NAVIRES DE SOUTIEN
Avant-propos
Comme je l’ai montré à plusieurs reprises, l’arrivée de la vapeur à considérablement augmenté la charge, l’empreinte logistique d’une marine.
Au ravitaillement en nourriture et en munitions s’ajoutait le ravitaillement en carburant, le charbon tout d’abord puis le pétrole et tous ses dérivés.
Il fallait aussi prévoir la maintenance et la réparation des navires sans qu’il y ait forcément de bases bien outillés à proximité. La maintenance était d’autant plus importante que les premières machines à vapeur n’étaient pas connues pour leur exceptionnelle fiabilité.
Tous ces facteurs expliquent pourquoi toutes les marines disposaient de navires de soutien notamment des pétroliers pour ravitailler les bases et les navires en carburant et autres produits pétroliers. Le ravitaillement à la mer fait peu à peu son apparition mais dans ce domaine comme dans bien d’autres, la Regia Marina accusera un retard important qui ne sera partiellement comblé au début du conflit.
Outre les pétroliers nous trouvons des cargos pour le transport de charges solides (nourriture, pièces détachées, munitions, équipements divers), des navires-ateliers, des navires-hôpitaux et parfois des navires aussi spécialisés que des bâtiments hydrographiques ou des câbliers.

Le Giuseppe Miraglia
La marine italienne dispose donc en septembre 1939 de nombreux navires de soutien comme le ravitailleur d’hydravions Giuseppe Miraglia, un navire mis en service en 1928, véritable couteau suisse de la Regia Marina puisqu’il fût également utilisé comme navire-atelier et transport de troupes.
On trouve également les ravitailleurs de sous-marins Pacinotti et Volta mis en service au milieu des années vingt, des navires anciens mais qui étaient encore utiles puisqu’ils étaient encore en service en septembre 1948. Même situation pour le navire de sauvetage de sous-marin Anteo, un navire encore plus ancien puisque mis en service en 1914.
La marine italienne va utiliser également des navires-hôpitaux et des navires d’aide médicale en compagnie de paquebots qui faute de traversées commerciales furent utilisées pour le transport de troupes à travers la Méditerranée.

Le Cristoforo Colombo
La marine royale italienne aligne également deux voiliers-école, les Cristoforo Colombo et Amerigo Vespucci. Ces deux navires survivent au conflit mais le second est cédé à la France comme dommage de guerre alors que le premier reprend son rôle de navire-école militaire mais aussi civil.
Le yacht royal Savoia survit lui aussi au conflit car utilisé comme navire-hôpital. A la chute de la monarchie en 1956, il est revendu à un riche armateur grec prénommé Aristote Onassis qui l’utilisera jusqu’à sa mort en 1994. Il à ensuite été vendu à différents propriétaires avant d’être racheté par l’état italien pour servir de navire-école.
La Regia Marina dispose également de deux câbliers destinés à la pose de câbles télégraphiques mais également à l’arrachage des câbles ennemis, deux navires hydrographiques (utilisés davantage durant le conflit comme mouilleur de mines et transport de troupes), de plusieurs cargos, de transport d’eau, de quatre remorqueurs de sauvetage et de vingt-un grands remorqueurs.
Quand aux pétroliers, ils sont quinze en septembre 1939, le nombre évoluant peu jusqu’en septembre 1948. Le manque de pétroliers explique en partie les pénuries qui vont peu à peu paralyser la flotte italienne.
Les pétroliers civils sont bien réquisitionnés à l’automne 1948 mais cela ne suffira jamais sans compter que les pertes seront toujours bien plus lourdes que les quelques constructions ou réquisition en Yougoslavie et en Grèce.
Durant la période de la Pax Armada quelques navires de soutien sont construits mais leur production n’est pas vraiment prioritaire par rapport aux unités de combat. Quand le second conflit mondial aura commencé cette priorité décroitra encore par rapport aux escorteurs.
Ravitailleur d’hydravions Giuseppe Miraglia

Le ravitailleur d’hydravions Giuseppe Miraglia. Les deux catapultes sont bien visibles
Carrière opérationnelle
-Le Giuseppe Miraglia est mis sur cale à l’Arsenal royal de La Spezia (Regio Arsenale della Spezia) le 5 mars 1921 lancé 20 décembre 1923 et mis en service le 1er novembre 1927.
Le Giuseppe Miraglia est le seul ravitailleur d’hydravions de la marine royale italienne. A la différence du Commandant Teste, il n’à pas été conçu dès l’origine comme un seaplane tender mais était un ferry, le Citta di Messina commandé par la compagnie ferroviaire italienne.
Acquis par la Regia Marina peu après son lancement, il est converti en ravitailleur d’hydravions mais alors qu’il était quasiment achevé, le Giuseppe Miraglia chavire dans une tempête.
Les travaux de renflouement sont dirigés par Umberto Pugliese, le navire réparé est finalement mis en service le 1er novembre 1927.
Le navire participe à la deuxième guerre italo-abyssinienne (1935/36) mais également à la guerre d’Espagne ainsi qu’à l’invasion de l’Albanie au printemps 1939.
Toujours en service en septembre 1948 il sert de ravitailleur d’hydravions, de navire-atelier mais également de transport de troupes ce qui lui vaut un certain nombre de «cicatrices».
Toujours à flot en avril 1953, le Giuseppe Miraglia est saisi par les alliés à Tarente, servant de bâtiment-base pour les navires chargés de dégager le port de Tarente de ses épaves. Vendu à la démolition en septembre 1955, il est démantelé au printemps suivant.
Caractéristiques Techniques
Déplacement : standard 5400 tonnes pleine charge 5913 tonnes
Dimensions : longueur 121.22m largeur 14.99m tirant d’eau 5.82m
Propulsion : deux turbines à engrenages Parson alimentées en vapeur par huit chaudières Yarrow développant 16700ch et entraînant deux hélices
Performances : vitesse maximale 21 nœuds
Protection : ceinture 70mm pont blindé 80mm
Armement : quatre canons de 102mm, douze mitrailleuses Breda de 13.2mm en affûts doubles
Installations aéronautiques : deux catapultes et jusqu’à dix-sept hydravions
Equipage : 16 officiers, 40 officiers mariniers et 240 quartiers-maitres et matelots soit 296 hommes
Les autres navires de soutien
Navires de soutien aux sous-marins
-Ravitailleurs de sous-marins Pacinotti et Volta. Ces deux navires de 3000 tonnes sont mis en service respectivement en 1924 et 1925. Comme le Giuseppe Miraglia, ces deux navires étaient à l’origine des vapeurs construits pour la compagnie nationale de chemin de fers italiens.
Ces deux navires connaissent un sort différent. Le Pacinotti est coulé par un sous-marin britannique en septembre 1952 au large de La Maddalena alors que le Volta est capturé dans le port de Tarente, miraculeusement épargné par les bombes ennemies.
Comme le Giuseppe Miraglia, le Volta participe aux travaux de dégagement et de remise en état des ports de Tarente, de Brindisi et de Bari. Usé et fatigué, le submarine tender est démoli en 1957.
-Le navire de sauvetage de sous-marins Anteo est mis en service en 1914. Disposant de deux grues de 200 tonnes, il peut récupérer des charges lourdes jusqu’à 60m. C’est une véritable base mobile de travaux, permettant le soutien de scaphandriers.
Le navire est toujours en service en septembre 1948. Endommagé à plusieurs reprises, il est démantelé en 1958.
Navires hôpitaux
Durant le second conflit mondial, la marine italienne va utiliser douze navires-hôpitaux et sept navires d’aide médicale (navi soccorso).
Cette distinction est tout sauf sémantique puisque si les premiers sont protégés par la Convention de Genève et en théorie intouchables par les différents belligérants, les seconds sont considérés comme des navires militaires et peuvent donc être capturés ou même détruits. Les douze navires hôpitaux italiens sont les suivants :
-Aquileia (1914) 9448 grt
-Arno (1912) 8024 grt
-California (1920) 13060 grt
-Cita di Trapani (1928) 2467 grt
-Gradisca (1913) 13870 grt
-Pô (1911) 7289 grt
-Principesa Giovanna (1922) 8585 grt
-RAMB IV (1937) 3676 grt
-Sicilia (1924) 9646 grt
-Tevere (1912) 8448 grt
-Toscana (1923) 9442 grt
-Virgilio (1926) 11718 grt
Ces navires sont utilisés non pas simultanément mais successivement. Ces navires sont également employés dans des missions de transport de troupes. Voilà pourquoi sept des douze navires-hôpitaux sont coulés avant mars 1953.
Cinq vont donc survivre, les Aquileia, California, RAMB IV, Sicilia et Virgilio. Ces navires sont réutilisés après guerre comme navires de transport de passagers ou de navires commerciaux.
Quatre sont coulés par l’aviation (Arno,Gradisca,Tevere,Toscana) et trois par des sous-marins (Cita di Trapani,Pô,Principesa Giovanna).
Les sept navires d’aide médicale sont les Giuseppe Orlando,Epomeo,San Giusto,Meta,Laurano,Capri et Sorrento. Trois d’entre-eux vont être coulés (Giuseppe Orlando,San Giusto,Sorrento), les autres survivent au conflit et reprennent une carrière civile après guerre à l’exception du Capri qui reste sous l’autorité de la marine italienne jusqu’à sa vente à la démolition au début des années soixante-dix.
Transports de personnels, Cargos et Pétroliers
-En septembre 1948, quatre paquebots sont réquisitionnés comme transports de troupes à savoir les Duilio, Giulio Cesare,Vulcania et Saturnia. Ces navires sont peints en gris, armés de canons et considérés comme des croiseurs auxiliaires.
Si le Duilio et le Saturnia survivent au conflit, reprenant leur carrière de transport de passagers, le Giulio Cesare et le Vulcania sont victimes du conflit, le premier coulé en juillet 1949 dans le port de Benghazi par l’aviation britannique alors que le second est victime d’un sous-marin français en maraude au large de La Spezia.
-La Regia Marina dispose également au début du conflit (octobre 1948) de vingt cargos, quatre lui appartenant en propre et seize réquisitionnés auprès d’armateurs italiens et étrangers.
Durant le conflit, le nombre de cargos va augmenter avec la construction d’une vingtaine d’unités que l’on pourrait qualifier «d’océanique» (le chiffre exact varie entre 23 et 27), unités complétées par des caboteurs, un modèle allemand appelé Kriegstransporter (KT), soixante-dix unités étant commandées mais seulement seize vont être achevées et mises en service.
-On trouve également quinze pétroliers en octobre 1948, nombre qui va augmenter à vingt-cinq au cours du conflit du moins si l’on se fie aux chiffres du début du conflit, la construction d’unités neuves par des chantiers italiens saturés ne compensant pas les pertes tout comme la capture de pétroliers saisis en Yougoslavie et en Grèce.
-Pays Méditerranéen, l’Italie doit tenir compte d’un paramètre fondamental : l’eau. D’où la présence de neuf transports d’eau, nombre qui passe à douze, le chiffre maximal puisque des unités vont être détruites, les avions, les sous-marins et les navires de surface alliés ne faisant pas la différence entre un pétrolier et un transport d’eau.
Miscellanées

L’Amerigo Vespucci est devenu le Jacques Cartier.
-Deux voiliers-école Cristoforo Colombo et Amerigo Vespucci. Ces deux navires sont désarmés au début du conflit à Trieste. Ils échappent miraculeusement à la destruction. Si le Cristoforo Colombo continue de servir en 2018 la marine italienne, l’Amerigo Vespucci à lui été cédé à la France où il est devenu le Jacques Cartier, un navire-école géré par une fondation publique offrant des stages de formation à la marine à voile.
-Le yacht royal Savoia survit au conflit car utilisé comme navire-hôpital. La république proclamée, il est vendu à un riche armateur grec, Aristote Onassis qui l’utilisera jusqu’à sa mort en 1994. Il à ensuite été vendu à différents propriétaires avant d’être racheté par l’état italien pour servir de navire-école civil.
-La marine italienne possède également deux câbliers destinés à la pose de câbles télégraphiques ainsi que la destruction des câbles ennemis.
Ces deux navires sont le Cita di Milano (1905) et le Giasone (1930). Ces deux navires sont toujours en service en septembre 1948 mais ont disparu en septembre 1954, le premier stationné à La Spezia ayant sauté sur une mine au large d’Ancone en septembre 1950 alors que le second stationné à Tarente est victime de l’aviation franco-britannique en décembre 1952. Un troisième câblier baptisé Rampino sera réquisitionné en octobre 1950 et survivra au conflit.
-En septembre 1939 la Regia Marina disposait de deux navires hydrographiques, les Ammiraglio Magnaghi et Cariddi.
Le premier est un navire construit à l’origine pour cette mission et mis en service en 1913/14 alors que le second est un chalutier japonais est acquis en 1917 et transformé en navire hydrographique en 1923.
Ces navires sont remplacés courant 1945 par deux navires identiques de 5000 tonnes qui reprennent les noms de leurs prédécesseurs.
Ces navires seront utilisés durant le conflit comme mouilleur de mines et transport de troupes. Les deux sont coulés durant le conflit, le premier par l’aviation britannique et le second par un sous-marin français. Le premier est stationné à Naples, le second à Venise.
-Le soutien technique c’est aussi la battelerie symbolisée ici par quatre remorqueurs de sauvetage (Ciclope Polifemo Tesco Titano), des navires toujours en service en septembre 1948.
Si le premier est stationné à La Spezia, le second est déployé à Tarente, le troisième à Brindisi et le dernier à Benghazi.
Ils seront rejoints au cours du conflit par un remorqueur de sauvetage capturé en Yougoslavie à l’été 1949, le Spasilac qui devient l’Instancabile. Sur ces cinq navires, deux seront coulés (Ciclope Polifemo), les trois autres survivront.
Le Tesco est récupéré par la Grande-Bretagne où il devient l’Alba alors que le Titano devient le Titan sous pavillon français, ces deux navires servant respectivement jusqu’en 1960 et 1965. L’Instancabile est rendu à la Yougoslavie où il reprend son nom d’origine, servant jusqu’en 1980.
-La marine italienne possède également vingt et un grands remorqueurs destinés à l’assistance des grandes unités de la marine italienne. Ces navires sont baptisées Ausonia Atlante Ercole Atleta Colosso, Forte,Gagliardo Gigante Robusto Tenace Vigoroso Chirone Costante Egadi Luni,Marittimo,Luigi,Ferdinando,Marsigili,Favignana,Montecristo, Nereo,Porto Empedocle. On trouve également 200 remorqueurs portuaires.