la succession de défaites renforçant le sentiment d’infériorité dont souffrait le fante italien.
Il ne faut néanmoins pas se tromper et les vétérans français, britanniques et américains qui ont combattu les soldats italiens ne les ont jamais sous-estimés qu’il s’agisse des troupes d’élite ou même des troupes de ligne. De toute façon ceux qui l’avaient fait n’étaient plus là pour s’en vanter….. .
Mobilisation
En septembre 1948 l’Italie n’à 87 ans. Le royaume dirigé par la maison de Savoie est donc un enfant par rapport à la France et la Grande-Bretagne.
L’identité nationale est fragile ce qui à un impact sur la cohésion de l’armée tout comme un très fort analphabétisme qui impose des unités de recrutement local, nombre de soldats du Regio Esercito Italiano ne parlant que le dialecte local.
L’Italie est en phase de transition entre la société rurale et la société industrielle, les spécialistes et les ingénieurs manquent ce qui ne permet pas à l’armée italienne d’adopter des techniques, des tactiques, une stratégie moderne.
L’entrainement est perfectible et la para-militarisation de la société ne peut compenser un entrainement et une formation très insuffisante. Le soldat italien un peu comme le soldat japonais est soumis à une hiérarchie très stricte, l’esprit d’initiative n’est absolument pas encouragé ce qui peut avoir des conséquences terribles au combat.
Comme toutes les armées européennes (à l’exception de l’armée britannique) l’armée de terre italienne est une armée de conscription.
Chaque homme italien dépend d’une classe qui correspond à son année naissance (ex : la classe 1922 regroupe les hommes nés en 1922, effectuant leur service à partir de 1940), le service durant en théorie 18 mois même si faute de moyens les exceptions sont nombreuses.
Voilà pourquoi si en théorie chaque année on peut compter jusqu’à 400000 conscrits sous les drapeaux, dans les faits on compte 250 à 300000 conscrits.
Après une visite médicale, le conscrit est affecté au service actif, au service limité (servizi limitati) voir à l’exemption.
La durée maximale est donc de 18 mois depuis 1923 mais ont trouve plusieurs motifs de reports et la possibilité de moduler la durée. On trouve également des volontaires, le volontariat étant sous condition (âge, condition physique).
Le service terminé, l’ancien conscrit peut soit se réengager (contrats de un à trois ans) ou rejoindre les nombreuses milices mises en place par le régime fasciste.
Les sous-officiers de carrière manquent car les postes ne sont pas assez attractifs tant au niveau des responsabilités que de la solde. Quand viendra le temps du conflit de nombreux réservistes seront rappelés mais ils n’ont pas la confiance de leurs hommes sauf ceux ayant connu l’expérience du feu en Ethiopie et en Espagne.
Les officiers sont formés dans deux académies militaires (Regie Accademie Militari), à Turin pour l’artillerie et le génie, à Modène pour les autres armes. On trouve des officiers d’active, des officiers de réserve et des cadets.
Les officiers coloniaux sont formés à la Scuola di Addestramento de Tivoli puis servent trois ans outre-mer avant de recevoir un commandement. Comme dans quasiment toutes les troupes coloniales si les officiers sont européens, les sous-officiers et les hommes du rang sont issus des colonies. A la différence de la France et de la Grande-Bretagne il n’y à pas de volonté d’intégrer des officiers autochtones pour diminuer «le fardeau de l’homme blanc».
La mobilisation exécutée à l’automne 1948 permet le retour sous les drapeau d’1.8 millions de soldats appartenant à plusieurs classes. Les premiers rappelés sont ceux de la classe 1929 qui ont été libérés au plus tard le 31 décembre 1947.
Ils sont suivis rapidement suivis par des soldats ayant 40 ans au maximum en 1948 c’est à dire des gens nés en 1908 (classe 1908). Les plus anciens de 40 à 55 ans qui pour certains ont participé au premier conflit mondial rejoignent des unités de milice, des divisions côtières, les milices du parti fasciste, déchargeant les unités de premiere ligne de missions secondaires.
Durant le conflit la ressource humaine va être exploitée au maximum, générant une vraie résistance avec de nombreux réfractaires qui vont alimenter l’opposition au régime fasciste.
Divisions d’infanterie : plus mais pour quelle qualité ?

Défilé avec des reconstituants portant les uniformes du Regio Esercito durant le second conflit mondial
Quand l’Europe s’embrase à nouveau, le Regio Esercito Italiano dispose de quarante-quatre divisions d’infanterie dites de lignes, trente au format standard, sept du type montagne (à ne pas confondre avec les divisions composées d’Alpini) et sept du type autotrasportabile (autotransportables).
*Trente Divisions «standard»
5ème DI «Cosseria», 6ème DI «Cuneo», 7ème DI «Lupi di Toscana», 9ème DI «Pasubio», 11ème DI «Brennero», 12ème DI «Sassari», 13ème DI «Re», 14ème DI «Isonzo», 15ème DI «Bergamo», 18ème DI «Messina», 20ème DI «Friuli», 21ème DI «Granatieri di Sardegna», 22ème DI «Cacciatori delle Alpi», 24ème «Pinerolo», 26ème DI «Assietta», 28ème DI «Aosta», 29ème DI «Piemonte», 30ème DI «Sabaudo», 38ème DI «Puglie», 44ème DI «Cremona», 50ème DI «Regina», 53ème DI «Arezzo», 54ème DI «Napoli», 55ème DI «Savona», 56ème DI «Casale», 57ème DI «Lombardia», 58ème DI «Legnano», 59ème DI «Cagliari» et 63ème DI «Granatiere di Savoia».
*Sept divisions du type montagne
-3ème DI «Ravenna», 4ème DI «Livorno», 19ème DI «Venezia», 23ème DI «Ferrara», 32ème DI «Marche», 33ème DI «Acqui» et 37ème DI «Modena».
*Sept divisions type autotrasportabile
-17ème DI «Pavia», 25ème DI «Bologna», 27ème DI «Brescia», 60ème DI «Sabratha», 61ème DI «Sirte», 62ème DI «Marmarica» et 63ème DI «Cirène».
*Divisions mobilisées
Avec le rappel des conscrits plus ou moins récemment démobilisés, l’armée de terre royale italienne peut (re)mettre pied de nouvelles divisions. Certaines divisions avaient été mises sur pied au moment de la guerre de Pologne mais démobilisées au printemps 1940 pour permettre le retour dans l’industrie et l’économie de bras.
C’est ainsi que six divisions d’infanterie sont remises sur pied, la 31ème DI «Calabria», 41ème DI «Firenze», 47ème DI «Bari», 48ème DI «Taro», 49ème DI «Parma» et 51ème DI «Siena» portant le nombre de divisions à cinquante.
Après ces divisions mises sur pied immédiatement après la mobilisation d’autres divisions d’infanterie sont mises sur pied durant le conflit.
Cinq divisions d’infanterie sont ainsi mises sur pied entre mars 1949 et juin 1950. Ces divisions sont les 1ère DI «Superga», 2ème DI «Sforzesca», 10ème DI «Piave», 16ème DI «Pistoria» et 52ème DI «Torino», de véritables unités de combat destinées à opérer sur les champs de bataille dans lesquels le Regio Esercito Italiano est impliqué.
Trois divisions d’infanterie motorisées sont également mises sur pied, des divisions à la motorisation imparfaite, les 103ème DI «Piacenza», 104ème DI «Mantova» et 105ème DI «Ravigo».
Aux côtés de ces divisions d’infanterie «standard» on trouve également des divisions alpines, des divisions «coloniales», des divisions à vocation aéroportée……. .
-Une division alpine est mise sur pied en janvier 1950, la 6ème Division Alpine «Alpi Graie», division qui ne sera opérationnelle qu’à la fin de l’année.
-En vue de l’opération MERKUR (conquête de la Corse et de Malte, reprise de la Sardaigne) est mise sur pied la 80ème division d’infanterie aérotransportée «La Spezia». Ce n’est pas une division parachutiste mais une division aérotransportée par planeurs.
La division est toute juste opérationnelle pour la plus grande opération aéroportée du second conflit mondial avant PHENIX. Elle est engagée en Sardaigne où elle subira de lourdes pertes. Elle sera reconstituée mais comme unité d’infanterie classique, l’Italie n’ayant plus les moyens d’une opération aéroportée de cette ampleur.
-En septembre 1948 est mise sur pied à Addis-Abeba la 40ème DI «Cacciatori d’Africa», une division d’infanterie destinée à renforcer les moyens disponible en Africa Orientale Italiana. Des hommes viennent d’Italie mais ils sont minoritaires et l’immense majorité des effectifs sont présents sur place. Le renforcement est donc limité et ne changera pas grand chose au sort final de l’AOI.
-Ce sera la même chose avec la 64ème DI «Catanzano», une division créée en octobre 1948 en ASI avec là encore des moyens locaux. Cette division est considérée comme opérationnelle au printemps 1949 même si le décalage entre les tableaux théoriques et les dotations réelles est assez important.
Cette division oppose une farouche résistance aux troupes françaises de l’opération BAYARD mais sera finalement détruite au mois d’août 1949. Elle sera reconstituée en Italie, participant à la défense de la Sicile avant d’être définitivement détruite lors de l’opération HUSKY et non reconstituée.
-Durant le conflit des divisions de garnison sont également levées, des divisions aux capacités et aux moyens fort limités. Elles sont tout juste bonnes à tenir le terrain mais seraient bien incapables de passer à l’offensive.
Huit divisions sont ainsi créées mélant jeunes recrues, vétérans et du conflit, un mélange qui pouvait se révéler catastrophique ou bénéfique selon les moments.
Deux divisions sont ainsi créées pour occuper la Corse (151ème DI «Perugia» et 153ème DI «Macerata»), participant à des opérations contre la Résistance en Corse, opérations qui occasionneront un certain nombre d’exactions et de crime de guerre. En août 1951, elles vont participer aux combats de l’opération MARIGNAN où elles sont virtuellement anéanties.
La 152ème DI «Piceno» est une division de sécurité créé pour défendre la Sardaigne après sa reconquête lors de l’opération MERKUR. Elle est présente dans l’île et là défend lors de l’opération DRAGON (août 1952) où elle est anéantie, moins de 10% des effectifs étant faits prisonniers.
Les 154ème DI «Murge» et 155ème DI «Emilio» sont chargées de missions de police et de sécurité en Grèce continentale, opérant parfois en liaison avec les 156ème DI «Vicenza» et 158ème DI «Zara» qui traquent les partisans royalistes et communistes yougoslaves. Elles se désintègrent au moment du basculement italien dans le camp allié, une partie ralliant les allemands une autre le gouvernement co-belligérant.
Enfin la 159ème DI «Veneto» est déployée en Albanie pour défendre le «pays des aigles» contre les menaces extérieures et intérieures. Sévèrement accrochée par la guérilla albanaise encadrée par les services secrets britanniques, elle se délite au printemps 1952. Elle est officiellement dissoute en septembre de la même année.
Au final ce sont soixante-sept divisions d’infanterie qui vont être engagées par l’Italie durant le second conflit mondial.