Italie (24) Croiseurs lourds (1)

CROISEURS LOURDS

Avant-propos

Si le navire de ligne à 74 canons est le symbole même de la marine moderne il n’est pas le seul élément des marines du XVIIIème siècle. En effet il existait également des navires plus petits, des frégates, des bricks, des flûtes, des avisos qui menaient les missions où la présence d’un «74 canons» n’était pas nécessaire.

Défendre le commerce contre les pirates et les corsaires, attaquer le commerce ennemi, mener des missions de présence, assurer les liaisons telles étaient les missions de ces navires bien plus souples d’utilisation que les immenses et lourds navires de ligne.

Ces navires vont disparaître avec l’apparition de la coque en fer et de la machine à vapeur, le terme frégate disparaissant au profit du terme croiseur, une famille hétérogène allant des canonnières aux croiseurs cuirassés en passant par les croiseurs légers et les croiseur-éclaireurs.

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Le croiseur cuirassé Giuseppe Garibaldi

Quand émerge le vingtième siècle les grandes marines possèdent globalement deux types de croiseurs, les croiseurs cuirassés et les croiseurs légers, les premiers montrant clairement leur déclassement durant ce qui aurait du être la Der des ders alors que les seconds montre l’utilité pour une marine digne de ce nom de disposer de puissants éclaireurs bien armés, rapides et bien protégés.

Quand le premier conflit mondial se termine, le concept du croiseur cuirassé de l’armoured cruiser est clairement dépassé, les derniers navires si appréciés par la marine française étant retirés du service au cours des années vingt, remplacés par des croiseurs légers et un nouveau venu, le croiseur lourd.

A l’origine de ce type de navire appelé également croiseur type Washington figure une conférence réunie en novembre 1921 dans la capitale américaine pour limiter les constructions navales.

Cette conférence qui réunit les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon, l’Italie et la France établit les limites à ne pas dépasser. C’est ainsi que le navire de ligne/cuirassé est vu comme un navire d’un tonnage de 10 à 35000 tonnes avec une artillerie principale supérieure à 203 mais égale ou inférieure à 406mm.

La construction des cuirassés étant interdite jusqu’en 1931 (puis en 1936), le croiseur lourd va devenir le nouveau seigneur des mers, un navire de 10000 tonnes maximum (en théorie, la tonne Washington permettant de nombreuses interprétations) armé de canons de 203mm (de six à dix), très rapide et peu protégé qui lui vallut le surnom de cuirassé en papier d’étain (Thinclad Battleship).

Ce traité établit également une parité entre deux nations rivales en Méditerranée, la France et l’Italie qui vont reconstruire leur flotte dans l’optique d’une guerre pour la maitrise de la Mare Nostrum.

Les constructions de l’un vont répondre aux constructions de l’autre. Cette rivalité est visible dans le domaine des contre-torpilleurs, des croiseurs légers et surtout des croiseurs lourds où Paris et Rome se marquent à la culotte.

Le calendrier est particulièrement explicite. Cela commence dès 1924 avec la commande côté français des croiseurs lourds Tourville et Duquesne. Les italiens répondant en 1925 avec la commande des croiseurs lourds Trento et Trieste.

Toujours en 1925, la France finance la construction du Suffren suivit en 1926 par la construction du Colbert, en 1927 du Foch et en 1929 du Dupleix. En 1930, la France finance la construction d’un croiseur lourd remarquable, L’Algérie, une unité qui n’aura pas de réel équivalent dans la Regia Marina.

La France à clairement pris de l’avance obligeant l’Italie à réagir avec le financement au budget 1929 des croiseurs lourds Zara et Fiume suivis au budget 1930 par la construction du Bolzano _un Trento modifié_ ainsi que du Gorizia, le Pola étant financé au budget 1931.

En septembre 1939, la marine italienne dispose de sept croiseurs lourds tout comme la marine française. Ces navires ont des capacités comparables à leurs probables adversaires français avec notamment une artillerie principale composée de huit canons de 203mm en quatre tourelles doubles (deux avant deux arrières).

Sur le plan de la vitesse et de la protection si les premiers croiseurs lourds étaient très rapides mais à la protection inexistante les suivants reviennent à de plus sages proportions, les différentes marines sacrifiant deux ou trois nœuds de vitesse au profit d’un blindage supplémentaire, l’Algérie disposant par exemple d’une ceinture de 100mm d’épaisseur.

Durant la période de la Pax Armada (paix armée), la flotte de croiseurs lourds de la marine italienne évolue avec la mise en service de quatre nouveaux navires et le retrait du service actif des unités les plus anciennes et/ou les plus usées.

La décision française de construire trois croiseurs lourds de classe Saint-Louis va pousser l’Italie à réagir en commandant trois nouveaux croiseurs lourds en 1940. Cette décision s’explique à la fois par la nécessité de relever les unités les plus anciennes mais également de prendre en compte la mise en service de ces nouveaux navires.

Ces trois croiseurs lourds clairement issus des Zara sont baptisés Ragusa (aujourd’hui Dubrovnik), Nissa (Nice) et Napoli (Naples). Ils sont mis en service en septembre 1943, en juin 1945 et en octobre 1946 respectivement. Ultérieurement un quatrième navire baptisé Ravenna (Ravenne) est commandé obligeant la marine française à lancer la construction d’un quatrième Saint-Louis, le Charles Martel.

Entre-temps le Trento à été désarmé en septembre 1947 suivi de son sister-ship Trieste en juin 1948.

Résultat en septembre 1948, la Regia Marina aligne neuf croiseurs lourds avec les quatre Zara, le Bolzano et les quatre Ragusa soit une unité de plus que la marine française qui disposait des quatre Dupleix, de l’unique et remarquable Algérie et de trois Saint-Louis en attendant un quatrième en construction.

Durant le conflit, aucune autre construction ne sera lancée, des projets seront étudiés mais ils se heurteront vite au manque de ressources, au manque d’ouvriers qualifiés, au temps très trop important pour les construire et d’autres priorités (escorteurs notamment).

Les pertes seront particulièrement lourdes puisque seuls le Bolzano et le Ravenna survivront au conflit quoi qu’en très mauvais état à tel point que la marine italienne qui étudia leur remise en état y renonça rapidement, les deux navires étant démantelés sur place. Quand aux autres ils ont succombé aux bombes, aux torpilles et aux obus des alliés.

Croiseurs lourds classe Trento

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Le Trento en 1935

Avant-propos

Si les japonais ont commencé la construction des croiseurs lourds avant la signature du traité de Washington, les italiens eux se sont lancés après février 1922, les études commençant réellement en 1923.

Un navire de guerre est un compromis souvent imparfait entre vitesse, protection et puissance de feu. Sacrifier la puissance de feu peut donner un navire inférieur à ses ennemis ce qui explique que le plus souvent on préfère limiter la vitesse ou la protection. Comme à l’époque la vitesse est vue comme un moyen de protection, les premiers croiseurs lourds comme les Trento ou les Duquesne vont être très rapides (plus de 30 nœuds) mais fort peu protégés.

L’ingénieur naval Filippo Bonfiglietti dessine un élégant navire à pont ras, à l’étrave droite mais à la poupe arrondie. L’armement choisit est de huit canons de 203mm en quatre tourelles doubles installées en position «A» «B» «X» et «Y» et un armement secondaire composé de canons de 100mm sans oublier la DCA et les tubes lance-torpilles. Une catapulte et deux hydravions doit permettre au croiseur de mener des missions de reconnaissance et de réglage des tirs.

Deux navires sont financés au budget 1925, des navires baptisés Trento et Trieste, les croiseurs lourds portant des noms de villes italiennes ou italophones ou encore considérées comme telles.

Carrière opérationnelle

Le Trento

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Le Trento à Tarente dans le canal reliant Mare Grande à Mare Piccolo

-Le Trento est mis sur cale aux chantiers navals Odero-Terni-Orlandi (O.T.O) de Livourne le 8 février 1925 lancé le 4 octobre 1927 et admis au service actif le 3 avril 1929.

De juin à octobre 1929, le Trento effectua une croisière en Amérique du Sud et en février 1932 gagna Tianjin avec à bord les fantassins de marine du bataillon San Marco pour une démonstration de force destinée à protéger les ressortissants italiens présents en Chine alors que la tension entre chinois et japonais avait aboutit à de violents combats à Shanghaï. Il est de retour en Italie le 30 juin 1932.

En août 1933, le Trento et le Trieste retrouvèrent leur «demi-frère», le Bolzano au sein d’une 2ème division de croiseurs. Le Trento participa également à la guerre d’Espagne en compagnie de ses trois sister-ship.

Quand éclate la guerre de Pologne en septembre 1939, le Trento forme toujours la 2a Incrociatori Pesanti stationné à Tarente en Calabre.

Usé par un service intensif, déclassé par des croiseurs plus modernes, le Trento est désarmé le 13 septembre 1947.

Son réarmement est étudié un an plus tard mais n’est pas mené à bien en raison de son mauvais état général. Mouillé à Tarente, il sert de ponton. Coulé par petit fond en décembre 1952, il saisi par les alliés lors de l’opération SKYLOCK. Renfloué, l’ex-croiseur lourd est démoli au printemps 1956.

Le Trieste

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Le Trieste avant guerre lors d’essais de camouflage 

-Le Trieste est mis sur cale aux chantiers navals Stabilimento Tecnico Triesto (Etablissements Techniques de Trieste) de Trieste le 22 juin 1925 lancé le 24 octobre 1926 et admis au service actif le 21 décembre 1928.

Affecté à la deuxième division de croiseurs, le Trento opéra généralement avec ses deux sister-ship (Trieste et Bolzano) notamment durant la guerre d’Espagne pour couvrir les convois transportant les «volontaires» italiens en Espagne pour soutenir les Nationalistes et dissuader la marine républicaine d’intervenir massivement, marine républicaine affaiblie par un déficit de cadres compétents, nombre d’officiers ralliant le camp nationaliste quand ils n’étaient pas exécutés par des marins mutinés.

Toujours en service en septembre 1939 il ne l’est plus en septembre 1948. Désarmé le 5 juin 1948 à la suite d’une avarie, son réarmement à été étudié n’à finalement pas été mené à bien pour des raisons aussi bien techniques que financières.

Gravement endommagé par un bombardement aérien français en mars 1949 alors qu’il se trouvait à La Spezia (quatre bombes et deux torpilles), le navire coule droit. L’artillerie est récupérée pour renforcer la défense côtière des côtes de Ligurie, la coque relevée sert de leurre avant d’être définitivement coulée en mars 1952. Relevée après guerre elle est rapidement démantelée.

Caractéristiques Techniques

CA Trento 1932.jpg

Déplacement : standard 10679 tonnes pleine charge 13764 tonnes

Dimensions : longueur : (hors tout) 196.6m (entre pp) 190m pour les Trento et Trieste largeur : 20.6m tirant d’eau : 6.8m pour le Trento et le Trieste

Propulsion : 4 groupes de turbines à engrenages Parson alimentées par 12 chaudières Yarrow développant une puissance totale de 150000ch et entraînant quatre hélices

Performances : vitesse maximale 35 noeuds distance franchissable 4160 miles nautiques à 16 noeuds

Protection : ceinture blindée 70mm pont blindé principal 50mm tourelles de 203mm 100mm bloc passerelle 100mm

Tourelles doubles de 203mm CA Trieste.jpg

Tourelles « A » et « B » du Trieste (tourelles avant)

Armement : 8 canons de 203mm modèle 1924 répartis en quatre tourelles doubles modèle 1924 (deux avant et deux arrières),

16 canons de 100mm Oto Melara modèle 1924 en huit affûts doubles (quatre sur le pont supérieur, deux sur les superstructures avant et deux sur les superstructures arrières)

-4 canons de 40mm et 8 mitrailleuses de 12.7mm remplacés en 1940 par huit canons de 37mm et douze canons de 20mm en affûts doubles.

-Huit tubes lance-torpilles de 533mm en quatre plate-formes doubles.

Aviation : Une catapulte encastrée dans la plage avant Les deux croiseurs embarquaient trois hydravions de reconnaissance. Parmi les modèles embarqués, on trouve le Piaggio P6bis, le Macchi M.41, le CANT 25ARS, le CMASA MF6 et enfin le IMAN Ro43 à partir de 1938.

Equipage : 723 officiers et marins

2 réflexions sur “Italie (24) Croiseurs lourds (1)

  1. Bonjour. Est ce que vous dotez la marine italienne de radars peut être construit sous licence ?

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