ARMEE DE L’AIR (SERVICE AERONAUTIQUE DE L’ARMEE IMPERIALE)
Avant-Propos
Quand l’avion apparaît comme vecteur militaire, les essais sont menés soit par l’armée de terre (généralement le génie ou les transmissions) ou par la marine.
Durant le premier conflit mondial, l’avion devient un outil militaire indispensable pour les opérations militaires. Les aviateurs réclament alors l’indépendance, la possibilité pour les aviateurs de décider eux mêmes de leur équipement, de leur tactique et de leur stratégie.
Bien évidement les armées de terre et de mer ne veulent pas céder leurs avions, estimant qu’ils sont les seuls capables à savoir comment employer les appareils au dessus des terres et au dessus des flots.
Si en Grande-Bretagne et en Italie, des forces aériennes indépendantes voient le jour dès 1918 (Royal Air Force) et 1923 (Regia Aeronautica), les autres pays mettent plus de temps comme la France qui ne franchit le pas qu’en 1933.
L’Allemagne est un cas particulier puisque le traité de Versailles (1919) interdisait à Berlin de posséder une aviation militaire. Il lui faudra attendre 1935 pour que la Luftwafe voit le jour.
Et le Japon dans tout ça ? A ma connaissance il n’y eut aucune tentative de créer une armée de l’air indépendante.
Il faut y voir probablement le fait que l’armée de terre et la marine disposaient chacune de leur propre aviation et que malgré leur profonde rivalité, la Nihon Kaigun et la Dai-Nippon Teikoku Rikkugun se sont alliés pour éviter l’arrivée dans le jeu d’un troisième larron.
«L’armée de l’air japonaise» resta donc un simple service aéronautique de l’armée impériale (Dai-Nippon Teikoku Rikugun Kokubutai), une autonomie assez faible à la différence de l’USAAF qui bien que dépendant de l’US Army était indépendante de facto en attendant de l’être de jure.
Ce service aéronautique est donc lié de manière étroite à l’armée de terre, assurant la couverture aérienne, l’appui-rapproché.
Elle tenta de développer une aviation de bombardement stratégique mais sans résultats probants à la fois pour des raisons industrielles mais également pour des raisons stratégiques.
Cette «armée de l’air» créée en 1912 va disposer rapidement de bons appareils et surtout disposer d’une expérience opérationnelle supérieure aux armées de l’air occidentales, la Luftwafe et la Regia Aeronautica pouvant se targuer d’avoir combattu en Espagne pour la première, en Espagne en Libye et en Ethiopie pour la seconde.
Quand la second conflit mondial éclate dans le Pacifique en mars 1950, le Dai-Nippon Teikoku Rikugun Kokubutai dispose d’appareils qui n’ont rien à envier aux appareils occidentaux en termes de performances.
Ils ont cependant un point faible majeur : l’absence quasi-complète de protection. Privilégiant la maniabilité et la distance franchissable pour faire face à des théâtres d’opérations aux distances gigantesques, les appareils japonais manquaient de protection, réduisant leur marge de manœuvre (les chasseurs américains déstabilisés par la maniabilité des chasseurs japonais parvenaient à se dégager en piquant chose que les avions nippons ne pouvaient faire) mais surtout leur capacité à encaisser les coups.
Ils remportent des victoires magistrales face à l’Armée de l’Air, la Royal Air Force, l’armée de l’air des Indes Néerlandaises, l’USAAF et la Philippina Air Force avec cependant un coût plus élevé que si le conflit avait éclaté quelques années plus tôt.
C’est un avant goût du conflit à venir. L’avancée japonaise est stoppée comme nous le savons en octobre 1951 après l’échec de l’opération contre la Nouvelle Calédonie et dès lors les forces nippones ne vont faire qu’une chose : reculer non sans porter de sérieux coups de griffe.
Faute d’une industrie puissante, les forces aériennes japonaises ne vont jamais pouvoir combler leurs pertes en avions. Pas simplement sur le plan numérique mais aussi sur le plan qualitatif, les avions japonais étant peu à peu déclassés par les avions américains, britanniques et français.
A cela s’ajoute un entrainement déficient des nouveaux pilotes qui ne pouvaient compter sur des vétérans pour grandir. Ils devaient se débrouiller seuls, commettaient des erreurs compréhensibles liés à leur inexpérience, erreurs souvent mortelles.
Pour ne rien arranger, le manque de carburant gênait considérablement l’entrainement à tel point que les derniers pilotes formés l’étaient au décollage mais pas l’aterrissage. De toute façon pour des pilotes destinés à des missions suicides, l’aterrissage est un peu le cadet de leurs soucis.
L’aviation de l’armée de terre japonaise est dissoute le 1er novembre 1954 en même temps que le reste de la Dai-Nippon Teikoku Rikkugun. Elle ne renaitra qu’en 1960 sous la forme de la force aérienne japonaise d’auto-défense.
Historique
A l’origine du service aéronautique de l’armée de terre figure un comité provisoire d’étude pour l’application militaire des ballons. Crée en 1909, ce Rinji Gunyoh Kikyu Kenkyukai regroupe la marine, l’armée, l’université de Tokyo et l’institut météorologique.
Ce comité provisoire porte bien son nom car dès 1910 la marine quitte le navire, préférant faire cavalier seul. Sont mis en germe la rivalité entre l’armée et la marine dans le domaine aérien, rivalité génératrice de nombreux et regrettables gaspillages.
En 1910 toujours, le Japon achète son premier avion, un biplan français de la firme Farman, un grand constructeur aérien de l’époque, Henry Farman étant un pionnier de l’aviation, détenteur de plusieurs records aéronautiques.
Comme dans tous les autres domaines, le Japon va d’abord s’inspirer de l’étranger, se portant acquéreur d’avions étrangers, solicitant l’aide de la France qui envoie en 1918/19 la mission Faure, l’équivalent terrestre de la mission Sempill.
Créé en 1912, le Dai-Nippon Teikoku Rikugun Kokubutai connait une expérience opérationnelle limitée durant le premier conflit mondial, les avions engagés à Tsingtao en 1914 dépendant de la marine.
Les aviateurs terriens connaissent donc leur véritable baptême du feu durant l’expédition de Sibérie (1919-22).
La mise en place d’une «armée de l’air» s’accompagne de la mise sur pied d’une industrie aéronautique pour permettre une autonomie en terme d’équipements. La première firme aéronautique nippone, la Nakajima Aircraft Company est ainsi créée en 1916.
Les premiers avions produits au Japon sont des avions construits sous licence mais très vite des modèles nationaux sortent des chaines de montage. En 1921, Mitsubishi se lance dans la production aéronautique, Kawasaki suivant la même année ce qui fait qu’à la fin des années vingt le Japon possédait une vraie autonomie en terme d’équipement.
A partir de 1931, le Japon se lance dans des opérations de déstabilisation de la Chine, s’emparant de la Mandchourie avant de pousser son avantage en profitant du durable affaiblissement de feu l’empire du Milieu.
L’aviation japonaise va rapidement s’emparer de la maîtrise de l’espace aérien, balayant la faible aviation chinoise du ciel, permettant aux bombardiers de mener de véritables raids de terreur contre les villes chinoises.
Cela lui donne une véritable expérience opérationnelle ce qui fait qu’elle est au moins théoriquement mieux préparée que ses futurs adversaires sur le théâtre Asie-Pacifique.
Néanmoins, elle va se heurter à une opposition décidée des pilotes britanniques, américains, français et néerlandais. Les pilotes japonais vont certes l’emporter au final mais avec des pertes assez sensibles qui montrent les limites de l’outil militaire japonais, une élite qui consommée ne peut être remplacée.
Après l’échec de l’invasion de la Nouvelle-Calédonie, le Japon ne va faire que reculer. Le Dai-Nippon Teikoku Rikugun Kokubutai va tenter de s’opposer à la machine de guerre américaine mais cette opposition sera limitée par des pilotes moins entrainés et des avions dépassés.
Organisation
Généralités et évolution des structures
Avant le premier conflit mondila, l’unité de base du service aéronautique de l’armée est le bataillon aérien ou Koku Daitai composé de deux squadrons (chutai) de neuf appareils chacun auxquels il faut ajouter trois avions de réserve et trois avions destinés au quartier général soit un total de vingt-quatre appareils.
Le 5 mai 1927, le service aéronautique de l’armée est réorganisé avec la création d’un nouvel échelon, le régiment aérien ou Hiko Rentai, chaque régiment disposant de deux bataillons à quatre squadrons, chaque régiment étant mixte avec des unités de chasse et de reconnaissance.
Comme souvent le retour d’expérience favorise une évolution des structures avec la création d’un grand nombre de bataillons aériens indépendants ou Dokuritsu Hiko Daitai voir des squadrons indépendants (Dokuritsu Hiko Chutai).
En août 1938, une nouvelle réorganisation à lieu avec la création du groupe de combat aérien (Hiko Sentai) qui remplacèrent les anciens bataillons et les anciens régiments.
Chaque groupe de combat aérien est mono mission avec trois squadrons divisés en trois flights ou chutai de trois appareils chacun. Avec les avions de réserve et le flight de l’état-major, chaque groupe de combat aérien aligne 45 chasseurs ou 30 bombardiers ou avions de reconnaissance.
Deux groupes ou plus forment une division aérienne (Hikodan), plusieurs divisions avec des éléments de soutien, de socle et un un certain nombre de squadrons indépendants forment un corps aérien ou Hiko Shudan.
Au début des années quarante, le Dai-Nippon Teikoku Rikugun Kokubutai aligne environ 3300 personnes, 1600 avions (dont 1375 avions de première ligne) et 86 groupes aériens (36 de chasse, 28 de bombardiers légers et 22 de bombardement moyen).
Les effectifs vont augmenter un peu durant la décennie quarante, le nombre de groupe aériens passant à 100 avec 40 groupes de chasse, 24 de bombardement léger, 24 de bombardement moyen et 12 de reconnaissance, d’observation et de coopération. On trouve aussi des unités indépendantes d’entrainement et de transport.
Jusqu’en septembre 1948, le corps aérien constitue l’échelon le plus important du service aéronautique de l’armée.
Le 15 septembre 1948, l’échelon de l’armée aérienne ou Koku Gun est créé. Cet échelon dispose de moyens importants et d’une autonomie qu’il l’est tout autant.
La 1ère armée aérienne (QG : Tokyo) couvre le Japon. Elle est chargée à la fois de missions d’entrainement, de formation, de tests. Elle doit également assurer la défense aérienne de l’archipel, une mission secondaire en mars 1950 mais qui devient à la fin du conflit une mission prioritaire, obligeant l’aviation de l’armée de terre à accepter l’aide de l’aviation de la marine.
Si la 2ème armée aérienne (QG : Daichen) couvre la Mandchourie contre une possible attaque soviétique, la 3ème armée aérienne dont le QG est installé à Nankin assure le commandement des unités aériennes engagées en Chine.
La 4ème armée aérienne est activée le 15 mars 1950 pour les opérations contre l’Indochine suivit d’une 5ème armée aérienne créée le 20 mars 1950 pour les opérations en Insulinde (Malaisie Indes Néerlandaises Singapour) et d’une 6ème armée aérienne mise sur pied le 2 avril 1950 pour les opérations aux Philippines.
Début 1951, les armées aériennes sont réorganisées. La 1ère armée aérienne continue de défendre le Japon métropolitain, la 2ème et la 3ème armée fusionnent pour former une nouvelle 2ème armée aérienne, une nouvelle 3ème armée étant créée pour couvrir Okinawa et Iwo Jima.
La 4ème armée aérienne continue de couvrir l’Indochine, la Thaïlande et la Birmanie, la 5ème armée aérienne couvrant l’Insulinde, la 6ème armée aérienne les Philippines, une 7ème armée aérienne étant chargée des opérations aux Salomons et en mer de Corail.
Cette organisation va rester ainsi jusqu’en mars 1952 quand les 4ème et 5ème armée sont fusionnées et la 7ème armée dissoute pour former une nouvelle 4ème armée aérienne. Le dispositif est alors le suivant :
-1ère armée aérienne : Japon métropolitain
-2ème armée aérienne : Chine et Mandchourie
-3ème armée aérienne : Iwo Jima et Okinawa
-4ème armée aérienne : Indochine/Malaisie/Singapour/Indes Néerlandaises
-5ème armée aérienne : Nouvelle-Guinée
-6ème armée aérienne : Philippines
Avec la perte de la Nouvelle-Guinée en janvier 1953, la 5ème armée aérienne est dissoute, ne laissant que la 1ère armée aérienne pour couvrir le Japon, la 2ème pour s’occuper de la Chine, de la 3ème armée aérienne pour Iwo Jima et Okinawa, de la 4ème armée aérienne pour l’Asie du Sud-Est et de la 5ème armée aérienne pour les Philippines.
L’échelon d’armée aérienne est finalement dissous en janvier 1954, ne laissant que les corps aériens qui deviennent indépendants.
Les corps aériens vont désormais engerber non plus des divisions mais des groupes de combat composés de deux à quatre squadrons composés de trois ou quatre chutai de trois appareils.
Autre changement la création à la fin du conflit des tristement célèbres unités d’attaque spéciales, les unités kamikazes censées par leur action écœurer les américains et les pousser à une paix de compromis.
Si leur impact psychologique à été indéniable, leur impact opérationnel, leur impact tactique et stratégique à été plus limité. Le nombre exact d’appareils engagé n’est pas connu mais on l’estime compris entre 1500 et 3000 appareils.
Au printemps 1954, le Japon ne contrôle plus que le Japon, la Mandchourie et la Corée. Un corps aérien s’occupe de la Mandchourie, un second s’occupe de la Corée et les trois derniers s’occupent du Japon.
L’opération Phenix et l’offensive soviétique en Mandchourie entraîne la dissolution de fait des corps aériens couvrant la Mandchourie et la Corée. Quand aux corps aériens déployés au Japon, ils sont utilisés jusqu’à la capitulation nippone. Un corps reste opérationnel jusqu’en novembre 1954 pour s’occuper du processus de démobilisation.
Il faudra ensuite attendre juin 1960 pour que le Japon voit la renaissance de son armée de l’air sous la forme de la Japanese Air Self-Defense Force (JASDF) toujours présente en 2018.
Structures de commandement
Académie de l’Air
La Rikugun Koku Shikan Gakko est l’équivalent de notre école de l’Air. C’est le principal lieu de formation des officiers de l’aviation de l’armée de terre impériale. Elle est implantée à Sayama dans la préfecture de Saitama (nord-ouest de Tokyo). Un aérodrome s’ajoute en 1937, aérodrome utilisé jusqu’en 1954.
Désactivée par la capitulation japonaise, elle est réutilisée par les américains de 1954 à 1964 avant que la force d’autodéfense aérienne japonaise ne récupère le site et ne l’occupe jusqu’à nos jours, les américains l’utilisant de manière épisodique jusqu’en 1978.
Inspection Générale de l’Aviation
Appelée Rikugun Koku sokanbu, l’inspection générale de l’aviation est une section du département aéronautique de l’armée impériale chargée de la planification, de l’entrainement et de la préparation au combat du service aéronautique de l’armée impériale.
A sa tête se trouve un inspecteur général qui à accès au ministre de la Guerre. Cette inspection générale est organisée en une section relative à l’entrainement et à la formation du personnel, une section relative à la recherche, au développement et aux essais, une section destinée aux écoles spéciales aériennes.
A côté de ces sections on trouve des bureaux à l’importance plus faible qu’il s’agisse du bureau de la défense aérienne, du bureau du génie de l’air, du bureau du transport aérien, du bureau de la guerre chimique et d’un bureau destiné aux transmissions et au renseignement.